En pique-assiette professionnel, comme tout honnête représentant, les principes qui dirigeaient son existence étaient simples et immuables ; et au nombre de trois :
Manger dans le frigo des autres.
Baiser, en cas, la femme des autres.
Prendre, sous prėtexte de vente, le pognon des autres.
Vous savez ce que dit maman, monsieur César... Elle dit que la seule différence entre les hommes et les cochons, c'est la queue ! Celle des porcs, elle est toute tordue !
Et elle partit d'un éclat de rire qui se fondit dans le lointain.
La table paraissait littéralement surgie d'un conte de fées.
Un cochon de lait confit, la gueule envahie de verdure, le corps rosâtre découpé en grosses tranches jusqu'à l'arrière-train, trônait au centre. Autour étaient disposées une dizaine de terrines grandes comme des soupières contenant divers pâtés, des saucissons, des andouilles, des crépinettes, un jambon fumé entier, des têtes et des pieds de porc en vinaigrette...
Une montagne de tranches de gros pain gris et deux jarres de terre cuite emplies de saindoux complétaient le festin.
Le vin avait la couleur du rubis. Il était vieux, très mûr, avec un râpeux qui titillait agréablement le palais.
Cent fois il se leva d'un bond, les sens et la verge en émoi.
Cent fois il fut sur le point de partir à la recherche de la chambre de la jeune fille, de la découvrir, et de la mettre jusqu'à la garde, en profitant de son sommeil.
Les cochons.
Des monstres obèses, longs, rasant la terre sur leurs courtes pattes.
Leurs énormes flancs velus maculés de substances infâmes.
Leurs gueules de cauchemar plissées, aux groins baveux, aux petits yeux brillants, bêtes et méchants, toute tournées vers lui.
Il avait toujours eu l’esprit lent, mais il était devenu encore plus stupide qu’avant !
Il y avait là, entre ses genoux, en échange de trois verroteries, de quoi le faire vivre luxueusement pendant des années : ne fréquenter que des hôtels de classe, ne manger que dans les restaurants de classe, ne sortir que dans les bars de classe, avec des filles de classe …
Elle aimait l’odeur. Elle aimait son odeur. Son parfum de sueur et de gras qui faisait naître dans son corps de jeune fille des émotions diverses, entremêlées et confuses. Elle fondait de bonheur tout en ressentant, agaçante, une sorte d’insatisfaction.
Les lits étaient un peu durs, mais ce n’en était que meilleur pour le dos.