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sur 4008 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
°°° Rentrée littéraire 2022 # 41 °°°

Achevé en janvier 2021 un an avant l'invasion de l'Ukraine, le Mage du Kremlin résonne de façon saisissante avec l'actualité géopolitique actuelle, l'éclaire avec une lucidité implacable, donnant au lecteur la troublante sensation d'être dans la tête de Poutine et d'approcher vers une compréhension, même partielle, de l'homme d'Etat à la tête de la Russie depuis 1999.

Tous les événements sont vrais. Si on s'intéresse à l'histoire et à l'actualité, la trame événementielle est connue : Poutine et son passé tchékiste du KGB soviétique à la direction du FSB ; les attentats terroristes visant Moscou en 1999 et la guerre en Tchétchénie ; la tragédie du sous-marin Koursk en 2000, les Jeux olympiques de Sotchi et l'annexion de la Crimée en 2014. Les noms sont tout autant familiers, des oligarques déchus Boris Berezovsky ou Mikhaïl Khodorkovski, en passant par le trublion Edouard Limonov ou encore Evgeni Prigojine, l'homme d'affaires fondateur du groupe paramilitaire Wagner. Mais Giuliano da Empoli, politologue ancien conseiller de Matteo Renzi lorsque ce dernier dirigeait le gouvernement italien, n'a pas choisi d'écrire un essai. Plutôt un roman vrai. Et il a bien sacrément bien fait tellement il est parvenu à trouver l'équilibre parfait entre roman et réel, toujours à la lisière des deux, puisant dans la force d'une documentation pointue comme dans le puissance évocatrice de la fiction.

Le Mage du Kremlin, ou le Raspoutine de Poutine, c'est Vadim Baranov, librement inspiré de l'ancien conseiller de Poutine, le vrai, Vladislav Sourkov. Vadim Baranov est un formidable personnage, éminemment romanesque, éduqué par un grand-père lui-même follement romanesque ( tsariste miraculeusement épargné la guerre civile et les purges staliniennes ) passionné de chasse et de livres, amoureux de la culture occidentale contemporaine, élevé par un père apparatchik disposant du privilège de la vertushka ( ligne téléphonique sécurisée du KGB ). Attiré par les arts d'avant-garde, metteur en scène de pièce de théâtre, Baranov devient producteur de télé avant d'intégrer l'entourage de Poutine.

Le roman s'ouvre sur la mystérieuse rencontre entre le narrateur et Baranov via une passion commune pour l'écrivain dissident Evgeni Zamiatine, pourfendeur du totalitarisme stalinien et inspirateur d'Orwell. Baranov, retiré de la vie politique, l'invite dans datcha et durant toute une nuit lui livre sa vie, son parcours. Si le démarrage est quelque peu survolé et que le procédé narratif de la longue confession-monologue est parfois un peu compact, sans l'aération que pourrait apporter un autre point de vue, tout est passionnant pour révéler les arcanes de l'ère Poutine et l'envers du décor et comprendre pourquoi la domination brutale de Poutine fonctionne sur le peuple russe.

Pour cela, Giuliano da Empoli apporte de la profondeur temporelle à son récit, mettant en lumière les éléments de continuité entre l'ère tsariste, l'ère soviétique et l'époque actuelle, Poutine se reconnectant par sa violence aux périodes suscités. Les pages consacrées aux années Eltsine qui ont suivi la chute de l'URSS, et précédées Poutine, sont particulièrement piquantes, période charnière particulièrement bien analysée par l'auteur : les Russes avaient une patrie, ils se retrouvent avec un supermarché. La seule expérimentation démocratique de l'histoire russe a été catastrophique, « entracte féodal » où les oligarques vont mettre en place un capitalisme échevelé et indécent.

Sous la plume fluide au classicisme soigné de Giuliano da Empoli, se dessine au fusain des scènes nettes, marquantes, qui montrent la métamorphose de Poutine, « blond pâle aux traits décolorés portant un costume en acrylique beige, arborant une mine d'employé » en "Tsar" absolu rétablissant la verticalité du pouvoir réclamé par le peuple, contrôlant la rage populaire pour la tourner vers le matérialisme occidental, maitrisant les terreurs des Russes face à la férocité du monde, le tout enrobé dans une vaste projet de mise en scène et de narration nationale théâtralisant les enjeux intérieurs et extérieurs tout en désinformant massivement. Jusqu'à une pulsion paranoïaque née d'un exercice du pouvoir devenu solitaire.

