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(01/01/1900)
4/5   2 notes
Résumé :
"Les Enfances du Cid" ("Las Mocedades del Cid", 1618) est la plus célèbre des pièces de Castro: elle a inspiré "Le Cid" de Pierre Corneille, ce dernier y faisant quelques emprunts.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Le Cid, vous connaissez ? C'est de Corneille, n'est-ce pas ? Et si je vous dis maintenant que c'est une pure transcription en français (car le mot traduction serait inapproprié) d'une pièce espagnole ? Si j'ajoute à cela que la transposition est extrêmement fidèle à l'original ? Seul le soucis des rimes et de la métrique est imputable au seul Corneille, car même des figures de styles typiquement " cornéliennes " sont parfois présentes chez Guillén de Castro, telle que la fameuse litote « Va, je ne te hais point. » ou des chiasmes savoureux déjà écrits textuellement dans l'original espagnol...

Bref, je ne crois pas me tromper beaucoup en affirmant que notre plus grand tragédien français, Pierre Corneille, doit énormément au dramaturge espagnol complètement oublié qu'est Guillén de Castro y Bellvis. Mais ce n'est pas la seule dette contractée par Corneille auprès de son homologue ibérique. le ressort tragique d'Horace, à savoir le combat de deux hommes au nom de leur nation afin d'éviter l'affrontement sanguinaire de deux armées, est lui aussi un emprunt issu de cette pièce. Et, très sincèrement, je le comprends l'ami Corneille, car je vous avoue que j'ai pris grand plaisir à cette lecture.

Alors qu'en est-il de cette Jeunesse du Cid ? Tout d'abord, il faut savoir que ce personnage, Rodrigo Díaz de Vivar, a réellement existé au XIème siècle et qu'il est une figure importante du Moyen-Âge espagnol, notamment de la Reconquista. Ce surnom de « cid », altération de l'arabe « seyid » signifiant seigneur lui fut attribué par les Maures eux-mêmes suite à de nombreuses défaites qu'il leur infligea.

Le titre de cette pièce prend alors plus de sens car, pour Guillén de Castro, cet épisode ne constitue que la jeunesse de cet illustre personnage pour lequel il a écrit une seconde pièce intitulée Les Exploits du Cid.

Le décor est posé : nous avons donc un noble Castillan à la cour de son roi, à une époque où Castille, Aragon, Léon, Estrémadure, Asturies, etc. ne sont pas encore des régions d'un ensemble unifié mais des royaumes séparés que les souverains successifs vont s'efforcer de conquérir et de relier.

Rodrigue est jeune, mais il est vaillant. Son père, Diègue Laínez, est lui aussi un fier chevalier quelque peu altéré par son grand âge. À telle enseigne que le Comte d'Orgaz, dit le Comte Hardi, n'hésite pas à le gratifier d'un soufflet en présence même du roi. C'en est trop pour don Diègue qui exulte de rage, sans détenir la force de provoquer en duel cet irrévérencieux.

Il demande donc à son fils de bien vouloir venger son honneur perdu. Mais l'affaire n'est pas simple car le comte a la réputation d'être un guerrier hors pair. C'est d'autant moins simple que Rodrigue est raide dingue de la fille du comte, une belle et désirable Chimène. Que faire ? Combattre et perdre Chimène ou ne pas combattre et perdre l'honneur de son père ?

La raillerie du comte achève de faire prendre la décision à notre jeune et fringant Rodrigue et, comme de bien entendu, le comte y perdra un coeur.
La belle Chimène, qui elle aussi virevolte d'amour pour Rodrigue, se trouve bien embêtée par cet état de fait. Comment aimer encore publiquement le meurtrier de son père ?

Alors la roublarde fait semblant d'être extraordinairement hostile au Cid et le poursuit partout où elle le peut, offrant même, sur un coup de tête (c'est le cas de le dire), sa fortune et sa main à qui serait capable de lui apporter la tête de Rodrigue sur un plateau…

Bref, une pièce admirable, déjà en cette prime version et que, bien sûr, Pierre Corneille élèvera encore, s'il est possible, au rang de rare joyau de la littérature mondiale. Cependant, il est toujours bon d'aller puiser à sa source un breuvage aussi succulent que le Cid, parole de Normande. Mais ce n'est bien sûr qu'un simple avis, pas toujours aussi pétillant qu'une bolée de Cid, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Le théâtre espagnol du siècle d'or a été une source d'inspiration pour de nombreux auteurs en Europe, dont tout particulièrement Corneille, qui connaissait l'espagnol, et qui à plusieurs reprises a puisé chez ses confrères pour créer ses pièces. C'est le cas pour son oeuvre la plus célèbre, le Cid, dont le modèle se trouve chez Guillén de Castro, dans cette pièce Les enfances du Cid. Auteur dont la vie n'est pas très bien connue, de noble extraction semble-t-il, il paraît avoir eu beaucoup de succès au théâtre, célébrant des héros magnifiques, pleins de panache.

