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EAN : 9782073019240
240 pages
Gallimard (16/03/2023)
4.16/5   263 notes
Résumé :
« Le carnaval, disait Goethe en parcourant les rues de Rome, est une fête que le peuple se donne à lui-même. » Un peu partout, en Europe et ailleurs, la montée des populismes se présente sous la forme d'une danse effrénée qui renverse toutes les règles établies et les transforme en leur contraire.
Aux yeux de leurs électeurs, les défauts des leaders populistes se muent en qualités. Leur inexpérience est la preuve qu'ils n'appartiennent pas au cercle corromp... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (42) Voir plus Ajouter une critique
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Connaissez-vous Gianroberto Casaleggio, Steve Bannon, Dominic Cummings, Arthur Finkelstein ? A peine, un peu, beaucoup peut-être, vaguement certainement…Ce sont eux que Giuliano da Empoli vise dans cet essai qui fait froid dans le dos, ces personnes qu'il dénomme « Les ingénieurs du chaos », personnages de l'ombre, souvent diplômés, qui ont imaginé, bâti puis huilé les engrenages techniques, technologiques, notamment informatiques, qui sous-tendent la montée de l'extrême droite partout dans le monde. Les hommes-orchestre des populismes. Respectivement, dans cet essai, en Italie, aux Etats-Unis, en Angleterre, en Hongrie. Il est fait allusion également au Brésil et à la France.

Cette lecture s'est imposée à moi. D'abord parce que cette semaine Idil ( @Bookycooky ) a publié une critique fort intéressante sur le dernier livre de Giuliano da Empoli, « le mage du Kremlin », ensuite parce que entendre cet auteur italien cette même semaine sur France Culture analyser la situation politique de la France m'a donné une irrésistible envie de prise de recul et de compréhension. Faire le point non pour juger, condamner mais pour comprendre. Et cet essai est édifiant.

L'auteur démarre son analyse avec le Carnaval, fête qui, depuis le Moyen-Age permet au peuple de renverser temporairement et de manière symbolique toutes les hiérarchies instituées entre le peuple et le pouvoir, « entre le noble et le trivial, entre le haut et le bas, entre le raffiné et le grossier, entre le sacré et le profane ». Une fête abolie un peu partout, la frontière entre le ludique et le politique étant assez mince. L'esprit subversif du Carnaval s'est ensuite retrouvé dans les pamphlets et dans les caricatures des journaux, puis plus récemment dans les shows télévisés et les invectives des trolls sur internet.

« Mais ce n'est qu'aujourd'hui que le Carnaval a finalement abandonné sa place préférée, aux marges de la conscience de l'homme moderne, pour acquérir une centralité inédite, se positionnant comme le nouveau paradigme de la vie politique globale ».

Derrière les apparences débridées de cette fête populaire qu'est le Carnaval, qui a lieu désormais sur Internet, se cachent le travail acharné d'idéologues, souvent des scientifiques et des experts en Big Data, tirant les ficelles du jeu politique et permettant aux populistes de prendre le pouvoir. Sans nier les autres causes de la montée en flèche de ces partis, notamment la colère du peuple, voire sa rage, qui se fonde sur des causes économiques et sociales réelles, mais qui n'arrive plus à être canalisée, l'auteur entend se focaliser sur les actions de ces ingénieurs de l'ombre et expliquer par le menu leurs méthodes. Leurs méthodes glaçantes. Qui se fondent justement sur cette rage, source d'énergie colossale, qui l'exploitent en en comprenant les codes et en maitrisant la technologie. Ils réalisent sans vergogne l'union de la colère et des algorithmes en attirant les foules sur la base d'un contenu décalé, transgressif, rendant la politique traditionnelle fade et soporifique et transformant la nature du jeu démocratique.

« Pour la première fois depuis longtemps, la vulgarité et les insultes personnelles ne sont plus tabous. Les préjugés, le racisme, le sexisme sortent du bois. Les mensonges et les complots deviennent une clé d'interprétation de la réalité ».

