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EAN : 9791069992405
160 pages
AFNIL (04/06/2022)
4/5   6 notes
Résumé :
Extraire l’archéologue Virginia de son excavation où elle remue des os, tel est l’objectif de Monsieur Charles Bliss, directeur de l’aciérie familiale dont la devise est «Iron will not break». La tâche est confiée au dévoué majordome, Mr Parker. Comment ce chantre de l’immobilisme va-t-il traverser la Grande Bretagne en compagnie de Frizzy pour rejoindre Edimbourg? Quel sol va-t-il forer pour enfin extirper sa sensibilité assourdie par des années de dévouement aveug... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Ecrit par une écrivaine itinérante, l'enfance de Parker est un livre qui trouverait davantage sa place au rayon de littérature étrangère, comme nous le confiait sur les réseaux sociaux l'auteur à la sortie de son livre. C'est l'histoire d'un dévoué majordome avec des préoccupations peu ordinaires vivant dans la région prospère du Sud de la Grande Bretagne.

Mr Parker est un Anglais qui déteste l'indécision, se réjouit d'enfiler ses gants, de polir les meubles, et de maintenir un ordre harmonieux dans la demeure des Bliss. Contraint de ramener à la maison la fugueuse et fougueuse Virginia partie déterrer un vestige en Ecosse, il traverse la Grande Bretagne dans le bolide de Frizzy, une jeune conductrice chevronnée, et partage soudain l'intimité de cette femme dont les préoccupations, la sensibilité et la hardiesse lui sont totalement étrangères. Confronté à ce qui s'apparente à une souffrance humaine d'un milieu qui n'est pas le sien, il découvre un sens de la fraternité et des liens amoureux qu'il n'avait jamais auparavant envisagés.

Tout le récit est tissé de détails qui progressivement construisent la charpente du récit. Parsemée de motifs qui marquent l'esprit et ravissent les sens, cette fiction se déploie dans un subtil équilibre entre dérision et gravité. J'ai été très touchée par la galerie de personnages, par les liens qu'ils nouent entre eux tout le long de ce récit : Frizzy, Virginia, l'archéologue, la quête artistique dans laquelle elle s'engouffre à en perdre la raison, Tante Lucy et sa collection de papillons épinglés, Mr Bliss, le dirigeant de l'entreprise familiale, Bud, le contestataire et meneur à l'aciérie, John, le jardinier, et enfin Big Phil, un homme à l'appétit insatiable.

Cette fresque respire une plénitude avec l'opulence d'un salon anglais, l'ardeur d'une quête effrénée et la singularité d'une plume qui jongle sur différents registres dans une vision ample et humaniste (lire l'interview qu'elle m'a accordée ci-dessous). La lumière, les couleurs et miroitements, interrogations sur les choses mêmes qui nous entourent, transfigurent la quête des protagonistes. S'agit-il d'une brûlure woolfienne, d'une plongée proustienne ou d'une révolte durassienne ? Un peu de tout ça. Ici, la littérature est d'abord une expérience, les liens entre chacun des protagonistes se tendent et se distendent dans une inlassable lutte où les résistances, liens et sentiments s'entremêlent.

L'enfance de Parker est une fresque sociale qui se loge dans cet espace qu'il y a entre l'homme et la transcendance, là où la foi, l'art et la quête d'une unité conversent. C'est un livre qui explore la question de l'art et de sa quête, et le trajet de tout homme qui souhaite élargir son cercle et transcender ses doutes, mettre son imagination au service de son action. C'est un livre plein de grâce, doté d'une féérie qui s'offre et se dérobe, d'une tension poétique et d'un magnétisme propres aux livres écrits dans une hâte créative manifeste.

Un excellent roman, une plume très belle, naïve, colorée et vivifiante. Une jeune écrivaine qui se démarque dans le paysage actuel et interpelle par son indépendance d'esprit et de ton.