A l'origine de la pièce, un personnage réel, Rodrigo Diaz de Vivar, qui vécut au XIe siècle, et qui a été au service des rois de Castille. Un serviteur peu docile toutefois, qui visiblement n'hésitait pas à contester le pouvoir royal, au point de se mettre pour un moment au service d'un roi maure, et de finir à la tête de son propre royaume à Valence. Une quarantaine d'années après sa mort, il est le héros d'une sorte de chanson de geste, et il devient progressivement le grand héros de la Reconquête, laissant dans l'ombre des aspects moins glorieux du personnage réel, tissant une légende. Il figure ainsi dans de nombreuses romances, ces chansons populaires au fond historique, dont paraît s'être inspiré Guillén de Castro, plus que de l'épopée ou de chroniques. Il a d'ailleurs intégré des passages entiers de ces chants dans sa pièce, parfois au détriment d'une certaine cohérence dramatique. Mais il n'a retenu que les aspects nobles du personnage, en y ajoutant un côté galant, propre à l'époque où il écrivit sa pièce. Son Rodrigo n'est pas seulement un modèle du noble chevalier du Moyen-Âge mais aussi du jeune noble policé du XVIIe siècle, en particulier dans les scènes avec l'Infante.

L'histoire est très proche de celle de Corneille, que tout le monde connaît. Rodrigo est adoubé chevalier par le roi, il aime Chimène et il est aimé par elle, et espère pouvoir être choisi pour être son mari. Mais un conflit éclate au conseil du Roi. Ce dernier veut choisir le gouverneur de son fils aîné, le futur souverain. Il fait le choix de Diègue Lainez, le père de Rodrigo, au détriment du comte d'Orgaz, le père de Chimène. Ce dernier ne se résout pas à ne pas être choisi, et soufflette don Diègue en plein conseil. C'est aussi un affront pour le Roi, qui choisit prudemment de ne surtout pas réagir ni d'ébruiter l'affaire. Les autres fils de don Diègue ayant refusé de laver l'affront, c'est donc Rodrigo qui le fera, la mort au coeur, conscient du risque de perdre sa bien-aimée. Qu'il va voir chez elle, où il comprennent qu'ils s'aiment, mais que Chimène devra réclamer sa mort au Roi. Ce dernier ne veut surtout pas de vagues. Pour lui permettre de revenir en grâce, le père de Rodrigo lui conseille de livrer bataille à cinq rois maures, qui mettent le feu aux frontières. Rodrigo les défait et sauve le royaume. Mais pas pour très longtemps : le roi d'Aragon est prêt à défier Castille et propose pour éviter un bain de sang, un combat entre deux champions. Mais personne en Castille ne se risque à défier celui d'Aragon, un géant redoutable. Sauf Rodrigo, qui en plus de son pays doit défendre Chimène, qui imprudemment a promis sa main et sa fortune à celui qui vaincrait Rodrigo. La fin est heureuse, Rodrigo triomphe et pourra épouser Chimène.

La pièce est plus directe, moins subtile que celle de Corneille. Chimène n'a pas vraiment de scrupules à avouer son amour à Rodrigo, ce dernier ne passe pas beaucoup de temps en conflit intérieur, il n'y a en réalité pas de dilemme : perdre son honneur c'est perdre forcément Chimène, et donc tuer le père est la seule option. le combat final a un vrai enjeu : l'adversaire est redoutable et repoussant, Rodrigo affaibli après la bataille. L'amour de l'Infante Urraca et les scènes de flirt mondain avec notre jeune héros sont un peu étranges. Enfin, ce qui permet la situation, c'est la faiblesse du Roi, incapable d'imposer le respect à ses sujets et même à son fils, qui défend son gouverneur et Rodrigo, et menace ses frères et soeurs. Il se met donc à la merci de Rodrigo au final, ce qui permet d'imaginer des conflits à venir.

