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EAN : 9782882503176
264 pages
Noir sur blanc (30/11/-1)
4.05/5   19 notes
Résumé :
Avec Ascanio Celestini, l'écriture est une féerie de la création. Son roman Lutte des classes en est un magistral exemple. Quatre personnes qui vivent dans le même immeuble, où se mêlent la loufoquerie et le désastre, nous racontent leurs histoires entremêlées. Il y a d'abord Salvatore, le petit frère de Nicola. Les deux jeunes gens vivent avec leur oncle ( devenu "homme de fauteuil"), après le décès accidentel de leur mère et le départ de leur père pour la Chine. S... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Roman publié en 2009 en Italie, «Lutte des classes» d'Ascanio Celestini a été magnifiquement traduit et publié en 2013 en français aux éditions Notablia.

Héritier du théâtre de narration en Italie, Ascanio Celestini met en scène des narrateurs aux personnalités singulières, et dénonce par leurs voix toutes les formes d'aliénation de nos sociétés contemporaines.
Partant ici du cas de travailleurs sous-payés d'un immense centre d'appel de la banlieue de Rome, il met en scène ici quatre narrateurs, Salvatore jeune adolescent très intéressé par le sexe et le mystère de la disparition de ses parents, Marinella jeune femme solitaire à cause de son bec de lièvre et employée du centre d'appel, Nicola le grand frère de Salvatore et soutien de famille, qui travaille jour et nuit dans le centre d'appel, et enfin Patrizia, jeune femme plus traditionnelle, subissant encore davantage l'écrasement, jusqu'au point de rupture.

Dénonçant les injustices et la précarité, la violence de l'entreprise et des petits kapos, la violence envers les femmes et ceux qui sont différents, les dégâts de la mondialisation, de la consommation de masse et le désastre écologique qui s'ensuit, le contrôle des media par les pouvoirs politiques et financiers, la bêtise de la doctrine religieuse, Celestini est, malgré la dimension tragique de ses récits, toujours extrêmement ironique et drôle. Et c'est avec cette ironie mordante que Celestini pointe du doigt que la lutte des classes est bien une réalité.

«Le jour où on a protesté contre la pénalité de cinq centimes, nous regardions les chefs qui nous regardaient. Ils auraient bien aimé pouvoir nous démonter pour comprendre quel mécanisme s'était cassé à l'intérieur de leurs poupées, pour nous renvoyer à l'usine et faire jouer la garantie. Mais voilà, Barbie se fout en rogne et défonce sa parfaite petite maison. Elle fait cuire une queue de boeuf dans ses petites casseroles et elle empuantit la chambre à coucher de sa petite maitresse en faisant revenir des oignons. Elle chie et elle pisse pour de vrai dans ses petites toilettes roses, elle a besoin d'eau pour tirer la chasse et du tout-à-l'égout municipal pour ne pas attraper le choléra. Elle veut un salaire décent pour s'acheter des vêtements décents au lieu de ses loques décorées de faux diamants. Des sous à dépenser comme ça lui chante, pour un livre ou un morceau de pain, un vin millésimé ou une bière médiocre, un voyage à Lourdes ou une pastille de drogue synthétique. Elle veut être engagée en CDI et elle ne veut plus mesurer vingt centimètres d'exquise beauté pour mendier un peu de pitié affectueuse auprès d'une gamine gâtée qui pue le bonbon à la fraise. Elle exige le treizième mois et les congés payés pour pouvoir aller en Inde ou passer deux semaines enfermée à choisir des divans chez IKEA. Elle réclame le droit d'être soignée quand elle est malade, quand son fidèle Ken lui tient les cheveux pour l'aider à vomir dans une bassine à côté du lit.»

Avec une fantaisie et une vivacité d'enfant, une capacité intacte à questionner le monde et à se révolter pour la cause d'une humanité menacée d'écrasement, Ascanio Celestini déploie une langue très poétique qui rappelle Ian Monk, des textes jubilatoires qu'on a aussi envie d'entendre sur la scène, dits à la face du monde.
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Reçu dans le cadre du masse critique.
"Lutte des classes" est un roman à 4 voix se déroulant en Italie. Les narrateurs se succèdent et incarnent tour à tour, en 4 chapitres bien distincts, la voix de 4 habitants d'un immeuble.
On suit d'abord le point de vue du jeune Salvatore, intéressé par la voisine du dessus et ses petites culottes, puis celle de son grand frère Nicola, qui travaille dans un centre d'appels et lui fait croire à des histoires sexuelles abracadabrantesques. Puis vient le tour de Marinella, une jeune femme préoccupée par son bec de lièvre, qui travaille dans le même centre d'appel que Nicola et qui se demande si elle rencontrera l'amour un jour. Enfin, le roman se termine par la voix de Patrizia, jeune femme fantasmée par ses voisins et particulièrement engagée dans l'anti-consumérisme.
C'est elle qui va lier tous les autres personnages entre eux et donner un sens à ces voix qui se croisent sans se connaître réellement.
