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EAN : 9782358730730
148 pages
Le Bruit du Temps (21/10/2014)
4/5   14 notes
Résumé :
Merveilleux prosateur, Babel affectionnait la forme courte. Ses récits venaient ensuite s'insérer dans des cycles. Moins connus que ceux des deux recueils qu'il publia de son vivant, Cavalerie rouge et Récits d'Odessa, mais tout aussi saisissants, les dix récits de l'Histoire de mon pigeonnier, sont ses textes les plus ouvertement autobiographiques. Et cependant, même lorsqu'il parle de lui même, Babel préfère toujours une bonne fiction à la vérité des faits.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
J'ai écouté Histoire de mon pigeonnier lu par Danièle Lebrun (1973) sur un podcast gratuit de Radio-France. Son interprétation est pleine de sensibilité. Je vous la recommande.

« Conteur hors pair, Isaac Babel (1894-1941) excelle dans la concision. Amateur de formules biscornues, de mots inventés, d'expressions empruntées à l'ukrainien, au yiddish ou même au français, il écrit à l'os. Dans Histoire de mon pigeonnier un enfant juif, brillant, amoureux des lettres témoigne de la cruauté du pogrom de 1905 qui a lieu à Odessa, la ville de naissance de l'écrivain. Un récit de jeunesse autobiographique orné d'éléments fictionnels qu'Isaac Babel souhaitait réunir dans un recueil de nouvelles consacrées à son enfance. Arrêté le 15 mai 1939 par le régime bolchevique, il est fusillé à l'âge de 45 ans. La plupart de ses manuscrits disparaissent sans que l'on sache à quel point son livre était achevé. Son oeuvre est alors interdite. Elle n'est réhabilitée qu en 1954. Isaac Babel échappe à l'oubli. »


Le premier tiers du récit s'apparente aux premiers rayons du soleil printanier et réchauffe l'âme. Et puis vous recevez un coup de poing dans le plexus solaire.

le narrateur raconte un moment de son enfance et le commente. Il a neuf ans , il vit dans le quartier juif d'Odessa avec tout son petit monde haut en couleur. Il doit travailler très dur pour prétendre rentrer au collège car le nombre de Juifs dans les écoles est limité (sur quarante enfants, seuls deux Juifs peuvent entrer en classe préparatoire). Son père toujours très optimiste et plein de confiance lui a promis un pigeonnier en récompense. Sa mère est au contraire fataliste et craint le pire pour son frêle enfant. Il obtient d'excellentes résultats. Mais une de ses notes est baissée après l'examen et sa place prise par un autre garçon. le père de celui-ci est un riche marchand juif qui a graissé la patte du professeur. L'année suivante, l'enfant réessaye. Il apprend trois livres par coeur. La peur au ventre il réussit à réciter en sanglotant tout ce qu'il sait de Pierre le Grand avec le poème de Pouchkine . Il réussit l'examen. Pianitski l'immense fonctionnaire à la barbe argentée, bardé de médailles dorées sur son uniforme sombre est admiratif : « quelle nation que vos petits youpins, le diable les habite ! ». Il empêche les petits Russes de l'embêter et lui donne une tape affectueuse sur l'épaule. C'est la fête dans le quartier : chants hassidiques des voyageurs de commerce, vin de Bessarabie, violon, ivresse de la mère. Et les jours heureux s'écoulent avec sa mère qui lui prépare ses tartines avant son départ au collège, ses fournitures toutes neuves, les nouveaux livres. Et ce n'est qu'après le premier trimestre qu'il se souvient des pigeons…



