En effet. La situation s’y prête. Le reste du pays, ce qu’on appelle «la France», est à l’image de l’antique momie qui prétend encore la présider: elle n’en a tout simplement plus pour très longtemps. L’insondable médiocrité de ses actuels dirigeants en est la cause immédiate et conjoncturelle. Mais il y a une explication plus profonde. La « civilisation », c’est-à-dire cette prétention de l’homme (et en particulier de l’homme français, soulignons-le au passage) à sortir de' la nature pour se gouverner lui-même, touche à sa fin.
Il se pouvait que, aussi haut qu'il fut placé aujourd'hui dans la hiérarchie de l'état, il se révela plus faible que l'enfant qui vient de naitre incapable de venir au bout du moindre avorton, le pion damné par des politicards de troisième division.
Il n’y a de pouvoir que s’il y a des gens pour obéir.
On croit, avec les millions d'individus qui composent un pays comme le nôtre, disposer d'un réservoir humain inépuisable.
On s'imagine qu'il suffit de se pencher pour trouver, dans la masse, des hommes d'État, des artistes, des saints.
Cela n'est pas vrai.
La vérité est que de telles individualités sont beaucoup plus rares encore qu'on ne l'imagine.
Aucune nation n'est assez nombreuse pour être sûre d'en disposer en son sein.
C'est fini pour les hommes, tu sais. Je veux dire : pour la partie masculine de l'humanité. Ils ne l'ont pas encore compris, mais ils n'y arriveront plus. Plus avant très longtemps.
Il se pouvait que, aussi haut qu'il fut placé aujourd'hui dans la hiérarchie de l'état, il se révelat plus faible que l'enfant qui vient de naître incapable de venir au bout du moindre avorton, le pion damné par des politicards de troisième division.
- Mais rien n'est jamais acquit, hélas, reprit Claude. Il faut toujours veiller au grain. C'est à cela que des gens comme nous, chacun à la place qui est la sienne, servons, n'est-ce-pas ? Il faut y veiller en permanence. Un pays comme le nôtre, ça ne se réforme pas, vous et moi le savons bien. Ça ne se réforme pas, mais ça s'entretient. C'est à ce niveau que l'intervention humaine est nécessaire. Il faut sans cesse tailler, il faut élaguer. Il faut replanter, souvent. Aérer la terre, remuer un peu les choses, faire en sorte qu'elles respirent, conservent un certain mouvement. Éviter surtout qu'elles ne s'ankylosent, qu'elles ne s'enkystent. Et se débarrasser des branches mortes.
Je vous laisse, au revoir Barbara. Et je vous embrasse, hein, ajouta-t-il par acquit de conscience, et sans doute aussi parce que l'idée n'était pas désagréable.
Le coup d’État à l’ancienne, donc, a fait long feu. Mais cela ne change rien à l’essentiel. L’essentiel, le voici : de toute éternité, il n’y a de pouvoir que s’il y a des gens pour obéir.
-S'il y a une chose, décidément, qu'il faut proscrire en politique, ce sont les idées. Le prochain connard qui a une idée, je le fusille, dit Claude.