Sans doute parce qu'il est italien, Giuliano da Empoli démarre avec le cas de l'Italie, cette « Silicon Valley du populisme », et le cas Gianroberto Casaleggio, expert en marketing. L'auteur raconte, et ça se lit telle une bonne fiction, la naissance puis l'épanouissement du Mouvement 5 étoiles, société de marketing digital, tirant les ficelles des marionnettes Beppe Grillo (un humouriste) et Luigi di Maio, vice-premier ministre, ancien stewart. La façon dont ce mouvement manipule via un blog les foules de façon toute orwelienne sous couvert d'écoute, d'empathie, de compréhension est éclairante. En donnant en effet l'impression d'appartenance à un collectif qui se renouvelle, d'être écouté et reconnu en participant à ce blog, sans subir la discrimination fondée sur le revenus ou le niveau d'éducation. Alors que ces personnes ne sont en réalité que les instruments de l'ambition de pouvoir d'un petit nombre.

« Il ne s'agit pas d'hommes politiques qui engagent de techniciens mais bien de techniciens qui prennent directement les rênes du mouvement en fondant un parti, en choisissant les candidats les plus aptes à incarner leur vision, jusqu'à assumer le contrôle du gouvernement de la nation entière ».

A noter que la colère mentionnée seule n'explique pas l'ampleur du bouleversement en cours. Ce ne sont pas nécessairement les gens les plus pauvres, ni les plus exposés à l'immigration qui se jettent dans les bras de ces partis populistes. L'auteur le souligne. L'Internet, les smartphones, les réseaux sociaux y sont également pour quelque chose dans cette transformation du peuple.

Les ingénieurs du chaos ce sont justement ceux également à l'origine des algorithmes de Facebook, de Google, ces fameux algorithmes qui vous enferment dans des bulles filtrantes, ne vous donnant que ce qui vous intéresse, vous confortant dans vos idées, vos gouts, vos croyances. C'est connu, pourtant les chiffres édifiants donnés par l'auteur nous interpellent : une fausse information a, en moyenne, 70 % de probabilité en plus d'être partagée sur Internet, car elle est en général plus originale qu'une vraie. Ou encore la vérité prend six fois plus de temps qu'une fake news pour toucher 1500 personnes…voilà des outils parfaits pour ces partis…
Les sites, les blogs, les pages Facebook des extrémistes sont les terreaux fertiles de candidats comme Trump, Orban, Bolsonaro et Salvini. Où le but n'est pas de se fonder sur des faits, expliqués et argumentés, cette vieille politique ronflante, mais sur des émotions négatives et des ressentis. L'intensité narrative prévaut sur l'exactitude des faits. A coup de fake news, d'injures, de complots, de mensonges…tel est le nouveau style politique, sans tabou.

Je pense aux jeunes qui sont les témoins de cette nouvelle forme de politique façonnée par Internet et par les nouvelles technologies…et c'est angoissant. Comme le souligne l'excellente critique de @Aquilon62 : « il est peu probable que les électeurs, accoutumés aux drogues fortes du national-populisme, réclament à nouveau la camomille des partis traditionnels ».

Par ailleurs, l'analyse par l'auteur de Donald Trump et de son ascension, est certes connue mais toujours aussi bluffante. J'ai aimé lire ces pages qui permettent de faire le point sur cet incroyable personnage burlesque et son utilisation d'outils sophistiqués pour sa promotion et sa victoire contre Hillary Clinton.

L'ascension de Viktor Orban est également sous les feux des projecteur de Giuliano da Empoli, où là encore, nous avons affaire à une politique opportuniste, guidé par un algorithme, qui a soif de pouvoir. Avec un ingrédient supplémentaire : le sentiment de frustration accumulé par les pays de l'Est dans cet effort pour tenter de rattraper les économies occidentales après la chute du mur de Berlin, rattrapage les éloignant de leurs valeurs traditionnelles et les rapprochant du multiculturalisme et du mariage homosexuel. Frustration jusqu'à produire une inversion radicale.

