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Bernard Quilliet (Éditeur scientifique)
EAN : 9782715225213
448 pages
Le Mercure de France (07/04/2005)
3.7/5   5 notes
Résumé :
Petite-fille d'Henri IV, cousine germaine de Louis XIV, Anne-Marie-Louise d'Orléans, duchesse de Montpensier, née en 1627, est le plus beau parti du royaume, mais son fol engagement dans la Fronde brise ses ambitions et ses projets matrimoniaux. Pardonnée par Louis XIV, elle retrouvera sa place auprès du roi après un long exil. Cependant, une malheureuse histoire d'amour, qui fera les gorges chaudes de la cour, ridiculisera cette femme qui méritait d'être aimée. Les... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Introduction & Notes : Bernard Quilliet


ISBN : 9782715228214


Petite-fille d'Henri IV et de Marie de Médicis - dont elle parle avec beaucoup d'affection - fille de Gaston, duc d'Orléans, frère cadet de Louis XIII, nièce par alliance d'Anne d'Autriche et enfin cousine germaine de Louis XIV et de son frère, Philippe, Anne-Marie-Louise d'Orléans, duchesse de Montpensier, fut assurément le plus beau parti de France et sans doute aussi le plus imbu de ses origines illustres. On reproche d'ailleurs souvent à celle que L Histoire a surnommée à jamais "la Grande Mademoiselle" cette hauteur, cette conviction de son rang et cette fierté princières qui, pourtant, à lire ses "Mémoires", ne paraissent guère au lecteur rien d'autre que de toutes naturelles.

Si Mademoiselle ne laisse jamais oublier les sommets à elle conférés par sa simple naissance, elle insiste vraiment très rarement sur le fait. Pour elle, cela coule de source et elle est persuadée que celui qui la lira pensera de même. Au reste, comme elle le dit elle-même, elle n'écrit pas pour raconter L Histoire et si l'on peut reprocher quelque chose à ses "Mémoires", c'est une dose certaine de narcissisme. Mais un narcissisme là encore si naturel et même si naïf qu'il désarme d'autant plus vite qu'on y décèle une bonté et une intégrité foncières. Mademoiselle se voulait grande dame mais elle fait partie de ces aristocrates qui, tout en veillant jalousement sur leurs droits, estimaient en parallèle qu'en posséder, surtout à un niveau aussi élevé, ne les exemptait pas des devoirs qui vont avec.

L'édition présente n'est évidemment pas l'intégrale du texte - 2500 pages imprimées dans la version Chéruel. Par nature, vous vous en doutez - nous eussions volontiers lu ladite intégrale mais, pour l'instant, n'ayant pu nous la procurer dans une édition moderne, nous nous sommes contenté de ces modestes six-cent-trente-quatre pages qui retracent tous les grands moments de la vie de la duchesse de Montpensier, non sans redites il est vrai - surtout vers la fin - avant de s'arrêter sur l'abrupt d'une phrase inachevée.

Mademoiselle n'est pas fine styliste et tend à se répéter dans l'énumération des évènements par de fréquents : "Le lendemain ..." ou "Le jour suivant ..." C'est un style "Grand Siècle" mais qui n'aurait pas eu l'aval de Boileau. Néanmoins, à haute voix, cela passe mieux et puis ... quelle Histoire et quelles histoires ! ... Nous sommes ici en prise directe avec la Fronde où Monsieur, père de Mademoiselle, s'arrangea pour la pousser dans les situations les plus périlleuses, espérant bien, si les Frondeurs l'emportaient, en retirer tout le mérite et, au cas où Louis XIV triompherait, faire dévier toutes ses foudres sur sa cousine alors que l'instigateur, le seul, le vrai, c'était bien lui, Gaston d'Orléans, l'Eternel Comploteur.

Ici s'ouvre d'ailleurs l'une des plaies vives de Mademoiselle, plaie qui est probablement responsable de l'autre grande blessure de son existence : ses amours désastreuses avec le duc de Lauzun. Soumise au respect prescrit par l'Eglise envers ses géniteurs, Mademoiselle ne se plaint pas souvent. Mais quand elle le fait, le lecteur, qu'il ait déjà quelque connaissance du personnage ou pas, comprend que Gaston fut un très mauvais père. Il en voulait déjà à sa fille aînée d'être née fille mais plus encore d'avoir hérité, à sa naissance, l'immense fortune de sa mère, Marie de Bourbon, morte en couches. Par la suite, une fois remarié avec une princesse de la maison de Lorraine dont il semble avoir été sincèrement amoureux - fait plus que rarissime dans les mariages princiers de l'époque - et qui lui donna deux autres filles, son comportement ne se modifie pas. de son côté, la Grande Mademoiselle, malgré quelques accrochages avec sa belle-mère, tente de se lier réellement avec ses demi-soeurs mais le moyen d'y parvenir quand, de toutes façons, on se sait et on se voit jalousée pour son nom, pour sa fortune, pour un lignage plus illustre et évidemment pour son titre d'aînée ?

