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Depuis la constitution de la fondation Barnes en 1922 à Merion, non loin de Philadelphie aux États-Unis, la collection n'avait jamais bougé.
En septembre 1993, 70 ans après leur départ définitif de France, 72 chefs-d'oeuvre achetés à Paris par le judicieux docteur Barnes sont revenus à Paris le temps d'une exposition de quatre mois.
Albert Barnes a amassé une fortune considérable. A partir des années 1910, il va devenir un des nouveaux acteurs du marché de l'art et imposer sa présence. Il est de la race de ces riches collectionneurs américains du début du 20e siècle nommés Philipps, Frick, Palmer, Getty, Ryerson, parmi les plus célèbres.
Amateur d'art éclairé, il voyage en Europe. Paris est la capitale des arts. Épris de la France il se met en relation avec les marchands d'art
Ambroise Vollard et Durand-Ruel et achète de nombreuses toiles de peintres avant-gardistes.
Le docteur Barnes va devenir l'un des amateurs les plus « avancés » d'art français contemporain. Il dépense une fortune pour le grand tableau des « Joueurs de cartes » de
Paul Cézanne qui deviendra l'une des pièces majeures de sa fondation.
En quelques dizaines d'années, entre 1910 et 1950, il acquiert un ensemble d'oeuvres diversifié de maîtres anciens et modernes de grande valeur qui vont faire de sa collection l'une des plus importantes au monde : « Là, les tableaux anciens sont mis à côté des modernes, un Douanier Rousseau à côté d'un primitif, et ce rapprochement aide les étudiants à comprendre bien des choses que les académies n'enseignent pas. –
Henri Matisse, 1930 »
Cette exposition à Paris est exceptionnelle. Des Renoir, Monet, Cézanne,
Van Gogh, Rousseau, etc. Pour ne pas faire trop long, j'ai choisi de montrer une galerie restreinte se limitant aux peintres avant-gardistes du début du 20e siècle.
J'ajoute un commentaire additionnel sur les exceptionnelles « Poseuses » de George Seurat peintes en 1887 dont nous voyons un détail sur le catalogue de l'expo : Avec « Un après-midi à l'île de la Grande Jatte », cette toile est l'une des oeuvres les plus ambitieuses de l'artiste, aussi déterminante que, plus tard, « Les demoiselles d'Avignon » pour Picasso. Ce chef-d'oeuvre, une très grande toile de demoiselles nues, faite de tous petits points juxtaposés dans des tons violacés, sera acheté par Barnes en 1926 et fait toujours le
bonheur du musée américain.
Début 20e les avant-gardistes étaient cette colonie de jeunes artistes ambitieux qui, après les impressionnistes, voulaient révolutionner la peinture. Ils s'étaient installés dans Paris à Montmartre et Montparnasse. Les marchands parisiens, surtout
Paul Guillaume, rabattaient leurs toiles pour le docteur Barnes. Elles ne coûtaient pas trop cher à cette époque.
« le petit pâtissier », Chaim Soutine : Une liberté de touche et de couleurs qui subjugua de suite Barnes et fit connaître ce peintre étonnant, émigré russe qui trainait sa misère parmi la bohème de Montparnasse.
« Portrait de Jeanne Hébuterne », 1919,
Amedeo Modigliani : Ce portrait de la dernière compagne de l'artiste, qui se suicidera à sa mort, est surprenant par sa composition, le bras gauche de la femme est arrondi autour de la tête comme un arc.
« Acrobate et jeune arlequin », 1905,
Pablo Picasso : Une grande toile de la période rose de Picasso. le thème des saltimbanques et de la fête foraine est très présent à Paris. Ces artistes du spectacle itinérant figuraient souvent dans les
poèmes de
Verlaine,
Baudelaire ou
Apollinaire, ami de l'artiste.
Henri Matisse est le peintre le plus représenté dans l'exposition. Toutes les toiles présentées à Paris sont des chefs-d'oeuvre d'une qualité impressionnante. Deux d'entre eux, les plus célèbres de l'artiste, sont admirés dans le monde entier :
« le
bonheur de vivre, 1906 : Une oeuvre légendaire dans l'histoire de la peinture. Un paradis montrant les plaisirs terrestres (l'
amour, la danse, la musique, la nature). Rêverie érotique dans un décor champêtre. Un an après, Picasso peindra ses « Demoiselles d'Avignon » dans un esprit de rivalité avec Matisse.
« La danse », 1933 : Il s'agit d'une composition monumentale et murale commandée par Barnes à Matisse pour l'installer dans sa fondation à Merion. le docteur Barnes comparera « La danse » à la verrière d'une cathédrale et Matisse trouvera qu'elle ressemble à un chant qui s'élève vers la voûte du plafond.
Après la mort du docteur Barnes le pèlerinage à Merion des amateurs d'art ne va guère cesser.
La fondation Barnes demeure un des rares endroits au monde où le visiteur sent constamment la présence de l'ancien maître des lieux et le choix d'un seul homme derrière chacune des oeuvres qui l'accueille.
De par la quantité et surtout la qualité, cette exposition est l'une des plus belles de chefs-d'oeuvre de la peinture moderne française appartenant à un collectionneur qui ait été présentée à Paris. J'ai tenté d'en restituer la saveur. J'en garde un souvenir ému. Heureusement il me reste le catalogue.
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