Enfin l'aventure du Brexit est expliquée sous l'angle de l'ingénierie ayant contribué à aboutir à ce résultat…Notamment est souligné le travail des ingénieurs « grâce » auquel chaque électeur a reçu un message ad-hoc, personnalisé : « pour les animalistes, un message sur les réglementations européennes qui portent atteinte aux droits des animaux ; pour les chasseurs, un message qui porte sur les règlementations européennes qui protègent les animaux ; pour les libertaires, un message sur le poids de la bureaucratie de Bruxelles et pour les étatistes un message sur les ressources soustraites à l'Etat Providence pour les transferts à l'union ». Messages qui ont pu être optimisés en continu, en fonction des clics enregistrés en temps réel.

Du beau travail de synthèse, éclairant, que nous offre là cet auteur italien !

Hier 26 avril 2022, Elon Musk s'est offert Twitter pour le rendre plus libre, moins surveillé, arène pour la libre expression…lorsqu'on vient de lire ce livre, cette nouvelle fait encore plus froid dans le dos…Elon Musk a-t-il un projet politique derrière la tête ? Voilà la question qui vient immédiatement à l'esprit.

Une lecture nécessaire édifiante pour prendre du recul et mieux comprendre la progression de l'extrême droite actuellement partout dans le monde.
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Les ingénieurs du chaos du titre sont ceux qui ont compris avant les autres que la rage était une source d'énergie colossale, et qu'il était possible de l'exploiter pour réaliser n'importe quel objectif, du moment qu'on en comprenait les codes et qu'on en maîtrisait la technologie. Avec la montée des mouvements et parties populistes en Europe et outre-Atlantique, la rage contemporaine basée sur des causes sociales et économiques réelles, n'arrivant plus à se canaliser, dans la religion ou autres idéologies de gauche disparues à jamais, explose dans un Carnaval populiste aux apparences débridées. Pourtant loin d'être débridé ce Carnaval est orchestré, caché dans les coulisses, par le travail acharné de dizaines de spin doctors, d'idéologues et, de plus en plus souvent , de scientifiques et d'experts Big Data sans lesquels les leaders populistes ne seraient jamais venus au pouvoir.
Ainsi parmi ces ingénieurs du chaos,
En Italie, Casaleggio père, aujourd'hui décédé, à sa place son fils Davide Casaleggio
derrière le Mouvement 5 étoiles , une société de marketing digital ( Casaleggio Associati )au pouvoir, qui tire les ficelles des marionnettes Beppe Grillo et Luigi di Maio, vice-premier ministre ayant à son actif dans son passé qu'un seul boulot, employé comme steward au stade San Paolo à Naples. Les Casaleggio, une dictature sans précèdent,
Arthur Finkelstein, le grand conseiller derrière Viktor Orban le dictateur hongrois,
Facebook, l'algorithme déchaîné du réseau social californien, qui mixant l'épidémie de colère aux appels à la révolte des extrémistes de droite et de gauche, les fake News et les théories de complots provenant des sources les plus variées, derrière le mouvement des Gilets Jaunes,
Steve Bannon, l'homme orchestre du populisme américain, derrière Trump, celui qui l'a conduit au pouvoir, aujourd'hui au chômage et qui passe son temps en Europe dans les suites des hôtels les plus luxueux pour fonder une Internationale populiste afin de combattre ce qu'il appelle le parti de Davos des élites globales ?.....et grand copain de Mme le Pen,
D.M. Cummings* et les physiciens derrière le Brexit,
Mais aussi des ingénieurs de petits calibres, Luca Morisi, docteur en philosophie de l'Université de Vérone, qui gère " La Bête " ( explication dans le livre), derrière Matteo Salvini, l'autre clown de la Ligue du Nord, au pouvoir en Italie.

Pour les ingénieurs du chaos " le populisme nait de l'union de la colère avec les algorithmes". Quand à leur contenu concret ," pour la première fois depuis longtemps, la vulgarité et les insultes personnelles ne sont plus des tabous. Les préjugés, le racisme, le sexisme sortent du bois. Les mensonges et les complots deviennent une clé d'interprétation de la réalité."