Interview avec Rita des Roziers :

Question : Qu'est ce qui a initié l'écriture de ce livre, comment l'idée t'est-elle venue ?
Rita des Roziers : Pour être honnête, je voulais écrire quelque chose de léger, de fantaisiste et de réconfortant. Et finalement l'histoire de l'enfance de Parker s'est révélée plus profonde qu'elle n'en a l'air. A la surface, ce livre accueille le lecteur dans une atmosphère chaude, à l'intérieur d'une bibliothèque vivante desservie par l'élégant couloir d'une grande demeure anglaise. Derrière les rideaux de velours, des rôtis luisants se dressent sur une nappe provençale. Et à l'extérieur, dans le jardin, des fougères entre les arbres accrochent la lumière, dissimulent une veste coupable et un amour contrarié.
Mais quand on écarte les feuilles de fougères, que l'on soulève la nappe ou enfile la veste coupable, il se passe des choses.

Question : Est-ce que tu peux me décrire ton livre en quelques mots ?
R dR : L'enfance de Parker est l'histoire d'une crise familiale. C'est un livre qui raconte la fugue d'une jeune archéologue Virginia qui abandonne la région prospère du Sud de la Grande Bretagne, amant, meilleure amie, frère et soeur, et part à la poursuite d'un vestige enfoui dans les landes du Nord.

Question : Comment as-tu structuré ton livre et pourquoi as-tu décidé que le narrateur serait le majordome ?
R dR : Cette fugue est en effet racontée par le majordome. Je voulais un narrateur extérieur aux préoccupations de Virginia. Il me semblait qu'il était préférable d'excentrer le point de vue, même si c'est Virginia et Frizzy qui me sont apparues le plus clairement quand j'ai démarré cet ouvrage. Et je voulais surtout un personnage loin des idéaux de la bouillonnante Virginia. Un moi social opposé. Je n'étais pas forcément consciente à ce moment-là de tous ces choix, mais je pense que j'avais besoin de m'inscrire contre la domination du « Je », ce moi de l'auteur qui offre rarement un livre de portée universelle, et qui épuise notre capacité d'imagination, organe primordial. L'imagination est un organe et non une idée abstraite. Je pense qu'elle se travaille, qu'elle contribue à installer l'auteur au centre d'un processus qui entraîne son cerveau à acquérir une certaine élasticité, lui permet de transgresser les normes, de bousculer les interprétations automatiques que les récits normatifs répètent sans cesse. C'est un organe qui permet de modifier notre perception de l'expérience et donc notre regard sur le monde.

Question : D'où la citation d'Olga Tokarczuk en exergue ?
R dR : Tout à fait. « Nous observons, mesdames et messieurs que le « moi » humain s'hypertrophie, devient de plus en plus distinct et présent. Par le passé, le « moi » était discret, avait tendance à s'éclipser, à rester soumis au collectif. […] » le moi soumis au collectif, donc. Je crois en la nécessité de transformer notre littérature pour qu'elle renoue avec notre existence réelle, qu'elle fasse entendre le battement de nos pas affolées par tous les fléaux du monde actuel, rongé par l'individualisme, l'appât du gain, l'argent-roi. Il ne suffit pas de désigner ces fléaux et de lire des essais pertinents sur le sujet pour les combattre. Il faut aussi transformer les mentalités.
Nous sommes normalement libres de nos actes dans nos contrées occidentales, mais la « liberté » a un drôle de sens aujourd'hui. D'ailleurs on constatera que même quand les gens sont libres de voter, ils ne votent pas. La liberté est une vague notion galvaudée. Et on a complètement oublié qu'elle n'est pas seulement jouissance individuelle, mais une notion soumise au collectif. Il faut s'imaginer le monde aujourd'hui comme une énorme toile avec une foule de pions qui s'entrechoquent et réclament un espace de liberté. Les réseaux sociaux nous le démontrent tous les jours. de plus, la liberté de chacun est corrélée à sa propre indépendance financière, or notre société n'a jamais été aussi inégalitaire. Ce qui crée le climat réseau-sociétal que l'on connaît. Pour être libre de nos propres mouvements et se mouvoir sans cogner l'autre, il faut aussi que cet autre ait un espace où vivre, une voix qui vive, une pensée qui puisse se déployer, se heurter à celle d'autrui, s'y confronter.