« Comme Dieu, le Tsar peut être objet d'enthousiasme, mais sans s'enthousiasmer lui-même, sa nature est nécessairement indifférente. Son visage a déjà acquis la pâleur marmoréenne de l'immortalité. A ce niveau, nous sommes bien au-delà de l'aspiration aux belles funérailles dont je vous parlais. L'idéal du Tsar serait plutôt un cimetière dans lequel il se découpe seul, vertical, unique survivant de tous ses ennemis et même de ses amis, de ses parents et de ses enfants. de tous les êtres vivants.(…) le seul trône qui lui apportera la paix est la mort. »

Je ne sais pas si la vision que l'auteur propose de Poutine est juste, mais ce qui est sûr, c'est qu'après la lecture de ce dense roman, à l'acuité vive et lucide, aux allures de méditation métaphysique du pouvoir, on se sent plus intelligents. Et certainement pas rassurés par les nouvelles qui viennent de l'Est.
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Absolument passionnant! Ce roman hypnotique et effrayant sur l'implacable accession au pouvoir de Vladimir Poutine se termine sur des pages aussi sublimes que glaçantes. Il relate l'édifiante trajectoire de Vadim Baranov, personnage de fiction s'inspirant largement du bien réel Vladislav Sourkov, le « Raspoutine du Kremlin», éminence grise de Poutine, un de ses plus proches conseillers celui qui l'aidera à accéder au pouvoir et à asseoir son autocratie avant de disparaître de la scène politique en 2020. Autour d'un verre de whisky près de l'âtre dans sa Datcha isolée où il vit en retrait Baranov va livrer au narrateur du roman le récit fascinant de ses années Poutine et nous embarque avec lui dans les coulisses glaciales du pouvoir russe. Loin des oligarques ou espions qui entourent d'ordinaire le président, ce Machiavel russe est issu lui de la télé-réalité et du théâtre d'avant-garde et justement c'est bien ce que Poutine attend de ce rusé manipulateur : de « mettre en scène le réel » et créer un théâtre politique. Pour parvenir à ses fins les coups les plus retors sont permis «pour construire un système vraiment fort le monopole du pouvoir ne suffisait plus, il fallait celui de la subversion ». Aux côtés de Baranov, qu'il a connu alors qu'il était directeur du FSB (ex KGB) bien avant d'être premier ministre et de succéder à Boris Eltsine, Poutine va rétablir une « verticalité du pouvoir » souhaitant restaurer la pleine souveraineté de la Grande Russie. Il gouverne par la terreur « nous avons compris que le chaos était notre ami, à dire vrai, notre seule possibilité ». Tous les faits sont réels et à travers ce personnage romanesque l'auteur nous éclaire sur le système Poutine alias le Tsar. Mégalomanie, corruption, faux opposants, meurtres, désinformation, propagande, lutte entre courtisans, manipulations de masse, contrôle des réseaux sociaux, complotisme et conspirationnisme …la perversité de ce système et ses conséquences sont finement évoquées dans ce thriller politique. le « Tsar » « fait partie de la race des grands acteurs », au fil du temps ce « fonctionnaire ascétique » en bon tchékiste se transfigure en « archange de la mort ». On le suit aussi dans les soirées mondaines côtoyant oligarques, généraux des services secrets, hommes politiques et courtisanes.
Le politologue et essayiste Giuliano da Empoli dont c'est le premier roman pénètre la psyché de ses personnages et d'une plume virtuose nous éclaire sur la vision du monde de Poutine sans être moralisateur ni sombrer dans la caricature. Ce livre prémonitoire a été achevé un an avant l'envahissement de l'Ukraine par l'armée russe. de la guerre en Tchétchénie à l'annexion de la Crimée, de la révolution orange à la tragédie du Koursk en passant par les attentats de 1999 contre des immeubles à Moscou et l'invasion de l'Ukraine on traverse l'Histoire de la Russie de ces 3 dernières décennies et on entrevoit les raisons de la guerre russo-ukrainienne. On s'immisce dans le quotidien très ritualisé du président de la Fédération de Russie de plus en plus solitaire qui n'aurait finalement pour seul vrai collaborateur que son labrador. le roman est ponctué de punchlines et d'aphorismes percutants.
Des pages visionnaires, philosophiques voire métaphysiques sur l'émergence d'une forme de pouvoir absolu lié à la « machine », aux nouvelles technologies, parasites de l'homme et qui pourraient le supplanter, parachèvent magistralement ce grand roman. Lisez le, vraiment. Ne passez pas à côté.
