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Critique de LesProsesdumonde


Recueil de sept nouvelles, enfin plutôt six + un extrait/fragment si on veut être pointilleux, d'environ 200 pages, Wondrak est le nom de la première nouvelle.
J'ai toujours eu du mal à parler de nouvelles, je trouve ça bien plus dur que d'un roman parce qu'il y a plusieurs histoires, plusieurs personnages qui n'ont rien à voir les uns les autres et je ne trouve pas particulièrement intéressant d'énumérer toutes les nouvelles les unes après les autres. Pour cette raison, j'ai décidé de seulement parler de trois nouvelles de ce recueil : Wondrak, La scarlatine et Un homme qu'on n'oublie pas.

Après lecture de cette première nouvelle, Wondrak, qui est relativement courte puisqu'elle fait un tout petit peu plus de 30 pages, je suis restée pantoise, pourquoi l'avoir nommé comme ça ? Il faut savoir que c'est le nom d'un personnage secondaire de l'histoire, le secrétaire de la mairie d'une petite ville située à côté de la forêt où vit Ruzena Sedlak surnommée "Tête de mort" à cause de son nez qui, et bien, n'existe pas, elle a juste un trou au milieu du visage, en gros.
Après avoir longtemps attisé la pitié de la part des villageois, elle se fait remarquer et l'on commence à parler d'elle après qu'ils aient appris que celle-ci est enceinte. Les rumeurs vont bon train, comment c'est possible avec son visage ? qui est le père de cet enfant ? bla bla bla.
Contre toute attente, Ruzena donne naissance à un bébé parfaitement normal et particulièrement beau, mais rapidement, après cinq mois seulement, Wondrak vient la voir au sujet de son enfant, il doit être inscrit dans les registres de la mairie, Ruzena refuse, pour elle c'est un moyen de lui enlever son fils Karel, ce petit être qu'elle chérit de toutes ses forces. Prise de panique à l'idée qu'on lui prenne son enfant elle se plie aux ordres et enregistre son fils à la mairie.

Le temps passe, Karel a dû partir de la maison pour aller à l'école, pour ça non plus elle n'a rien pu faire - c'est la loi. Et puis vient la guerre en Autriche, tous les jeunes sont mobilisés et Karel vient d'avoir dix-huit ans, il doit lui aussi y aller. Ruzena s'y oppose, il ne partira pas, il fera ce qu'elle lui dit de faire. Elle le cache tout en prétendant que son fils est parti, que c'est pour elle une déchirure atroce, mais, Wondrak n'est pas dupe, il a compris le petit manège de Ruzena et il demande à la voir un jour pour la prévenir, l'armée arrive pour venir chercher les déserteurs, ils savent que Karel n'est pas parti comme il devait le faire.
Terrorisée une fois encore à l'idée de perdre son cher enfant - qui n'en est plus vraiment un - elle le cache du mieux qu'elle peut, en vain puisque finalement l'armée réussira à le retrouver.

Au début de ma lecture, je m'étais dit que Wondrak devait être le père ou alors qu'il allait avoir un rôle fondamental dans l'éducation de l'enfant, mais il n'en est rien. On l'aperçoit trois fois en tout, les deux premières pour lui "prendre" Karel, la dernière pour lui "laisser" en quelque sorte. Définitivement, je ne comprends pas pourquoi avoir choisi ce nom plutôt qu'un autre.

Il n'empêche que j'aie beaucoup aimé cette nouvelle, elle met en scène une femme paria qui se moque de vivre à l'écart, qui au contraire désire vivre en marge des autres et veut seulement qu'on la laisse en paix. Il y a très clairement une méfiance vis-à-vis de l'administration qui pour Ruzena est la chose qui lui enlèvera son fils, ce qui est bel et bien le cas.
On sent avec quelle force Zweig rejette la guerre et surtout cette mobilisation qui a lieu dans ce pays, la Bohême du Sud qui ne se sent pas du tout autrichienne et ne veut pas prendre part à la guerre justement. La fin de la nouvelle est très forte de ce point de vue parce qu'elle met en lumière le fait que certaines personnes ont été contraintes de participer aux guerres sans jamais avoir donné leur avis, simplement parce que "leur" pays se battait.

La scarlatine est la deuxième et plus longue nouvelle du recueil, elle est celle que j'ai préférée. On suit un jeune homme, Bertold Berger tout juste arrivé à Vienne pour ses études de médecine. C'est avec plein d'espoir et d'optimisme qu'il va fouler cette ville si longtemps rêvée, mais il ne faut pas s'y tromper, la désillusion point et alors Berger est rapidement enfermé dans sa solitude et sa faible condition sociale. Il ne connaît personne ce qui lui pèse beaucoup. Heureusement, il va rencontrer un homme qu'il va idéaliser pendant une partie du récit : son voisin Schramek un peu plus vieux que lui et étudiant en droit.
Personnification de ce que Berger aimerait être, il va rapidement déchanter après avoir fait la connaissance de l'amie de Schramek, Karla.
Berger va toucher le fond, il va traîner dans les rues de Vienne comme une âme en peine, il va laisser tomber ce pour quoi il est venu, ses études de médecine et va s'enfoncer dans l'isolement.

Au moment où l'on pense que tout est terminé, que Berger a baissé les bras, une rencontre impromptue va avoir lieu, Berger va rentrer tard chez lui, sans ses clés et va être obligé de sonner la concierge pour pouvoir entrer. À la vue de son état, celui-ci commence à se demander ce qui lui arrive, sa fille, elle a la scarlatine.
À partir de là, le récit bascule complètement et Berger reprend goût à la vie, mais c'est sans compter sur le hasard qui ne sera pas de son côté.

Parce que je ne veux pas raconter la fin de cette histoire pour vous laisser la surprise, je vais m'arrêter là. J'ai adoré cette nouvelle parce qu'elle est formidablement écrite déjà - bon un peu comme tout ce qu'il écrit, c'est vrai - et aussi parce qu'on a tous des rêves et que celui de Berger était de vivre à Vienne, de s'y épanouir avec son cercle d'amis et les choses ne se passent pas comme il le souhaitait et surtout, je pense que beaucoup d'êtres ont ressenti cette solitude quand, en réalisant leur rêve de vivre dans une grande ville ils ont dû "abandonner" famille et amis.
C'est une nouvelle très négative, très sombre qui laisse peu de place à l'espoir, il faut bien le dire, mais c'est aussi une nouvelle avec une très grande sincérité qui n'accepte pas les faux-semblants.
Alors, je me suis demandé, Stefan Zweig a-t-il déjà ressenti cette solitude en arpentant les rues de Vienne ?


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