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Résumé :
Dans le contexte actuel de stricte sélection des dossiers, les demandeurs d'asile en France connaissent un long et difficile parcours avant d'obtenir le statut de réfugié. Dans quelles conditions et au prix de quelles négociations les organisations institutionnelles et associatives sont-elles devenues les acteurs des politiques d'accueil et d'aide aux réfugiés ? Estelle d'Halluin-Mabillot analyse le rôle des acteurs associatifs dans la procédure d'asile : conseiller... >Voir plus
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Terre d'asile, la France, a longtemps octroyé généreusement le statut de réfugié à quiconque invoquait des craintes de persécution. Elle le faisait d'autant plus volontiers que les demandes étaient peu nombreuses. Mais depuis la fin des années 70 et la fermeture des frontières à la main d'oeuvre étrangère, les demandeurs se sont multipliés et, avec eux, le nombre de déboutés.
De nombreux travaux juridiques et sociologiques ont déjà pris pour objet d'étude les instances étatiques chargées d'étudier ces demandes et de délivrer le titre de réfugié : un établissement public administratif, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), et une juridiction spécialisée, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Dans la thèse de sociologie qu'elle a soutenue en 2008 à l'EHESS, Estelle d'Halluin s'intéresse aux associations qui, en amont, aident les demandeurs à préparer leurs dossiers. Qu'elles fournissent des conseils sociojuridiques comme la Cimade ou une expertise médicale comme le Comité médical pour les exilés (Comede), ces associations sont soumises à des injonctions paradoxales : accueillir l'exilé avec hospitalité mais dans le même temps le préparer à un processus de sélection rigoureux.
L'OFPRA et la CNDA ont des attentes institutionnelles auxquelles le demandeur doit satisfaire. Les associations les ont intégrées qui aident le requérant à la rédaction de son « récit de vie », la bibliographie argumentée qui énonce les persécutions subies et devra emporter l'intime conviction du décideur. le rôle de ces « passeurs d'histoire » est de faire entrer ce récit dans les catégories juridiques de la Convention de Genève. de la même façon, les médecins et les psychologues sont sollicités pour produire un certificat médical attestant l'ampleur des séquelles physiques des persécutions subies. Dans un cas comme dans l'autre, la démarche ne va pas de soi quand la politique nationale, toujours plus concertée à l'échelle européenne, enjoint d'accélérer la procédure d'évaluation des dossiers. Il faut brusquer le requérant pour lui faire raconter des épisodes douloureux et dévoiler des blessures traumatisantes. L'ouvrage entend restituer les dilemmes pratiques et moraux auxquels les intervenants sociaux comme les médecins sont confrontés dans leurs pratiques quotidiennes, et la manière dont ils les tranchent. Les comparaisons opérées avec des acteurs du monde associatif britanniques et canadiens montrent que la gestion par le monde associatif de telles injonctions contradictoires est un trait caractéristique des politiques contemporaines de l'asile dans les démocraties ayant ratifiées la Convention de Genève.
La démarche est d'autant plus délicate que, les demandeurs étant très nombreux et les ressources des associations limitées, elles sont obligées d'opérer, fût-ce inconsciemment, une forme de sélection. Cette nécessité est difficilement dicible pour des salariés et des bénévoles mus par un « militantisme de solidarité ». Elle n'en est pas moins inévitable. Utilisant les travaux de Jon Elster sur la notion de « justice locale », Estelle d'Halluin montre que deux modalités de discrimination sont possibles. La première, orientée vers le passé, est fondée sur le mérite des demandeurs : ceux qui auraient le plus de chances de voir leur demande aboutir seraient les mieux traités. La seconde, orientée vers le présent, est fondée sur leurs besoins humanitaires : on fait plus d'efforts vers les plus vulnérables.
Dans un des chapitres les plus intéressants de sa thèse, Estelle d'Halluin fait la sociologie des employés, salariés ou bénévoles, de ces associations. Elle identifie une professionnalisation des intervenants sociaux : les pionniers, militants, peu diplômés et formés sur le tas, qui étaient parfois d'anciens demandeurs d'asile auxquels le statut de réfugié a été accordé, côtoient désormais des travailleurs plus jeunes et plus qualifiés, qui possèdent souvent une solide formation juridique. Ils partagent plusieurs traits communs : une ouverture vers l'étranger et vers l'Autre, la défense de l'accès à certains droits fondamentaux, une commune hostilité aux politiques anti-migratoires de préférence nationale …

La lecture de ce travail très dense, reposant notamment sur une observation participante menée pendant plus de deux ans, en qualité de bénévole, a la Cimade, pourra être utilement complétée par le visionnage d'un documentaire remarquable sorti en salles début 2010, Les Arrivants de Claudine Bories et Patrice Chagnard, qui plante sa caméra dans un centre d'hébergement et présente l'inlassable dévouement des travailleurs sociaux pour accommoder les demandeurs d'asile.
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