Cet texte est très riche. le récit est un témoignage avec des dates précises mais il est aussi conté avec une grande maîtrise. Babel charme, bouleverse puis cogne. le gamin lutte pour être accepté par la société russe mais il vit aussi un conflit intérieur dès le début.. Il admire à la fois les Russes joufflus, leur langue, la poésie de Pouchkine, mais il les trouve injustes et les craint. L'enfant est intelligent, plus intelligent que ses petits camarades du lycée mais il est tout frêle, tout faible, hypersensible et sa mère a bien compris que c'était rédhibitoire. Même le cul de jatte le tabasse durement avec ses propres pigeons. Cela semble plus symbolique que réaliste. La paix est impossible. Makarenko qui n'a pas pu courir après la femme qui le vole est impuissant dans un monde qui privilégie les capacités physiques mais il sera toujours plus fort qu'un Juif si brillant soit-il. Babel utilise de nombreuses répétitions, beaucoup d'images très colorées, des références bibliques (Noé, David contre Goliath et plein d'autres sans doute). Il joue aussi en virtuose sur les changements de rythme, les digressions et les ellipses jusqu'à la longue scène finale.

du grand art.


*Podcast : 24mn (le texte fait 20 pages).
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-nuits-de-france-culture/bonnes-nouvelles-grands-comediens-daniele-lebrun-lit-un-texte-d-isaac-babel-histoire-de-mon-pigeonnier-1ere-diffusion-27-04-1973-1025032
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Un petit recueil de récits d'enfance et de jeunesse d'Isaac Babel, plus ou moins enluminés d'éléments fictifs, le tout plein de poésie, de tendresse, mais dans lesquels se fait jour la cruauté des temps que vécut Babel, des premiers pogroms à la montée du pouvoir bolchévique qui le fit chuter et mourir, après l'avoir encensé. le regard de l'enfant, puis de l'adolescent, puis du très jeune homme, donne à ces récits une force qu'un simple roman sur la Révolution bolchévique ne saurait atteindre. Il est d'autant plus bouleversant de les lire, quand on sait ce que ce régime lui a fait subir quelques années plus tard.
Et on regrette, en tant que lecteur, qu'Isaac Babel n'ait pu continuer à écrire, nous transmettre ces histoires qu'il savait si bien conter.
La culture encore une fois tuée par un pouvoir politique intolérant et fermé.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Aujourd'hui encore, je m'en [de ma ville natale] souviens, je la sens, et je l'aime ; je la sens comme on sent l'odeur de sa mère, l'odeur de ses caresses, de ses mots et de ses sourires ; je l'aime parce que j'y ai grandi, que j'y ai été heureux, triste, et que j'y ai rêvé avec une passion qui ne reviendra plus.
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Déjà à cette époque, à vingt ans, je m'étais dis : mieux vaut la faim, la prison et le vagabondage, que de passer dix heures par jour dans un bureau. Ce serment que je me suis fait n'a rien de particulièrement héroïque, mais je ne l'ai jamais transgressé et je ne le transgresserai jamais.La sagesse de mes ancêtres était gravée dans ma tête : nous sommes né pour tirer du plaisir du travail, des bagarres et de l'amour, c'est pour cela que nous sommes nés, et pour rien d'autre.
(page 111)
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Depuis mon plus jeune âge, toutes le forces de mon être avaient été consacrées à inventer des romans, des pièces, des milliers d'histoires. Elles étaient posées sur mon cœur comme un crapaud sur une pierre. Possédé d'un orgueil démoniaque, je ne voulais pas les écrire trop tôt. Écrire moins bien que Léon Tolstoï me semblait une perte de temps. Mes histoires étaient destinées à survivre à l'oubli. Une pensée intrépide et une passion dévorante ne valent la peine que l'on se donne pour elles que lorsqu'elles sont revêtues de superbes atours. mais comment les coudre, ces atours?
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Quelque part au loin, elle [notre vie] était parcourue par le malheur monté sur un grand cheval, mais le bruit de ses sabots s'estompait, disparaissait, et le silence, ce silence douloureux qui s'abat parfois sur les enfants en détresse, a soudain aboli la frontière entre mon corps et la terre immobile qui n'allait nulle part.
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Une bonne fiction n'a pas à ressembler à la vie réelle ; c'est la vie qui essaie de toutes ses forces de ressembler à une bonne fiction.
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