C'est tout de même une très bonne pièce, un peu plus âpre, moins simple avec des intrigues secondaires. Nettement plus spectaculaire aussi : les scènes de bataille sont présentes, même si de manière stylisée. Nous sommes moins dans la suggestion et la simplicité de l'action, c'est un univers plus baroque, foisonnant, moins maîtrisé. Mais c'est à découvrir.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
{N. B. : voici le passage qui inspira à Corneille le lumineux " Vas, je ne te hais point. " }
RODRIGUE : Exauce mon légitime espoir : tue-moi !
CHIMÈNE : Laisse-moi !
RODRIGUE : Attends... Songe bien que c'est en m'épargnant que tu exécutes ta vengeance, et que me tuer n'en serait pas une !
CHIMÈNE : Et c'est pourquoi je choisis ce moyen.
RODRIGUE : Je perds le sens ! Tu te montres si cruelle... Tu me hais donc ?
CHIMÈNE : Je ne peux te haïr, toi qui est le maître de mon destin.
RODRIGUE : À quoi bon alors tant de rigueur ?
CHIMÈNE : Je ne suis qu'une femme, mais mon honneur exige que je fasse contre toi tout ce que je pourrai... tout en souhaitant ne rien pouvoir.
RODRIGUE : Hélas ! Chimène ! Qui eût dit...
CHIMÈNE : Hélas ! Rodrigue ! Qui eût cru...

(RODRIGO : Logra mi justa esperança.
¡ Mátame !
XIMENA : ¡ Déxame !
RODRIGO : ¡ Espera !
¡ Considera
que el dexarme es la vengança,
que el matarme no lo fuera !
XIMENA : Y aun por esso quiero hazella.
RODRIGO : ¡ Loco estoy ! Estás terrible...
¿ Me aborreces ?
XIMENA : No es posible,
que predominas mi estrella.
RODRIGO : Pues tu rigor ¿ qué hazer quiere ?
XIMENA : Por mi honor, aunque muger,
he de hazer
contra ti quanto pudiere...
deseando no poder.
RODRIGO : ¡ Ay, Ximena ! ¿ Quién dixera...
XIMENA : ¡ Ay, Rodrigo ! ¿ Quién pensara...)

Acte II, (v. 321-336).
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MARTÍN GONZÁLEZ : Ainsi, Rodrigue, tu es assez audacieux non seulement pour ne pas trembler devant moi, mais pour te battre, et qui plus est contre moi ? Penses-tu exercer ta force non pas contre des harnois et des boucliers, mais contre des poitrines nues, contre des hommes à demi femmes, contre les Maures aux cimeterres de clinquant, aux rondades de papier et aux bras de coton ? Ne vois-tu pas que tu perdras d'un coup tout le courage qui t'anime, si je laisse seulement tomber sur toi un gantelet ? Va donc vaincre là-bas tes moricauds et fuis où ma rigueur ne pourra pas t'atteindre !
RODRIGUE : Les chiens qui aboient n'ont jamais de crocs vaillants !

Acte III.
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RODRIGUE : Et si tu doutes du succès de cette entreprise que je prends sur moi d'assumer, qu'importe ! Rodrigue ira au combat, même si don Martín doit l'emporter ! N'est-il pas sûr et avéré qu'il est pire de ne pas combattre pour vaincre que d'être vaincu en combattant ?

(RODRiGO : Si es que dudas en el fin
de esta empresa, a que me obligo,
¡ salga al campo don Rodrigo
aunque vença don Martín !
Pues es tan cierto y sabido
quánto peor viene a ser
el no salir a vencer,
que saliendo, el ser vencido.)

Acte III, (719-726).

{N. B. : vous avez sûrement reconnu le passage qui inspira à Pierre Corneille son fameux " À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire " du Cid, qui elle-même est un remake de cette pièce de Guillén de Castro.}
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LE COMTE D'ORGAZ : N'est-ce pas folie de ne point voir qu'en fin de compte je rapiécerai son honneur pour un lambeau arraché au mien ? Et après cela, nous nous retrouverions, lui avec un honneur rapiécé, moi avec un honneur perdu. Et cette pièce d'une autre couleur sera pour lui un plus grand préjudice, car l'honneur ne se peut restaurer que par un morceau de même étoffe.

Acte I.
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LE LÉPREUX : Qu'un de mes frères en Jésus-Christ me tende la main pour sortir d'ici !...
LE BERGER : Pas moi ! Sa main est lépreuse est répugnante.
PREMIER SOLDAT : Je ne m'y risque pas.
LE LÉPREUX : Écoutez un peu, au nom du Christ !
SECOND SOLDAT : Ni moi non plus !
RODRIGUE : Moi si, car c'est une œuvre de miséricorde. Et même je te baiserai la main.

Acte III.
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