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Critique de kielosa


En paraphrasant le titre d'un livre et film célèbre "L'année de tous les dangers", nous pourrions multiplier le nombre d'années par 17 pour décrire la vie et les activités de la journaliste de choc, Janine di Giovanni. Avec la française Anne Nivat, sûrement la reporter de guerre la plus courageuse de notre époque, hélas, riche en conflits armés et brasiers dus à la bêtise humaine. Je me demande ce que Gustave Flaubert aurait écrit aujourd'hui à son ami Guy de Maupassant en contemplant les foyers explosifs de notre planète, lui, qui trouvait, déjà en 1880, que :"La terre a des limites, mais la bêtise humaine est infinie". Il aurait pu faire comme moi avec les années de couverture de combats de di Giovanni : multiplier !

Ce qui m'a toujours mis en bourrique c'est de lire le conseil à la gomme de soi-disant têtes bien pensantes qui nous suggèrent de relativer les rapports du front et qu'il convient de situer un conflit dans son véritable contexte ! Comme si ces 'aventuriers' - autre terme flatteur parfois utilisé à leur égard - travaillent dans des conditions difficilement imaginables pour nous, depuis notre fauteuil confortable, tout en risquant leur vie, pour nous raconter des bobards. Ce que semblent ignorer ces têtes pensantes c'est que sans les rapports de ces journalistes, elles seraient dans l'impossibilité de faire m'importe quel genre de commentaire. Il est vrai qu'une telle profession, ou plutôt vocation, suppose un certain goût du risque, mais il n'y a pas de mal en cela, et assurément pas un motif de dénigrement à leur encontre.

Je me souviendrai toujours de ce qui s'est passé avec un de nos reporters-stars, qui après des années, un jour, en Cisjordanie au moment de l'Intifada, a tout à coup, sans raisons particulières, eu peur. Vite rapatrié, c'était la fin de sa carrière. Heureusement pour Dirk Draulans, et bien sûr grâce à ses mérites, son organe de presse lui a réservé un job et une rubrique hebdomadaire, au calme, dans le domaine culturel. Mais son magazine n'a pas encore réussi à lui trouver un digne successeur pour l'envoyer dans des endroits chauds comme l'Irak, la Syrie, le Yémen etc.

Janine di Giovanni est née au New Jersey - à une date qu'elle préfère garder secret - et vit actuellement à Paris. En l'an 2000 elle entame sa carrière de 'guerrière de l'âme', un de ses surnoms, à Grozny en Tchétchénie, et continue en Afrique (Somalie, Rwanda, Sierra Leone, Éthiopie, etc,,,), pendant la guerre de l'ex-Yougoslavie, ses multiples voyages, interviews et articles lui confèrent une notoriété telle qu'en 2013 elle est proclamée une des 100 personnes les plus influentes du monde. Pas étonnant lorsqu'on énumère le nombre de journaux et hebdomadaires qui lui offrent leurs pages, comme Newsweek, The Times, The Guardian, The New York Times etc... sans oublier les traductions en copyright à travers le globe.

Son influence est telle qu'elle est nommée conseillère au Haut Commissariat des Réfugiés de l'ONU, gestionnaire au Centre des Conflits à Washington et, recrutée pour des cours à l'Université d'Europe Centrale à Budapest etc... Sans oublier ses nombreux passages à la télévision, notamment en France. Elle a reçu toute une série de prix et titres : celui d'Amnesty international, 'Courage in journalism', Correspondant de l'année etc... Avec elle toutes les énumérations se terminent par des 'etc', si l'on ne veut pas abuser de la patience des lecteurs.

Ce qui ne l'empêche pas de publier plusieurs ouvrages. Personnellement, je crois que son plus important à ce jour est celui sur la guerre de Yougoslavie : "Madness Visible" (madness = folie) de 2004, qu'elle a présenté sous forme de mémoire. C'est elle qui a écrit l'introduction du livre de Zlata Filipovic "Le journal de Zlata" , une oeuvre émouvante sur l'horrible siège de la ville de Sarajevo et qui a été fort apprécié sur notre site avec 15 critiques favorables.

Dans son dernier ouvrage, de 2016, :"Le jour où ils frappèrent à nos portes", elle applique la méthode qui a valu récemment à Svetlana Alexievitch le Prix Nobel de littérature, à savoir donner la parole a autant de différentes personnes que possibles. La grande différence avec la Nobel biélorusse c'est que Janine di Giovanni est allée recueillir ces témoignages en zones de guerre en Syrie, observée de près par la "Mukhabarat" ou la police (plus ou moins) secrète du fiston al-Assad, Bashar, qui continue imperturbablement la tradition familiale, inaugurée par son père, Hafez, à la suite d'un coup d'État en 1963 !

Résumer ce livre, que je recommande, n'a pas de sens, parce qu'il faut lire ce que de nombreux syriens victimes ou seulement concernés ont déclaré à notre reporter. En compensation, je préfère citer un bref passage d'un autre écrivain sur elle. Il s'agit de l'ouvrage de Clara Usón de Barcelone 'La fille de l'Est" à propos du suicide de la fille d'un grand bourreau, Ratko Mladić, l'auteur du massacre de Srebenica. "Quand une journaliste du Sunday Times, Janine di Giovanni, essaya d'obtenir une interview de lui (Mladic) en se penchant à la vitre de la voiture dans laquelle il se trouvait, il cria aux soldats qui l'escortaient < Dégagez cette sorcière de mon chemin, sinon je l'écrase. >
Ce triste seigneur a dû être ce jour-là d'assez bonne humeur, qu'il n'a pas donné un autre ordre ou pris son Kalachnikov pour l'exécuter sur place lui-même ! Cette anecdote illustre de façon imagée que pour une des plus grande de sa profession, la vie n'est pas remplie que de prix et d'hommages, d'ailleurs largement mérités, mais aussi et surtout de dangers, d angoisses, d'arbitraire et de courage !
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