Le drame de Mademoiselle, c'est d'avoir voulu à tous prix que son père l'aimât. Mais Gaston s'y refusait. Il était toujours prêt, nous l'avons dit, à l'envoyer au charbon - si tant est qu'une expression aussi triviale puisse convenir à de si nobles personnages - mais il la traitait avec la plus grande froideur. A la clarté de ce qu'a pu nous apprendre depuis lors le bon Dr Freud, on peut se demander si Monsieur n'enviait pas à sa fille cette bravoure dont elle fit preuve durant toute la Fronde et que, pour sa part, il ne posséda jamais. Monsieur est lâche, le mot est écrit et on ne saurait ni l'effacer, ni le travestir. Mademoiselle, elle, fait face - toujours, y compris dans l'humiliation. Pour elle, "noblesse oblige" n'est pas un vain proverbe : c'est une nécessité à laquelle son sang ne saurait lui permettre de se soustraire.

En ce sens, Mademoiselle est admirable et il se dégage d'elle un rayonnement qui, à mille lieues des fourberies du Grand Siècle, évoque la ferveur dont certaines grandes figures médiévales entouraient leur souverain et plus encore le principe qu'il représentait. Et peut-être est-ce pour cette raison que, en ces sinistres temps de pleutres et d'incompétents qui sont les nôtres, Mademoiselle parle encore et toujours à notre coeur. Pleine de majesté, parfois arrogante, rapportant tout (ou presque) à elle et à son sang, dotée, quoi qu'on en pense, d'un solide sens de l'humour, lucide (sauf en amour, comme tout un chacun, hélas !), romantique bien avant l'heure, rongée par la mélancolie de l'enfant qui se sait mal ou peu aimé mais qui ne parvient pas encore à exprimer un mal-être qu'il se contente de subir, généreuse bien que parfois un peu amère, voire cynique, Mademoiselle ressemble à ses "Mémoires" : tout d'une pièce, bourrés d'imperfections mais porteurs d'un talent brut, parfois pompeux, avec les lourdeurs confondantes mais appliquées d'une bonne élève, mais bien vivants, faisant débarquer sans cérémonie la Fronde et ses conjurés au coeur de notre salon, les y faisant suivre par des princes un peu trop hypocrites pour être honnêtes et nous brossant pour l'Eternité un portrait amoureux, passionné, tendre et tout aussi outré et vengeur de ce lamentable profiteur que fut le comte de Lauzun.

La Grande Mademoiselle ? En ce début du XXIème siècle, elle est toujours avec nous et, croyez-moi, elle le restera longtemps encore. ;o)
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
[...] ... En sortant de ma chambre [le 29 juin 1670], je trouvai le comte d'Ayen qui me dit : "Madame [= Henriette d'Angleterre, épouse de Philippe d'Orléans, frère de Louis XIV] se meurt ! Je cherche M. Valot que le roi m'a commandé d'y mener." Je courais pour aller trouver la reine qui m'attendait [...]. En montant en carrosse, elle me dit : "Madame se meurt, et savez-vous ce qu'elle a dit ? Qu'elle croyait être empoisonnée." Je me récriai : "Ah ! Quelle horreur !" Cela me mit au désespoir ; nous, nous sommes de bonnes gens de notre race. Elle me dit : "Elle était dans le salon à Saint-Cloud en bonne santé ; elle a bu un verre d'eau de chicorée, que son apothicaire lui a apporté ; un quart-d'heure après, elle s'est mise à crier qu'elle sentait le feu dans ses entrailles ; qu'elle n'en pouvait plus. On lui a donné un remède. Ce mal a continué ; enfin elle crie sans cesse, et l'on est venu [...] quérir M. Valot [...]." On se mit à la plaindre ; car, depuis quelque temps, la reine l'aimait mieux qu'à l'ordinaire. Elle contait à la reine tous ses chagrins et la reine en avait pitié [...].

Le gentilhomme, que la reine y avait envoyé, revint et rapporta qu'elle était à l'extrémité ; que les médecins disaient qu'elle avait la colique et que, pour elle, elle disait qu'elle se mourait et qu'elle lui avait dit : "Dites à la reine que, si elle me veut voir, qu'elle vienne bientôt ; car, si elle tarde, je serai morte." [...]