Des expérimentations orweliennes qui donnent froid au dos mais qu'il faut malheureusement connaître, car elle sont déjà actuelles, et seront de plus en plus efficaces dans le proche futur. Des hommes dont l'intelligence maléfique ou non, engendre des systèmes virtuels impossible à saisir ou à contrôler et qui finiront par chambouler le peu qu'il en reste de l'ordre mondial, à jamais.....Même si on en connaît déjà une part de ce qui est écrit dans ce livre, je le conseille fortement vu la riche documentation et l'argumentation qu'il renferme. Cette lecture est aussi l'occasion pour chacun de nous, pour une prise de conscience des frontières de la "terra incognita" dans laquelle nos démocraties ont commencé à s'enfoncer, où oeuvrent physiciens et autres scientifiques pour une politique quantique dont le but est de pouvoir manipuler les populations le plus efficacement possible. Non ce livre n'est pas de la science fiction, c'est l'actualité même.
Écrit par un journaliste et écrivain italien, une brillante analyse de notre monde politique actuel.


*Cummings lui-même écrit que "si Victoria Woodcock, la responsable du software employé dans la campagne, avait été renversée par un autobus, le Royaume-Uni serait resté dans l'Union européenne ".

Un grand merci aux Éditions J.C.Lattés et NetGalleyFrance pour l'envoie de ce livre.
#LesIngenieursDuChaos# NetGalleyFrance
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« II y a trois manières de se ruiner... le jeu, les femmes et les ingénieurs. Les deux premières sont plus agréables ; mais la dernière est plus sûre. » affirme Auguste Detoeuf dans ses incomparables « Propos d'O.L. Barenton, confiseur ».
« II y a trois manières de ruiner la démocratie... le populisme, les réseaux sociaux et les ingénieurs. Les deux premières sont plus carnavalesques ; mais la dernière est plus sûre. » affirme Giuliano da Empoli dans « Les ingénieurs du chaos » publié en 2019, avant le COVID, la chute de Mateo Renzi et la publication cette année de son remarquable « le Mage du Kremlin ».
Analysant les succès électoraux de Beppe Grillo et du mouvement cinq étoiles, de Boris Johnson et du Brexit, de Bolsonaro et des évangélistes, de Donald Trump et du courant Make America Great Again, l'auteur constate le rôle déterminant des experts, les « Spin Doctors » Gianroberto Casaleggio (cerveau du mouvement Cinq Étoiles), Dominic Cummings (stratège du Brexit), Steve Bannon (fédérateur des conservateurs) ou Arthur Finkelstein qui a conseillé Netanyahou, avant de travailler pour Orbán.
Observant les opportunités nées de la collecte et du croisement des données des réseaux sociaux (Facebook, Tweeter, Instagram, etc.), l'auteur constate que ces moyens de communication sociale jouent aujourd'hui un rôle électoral comparable aux journaux du XIX, de la radio puis de la télévision au XX siècle en permettant de délivrer (et là est la différence) à chacun le message électoral personnel qu'il espère. Quitte à ce que des messages contradictoires soient « en même temps » diffusés à des auditoires différents.
Cette observation de ce que permet le Big Data, l'IA, la communication est fort intéressante mais, à mon avis, l'auteur sur estime le poids de ces propagandes et sous-estime le boulet du bilan de nombre d'équipes sortantes … Comment (par exemple) promettre de ne pas augmenter les impôts, puis les augmenter de 50%, et s'étonner de perdre les élections suivantes ?
Nos gouvernements, qui démontrent trop souvent qu'ils sont forts face aux faibles et faibles face aux forts, ont ruiné l'instruction publique, la justice, la santé et maintenant EDF … les électeurs ne peuvent leur pardonner ces naufrages.
Et c'est alors facile, au lieu de se livrer à un examen de conscience, d'accuser les médias et les réseaux sociaux …
Giuliano da Empoli est féroce avec son opposant « le clown » Beppe Grillo qu'il présente (en 2018) comme une marionnette de Gianroberto Casaleggio mais il le fait avec les termes utilisés (en 2022) par le Kremlin pour désigner « le clown » Volodymyr Zelensky, ce que je trouve aussi indigne que consternant.
Les Chinois, les Iraniens, luttent pour la liberté et leurs droits et utilisent avec finesse, ruse et efficacité les réseaux sociaux, alors ne laissons pas les apprentis dictateurs censurer nos réseaux sociaux.
Comme Voltaire « Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. »
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Le titre de l'ouvrage de Giuliano da Empoli est astucieux et par ailleurs rigoureusement correct : des mauvais génies, tels Steve Bannon aux États-Unis, Dominic Cummings au Royaume-Uni, Gianroberto Casaleggio et son fils Davide, en Italie, ont effectivement et allègrement contribué à créer un climat de malaise et d'angoisse, soi-disant pour le seul bénéfice des pauvres citoyens que nous sommes ! À ce trio, il convient d'ajouter Arthur Finkelstein (1945-2017), le génial conseiller de Viktor Orbán d'Hongrie et Benyamin Netanyahou d'Israël, et avant de Nixon, Reagan et Sharon. Cet homme avait parfaitement bien compris que la haine ou la colère est un excellent motif pour gagner les élections. Cyniquement, peu avant sa mort d'un cancer, à 72 ans, il a déclaré : Je voulais changer le monde. Je l'ai fait, je l'ai rendu pire ("worse" en Anglais) !