Question : Pourquoi as-tu situé ton récit dans la région du Hopeshire en 56 ?
R dR : Nous avons vécu une période terrible. Souvenons-nous de l'hécatombe au début de la pandémie. Et nous entrons dans une période de guerre sociale et climatique. Les armes ne sont plus les mêmes. Les victimes, les morts sont plus difficiles à voir. Ils occupent un espace de moins en moins facile à délimiter. Ce ne sont pas des corps étendus criblés de balles. Et j'ai naturellement repris les thèmes qui me préoccupent aujourd'hui : la parole partagée, la distance sociale, l'incompréhension. L'intimité selon le milieu social, le mode de vie. La catharsis par l'expression artistique. Et aussi le rituel, le geste quotidien. le geste de la main.
Le temps et l'espace définissent un socle, l'histoire se situe en 56 mais en réalité, les thèmes traités dans « L'enfance de Parker » sont universels.

Question : A quoi correspond le plumeau magique auquel tu fais référence en quatrième de couverture ? Y a-t-il un symbole derrière ?
R dR : Oui, le monde du plumeau magique est un monde où l'on interroge nos peurs, peur de la mort, peur de basculer dans un monde nouveau, peur de ne pas se sentir utile, peur d'être jugé, de ne pas être aimé. C'est un instrument simple d'utilisation pour un homme muni d'une main qui en quelque sorte réfléchit et sonde les profondeurs de son âme.

Question : Tu te situes en quatrième de couverture dans le droite ligne du modernisme. Peux-tu développer ? Te sens-tu rattachée à ce courant littéraire ?
R dR : Non, je ne me sens rattachée à aucun courant. Ce qui me constitue est propre à mon histoire, à l'époque dans laquelle je vis, à mes crises personnelles, ma curiosité, à mon appétit de lecture. Ensuite, l'écriture telle que je l'aime et la défend, c'est celle qui rend au lecteur son pouvoir de lecteur, d'interprète. Ce pouvoir lui est régulièrement confisqué par un marketing toujours plus bruyant. le trajet que l'on construit depuis son propre foyer imaginaire pour rencontrer et interpréter la parole de l'autre est un pèlerinage. C'est comme cela que se construit une littérature que l'on espère universelle, un texte qui agit sur notre perception. Quand j'écris un livre, j'en ressors transformée. Je souhaite qu'il en soit ainsi pour le lecteur.
Si je devais situer mon écriture – actuellement, parce qu'évidemment cela pourrait changer dans l'avenir –, j'écris comme une portraitiste. Je m'attache à donner vie à mes personnages tels qu'ils s'offrent à moi sur le plan diégétique, en scrutant leurs gestes, en sondant leur intimité à travers leurs agissements. Cela provient probablement de mon éducation orientale.
Et pour revenir au modernisme ou aux modernismes, j'y fais référence surtout pour insister sur l'intimité que je sonde, avec le souci d'établir un lien avec l'autre. Avec les autres cultures. le modernisme a touché tous les arts au début du siècle dernier et a modifié notre rapport au réel. C'est un courant qui s'est développé avec toutes les répercussions que l'on connaît à un moment de crise dans notre société. Et nous sommes à un moment de crise profonde où je pense que les récits nombrilistes n'ont plus de place. Où notre mode de vie guidé par les lois du marketing a engendré une société fortement individualisée, avec une dictature de l'évènementiel dans le monde des livres affolante qui ne peut plus alimenter nos becs affamés de sens, avides d'établir une nouvelle façon d'être au monde, avides d'agir sur le cours de nos pas.