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Pour son premier roman, après avoir écrit de nombreux essais, Giuliano da Empoli réussit un prodigieux tour de force, réaliste, prémonitoire et regorgeant d'enseignements que tout un chacun doit connaître pour pouvoir appréhender correctement l'actualité de notre monde bien malade.
S'inspirant d'un personnage réel, Vladimir Sourkov, Giuliano da Empoli crée Vadim Baranov, affectueusement appelé Vadia ou plus précisément Vadim Alexeïevitch. Cet homme qui, après avoir durant vingt ans, inspiré celui qu'il nomme le Tsar, Vladimir Poutine, s'est retiré bien à l'écart de Moscou.
Si le livre débute par une présentation, une mise en ambiance qui m'amène chez Baranov et son impressionnante bibliothèque, le récit devient vite captivant dès que l'ancien conseiller de Poutine commence à parler de son grand-père, un formidable chasseur de loups dans le Caucase, pas d'accord avec les communistes, un aristocrate.
Quant au père de Vadia, Kolya, qui fut pionnier, puis membre du Komsomol, la jeunesse communiste, il se caractérise par une extrême prudence. Comme il est Directeur de l'Académie, il projette des films. Cela profite à son fils qui poursuit un récit de plus en plus captivant.
Voilà donc Baranov artiste, producteur d'émissions de télé-réalité, amoureux de Ksenia et grand ami de Mikhaïl Khodorkovski, un futur oligarque qui a réellement existé comme beaucoup d'autres dont le personnage autour duquel va tourner toute l'histoire, celui que l'on nomme : le Tsar.
Ainsi, Baranov parle de Boris Eltsine, d'Édouard Limonov que l'excellent Emmanuel Carrère m'avait fait découvrir mais aussi d'Igor Sechine, de Bill Clinton… La présentation de Baranov au chef du FSB, l'ancien KGB, concoctée par Boris Berezovsky, homme d'affaires magnat de la télévision, relève d'une extrême finesse dont les conséquences seront bien vite visibles.
C'est en août 1999 que les Russes apprennent qu'un nouveau premier ministre vient d'être nommé, un inconnu, un certain Vladimir Poutine… Alors, Vadim Baranov s'affirme peu à peu comme le Mage du Kremlin, travaillant plus de dix-huit heures par jour avec le Tsar.
L'irrésistible ascension de Vladimir Vladimerovitch se poursuit de jour en jour. Il sait à merveille exploiter chaque événement pour asseoir son autorité. La Tchétchénie, les deux immeubles de Moscou détruits par des explosions avec des centaines de victimes lui donnent l'occasion de tester la verticalité du pouvoir ce qu'il ne cessera de développer comme nous le constatons toujours aujourd'hui.
Très habilement, l'auteur, au travers du récit de Baranov, décrit parfaitement un engrenage inexorable qui permet de comprendre ce qui se passe en Ukraine depuis quelques mois. Dire que Giuliano da Empoli a terminé son manuscrit en 2021 et que ce qu'il écrit est d'une actualité brûlante !
J'ai été aussi très impressionné par l'organisation des J.O. d'hiver à Sotchi, « dans une ville subtropicale ». La mégalomanie est à son comble et le Mondial de foot au Qatar est du même acabit.
Dire qu'un Président de la République vient d'oser affirmer récemment : « Il ne faut pas politiser le sport »… alors qu'il me semble que c'est fait depuis longtemps…
Quand dira-t-on stop à ces organisations démesurées qui plombent de plus en plus notre planète ? Ah, vous avez dit : « JO de Paris ? »… Faudra voir et être d'une grande vigilance, mais c'est déjà trop tard.
L'annexion de la Crimée, celle du Donbass, tout y est. Si la Russie a fait sa Révolution puis a vécu soixante-dix ans de Communisme, elle sous la dictature d'un seul homme et cela l'auteur le fait parfaitement comprendre. Cela me fait penser au dernier roman signé Iegor Gran : Z comme Zombie.
De plus, Giuliano da Empoli me fait aussi toucher du doigt l'emprise des robots sur l'espèce humaine, jusqu'à ce que l'un d'entre eux prenne définitivement le pouvoir ?
Le Mage du Kremlin est un roman on ne peut plus réaliste qui m'a impressionné, qui m'a bien fait réfléchir sur ce qui se passe en ce moment et sur tous les risques qui planent sur nos têtes. C'est vraiment un roman parfaitement écrit et dont il faudrait citer des pages entières. Il se lit presque en apnée. C'est un livre indispensable pour comprendre à quoi jouent nos dirigeants mais, pour le reste, le compte à rebours semble déjà bien enclenché…

