C’était une rude bête, aux défenses formidables, qui déjà deux fois avait fait tête aux chiens, secouant ceux qui s’attachaient des dents à ses oreilles déchirées. Cette défense acharnée, l’aspect formidable de la bête, doublaient l’ardeur des chasseurs. Une semblable proie ne devait pas leur échapper. Les maîtres et les invités du château de Coëtquen se seraient crus déshonorés s’ils n’avaient pu remporter le cadavre sanglant du vieux solitaire.
Tu es ma vie, ma joie, tu es tout ! fit-il. Si tu m’aimes, il faut vouloir ce que je veux, ton bonheur ! Jadis je songeais à une foule de choses avant de t’avoir dans les bras ; depuis, ton avenir seul me préoccupe… Tu seras riche, Rosette, très-riche ! Ne jalouse personne, mon ambition est sans limite comme ma volonté ! ce que je veux se fera !
Les meilleurs moments qu’il se souvînt d’avoir passés dans sa vie étaient les nuits pendant lesquelles la troupe campait près des meulières. Il s’endormait sous la voûte bleue du ciel constellé d’étoiles ; la brise caressait son visage ; les rainettes chantaient près des mares, les rossignols dans les buissons, les grillons dans les blés, avec les sauterelles. Les caresses du vent rafraîchissaient son âme ; les concerts du soir lui parlaient une langue inconnue, autrement harmonieuse que la langue gutturale et sonore du grand chef de la bande.
— Les prisonniers sont des criminels, ils ne doivent attendre que le châtiment.
— La plupart, sans aucun doute… Mais si coupables qu’ils soient, ils ont droit à la compassion ; ils ont besoin d’être appelés au repentir… Leur cœur se révolte et se cabre, ils maudissent les hommes et Dieu ; à ceux-là je voudrais parler de résignation… enfin, parmi les captifs, il se trouve des innocents, des victimes de machinations odieuses, ils implorent la lumière sur leur cause qui est juste, et cette justice ne se fait pas…
Il me haïssait, soit ! Il est des cœurs que rien ne désarme, ni l’humilité ni la tendresse ; mais comment ont-ils réalisé leur crime ?… car je suis la victime d’un crime, moi ! d’une séquestration abominable ! On m’a plongée vivante dans une tombe, et je ne sais si j’en sortirai jamais !…