AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Floyd2408


Lorsque je suis dans les dédales de ma libraire indépendantes, et je me retrouve face à face à cette première couverture, mise en page par Stéphane de Groef, un cercle jaune, tel un soleil ou des motifs le parsème, oeuvre de Louis Soutter, un peintre suisse excentrique, le titre, La bouche pleine de terre suivi de la mort de M. Golouja de Branimir Scepanovic, traduit du Serbe par Jean Descat des Éditions Tusitala, collection Insomnies, je suis curieux et lis le quatrième de couverture, tout aussi étrange que passionnant, je suis conquis pour me lier à tout jamais à ce roman.
Cette édition offre ce livre broché dans un habillage de curiosité ou l'art graphique distille un visuel moderne et vivant, oeuvrant le lecteur à une caresse des yeux et titillant ses sens, avec ces deux dessins, illustré par Bernharda Xilko comme tableau résumant à merveille les deux histoires de ce roman.
Cet auteur serbe vivant à Belgrade, écrit depuis l'âge de 17 ans, il vu le jour en 1937, au Monténégro, ce récit édité en 1974, traduit en France en 1975, ce texte La bouche pleine de terre, demeure une référence classique de la littérature Serbe, le deuxième texte, La mort de M. Golouja, sera publié en 1977.
La bouche pleine de terre est un texte polyphonique, à deux voix, l'une fait écho à l'autre, celle de cet homme en fuite et de ceux qui lui cours après, une même histoire racontée différemment selon les protagonistes. le second est plus court, La mort de M. Golouja, au style indirect narre cet homme perdu dans un village aux habitants hermétiques à la nouveauté, s'interrogeant sur l'intrusion de cet homme discret dans leur bourg, pourquoi celui-ci pour ces vacances ! La similitude de ces deux textes, c'est la folie des hommes et la mort, une trame s'instaure, la dramaturgie est palpable presque inévitable.
La bouche pleine de terre, ce premier récit à double voix, s'articule autour d'un homme en fuite, une cavale sans aucun but, cet homme s'évade d'un train, comme s'il en était prisonnier, oppression des passagers , dégouts de la nourriture qu'il vomit, sort de ce train lors d'un arrêt, comme un coup de tête, l'absurdité d'une folie latente, puis commence une course, une fuite de sa vie, une folle escapade dans une nature pas hostie à cette aventure, une nature accompagnant la course de cet homme face à son destin. Cette course entraine notre homme dans une fin sans retour, rencontrant deux chasseurs campant et sans savoir pourquoi décident de le suivre, de le poursuivre, un « mouvement irrésistible » et ces deux hommes Jakov et le narrateur. L'autre récit est indirect, l'homme ne se raconte pas, ce qui est encore étrange, un style renforçant la part de mystère de cet homme. Au fil de cette cavalcade irréelle, la meute s'étoffe petit à petit, d'un berger, des gens inconnus, de femmes en noir gémissant et lamentant, comme ensorcelés, cette parodie me rappelle Rhinocéros de Eugène Ionesco, la transformation de ces hommes et femmes en cet animal. Les poursuivants étant les Rhinocéros, ce ne sont plus des hommes mais des animaux de haines et sauvageries, hurlant une haine incompréhensible. Notre inconnu fuit sa vie, celle perdu dans un hôpital, une maladie gangrénant ses espoirs, une course vers une chute folle, incertaine.
Il y a dans cette histoire l'ombre de Kafka flottant dans cette chevauchée fantastique, chaque personnages s'incrustent dans une l'allégorie de Branimir Scepanovic, comme cet homme fuyant, cherchant la métamorphose comme le roman de ce dernier, c'est inéluctable, notre fugitif va vers cette mutation animal qu'il aspire à lui pour finir La bouche pleine de terre.
Le deuxième récit plus court est aussi intrigant que le premier comme la bêtise humaine de ces habitants et de ce M. Golouja perdu dans ce bourg sans savoir pourquoi, oubliant comment il a pu se perdre ici, croyant être arrivé par le train, dans cette gare qui n'existe pas se perdant devant un pont pour fixer l'eau et mentir à ces villageois sur sa venue, qui va l'entrainer à sa perte comme happer par ce mensonge, ce sésame lui ayant donné une vie éphémère qu'il a toujours voulu avoir, un mirage de réalité pour une mort annoncé par ce titre annonciateur.

Ces deux histoires emportent le lecteur dans l'univers débridé de Branimir Scepanovic sur la nature humaine, de l'absurdité de celle-ci, comme Albert Camus, Eugène Ionesco. Les deux contes, intemporels entremêlent avec beaucoup d'ironie une perception acide, pessimiste aussi la condition de l'être humain, s'amusant mots après mots à faire à distiller ce paysage sombre et amusant où la mort peut être belle et libératrice.
Commenter  J’apprécie          30



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}