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Laurence Harf-Lancner (Traducteur)
EAN : 9782253066552
863 pages
Le Livre de Poche (01/11/1994)
3.73/5   13 notes
Résumé :

La collection Lettres gothiques se propose d'ouvrir au public le plus large un accès à la fois direct, aisé et sûr à la littérature du Moyen Age. Un accès direct en mettant sous les yeux du lecteur le texte original. Un accès aisé grâce à la traduction en français moderne proposée en regard, à l'introduction et à des notes nombreuses. Un accès sûr grâce aux soins dont ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Soyons honnêtes : le Roman d'Alexandre ne procurera pas l'extase littéraire du premier au dernier vers mais ses autres mérites sont nombreux et compensent largement la monotonie que provoque parfois la répétition, ce procédé d'écriture typiquement médiéval qui répond certainement à une sensibilité et à une réceptivité orale qui ne correspond plus à nos pratiques littéraires.


Au niveau historique tout d'abord, ce Roman d'Alexandre résulte d'une tradition littéraire ancienne qui remonte aux historiens grecs Plutarque, Diodore de Sicile ou Quinte-Curce, et qui a constitué une base où le réalisme fréquentait souvent l'exagération surnaturelle, faisant du roi macédonien le fils d'un dieu ou d'un enchanteur égyptien, auteur d'exploits merveilleux qui défient souvent les lois de la physique et de la biologie. En langue latine, les biographies d'Alexandre sont représentées par Julius Valerius, qui livra une imitation libre, et par Léon de Naples. Les versions suivantes utiliseront ensuite la langue vernaculaire et sont d'abord constituées par Albéric de Pisançon vers 1120, puis par un auteur anonyme vers 1150, et enfin par Alexandre de Paris vers 1180. Cette dernière version fut celle qui connut le plus de succès et sur laquelle se constituèrent de nombreuses autres continuations. Elle se définit aussi comme une oeuvre originale. Alexandre de Paris revendique en effet son travail d'arrangeur et de poète, rassemblant les sources précédentes et les liant par la grâce de rimes exactes et harmonieuses. La lecture de ce roman pose donc sans cesse la question de la véracité et de la légende. Que possède de plus la légende qui exalte le sens par rapport à un témoignage strict et correct des sources historiques ? le rêve que diffuse le Roman d'Alexandre est contenu entre les lignes. le décalage qui s'instaure dans le récit entre forme simple et fond incroyable déploie l'imagination à la recherche de références, de connexions et de signifiants qui se révèlent dans un horizon d'infini. S'il est vrai qu'un texte est riche des réminiscences qu'il suscite, alors celui-ci révèle un pactole indéniable. Nous tournant de l'autre côté de l'histoire –vers le futur- et bien qu'il fasse admirablement honneur à ses sources antiques, Alexandre de Paris n'hésite cependant pas à les modifier ; on se trouve alors face à des anachronismes qui ne sont pas des erreurs mais la conséquence d'une traduction, dans le langage d'une civilisation dont l'idéologie évolue, de l'image d'un roi devenant l'empereur protecteur de la nouvelle culture chrétienne.


Ainsi nous coulons du plaisir historique au plaisir littéraire qui nous fait découvrir des formes à l'inquiétante étrangeté. Sans être complètement insolites, elles ont pourtant un charme désuet, parfois austère, mais sachant aussi se montrer grandiloquentes, c'est-à-dire primaires dans leur violence et naïves dans ses découvertes. le Roman d'Alexandre se situe à la charnière d'une époque littéraire marquée par la transition entre les formes plus anciennes de l'épopée et du roman chevaleresque et ce qui deviendra ensuite une littérature personnelle, témoignage d'un auteur qui se revendique en tant que tel. Alexandre n'apparaît donc jamais comme un héros monolithique, constitué des seuls blocs stéréotypés de la fierté, du courage et de la noblesse. Il est bien sûr exalté dans ces qualités, et il représente peut-être, déjà, le rêve d'un roi généreux et prêt à se sacrifier par respect vis-à-vis de ses sujets :


« Je vois mourir mes hommes, ils s'écrasent devant moi :
Si je n'apprends pas à partager leurs épreuves,
Comment un homme pourra-t-il jamais se fier à moi ? »


Mais Alexandre est aussi représenté comme le malheureux être humain que nous sommes tous, souffrant de la peur, de la colère ou du doute. Ses exploits visent certes à faire son éloge, mais aussi à marquer les étapes d'une quête personnelle et à enrichir ses réflexions psychologiques. Lorsqu'Alexandre demande à ses sujets de se faire construire un sous-marin pour partir à l'exploration du fonds des mers, l'étonnement de cette aventure singulière amène à la généralité d'une observation qui se montrera décisive pour l'approche de la quête menée par le roi :

« le tonneau est transporté en barque sur l'eau,
Toutes les issues sont bien scellées de plomb.
Le roi Alexandre y est entré avec deux compagnons.
Il se fait mener en haute mer par ses marins
Et leur ordonne de le descendre au fond de l'eau.
Et quand le tonneau est descendu tout au fond,
Les lampes répandent une immense clarté.
Tous les poissons contemplent le tonneau :
Les plus hardis sont tous épouvantés
Par cette lumière dont ils n'ont pas l'habitude.
Le roi Alexandre les a bien regardés :
Il voit les grands poissons faire la guerre aux petits,
Les attraper et les dévorer.
A ce spectacle, Alexandre s'est fait la réflexion
Que ce monde tout entier est perdu et damné. »