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Pour son premier roman, Giuliano da Empoli nous invite dans les coulisses du Kremlin afin de mieux comprendre la société russe, ainsi que la personnalité de son dernier dictateur en date. Ancien conseiller de l'homme d'État Matteo Renzi, Giuliano da Empoli est un politologue italien déjà connu en tant qu'essayiste, mais qui livre ici un ouvrage terminé en janvier 2021, un an avant l'invasion de l'Ukraine par la Russie, que l'on qualifiera donc volontiers de visionnaire.

Le mage dont il est question n'est autre que Vladislav Yuryevich Sourkov, l'ex-éminence grise du « Tsar » Vladimir Poutine. Rebaptisé Vadim Baranov dans le roman, ce personnage de l'ombre qui a passé quinze années au service de Poutine, nous éclaire sur les arcanes du pouvoir russe lors de ces trente dernières années. Depuis l'âtre de sa datcha en périphérie moscovite, où il vit isolé, voire caché depuis sa « retraite », le narrateur partage le récit captivant de ses années au sommet du pouvoir…

De la fin des années Eltsine aux prémices de la guerre en Ukraine, en passant par la crise tchétchène, l'annexion de la Crimée et les jeux Olympiques de Sotchi, celui que l'on surnomme « le Raspoutine de Poutine » raconte le parcours incroyable de ce chef obscur du FSB qui accède d'abord au poste de Premier ministre avant de devenir le tsar incontesté d'une Russie revenue aux avant-postes de la scène internationale. En dressant le portrait d'un mégalomane solitaire s'étant débarrassé de toute opposition au fil des années, il invite à comprendre cette politique de violence, de propagande et de désinformation, totalement incompréhensible pour la plupart des Occidentaux…jusqu'à la lecture de cette fiction au réalisme effrayant !

Coup de coeur !
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Depuis que Vadim Baranov, celui que l'on appelait « le mage du Kremlin », « le nouveau Raspoutine », a démissionné de son poste de conseiller de Vladimir Poutine, on ne sait pas très bien ce qu'il est devenu.
Un français, le narrateur, qui vient d'arriver à Moscou pour travailler sur un projet de réédition du roman dystopique « Nous » de Zamiatine va fortuitement le retrouver et être invité à le rencontrer.
Vadim Baranov va alors lui confier son histoire. Dans un long monologue, après avoir évoqué son grand-père, survivant des purges staliniennes, son père qui a tout perdu à l'arrivée de Gorbatchev, tout ce qu'il avait réussi à construire en un demi-siècle, il va dérouler les vingt dernières années de l'histoire de la Russie, depuis la fin de l'URSS jusqu'à aujourd'hui, et raconter comment il est devenu l'éminence grise de Vladimir Poutine, qu'il nomme le Tsar.
Vadim Baranov, homme de théâtre et de télévision, ancien élève de l'Académie d'art dramatique de Moscou et qui aime bien son travail, va se voir proposer par Boris Berezovsky, le milliardaire, propriétaire de l'ORT, la première chaîne de la télévision russe récemment privatisée de passer au niveau supérieur : « Que dirais-tu de cesser de créer des fictions pour commencer à créer la réalité ? », la première chose dont on a besoin c'est d'un parti !
Les élections présidentielles approchant, l'influent oligarque lui donne rendez-vous au siège du FSB, l'ancien KGB. Introduits dans le cabinet du patron qui n'est autre que Vladimir Poutine, Berezovsky propose à ce dernier de « prendre les rênes de la situation pour faire passer la Russie dans le nouveau millénaire », pour restaurer la verticalité du pouvoir, l'assurant qu'il sera à ses côtés à tout moment pour le conseiller et l'aider.
Quelques jours plus tard, acceptant la proposition de Berezovsky, ce n'est pas lui que Poutine invite à déjeuner, mais Vadim Baranov à qui il demande d'être son conseiller et s'il accepte la proposition de travailler exclusivement pour lui. Cette improbable collaboration durera une quinzaine d'années.
Nous voilà alors plongés dans les arcanes du pouvoir de Poutine et amenés à rencontrer les personnages qui ont marqué l'histoire de la Russie depuis vingt ans, Mikhaïl Khodorkovski, l'ami de lycée de Vadim devenu oligarque, Boris Berzovsky déjà présenté, Sechine, le fidèle secrétaire de Poutine, mais aussi Prigogine « son cuisinier », Limonov, ou encore Alexandre Zaldostanov, président du club de motards « Les Loups de la nuit », avec bien sûr, au premier plan, ce fameux mage du Kremlin, Vadim Baranov, personnage de fiction, derrière lequel se cache Vladislav Sourkov.
Quand, à l'été 99, « le vieil ours » Boris Eltsine désigne comme premier ministre Vladimir Poutine, la nouvelle est accueillie par un scepticisme général.
Mais, deux bombes vont exploser dans la périphérie de Moscou et ces attaques commises à l'explosif et à la voiture piégée vont être officiellement attribuées par les autorités russes à des indépendantistes Tchétchènes. L'aviation russe va alors bombarder l'aéroport de Grosny : « Au sommet, il y avait à nouveau quelqu'un capable de garantir l'ordre. Ce jour-là, Poutine est devenu Tsar à part entière. »
Je n'ai pu m'empêcher d'être surprise par les ruses utilisées par Berezovsky pour que Boris Eltsine soit réélu avec une large majorité malgré son état de santé déplorable, et comment alors Berezovsky est devenu le vrai patron de la Russie.
De même j'ai été outrée en revivant cette scène absolument surréaliste dans laquelle cet homme complètement isolé reçoit, accompagné de son gigantesque labrador noir, Angela Merkel dont on connaît la phobie pour les chiens depuis qu'elle avait failli être déchiquetée par le rottweiler du voisin à l'âge de huit ans.
De la guerre en Tchétchénie, en passant par l'annexion de la Crimée, l'occupation du Donbass, ou encore la mise en scène de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Sotchi, le mage du Kremlin, a dû concrétiser les souhaits du Tsar, tout en les orientant, contribuant à construire ce système.
Le politologue Giuliano da Empoli qui a lui-même fréquenté les coulisses du pouvoir, en dévoilant les dessous de l'ère Poutine dans ce magnifique ouvrage, le Mage du Kremlin, offre une réflexion brillante et passionnante et une sublime méditation sur l'exercice du pouvoir dans sa forme la plus absolue. 
Il raconte avec une écriture simple et efficace l'ascension et la consolidation du pouvoir de Poutine, en en révélant la face cachée, décortiquant l'ensemble des évènements et leur enchaînement, ainsi que les raisons qui ont conduit à l'invasion de l'Ukraine le 24 février 2022.
Dans ce pays gagné par le chaos, les électeurs seront reconnaissants à Poutine d'avoir restauré la verticalité du pouvoir en Russie
Tout en étant très romanesque, le mage du Kremlin, ce récit de celui qui a en a été le plus puissant stratège, est un roman très documenté, particulièrement éclairant, stupéfiant et suffocant. S'il est oppressant et effrayant, les dernières pages sont apocalyptiques car le pire nous attend, dit le mage, avec l'avènement d'une puissance qui n'aura bientôt "plus besoin de la collaboration humaine".
Sacré Grand Prix du Roman de l'Académie française, le Mage du Kremlin est captivant de bout en bout et d'une implacable lucidité.