Question : Quel conseil donnerais-tu à tout écrivain débutant ?
R dR : Il faut sceller un pacte avec le Dieu du sommeil. Il faut croire en son pouvoir, lui offrir son corps endolori, s'absoudre de tout. Et il faut écouter son corps qui reçoit le bruit du monde.

Question : Et un conseil plus pratique ?
R dR : Beaucoup lire. Et surtout bien lire. Je crois en la transformation du corps, en la capacité du corps-esprit bien nourri de produire un texte nourrissant – se transformer tout en restant soi. Chacun doit trouver sa voie. Je suis une lectrice qui aime beaucoup relire. Et chaque relecture m'apporte un angle de vue différent. J'essaie également d'écrire des textes avec plusieurs clefs de lecture, les réécris encore et encore. Plusieurs dizaines de fois. Je n'aime pas le jetable. Je lis essentiellement de la littérature traduite, anglaise et russe. Un peu de littérature française. Si je devais décrire une particularité qui m'est propre : j'écris toujours la première et la dernière phrase dans un même élan. Même si je ne sais pas où je vais, quel chemin je vais emprunter. Je n'atterris pas forcément sur cette phrase à la fin, mais elle se retrouve en dernière page. Et puis je fais confiance à la première page qui, si elle est conduite sans effet de manche pour « accrocher » le lecteur, enracine un texte qui se déploie avec une croissance organique, biologique et sans engrais.

Question : Tu es présente depuis longtemps sur Twitter. Que t'apporte cette présence et penses-tu que ce média apporte quelque chose à la littérature.
R dR : Oui, je le pense. Evidemment, Twitter me permet d'établir des liens avec mes lecteurs. Mais je n'ai pas que des retours de lectures sur mes textes et je ne propose pas que des angles de lecture sur d'autres textes : j'ai aussi des lecteurs-contributeurs réguliers qui sont devenus des amis et m'aident quand je cherche des références, m'intéresse à un sujet particulier. J'informe mon réseau de mes lectures en cours, des perles que je déniche, de mes sujets de recherche. Je pioche des idées de lecture. Depuis mon site personnel où poésie, critiques et chroniques se répondent et s'interrogent, je poste des liens. Ces contributions d'apparence disjointes, en réalité se nourrissent mutuellement. Par exemple dans « le petit lion » (https://www.lapagederita.com/?p=1324) où j'invoque Mandelstam et écris-voyage entre trois pôles. Ou encore dans « Soleil levé » (https://www.lapagederita.com/?p=1373) où je dénonce les travers du monde des livres.
Je parle également souvent de peinture. La peinture catalyse ma créativité et me permet de traverser cette frontière étonnante entre représentation désirante et production artistique. Par exemple dans ce texte (https://www.lapagederita.com/?p=80 ) où je parcours les allées du jardin de Monet, me fait balloter entre les vagues de Woolf tout en m'interrogeant sur mon rapport à l'écriture. Il en ressort que la composition de mes personnages est centrale et je le vois bien dans mes textes.

Question : Deux mots sur la littérature contemporaine, son avenir ?
R dR : Quel est le défi de la littérature contemporaine ? Je pense que le défi pour chacun est de rapprocher, de créer des liens entre ce qui n'a pas de lien, ceux qui n'ont pas de liens. Les réseaux ont pris une telle importance dans notre vie, qu'ils nous ont bien malgré nous formatés dans ce sens. La littérature contemporaine doit trouver un moyen de traduire notre monde actuel avec une grille de lecture pleine de singularités saillantes.