Le roi vint, qui [...] dit à la reine : "Venez si vous voulez." L'on se mit dans le carrosse du roi, les vitres bien fermées, le roi, la reine, la comtesse de Soissons et moi. En chemin, nous trouvâmes M. Valot, qui nous dit que ce n'était qu'une colique, [...] que ce mal ne durerait pas et qu'il n'était point dangereux. Cela nous parut au visage de tous ceux que nous trouvâmes en arrivant : car il n'y en avait guère de mélancoliques. Monsieur était étonné ; Madame était sur un petit lit que l'on avait fait dans sa ruelle, quasi échevelée (on n'avait pas eu le temps de la coiffer de nuit) ; sa chemise dénouée au cou et aux bras, de sorte que, maigre comme elle était, le visage pâle et le nez retiré, cela avait un air quasi d'une personne morte, si elle n'eût pas crié. Elle nous dit : "Vous voyez l'état où je suis." Tout le monde se mit à pleurer, au moins ce qui était avec la reine ; Mmes de Montespan et La Vallière vinrent. Elle faisait des efforts pour vomir et ne pouvait. Monsieur lui disait : "Vomissez, Madame, afin que cette bile ne vous étouffe pas." Elle voyait la tranquillité de tout le monde avec peine ; car je n'ai jamais rien vu de si pitoyable que l'état où elle était et celui où elle voyait les autres. Elle parla au roi quelque temps bas. Je m'approchai d'elle, je lui pris la main ; elle me la serra et me dit : "Vous perdez une bonne amie ; je commençais à vous aimer et à vous connaître." Je ne répondis rien ; je pleurais. ... [...]

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[...] ... Monsieur [= Gaston d'Orléans, père de Mademoiselle] fut le matin au Palais pour assurer messieurs du parlement qu'il n'avait point de traité fait et qu'il ne se séparerait point des intérêts de la compagnie ; qu'il périrait avec eux. Il leur parla en ces termes ou encore plus exprès ; la compagnie le remercia. C'était le lundi au matin. L'on nous vint dire chez Mme de Choisy que Son Altesse Royale avait ordre de s'en aller. Je m'en allai courant au Luxembourg. En entrant, je trouvai M. le duc de Rohan qui était accusé, et avec assez de raison, d'être bien à la cour et d'avoir abandonné les intérêts de Monsieur le Prince, à qui il avait assez d'obligation. Je lui en dis mon sentiment assez vertement ; puis j'entrai dans le cabinet de Madame, où je trouvai Monsieur, à qui je demandai s'il avait ordre de s'en aller. Il me dit qu'il n'avait que faire de m'en rendre compte. Je lui dis : "Quoi ! vous abandonnez Monsieur le Prince [= le Grand Condé] et M. de Lorraine !" Il me répliqua encore la même chose. Je le suppliai de me dire si je serais chassée ; il me dit qu'il ne se mêlait point de ce qui me regardait ; que je m'étais si mal gouvernée avec la cour qu'il déclarait qu'il ne se mêlerait point de ce qui me regardait [sic], puisque je n'avais point cru ses conseils.

Je pris la liberté de lui dire : "Quand j'ai été à Orléans, ç'a été sur votre ordre : je ne l'ai pas par écrit parce que vous me le commandâtes vous-même ; mais j'en ai [de vos ordres par écrit] pour toutes les choses qui y étaient à faire, et même des lettres de Votre Altesse Royale plus obligeantes qu'il ne m'appartenait, où elle me témoigne des sentiments de bonté et de tendresse qui ne m'eussent pas fait croire que Votre Altesse Royale en dût user comme elle en use présentement. - Et l'affaire de Saint-Antoine, me dit-il, ne croyez-vous pas, Mademoiselle, qu'elle vous a bien nui à la cour ? Vous avez été si aise de faire l'héroïne et que l'on vous ait dit que vous l'étiez de notre parti, que vous l'aviez sauvé deux fois, que, quoi qu'il vous arrive, vous vous en consolerez quand vous vous souviendrez de toutes les louanges qu'on vous a données."

J'étais dans un grand étonnement de le voir en telle humeur. Je lui répartis : "Je ne crois pas vous avoir plus mal servi à la porte Saint-Antoine qu'à Orléans. J'ai fait l'une et l'autre de ces deux choses si reprochables par votre ordre ; et si c'était encore à recommencer, je le ferais, puisque c'est mon devoir de vous obéir et de vous servir. Si vous êtes malheureux, il est juste que j'aie ma part à votre mauvaise fortune ; et, quand je ne vous aurais pas servi, je ne laisserais pas d'y avoir participé. C'est pourquoi il vaut mieux, à ma fantaisie, avoir fait ce que j'ai fait que de pâtir pour rien. Je ne sais ce que c'est que d'être héroïne : je suis d'une naissance à ne jamais rien faire que de grandeur et de hauteur en tout ce que je me mêlerai, et l'on appellera cela comme l'on voudra ; pour moi, j'appelle cela suivre mon inclination et suivre mon chemin ; je suis née à n'en pas prendre d'autre." ... [...]
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