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Lui-même ancien conseiller de Matteo Renzi, l'auteur d'essais politiques Giuliano da Empoli ressent une telle fascination pour Vladimir Sourkov, « le Raspoutine de Poutine », pendant vingt ans l'éminence grise du dictateur avant de disparaître mystérieusement des radars en 2020, qu'elle lui fait franchir le pas vers la fiction avec ce roman librement inspiré de ce que l'on sait du parcours de cet homme.


Rebaptisé Vadim Baranov, le « Mage du Kremlin » reçoit le narrateur dans sa datcha discrètement située à l'écart de Moscou, et lui confie le récit des deux décennies qui l'auront vu accompagner l'impressionnante transformation en « Tsar » de celui qu'il a d'abord connu pâle et obscur directeur du Service Fédéral de Sécurité, puis chef de gouvernement d'un Boris Eltsine exténué. Venu du théâtre d'avant-garde et de la téléréalité, l'homme décrit froidement son décryptage de la société russe et la manière dont, avec Poutine, ils ont entrepris la cynique manipulation de sa violence intrinsèque, mettant en oeuvre les concepts de « verticale du pouvoir » et de « démocratie souveraine » au moyen d'une théâtralisation machiavéliquement en trompe-l'oeil de leur politique.


Usant sans vergogne de la désinformation pour exploiter les colères d'en-bas ; rassemblant l'en-haut en une cour de courtisans tétanisés et d'oligarques gavés, tous matés par la terreur des assassinats, des disgrâces retentissantes et des exils punitifs, ils ont assis le pouvoir absolu d'une dictature déguisée en démocratie, dans un pays dont Poutine poursuit la consolidation en insufflant le chaos au-delà de ses frontières. Et pendant que des geeks russes s'ingénient à s'infiltrer dans toutes les failles des systèmes occidentaux, que des agitateurs à la solde de la Russie s'emploient à souffler sur les moindres braises susceptibles d'affaiblir l'Amérique et l'Europe, c'est désormais de la revendication comme russes de territoires tels la Crimée, le Donbass, et maintenant l'Ukraine entière, dont se sert Poutine pour botoxer sa souveraineté nationale en déstabilisant l'équilibre du monde.


Mais l'on ne reste pas indéfiniment l'homme de confiance d'un tyran, un jour immanquablement gêné par tout ce qui le lie à son ombre, et alors tenté « de résoudre le problème en éliminant la cause ». Dans cette fiction, le conseiller choisit de s'éclipser à temps, conservant tout le loisir de méditer sur cette glaçante histoire de pouvoir, conclue par une solitude abyssale, mais aussi de rêver – on ne se refait pas – aux potentialités infinies que cet éternel Machiavel entrevoit diaboliquement dans les évolutions technologiques, entre robotisation et digitalisation, pour contrôler le monde et les individus comme jamais le KGB n'aurait oser en rêver…


Certes improbablement mis en scène sur les confidences d'un homme de l'ombre subitement très loquace, le récit est une époustouflante traversée du miroir qui, en nous plongeant dans la tête de Poutine, nous fait vivre de son point de vue le chaos consécutif à la chute du système soviétique, le triomphe d'un capitalisme débridé et le règne d'une oligarchie vautrée dans une orgie d'opulence et de violence, le tout sous le regard condescendant d'Occidentaux érigés en vainqueurs… La plume incisive de Giuliano da Empoli fait mouche à chaque phrase, et c'est suspendu à ce texte aussi éclairant que passionnant que l'on s'immerge, subjugué, dans les rouages de la Russie contemporaine et dans les arcanes d'un pouvoir politique que l'auteur connaît si bien. Ecrit un an avant le début de la guerre en Ukraine, ce livre prend aujourd'hui la valeur d'un oracle… Coup de coeur.