Interview menée par Justine Rocher @LaccrochePlume.
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En plein coeur du Hopeshire, région prospère d'Angleterre, la famille Bliss doit faire face à la fuite de Virginia. Rattrapée par sa p Dion pour l'archéologie, elle est partie pour Édimbourg. Mais cela ne convient pas du tout à son frère aîné, qui va envoyer son majordome, Monsieur Parker, la récupérer et la faire revenir à la raison…

Rita des Roziers a eu la gentillesse de m'envoyer son roman il y a quelques temps. Une couverture rigide, un dessin d'enfant qui pourrait représenter le domaine des Bliss et me voila embarquée en Angleterre.

Si j'ai eu quelques difficultés au départ à me répéter au milieu de tous les personnages, je me suis vite accrochée à Monsieur Parker. Figure centrale du roman, ce majordome attendrit autant qu'il agace. Son conservatisme nous fait sourire. Pour lui , tout changement est perturbant. Tout est si bien au domaine, pourquoi vouloir changer. Chaque chose est à sa place, lui y compris…

Et puis, le temps de ce voyage en Écosse, la carapace se fissure. Monsieur Parker se remémore son enfance, des souvenirs oubliés, des personnes chères à son coeur se rappellent à sa mémoire. Il est tellement ancré dans son rôle, qu'il en a oublié qui il était vraiment…

Un roman court, à la fois tendre et cynique, sur un monde qui a bien du mal à accepter l'avenir qui s'ouvre à lui…
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Dans la droite ligne de notre héritage le plus précieux, celui qui accroît notre appréhension du monde, Rita des Roziers explore les points de résonance entre obsession intime et singularités partagées, à travers le récit d'un majordome, Mr Parker, qui se confronte aux consciences divergentes d'une communauté anglaise
vivant dans le sud de l'Angleterre.

Rita des Roziers travaille ses récits avec un véritable élan humaniste, et cela donne des textes qui intègrent la psychologie d'une multitude de personnages incarnés, d'une densité telle qu'on ne les oublie jamais. Cette écrivaine nous pousse à réfléchir sur nos problèmes contemporains grâce à cette proximité humaine qu'elle instaure avec une sensibilité qui lui est propre, dans un univers qui lui est propre. C'est une femme qui a beaucoup voyagé, a travaillé souvent à l'étranger, et côtoyé des sensibilités autres que françaises. Son livre devrait être rangé au rayon de littérature anglo-saxonne. Elle relie notre condition sociale aux valeurs éthiques de notre siècle, dans un univers chaud et envoûtant, avec une touche ironique savoureuse.

Un présentation est disponible par ici : https://www.instagram.com/p/CijocULtdpq/
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C'est un livre beaucoup plus dense et complexe que l'image enfantine de couverture ne le fait penser.

C'est l'histoire d'une famille industrielle anglaise aisée installée dans la campagne, vue par son majordome très acquis à la vision sociale rétrograde de ses employeurs et de la société anglaise de cette époque. Mais certaines de ses certitudes craquent au cours de l'histoire.

Les personnages sont brossés avec finesse. Beaucoup sont touchants, d'autres sont glaçants et d'autres ridicules. La plume de l'auteur peut être très acérée, mais cela n'est pas évident au premier regard.

Je n'ai pas lu Virginia Woolf qui semble avoir inspiré Rita Desroziers, mais ce livre rappelle des thèmes abordés par Kazuo Ishiguro dans "les vestiges du jour" ou "un artiste du monde flottant", où des personnages perdent leurs repères au passage d'une époque à une autre. Mais l'angle choisi est différent.

C'est un livre que j'ai lu, puis relu quand j'avais le sentiment qu'un passage en éclairait un autre qui reprenait une couleur différente à la lumière du premier.

