- Vous ne croyez pas aux saints ?
Santiago sourit : il attendait cette question.
- Si, mon père. J'y crois.
- Et vous ne croyez pas à l'Eglise qui les a produits ?
- J'ai foi en certains remèdes, mon père. S'ensuit-il de là que je doive faire confiance aux pharmaciens chargés de les vendre ?
C'est avec José-Antonio qu'Olny comprit que, chez l'homme le plus pauvre, l'espoir est immense ; que l'on en a d'autant plus que l'on est misérable.
L'Eglise a vaincu. Ses théologiens, ses exégètes ont pressé la parole divine, l'ont vidée de toute sa sève et n'ont laissé qu'une écorce vide, desséchée comme la peau d'un vieillard.
- Tu devrais venir à Carabanchel, dit Ramirez. Tu comprendras mieux...
- Comprendre quoi ?
- Tout. Que c'est sale et beau d'être un homme, par exemple.
Il s'est efforcé de devenir un homme de haute culture et il y a peut être réussi. Mais, après avoir bien lu Platon, saint Augustin, Descartes, Nietzsche, Hegel et Marx, il se sent aussi seul et aussi démuni que n'importe quel paysan analphabète. Il est à présent conscient de la parfaite inutilité de toute culture. "Des mots", répète-t-il avec mépris. Sur ces rayons, dans ces milliers de volumes parcourus, dévorés, ces millions de petits signes dont il s'est nourri, en cette heure décisive, ont perdu tout leur sens. Ces mots l'ont empêché d'obéir et de devenir un saint. Il aurait voulu mourir en paix, près de Dieu, mais puisqu'il est trop tard, il s'apprête à mourir en chevalier solitaire et hautain.
- Faire la charité, c'est comme faire l'amour : une escroquerie. Ce qu'il faut c'est devenir charité - devenir amour.