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Ça aurait pu s'appeler « Poutine pour les nuls ».
Sous le prétexte d'un personnage fictif influent, Vadim Baranov, qui aurait été le conseiller secret du Tsar, l'auteur raconte comment on en est arrivé, avec le conflit russo-ukrainien, à une guerre en Europe, ou peut-être même une Europe en guerre ?
Il explique comment la société russe a très mal digéré le modèle capitalo-décadent occidental appliqué à une nation pour qui l'argent n'a pas la valeur que les occidentaux lui donnent car ils placent le patriotisme tout en haut de leur échelle de valeurs, d'autant qu'ils ont connu des périodes, bolcheviques, soviétiques où il n'y avait pratiquement pas d'argent.
Ainsi, pour réparer les « erreurs » de Gorbatchev ou d'Eltsine, Poutine, patron du KGB est propulsé au pouvoir avec comme seule idée, restaurer la grandeur de la Russie et préserver son unité.
« le mage du Kremlin » explique aussi le rôle qu'auraient joué les États-Unis avec la révolution orange en Ukraine et la politique de l'autruche pour ne pas dire l'attitude méprisantes des pays dits démocratiques vis-à-vis de l'ex-URSS.
Il ressort de cette lecture que tant que l'occident voudra imposer ses idées et son modèle démocratique à des sociétés qui n'ont pas la même histoire, pas la même culture, pas la même évolution ou qui ne vivent pas dans le même siècle, ça n'aboutira qu'à un rejet de ce modèle politique et à une situation de chaos, les repères qu'avaient les populations étant perdus.
Bien que ce soit une fiction, « le mage du Kremlin » offre une analyse fine de la société russe et de la culture slave. Si on avait pris en compte les particularités de cette culture au lieu d'agir en colonisateur économique et idéologique, les évènements se seraient peut-être passés différemment. Quand on dit qu'il faut éviter l'humiliation, on est au coeur du problème, ce qui n'empêche pas de montrer au cafard le talon prêt à l'écraser sans pour autant que cela ne porte atteinte à sa dignité.
C'est une lecture passionnante, il y a beaucoup d'idées très pertinentes. A découvrir absolument car c'est rare de lire de nos jours quelque chose qui éclaire autant sur une situation géopolitique aussi confuse et aussi incompréhensible, vue de l'occident.
Editions Gallimard, collection blanche, 280 pages.
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Le Mage du Kremlin me semble être l'un des ouvrages essentiels de cette rentrée et ce pour (au moins) trois raisons.

Vadim Baranov en évoquant la mémoire de son père et de son grand-père rappelle la vocation de la Russie, patrie de Dostojevski et Tolstoi, de Sakharov et de Soljenitsyne, nation qui (comme l'Ukraine) a une longue et ancienne amitié avec la notre, une relation à rétablir dès que « l'opération spéciale » sera achevée, en espérant que l'Europe pacifiée pourra tendre la main aux Russes et nous réunir en respectant nos différences.

Le Raspoutine de Poutine décrit ce que fut la Russie à la chute de l'URSS et montre comment et par qui le « Tsar » fut sélectionné et mis sur orbite pour gagner l'élection présidentielle, mobiliser contre la terreur islamique et mettre fin aux attentats tchétchènes qui ensanglantaient Moscou. Il détaille l'art avec lequel le « Tsar » s'est débarrassé des oligarques, puis progressivement de toute opposition. Il dissèque le pouvoir autoritaire, personnel, totalitaire qui en résulte et qui aboutit au drame actuel.

Giuliano da Empoli avertit que les mécanismes qui ont porté Poutine au pinacle et assurent son pouvoir, ne sont pas le monopole de la Russie (ou de la Chine), et qu'ils sont une menace pour nous aussi car un robot ne se rebelle pas et suit les ordres à la lettre. Cette conclusion prolonge les avertissements de Saint-Exupéry dans sa lettre au Général Chambre et l'actualise dans notre univers où les drones, les réseaux sociaux et la prétendue Intelligence Artificielle prennent chaque jour plus d'importance.

Ce roman, cette fiction d'une brutale actualité, enseigne beaucoup sur notre société, et pas seulement sur la Russie de Poutine, et m'incite à acquérir « Les ingénieurs du chaos » pour poursuivre ma route en compagnie de cet auteur.