J'ai l'impression d'avoir en main un livre d'auteur, pas un blockbuster distribué par piles de dix à côté des magazines people et des autocollants pour enfants. Ça change. Merci à celui qui me l'a recommandé.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Parfois, il y avait une pesanteur qui pressait la terre et j’aurais aimé qu’un vent pharaonique déplace l’horizon. Évidemment pendant tout ce périple, j’ai souvent pensé aux camélias se succédant le long des bras de terre embrassant Howards Hill. Cette cour où les véhicules avancent, accueillis par une étreinte généreuse. J’ai repensé à l’alignement des fenêtres qui se gorgent de soleil, reversent un à un les rayons comme un pot de miel se déverse sur le sol. Ces interminables tintements de vaisselle, clochettes. Nouvelles heures qui s’annoncent. Que la grâce de Dieu relie une à une. Cette alcôve prise d’assaut par un chuchotement. Et les tasses et sous-tasses qui chantent sur le plateau d’argent, émoustillées par une ivresse assagie. Et les divers pots de marmelades et confitures à seize heure trente qui s’en vont racler toutes les contrariétés. Ces contrariété que le ciel ne peut contenir. Ces contrariétés qui parfois avec une perfide majesté glissent jusque sous nos yeux. Brillent de leur mille lames diablotines.
Puis disparaissent.
Mais quel travail mes amis pour arriver à ce résultat ! Quel travail !
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Car, quoiqu’en disent les étrangers, nous savons accueillir nos drames et nos malheurs avec intelligence et dignité. Nous savons que le bonheur et le malheur sont séparés d’une fine membrane et nous nous efforçons de ne pas nous y ruer comme le ferait un latin avec une fourche qui embroche et une pelle qui ramasse les têtes qui roulent. Nous tentons simplement de traverser la membrane avec grâce. De vivre avec grâce.
Mourons avec grâce.
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Gonflant ses joues, Virginia a sifflé le garçon au bout de quelques pas, puis lui a crié qu’elle le retrouverait au même endroit, même heure le lendemain. Le ciel buvait à toute vitesse les derniers rayons. Je ne m’étais pas aperçu qu’avec la distance parcourue, le crépuscule n’était plus le même ici, mais dispensait une joyeuse fulgurance sur des points çà et là, choisis avec une minutie consternante malgré l’absence d’arbres, d’abris, de bâtiments. Cette lumière avait une couleur particulière, je n’en avais jamais vu de semblable pousser les rideaux du Hopeshire. Voletant nonchalante le long des crêtes de la lande, elle haranguait le soleil furtif avec une énergie bondissante, soudain s’accrochait à un point singulier et l’entourait d’éclats divins. Le vent même avait une voix venue du fond des âges, ténébreux et mélancolique, un mélange de chants et de pleurs lointains mais joyeux comme une quête assouvie. D’une intense et irrésistible appréhension, il comblait le silence, un silence de terre et d’eau.
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Frizzy a perdu depuis longtemps le sens de l'avis réel. Une sorte d'idéologie démocratique la pousse à dire le contraire de ce qu'elle pense.
Le besoin de plaire, ou encore l'irrésistible besoin de paraître originale.
Ou alors un simulacre d'héroïsme.
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Le soleil teintait ses cheveux d’un halo poudreux. Elle a levé un visage aux joues immensément creuses et nous a regardés avancer, immobile. Puis elle s’est jetée dans les bras de Frizzy. « Je sais, il t’a promis monts et merveilles ! » Virginia s’est séché le visage traversé de sillons, puis nous a montré à quelques pieds du sol les carreaux d’une maison romaine. « Ce n’était pas répertorié dans le livre. » Le dallage couvert de sable d’une teinte terne semblait richement décoré et l’on pouvait imaginer que les couleurs avaient été splendides dans une autre vie, que les sources de jouissance avaient été innombrables. Des fêtes ou funérailles, repas colorés, coupes de fruits à l’ombre de gigantesques rôtis luisants. Une cuisse galbée d’où suinte un jus de viande sombre et parfumé. Là une volaille à la poitrine rebondie ruisselante de chaleur – à cela près que seule l’odeur de la terre humide remontait, froide et inquiétante.
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Rita des Roziers vous présente son ouvrage "L'enfance de Parker" En vente sur https://www.amazon.fr/dp/B0B3BH6T3V
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