Sûrement que l'auteur s'est inspiré du terme "ingénieurs de l'âme" que le romancier russe, Iouri Olecha (1899-1960), a inventé et lancé lors d'une rencontre chez Maxime Gorki, en présence de Joseph Staline, qui a utilisé, à partir de 1932, cette expression pour désigner les écrivains russes, supposés contribuer (exclusivement) à l'édification et la victoire du communisme.
Il existe un très bon livre historique sur ce phénomène par Frank Westerman, que je compte chroniquer sous peu.

Notre amie, Bookycooky, a présenté, déjà le 16 avril dernier, une chronique du livre de da Empoli de telle qualité, qu'il serait présomptueux de ma part de vouloir essayer de la refaire. Je vous recommande donc vivement de lire cette critique. Je souscris à son approche et conclusions et je me bornerai ainsi à quelques remarques en marge et aux tous récents développements, notamment en ce qui concerne un de ces fameux ingénieurs du chaos, Dominic Cummings, et son chef Boris Johnson dans la comédie pénible du Brexit et en Italie, l'écartement du pouvoir central de la grosse "star" Matteo Salvini, provisoirement du moins.

Je crois que j'ai été le tout premier sur Babelio à brosser un portrait, d'ailleurs peu flatteur, de l'horrible Steve Bannon dans une critique de "Une conférence au Vatican", du 17/07/2017. Je ne vais donc pas répéter mon énorme admiration pour ce "gentleman" ici. Je tiens juste à signaler que son "master plan" pour une victoire électorale partout en Europe de l'extrême droite nationaliste, qu'il avait concocté dans son bureau près des bâtiments de l'Union Européenne à Bruxelles et qu'il avait précisé à Lille lors du congrès du Rassemblement National et dans la capitale belge lors d'une audition d'experts organisée par l'extrême droite flamande ("Vlaams Belang") où a brillé également Mme le Pen, n'a pas donné les résultats escomptés par ce triste sire et grand pote de Salvini. Mais j'avoue que, comme Européen convaincu, j'ai eu peur. S'il y a un étranger que l'on devrait expulser de notre continent, c'est bien Bannon.

Quoique le ras-de-marée européen d'extrême droite populiste ne se soit pas manifesté, sauf par-ci par-là un gain de quelques sièges dans les parlements nationaux, comme malheureusement en Flandre, avec le résultat que la formation d'un gouvernement fédéral belge risque de devenir une entreprise de très longue haleine !