Rien ne semble laissé au hasard. Tout événement découle d'une cause et se produit déjà dans l'idée d'obtenir un effet précis. Entre les deux, les aventures sont laissées à la fluctuation d'un devenir inconnu qui déploie ses signes comme autant d'objets de réflexion, d'avertissement ou de prodige. Il y a donc nécessité de déchiffrer, que ce soit au lecteur d'interpréter à son goût ou que l'auteur propose spontanément son propre signe, avec toutes les outrances qu'il mérite. Ainsi en est-il lorsque le roi Alexandre doit se préparer à la mort, annoncée par les arbres prophétiques du Soleil et de la Lune :


« A la fin mai, juste au moment
Où le beau temps revient, où l'hiver se termine,
Une Sarrasine avait donné naissance à Babylone,
Par la volonté divine, à un monstre prodigieux.
Alexandre, l'apprenant, le fit amener par la mère.
Le haut du corps était mort, jusqu'à la poitrine,
Et vivant en-dessous, au bas de l'échine.
Tout autour du ventre, près de l'aine,
Il y avait plusieurs têtes de bêtes féroces
Qui vivent de proie, comme des loups :
Elles étaient cruelles et mauvaises,
Et ne pouvant se supporter, elles s'entredéchiraient.
Ce grand prodige était un signe
Par lequel Dieu voulait annoncer au monde la mort d'Alexandre. »



Le plaisir de la lecture s'échappe donc de tous ces morceaux qui font sens, dans la continuation d'une légende globale et dans les esquisses d'une littérature qui se tournera de plus en plus vers l'individualité d'un écrivain s'exprimant à travers le prisme de son personnage. le Roman d'Alexandre ennuie parfois et pourtant, ces moments de monotonie finissent eux aussi par se faire apprécier lorsqu'on comprend qu'ils constituent les étapes nécessaires d'un cheminement. La réalisation de l'exploit, de la tragédie ou de l'émerveillement provoque alors le même soupir de soulagement que pousserait le vieillard qui, réfléchissant à son existence et comprenant enfin son sens au moment d'expirer, s'exclamerait : « c'était donc ça ! »

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Quel homme, quel valeureux guerrier nous est dépeint dans cette épopée ! Alexandre le Grand va devenir grâce à ses conquêtes et ses victoires contre l'ennemi une figure emblématique de notre Histoire. Voici ici le récit de ce roi, bon pour ses vassaux, fin stratège, combattant redoutable. Jamais un aussi bon roi n'avait dirigé avant lui, et on parle de lui encore deux millénaires après sa mort.

N'y connaissant pas grand chose de cette époque et de ce grand homme, je me suis laissée guider par les voyages et péripéties de ce roi tant glorifié. Les déserts d'Inde, Tyr, Babylone, rien ne l'arrête. Il nous emmène également dans les tréfonds de l'océan et dans le ciel.
Il fera plier quiconque se met en travers de son chemin comme notamment Darius ou Porus qui admettent au final la grande force du vainqueur.

Nous avons aussi le droit à quelques histoires enchanteresses par le biais de créatures fantastiques comme les filles-fleurs et les sirènes dotées d'une grande beauté, mais aussi à des objets magiques comme la fontaine de jouvence. Cela collabore parfaitement avec les autres récits de l'époque, laissant le merveilleux prendre une place dans le récit.

Quelques répétitions au fil des vers apparaissent dû sûrement à la multiplicité des auteurs qui ont souhaité raconter certains passages à leurs manières. Au final, pour plusieurs péripéties, nous avons le droit à deux informations dites différemment mais qui possèdent un même résultat.
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Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
Le tonneau est transporté en barque sur l’eau,
Toutes les issues sont bien scellées de plomb.
Le roi Alexandre y est entré avec deux compagnons.
Il se fait mener en haute mer par ses marins
Et leur ordonne de le descendre au fond de l’eau.
Et quand le tonneau est descendu tout au fond,
Les lampes répandent une immense clarté.
Tous les poissons contemplent le tonneau :
Les plus hardis sont tous épouvantés
Par cette lumière dont ils n’ont pas l’habitude.
Le roi Alexandre les a bien regardés :
Il voit les grands poissons faire la guerre aux petits,
Les attraper et les dévorer.
A ce spectacle, Alexandre s’est fait la réflexion
Que ce monde tout entier est perdu et damné.
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Au sortir du royaume, à l’entrée d’Elis,
Ils trouvent une merveille qui les frappe de stupeur :
Un tertre aventureux haï de tous les hommes.
[…]
Ecoutez la merveille qui domine cette montagne :
Quand un couard y pénètre, il devient courageux ;
Le pire soldat du monde se sent rempli d’ardeur.
Mais le preux est soudain rempli de couardise,
Lâche dans son cœur, ses actes, ses paroles :
Le meilleur sombre dans la folie et la vilenie.
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Le roi Alexandre ne peut plus retenir sa vie :
Ses beaux yeux commencent à se troubler,
Son nez se fronce, sa bouche se crevasse ;
Ses bras blancs sont si faibles qu’il ne peut plus les lever.
L’âme s’échappe du corps, où elle ne peut plus rester.
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Le roi est debout, la petite loge renversée.
Il prend sa lance, y fixe un morceau de viande
Qu’il sort de son engin pour la lever vers le ciel.
Les oiseaux, affamés, regardent la viande :
Ils s’élancent vers le ciel en prenant leur vol
Et ont tôt fait d’emporter la loge dans les airs.
Ils pourchassent la viande, la gueule grande ouverte,
Mais la viande s’élève en même temps qu’eux :
Ils croient toujours l’attraper, mais ils ont bien tort.
Ils emportent ainsi le roi vers le ciel dans leur vol terrifiant […].
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Gog et Magog s’en vont, ils ont perdu des hommes,
Dix mille morts et quatre cent blessés
Qu’ils font transporter sur des brancards : ils s’en vont, honteux,
Menacent Alexandre de leur vengeance
Et le traitent de fils de putain, né d’un enchanteur.
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