L'intérêt de ce roman réside dans la manière dont l'auteur distille différents éléments racontant la vie des personnages et leur intéraction tout en conservant du suspense en ne révélant les éléments primordiaux seulement dans les dernières pages de chacun des récits. Ainsi apprend-on pourquoi Nicola décide-t-il de ne plus nourrir son vieil oncle -
Le style de l'auteur varie également en fonction des narrateurs, plus rythmé et piqué dans le discours de Marinella, personnage hautement revendicatif; plus innocent (et pourtant!) et enfantin forcément chez Salvatore. S'entendent d'autres voix ponctuellement, celle du vieil oncle racontant leur fraude à l'assurance par la congélation de leurs poulets ou celle du père de Marinella rescapé des camps et ayant dû tuer son propre frère dans les camps, sans rien pouvoir faire contre ça. Lutte des classes, il en est évidemment question dans ce roman, qui décrit des destins emprisonnés dans le train-train d'un quotidien morne et dépressif, et qui finissent par se rebeller à un moment donné pour y trouver peut-être un semblant de quiétude.
Un bon roman, revendicatif et bien écrit, décrivant des laisser-pour- compte du quotidien, des gens normaux avec leur secrets et leurs fantasmes.
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Chaque personnage est le narrateur d'une partie du livre. Salvatore débute, suivi de Marinella, Nicola et Patrizia. Chacun raconte selon son âge, son sexe, son histoire ce qui se passe autour de lui. L'histoire de Salvatore est un peu différente des trois autres : c'est le seul enfant, il ne travaille pas au centre d'appels et même s'il est préoccupé par des questions sexuelles n'a pas encore d'envie d'aller plus loin dans des relations. le style général du bouquin est sur le même ton, des phrases assénées, courtes assassines parfois, directes, dans un langage courant, familier, avec parfois des petits morceaux de vulgarité, mais rien d'inaudible par nos oreilles habituées à bien pire à la télévision ou à la radio ou même à la maison parfois (sauf pour ceux et celles d'entre nous qui ont des enfants irréprochables qui n'écoutent ni ne retiennent les gros mots de l'école et dont les lèvres-les-nôtres, celles des adultes- ne laissent jamais passer un mot grossier)
Ascanio Celestini s'en prend brutalement et frontalement au monde du travail, à la précarité, aux grands capitalistes qui profitent du système et du besoin des gens de travailler pour vivre. Son constat est dur, réaliste ; certains cumulent plusieurs petits boulots mal payés pour subvenir à leurs besoins pourtant primordiaux : se nourrir, se vêtir, payer le loyer. Ils survivent, tentent de donner du sens à cette vie difficile et abrutissante. C'est un roman sombre, mais qui étonnamment n'est pas pesant. L'écriture de A. Celestini est enlevée, très proche du langage parlé. Il émaille son texte de passages drôles, qui l'aèrent un peu sans alléger le propos mais en le faisant passer sur un ton plus alerte. Néanmoins, je me dois d'écrire ici que certains passages sont redondants : plusieurs narrateurs racontent le même fait parfois sans y apporter de précisions supplémentaires, des lignes dont on pourrait aisément se passer.
Un roman très atypique, dont il m'est bien difficile de dire si je l'ai aimé ou pas. Il en va parfois ainsi de certains bouquins. Mais je crois pouvoir affirmer que l'atmosphère qui s'en dégage et les personnages me resteront en tête. Un livre qui marque ne serait-ce que parce qu'il sort du lot.
Lien : http://lyvres.over-blog.com/
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Des personnages sur le berceau desquels aucune bonne fée ne s'est penchée racontent leur vie malmenée par la société. Des vies croisées, faites d'un quotidien sans grandes illusions, plein de petits et grands soucis et sans réelles satisfactions. Il est difficile de s'identifier à ces personnages passifs à la vie sans relief, mais leurs remarques désabusées, dites d'un ton humoristique, sont si réalistes et leurs constatations si vraies que m'on ne peut s'empêcher de se sentir de leur côté. le livre est sympathique par le plaisir qu'il donne à sourire de sujets sérieux ou futiles, même si j'ai trouvé les effets humoristiques un peu trop répétitifs et finalement un peu lassants à lire. Je vois en quatrième de couverture que l'auteur est aussi dramaturge, acteur et musicien et n'en suis pas surpris. J'aurais sans doute pris beaucoup plus de plaisir à entendre ce texte dans un café théatre pour lequel son style parodique serait parfaitement adapté.
(lu dans le cadre de l'opération masse critique).
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Le livre en lui-même est déjà très beau : papier de grande qualité et non blanchi, page de garde rouge et typographie particulièrement agréable à lire.
« Quand le docteur a ouvert ma mère, il n'a pas trouvé l'oesophage », première phrase, le ton est donné. Ce récit pourrait être celui de notre voisine, le nôtre, celui de cet inconnu que l'on rencontre chaque matin... Les quotidiens des protagonistes s'enchevêtrent en un canevas : tous sont liés par la lutte des classes. La narration change à chaque partie : les quatre personnages principaux y vont chacun de leurs pensées et névroses, ils nous ressemblent.
