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Critique de Woland


Présentation & Notes : Micheline Cuénin

ISBN : 9782715226333


Si vous cherchez un récit objectif sur la Fronde des Grands qui devait avoir, sur Louis XIV, l'influence que l'on sait, alors, ce sont les "Mémoires" de Marie d'Orléans qu'il vous faut. D'autant que, en prime, celle qui devint assez vite la veuve de Henri II de Savoie, duc de Nemours, pratique l'humour avec talent et, en dépit de sa naissance (ou à cause de celle-ci ?) a, pour dépeindre la noblesse, l'oeil clair, prompt et implacable du rapace. En bien ou en mal, du Grand Condé au plus oublié des Frondeurs, tout le monde passe ici, en un style qui ne se départit jamais d'une élégance naturelle, à la moulinette.

La fille aînée d'Henri II d'Orléans-Longueville et de Louise de Bourbon n'est guère tendre pour les membres de sa caste et ceci bien que, au nombre des Frondeurs, figure son propre père. Sans méconnaître leur valeur foncière, elle les blâme de se comporter comme des trublions, des têtes folles qui, dans l'espoir de rétablir plus ou moins le système féodal auquel Richelieu et Mazarin croyaient avoir porté le coup de grâce, n'hésitent pas à pactiser avec l'ennemi espagnol et à favoriser aux quatre coins du royaume une guerre civile dans laquelle ils ne voient qu'une sorte d'amusement légitime dû à la classe dont ils sont issus alors que le peuple, lui, souffre misère au milieu de tous ces combats.

Précisons d'ailleurs que le récit de Melle de Longueville - tel était le titre sous lequel était connue Marie d'Orléans avant son mariage - ne concerne que la Fronde. Quand elle doit se mettre en scène, elle utilise une troisième personne qui, bien loin de toute arrogance, lui permet de prendre un peu plus de recul face à des personnages et des événements qui, bon gré, mal gré, ont fait notre Histoire et qu'elle évoque un peu comme le ferait, de nos jours, un excellent journaliste de terrain.

Car le regard personnel que pose sur la Fronde la duchesse de Nemours est à la fois critique, aussi impartial que possible même si très incisif et plus ou moins teinté d'ironie devant certains comportements. Avec les pages de la Grande Mademoiselle sur cette même période et à mille lieues des débordements narcissiques d'un cardinal de Retz, ces "Mémoires" fournissent l'essentiel de ce que l'on doit savoir sur la Fronde. Sobres, précis, sans fioritures inutiles, ils nous la restituent au plus proche de ce qu'elle fut : une rébellion parlementaire encouragée, puis reprise par les grands féodaux, comme une sorte de répétition encore balbutiante mais déjà très dangereuse pour la royauté du spectacle que donneront, en 1788, les Parlements à nouveau au pinacle et une noblesse qui, entichée des "idées nouvelles" vantées par les philosophes et concrétisées par les "insurgents" du Nouveau-Monde, contribuera, sans en avoir pleinement conscience, à sa propre mise à mort.

A noter que, en fin de volume, les éditeurs nous donnent l'occasion, par le biais de quelques lettres, de faire un peu mieux connaissance avec Marguerite de Lorraine, seconde épouse de Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII. Les "Mémoires" de la Grande Mademoiselle nous l'ont déjà présentée mais Mademoiselle, même si elle paraît avoir veillé comme il se doit sur ses demi-soeurs, n'aimait guère sa belle-mère, la chose est certaine. Avec les lettres ici rassemblées, nous passons en quelque sorte de l'autre côté du miroir, Marguerite de Lorraine exposant elle-même à ses correspondants la situation délicate dans laquelle la place, et pour longtemps, ce mariage d'amour qu'elle et son époux ont conclu en se passant malheureusement de l'autorisation du roi Louis XIII. En dépit de la sympathie qui emporte souvent le lecteur de la Grande Mademoiselle, il convient tout de même, ne serait-ce que par esprit d'équité, de prêter un peu l'oreille à la voix de celle qu'elle ne cessa jamais de considérer comme une ennemie. ;o)
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