En Italie, la grande vedette politique Salvini, qui a provoqué, début août 2019, la chute du gouvernement de Giuseppe Conte dans lequel il était ministre de l'intérieur, en vue d'organiser des élections anticipées et sa victoire aux urnes, s'est légèrement trompé dans ses calculs. L'accord intervenu entre le mouvement 5 Étoiles et le Parti démocrate (PD) a conduit au gouvernement Conte II, le 4 septembre dernier, sans Matteo Salvini. le pauvre peut continuer, sur les plages italiennes ou dans bars et restos, à se laisser prendre en selfies par n'importe qui de passage où lui se trouve par hasard. Comme le note l'auteur : "Le secret de Salvini réside dans le fait qu'il a réussi à catalyser une attention constante sur lui-même".(page 89). le showman italien se trouve donc pour le moment à l'écart, mais vu sa popularité colossale, il est sûr que la bête cherche à rebondir !

Outre-Manche, le mauvais vaudeville du Brexit a connu récemment une période de faste. Toutes les initiatives de Boris Johnson n'ont mené nulle part et à chaque fois il a été défait par un vote contraire du Parlement. C'était notamment le cas avec la motion du Brexit sans accord et les élections anticipées. Sans compter des abandons qui font mal, comme celui de son propre frère Jo Johnson. Logiquement, l'on pourrait s'attendre à un renvoi immédiat de son conseiller principal Dominic Cummings pour avis erronés, mais Bojo est Bojo et uniquement intéressé par Bojo et qui sait si ce cher collaborateur ne trouvera pas une nouvelle solution magique.

Même sans son Cummings, il n'a pas hésité à se féliciter des avances de ses négociations avec l'UE. Une information formellement contredite par plusieurs sources à Bruxelles. Mais dans cette histoire on n'en est plus à un mensonge près.

J'ai toujours eu beaucoup d'estime et de sympathie pour l'Angleterre, où le premier parlement de l'histoire a vu le jour. Actuellement pourtant, avec la farce absurde du Brexit, les shows futiles du Premier ministre, son conseiller sans foi ni loi, les dissonances de Nigel Farage et Milo Yiannopoulos, mon enthousiasme pour "Dear Old England" a pris un sérieux coup.

Le gouverneur de la province où j'habite, la Flandre-Occidentale, a indiqué les graves perturbations du trafic sur le réseau autoroutier avec la France qu'il faut craindre en cas d'un retrait britannique sans accord, le 31 octobre prochain. Entretemps, les autorités sur le continent cherchent à recruter des dizaines de douaniers et s'attendent à une multiplication d'encombres pour la circulation des voitures et de délais considérables pour l'acheminement des marchandises.

J'ai été favorablement impressionné par l'analyse implacable de Giuliano da Empoli des maux de notre temps et de l'impact colossal de ses "ingénieurs" qui sur la base d'algorithmes et à travers les réseaux sociaux jouent un tel rôle politique important, pour ne pas dire hélas déterminant.

À ce propos, je me suis souvenu d'une citation du regretté Philip Kerr que j'ai posté il y a 2 ans sur Babelio et extrait de son roman "La feinte de l'attaquant", disant : "Je ne suis pas trop fan des réseaux sociaux. Selon moi, nous nous porterions tous beaucoup mieux si chaque tweet était tarifé cinq pennys, ou si nous devions coller dessus un timbre-poste avant de l'envoyer. " (page 12).
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Bienvenue dans le carnaval des marionnettes politiques, mises en action par des marionnettistes malveillants, en réalité des délinquants qui ont compris comment cambrioler votre temps de cerveau disponible pour influencer votre vote.

J'ai trouvé ce livre remarquable. Certains lui reprochent de ne pas suffisamment citer de références, il est vrai qu'elles apparaissent dans la bibliographie d'une façon non conventionnelle. Mais là n'est pas le plus important, je crois, mais ce n'est que ma modeste opinion.

Car ce livre, qui constitue pour moi un complément au livre de Gérald Bronner, Apocalypse cognitive, ainsi qu'aux nombreux travaux scientifiques qui explorent le phénomène de l'irrationalité, montre comment les populistes de droite comme de gauche, se sont associés à des spécialistes du traitement des données, voire à des physiciens, pour influencer les votes et ainsi prendre le pouvoir.