Beaucoup de bons mots, écriture rafraichissante et désopilante (un peu un croisement entre Nothomb à sa grande époque et Benchetrit...). Très plaisant livre-mosaïque, avec rebondissement étonnant lorsque le récit commence à être un peu long.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Il y a des gens que ça amuse de jeter de la nourriture. Ils la rapportent chez eux dans leur cabas en plastique, ils la mettent au frigo et ils attendent qu’elle se transforme en immondices. On dirait qu’ils l’achètent exprès pour la balancer à la poubelle. Des gens qui achètent des immondices pour les jeter à la poubelle et aller se coucher tranquilles. Des boîtes emboîtées dans des boîtes, du papier empaqueté dans du papier, du plastique plastifié qui traverse l’Italie et le monde sur les autoroutes hiver comme été pour être jeté dans une poubelle à l’étranger. Si ça se trouve ce lait a été produit à l’autre bout du monde. On trait les vaches en Pologne, on écrème le lait en Hollande et on le vend en Italie. Et quand il se transforme en immondices il finit dans une décharge napolitaine, on l’emballe dans les Abruzzes, il voyage en train jusqu’en Allemagne où un ouvrier turc défait la balle, différencie, recycle et revend le plastique qui va servir à faire la bouteille de lait. Et toi tu rachètes du lait pour le laisser tourner au frigo. Parce que tu n’as pas le temps d’en boire, parce que tu fais trois boulots, parce que la fois où tu avais quatre sous de côté la banque t’a dit « investis ton argent, achète des actions Parmalat » et que tu es devenu un nouveau pauvre et que la télévision parle de toi quand elle parle des Italiens qui « n’arrivent pas à la fin du mois », c’est comme ça qu’on dit. La fin du mois, la fin de l’année, la fin du monde en direct à la télé. Que des produits à date de péremption.
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Quand le docteur a ouvert ma mère, il n'a pas trouvé l'œsophage. Il avait brûlé à cause de l'acide. Mon père s'en servait pour tuer les rats dans la poulaillère. [...] Alors il jetait de l'acide dans les trous à rats et il les brûlait. Mais l'hiver n'était pas loin et mon père voulait savoir si avec le froid l'acide gèle. Il disait "si ça se trouve je leur balance de l'acide dessus et au lieu de cramer les rats font du patin à glace". Il a mis la bouteille au freezer pour faire un test et ma mère l'a sifflée. C'est arrivé par erreur. Quand le docteur l'a ouverte, il n'a pas trouvé l'œsophage. (p.9)
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Il y avait quelque chose de tragique chez mon oncle.
Quelque chose qu’on ne trouve que dans les multitudes de personnes, d’objets ou de concepts. Il a le charme de ces milliers de sacs-poubelles qu’éventrent des nuées de mouettes omnivores en transhumance au-dessus des décharges. Il dégage le même attrait dégoûtant, la même séduction répugnante que la menace aux aguets. C’est un malheur posé dans un fauteuil, le Chinois qui attend assis au bord du fleuve, qui t’attend pour te faire trébucher. C’est la toile d’araignée qui se remplit de poussière en attendant que passe une mouche. (…)
Même son cerveau émettait une odeur et du bruit, un bourdonnement un peu métallique du genre que fait un frigo qui va bientôt lâcher et qui commence à cracher une fumée acide. Un ronflement qu’accompagne la puanteur du fréon. Et puis le frigo s’ouvrait et on apercevait quelque chose à l’intérieur. Derrière ce simulacre, un être humain pointait le bout de son nez, une voix s’élevait, et alors on s’arrêtait pour l’écouter.
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Quand le docteur a ouvert ma mère, il n’a pas trouvé l’œsophage.
Il avait brûlé à cause de l’acide. Mon père s’en servait pour tuer les rats dans la poulaillère. Il disait qu’avec ses pièges mon oncle n’était pas fichu d’en attraper un seul, que le fromage et la tapette à ressort, ça ne marche que dans les dessins animés de Tom et Jerry. Alors il jetait de l’acide dans les trous à rats et il les brûlait. Mais l’hiver n’était pas loin et mon père voulait savoir si avec le froid l’acide gèle.
Il disait « si ça se trouve je leur balance de l’acide dessus et au lieu de cramer les rats font du patin à glace ».
Il a mis la bouteille au freezer pour faire un test et ma mère l’a sifflée. C’est arrivé par erreur. Quand le docteur l’a ouverte, il n’a pas trouvé l’œsophage.
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Ce monde est sûrement la parodie d’un autre monde.
Quelque part ailleurs qu’ici, il y a quelqu’un qui nous ressemble, qui mène une vie pareille à la nôtre, mais qui le fait sérieusement. Alors que nous, sur cette planète un peu aplatie aux deux pôles, nous singeons une vie qui ne nous appartient pas, pour laquelle nous ne sommes pas à la hauteur.
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