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L'homme qui murmure à l'oreille des dictateurs.
Dialogue de sourd entre une éminence grise et une imminence sombre.
La figure du conseiller occulte est par nature très romanesque. Les hommes de l'ombre prennent bien la lumière et ils génèrent autant de répulsion que de fascination. Je dois avouer qu'en tant que lecteur, ces intrusions dans les coulisses du pouvoir m'attirent davantage que le nombril d'écrivains casaniers ou les recettes du bonheur de mangeurs de graines.
Giuliano da Empoli, malgré son pédigrée de gigolo à pochettes, est un essayiste, un président de think tank, un conseiller politique, ancien maire adjoint à Florence, prof à Science Po, qui a trouvé le temps pour écrire ce premier roman auquel je décerne mon titre de Livre de l'année… dernière. Oui, même côté lectures, je ne suis pas très précoce.
Le politologue n'a pas trouvé l'inspiration dans un goulag mais dans le parcours d'un ancien conseiller de Poutine, Vladimir Sourkov, renommé ici Vadim Baranov. Ancien cultureux, féru de théâtre et de rap, reconverti dans la production d'émissions de téléréalité, Baranov va être chargé de mettre en scène le futur tsar, scénariser sa politique, gaver et dresser les oligarques (oligo-éléments du pouvoir), réécrire l'histoire et dépoussiérer le mythe de la Grande Russie. Il sera le directeur artistique des J.O de Sotchi avant de perdre peu à peu son influence et se retirer de la politique avant que cela dégénère. L'ingratitude du pouvoir pour ses chouchous. Courtisans à la courte paille. Il avait participé au choix de la marionnette mais Pinocchio a rompu les fils.
Sa retraite anticipée lui permet de fréquenter à nouveau de vieux livres et d'avoir le temps de raconter au narrateur son parcours et les dessous peu reluisants de l'ère Poutine. C'est passionnant de bout en bout, très bien écrit et l'auteur parvient à nous décrire comment ce régime se construit par réaction à l'occident en opposant ses outrances assumées à la tiédeur otanesque. Cette méditation sur le pouvoir par la force n'est pas sans rappeler certains écrits de Machiavel. Et côté management, on s'en doutait un petit peu, mais le pouvoir russe tient à sa verticalité. Il ne faut pas lui parler de co-construction ou d'intelligence collective. Un chef est là pour cheffer.
J'ai également été très intéressé par la description psychologique de la population russe et les effets du pouvoir sur les puissants.
Plus qu'inspirée de faits réels, ce roman a été récompensé par le Grand Prix du roman de l'Académie française à juste titre selon moi.
Un billet sur un mage le jour de l'Epiphanie. Notez l'effort. Je reprendrai bien une petite part de galette moi.
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Giuliano Da Empoli est un écrivain et conseiller politique italo-suisse, auteur d'essais écrits dans sa langue natale mais également en français. « Le mage du Kremlin », écrit en français, est son premier roman. L'auteur insère habilement des personnages romanesques au sein de la réalité crue du pouvoir russe de la fin des années 90 au milieu des années 2010, marquées par la prise du pouvoir par un tsar d'un genre nouveau, un certain Vladimir Poutine.

Le personnage de Vadim Baranov, qui incarne le mage du Kremlin, est inspiré de Vladislav Sourkov, ancien conseiller de Poutine, dont la vie évoque un roman.

Le narrateur est un universitaire qui se trouve à Moscou pour travailler sur une possible réédition de « Nous », le chef d'oeuvre dystopique d'Eugène Zamiatine, ainsi que sur un documentaire consacré au génial écrivain russe du début du XXème siècle. C'est en publiant des tweets évoquant l'auteur dissident qu'il va se faire repérer par Vadim Baranov, alors tombé en disgrâce depuis plusieurs années. Ce dernier le convoque dans sa datcha pour lui narrer son histoire.

La structure du récit de Baranov m'a rappelé les romans de mon enfance. Si quelques souvenirs épars parsèment le roman, celui-ci reste fidèle à une narration linéaire classique, qui débute par l'enfance et l'entrée dans la vie d'adulte du héros, puis se concentre sur son rôle de conseiller auprès de Vladimir Poutine. le livre évite également la multiplication des points de vue en se focalisant sur le ressenti de Baranov. Ce retour à une forme de simplicité romanesque s'éloigne de la virtuosité kaléidoscopique prisée par nombreux auteurs contemporains, et offre au lecteur une expérience de lecture rafraîchissante.

L'idée-force de l'auteur est simple : profiter de la puissance narrative inégalée de la forme romanesque pour mieux nous plonger au coeur des ténèbres du pouvoir russe. En immergeant Baranov, un héros fictif bien qu'inspiré d'un personnage réel, dans la « réalité » d'une Russie contemporaine en pleine mutation, Giuliano Da Empoli, dresse un tableau au réalisme saisissant, et décrypte avec un plaisir non feint le dessous des cartes.