Le principe est malhonnête, mais terriblement astucieux. A l'inverse d'essayer de fédérer une nation autour de valeurs communes, ce qui était l'un des buts majeurs des démocraties « avant », le nouveau paradigme des extrémistes est d'exercer leur action via les réseaux sociaux, en utilisant les compétences de « spin doctors », de spécialistes de l'informatique et de l'internet, capables de traiter les algorithmes de Facebook, ou d'autres, et de générer ensuite des milliers de messages « à la carte » destinés prioritairement à la masse indécise des électeurs, ce qui aboutit à influencer les votes en agrégeant des groupuscules d'origines, de conditions sociales, d'idées différentes, L'important ici n'étant pas la cohérence ou l'honnêteté du programme mais de réussir à donner aux gens ce qu'ils attendent, et surtout que le conglomérat hétéroclite permette à une candidate ou un candidat d'être élu (car souvent, on le sait, les écarts entre élu et battu sont de quelque millers de voix, voire moins).

C'est ainsi qu'a fonctionné tout d'abord, en précurseur, l'italien Gianroberto Casaleggio et sa « marionnette » Beppe Grillo, leader du mouvement 5 étoiles, et pour moi, cela a été une découverte stupéfiante. N'ayant pas suivi cette histoire de près, je pensais naïvement à un mouvement spontané. Que nenni! Pas plus vraiment spontané qu'en France le mouvement des Gilets Jaunes, qui a souffert cependant de n'avoir pas de leader et de « spin doctor »

Et les exemples de cette stratégie à l'oeuvre et de l'action machiavélique de ces ingénieurs du chaos se poursuivent, avec Trump et le maléfique Steve Bannon (un grand ami de Marine le Pen), Victor Orban ( un autre ami des le Pen, Zemmour et Cie) avec le dénommé Arthur Finkelstein qui auparavant avait propulsé Netanyahu à la tête d'Israel, Boris Johnson et son âme damnée Cummings, qui utilisera une stratégie très sophistiquée d'envois ciblés sur les réseaux, décisifs pour le vote en faveur du Brexit.

Et puis, de Empoli nous montre que cette stratégie peut être très violente, attaquant celles et ceux qui la démasquent ou la contestent, par des campagnes brutales sur internet.

Car, en définitive, l'approche de ces populistes n'est rien d'autre que la mise en place d'une dictature d'extrémistes enrôlant, à leur insu, une masse influençable.
Et c'est tout sauf rassurant, et Mr de Empoli suggère que les vrais démocrates devraient s'emparer de cette problématique, et pourquoi pas utiliser des méthodes analogues.

Évidemment, on ne peut pas savoir, peut-être le saura -t-on plus tard, la connaissance de cette méthodologie m'interpelle après le résultat des élections législatives en France. Y a t il eu des messages ciblés sur le net? Je n'en sais rien.
Mais, quand on y réfléchit, on se dit que Mme le Pen, ayant la chance qu'un autre extrémiste prenne sa place comme repoussoir, a utilisé ces thèmes fédérateurs (utilisés aussi par l'extrême gauche, d'ailleurs) que sont le retour à la retraite à 60 ans, l'augmentation conséquente du SMIC, la TVA à 5,,5% pour les produits de première nécessité, les carburants aussi, etc…. et mis en sourdine son discours, pourtant son fond de commerce celui-là, sur l'immigration, les musulmans, etc… Et ça a marché, au-delà de ses espérances.
Y a t il un « spin doctor » manipulant les réseaux sociaux derrière tout ça?
Et bien entendu, sans méconnaître les problèmes de notre société, qui sont réels, entre autres des classes moyennes qui se paupérisent, des inégalités de territoires, etc… Mais comme avait dit il y a bien longtemps Bernard Tapie, « le Front National apporte de fausses réponses à de vrais problèmes ».

En tout cas, merci, une fois de plus, à mes ami-e-s babeliotes, d'avoir attiré mon attention, voilà un livre qui malgré ses quelques imperfections, a le mérite de nous faire réfléchir.
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critiques presse (1)
Lexpress
20 mars 2019
Il est lumineux. Implacable. De Budapest à Rome et de Saint-Cloud à Moscou, il éclaire les menées de ces partis qui misent sur une sorte d'e-démocratie totale pour flatter la rage de la vox populi et, à l'arrivée, parvenir a démolir l'UE.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (63) Voir plus Ajouter une citation
Entre-temps, le vieux Prodi, à la tête d’une coalition bancale de centre-gauche, a repris le sceptre du gouvernement des mains du vieux Berlusconi, de la même manière que dix ans plus tôt. L’Italie semble prise au piège d’un interminable Truman Show, dans lequel les mêmes et éternels acteurs, de plus en plus fatigués, reviennent sur scène pour un tour de manège au terme duquel rien ne change.
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Mais, la vraie bulle, celle qui empêche d'appréhender correctement la réalité en cet automne 2016, ce n'est pas celle de Trump, de Breitbart et de la galaxie des sites conspirationnistes de la droite alternative américaine. C'est celle des démocrates, des libéraux et des médias des deux côtes qui répètent, inlassablement, qu'il est absolument impossible de parvenir à la Maison Blanche en insultant les minorités, les femmes, les immigrés et les handicapés, tout en faisant preuve d'une incompetence sans précèdent.


« C'est un groupe de personnes qui se parlent entre elles et qui n’ont pas la moindre idée de ce qui se passe. Si le New York Times n 'existait pas, CNN et MSNBC ne sauraient pas quoi faire. L 'Huffington Post et tout le reste se fondent sur le New York Times. C'est un circuit fermé, à partir duquel Hillary Clinton tire toutes ses informations — et sa sécurité. C'est cela notre opportunité. » Voilà l’intuition capitale de Bannon : la victoire de Trump est possible parce que les médias mainstream ne réussissent même pas à l'imaginer. « S’ils disent que ce n’est pas possible, ça veut dire que nous pouvons y arriver. »
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La machinerie hyperpuissante des réseaux sociaux, fondée sur les ressorts les plus primaires de la psychologie humaine, n’a pas été conçue pour nous apaiser. Bien au contraire, elle a été construite pour nous maintenir dans un état d’ incertitude et de manque permanent.

Le client idéal de Sean Parker, de Zuckerberg et de tous les autres est un être compulsif, contraint par une force irrésistible de revenir sur la plateforme des dizaines, voire des centaines de fois par jour, à la recherche de ces petites doses de dopamine dont il est devenu dépendant.

Une étude américaine a démontré qu'en moyenne chacun d'entre nous exerce 2617 pressions par jour sur son smartphone. Pas vraiment le comportement d'une personne saine d'esprit, mais plutôt celui d'un junkie en phase terminale, qui se shoote à longueur de journée à coups de refresh et de like.
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Mais si l'Italie fait fort comme d'habitude, le retour en force du Carnaval va bien au-delà de la péninsule. Un peu partout, en Europe comme ailleurs, la montée des populismes a pris la forme d'une danse effrénée qui renverse toutes les règles établies et les transforme en leur contraire. Les défauts des leaders populistes se transforment, aux yeux de leurs électeurs, en qualités. Leur inexpérience est la preuve qu'ils n'appartiennent pas au cercle corrompu des élites et leur incompétence est le gage de leur authenticité. Les tensions qu'ils produisent au niveau international sont l'illustration de leur indépendance, et les fake news, qui jalonnent leur propogande, la marque de leur liberté d'esprit.
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Nous nous sommes habitués à voir nos demandes et nos désirs immédiatement satisfaits. Quelle que soit l'exigence « There's an app for that » (« II y a une application pour cela »), précisait le slogan d’Apple.

Une forme d'impatience légitime s’est emparée de chacun d'entre nous : nous ne sommes plus disposés à attendre.

Google, Amazon et Deliveroo nous ont habitués à voir nos désirs exaucés avant même de les avoir complètement formulés.

Pourquoi la politique devrait-elle être différente ?

Comment est-il encore possible de tolérer les rituels dilatoires et inefficaces d'une machine gouvernée par des dinosaures imperméables à n’importe quelle sollicitation ?
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