Le retour sur l'enfance du héros permet à l'auteur de nous dessiner les contours d'une Russie qui vit la fin de soixante-dix longues années de communisme. Il s'attarde également sur la figure tutélaire d'un grand-père amoureux de la culture qui refuse les codes du communisme tout en réussissant à éviter le goulag, et d'un père qui a choisi une carrière de fonctionnaire au service du régime. L'entrée dans l'âge adulte du héros coïncide avec ce moment d'effervescence unique qu'a représenté la chute du communisme. Tandis que la génération de ses parents est désarçonnée par la libéralisation de tout un empire, les compères de Baranov, qui n'ont pas renié leur âme slave, vivent cette période dorée, comme une bouteille de champagne qui explose au milieu d'une fête sans fin.

« Au centre, il avait la télévision. le coeur névralgique du nouveau monde qui, avec son poids magique, courbait le temps et projetait partout le reflet phosphorescent du désir ».

Après une jeunesse bohème et une histoire d'amour avortée avec la magnifique Ksenia, le héros dévient rapidement metteur en scène puis producteur d'émissions de télé-réalité. Cette notoriété aussi soudaine que fulgurante lui vaut d'être présenté à celui qui n'est encore que le chef du FSB et s'apprête à prendre la succession d'un Boris Eltsine vacillant. le très beau titre du premier roman de Giuliano Da Empoli nous laisse deviner la suite : Baranov va devenir le mage du Kremlin. Trop jeune pour jouer les éminences grises, il sera le conseiller politique atypique de Poutine et l'accompagnera dans son accession au pouvoir puis dans l'exercice de celui-ci.

Trop cultivé, trop désinvolte, trop lucide aussi, le héros ne se glissera jamais dans des habits de courtisan qui ne sont pas taillés pour lui. Cette singularité lui confère une place à part dans la cour qui entoure le nouveau tsar. Si elle constitue un avantage sur les sbires un peu tristes du pouvoir, elle pourrait également précipiter sa déchéance.

« Le mage du Kremlin » est un traité de géopolitique déguisé en roman. La forme romanesque enlevée et maitrisée à la perfection par l'auteur, lui permet d'aborder, sans avoir l'air d'y toucher, ces moments clés qui ébranlèrent le plus grand pays du monde. de la prise de pouvoir de Poutine à la crise ukrainienne, en passant par la guerre en Tchétchénie et les jeux olympiques de Sotchi, le roman parcourt la vie politique russe sur une période de vingt-cinq ans, allant du début des années 90 au milieu des années 2010.

Toute l'originalité de l'ouvrage consiste à nous proposer un point de vue que nous avons peu l'habitude d'examiner : celui des Russes. L'auteur s'affranchit de la lecture occidentale que nous connaissons tous pour nous proposer une lecture qui nous est étrangère. Ce renversement de paradigme nous permet d'ouvrir les yeux sur la manière dont les Russes appréhendèrent la chute du communisme, la fin chancelante de Boris Eltsine, la prise de pouvoir de Poutine, la guerre de Tchétchénie ainsi que d'autres événements marquants.

« Poutine est tchékiste, Vadia : de la race la plus féroce, celle qui ne fume ni ne boit. Ce sont les pires parce qu'ils cultivent les vices les plus cachés. Il mettra la Russie aux fers. »

Le double coup de génie de Giuliano Da Empoli est simple : utiliser la forme romanesque pour mieux développer son obsession pour la géopolitique et appréhender le réel du point de vue du pouvoir russe. Au travers du récit de Baranov, on suit évidemment la destinée d'un officier du FSB, patriote et austère, que l'exercice du pouvoir va enfermer dans une forme de solitude terrifiante, et qui ne trouvera bientôt plus personne pour oser discuter des certitudes trop ancrées.

« Le mage du Kremlin » nous propose de découvrir le regard « indigène » sur la géopolitique russe, au travers d'un roman au charme magnétique. Et pourtant. Comme tout magicien qui se respecte, l'auteur a peut-être dissimulé l'aspect le plus troublant de son projet romanesque. La destinée unique de Baranov nous offre aussi et surtout une plongée au coeur de l'âme russe. le refus du communisme d'un grand-père réfractaire, le courage d'un père à l'approche de la fin d'une vie servile, la beauté irradiante et le caractère impétueux de Ksenia, le détachement fataliste et la lucidité absolue qui habitent Baranov, sont autant de manières d'approcher l'essence de l'âme slave qui mêle la folie, le courage, le fatalisme, et l'amour aussi. Une âme qui pourrait sauver une civilisation qui ne s'est pas encore toute entière prosternée devant le dieu Mammon.
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