Si « la peur n'évite pas le danger », elle évite au moins de nous jeter dans la gueule du loup. Mais lorsque le danger vient à nous, comment maîtriser cette peur de manière à pouvoir agir ? Dans cette compilation d'instants du quotidien, tirés de ses expériences de métro, l'auteur analyse les mouvements de violence (physique, passive, verbale, etc…) pour comprendre nos réactions de peur, dans l'espoir de les maîtriser. Car
le courage des autres, par définitions, c'est celui qu'on n'a pas. C'est celui qu'on admire discrètement, un peu honteux, en espérant qu'il déteigne. Ce n'est pas forcément un exploit insurmontable, ni une épreuve de force impressionnante. Ça peut consister à désamorcer une situation avec calme et naturel avant qu'elle ne dégénère. C'est parfois un mot, ou rien qu'un regard. Ce n'est pas toujours résoudre un problème, c'est simplement accepter de l'affronter. Ne pas nier l'existence du clochard qui monte dans la même rame de métro que vous ; admettre son existence, sa pauvreté et sa souffrance. Les regarder en face. Vous êtes désormais celui sur qui un regard égaré peut s'appuyer, exister.
Et dans le même temps, si vous n'êtes plus celui qui fuit, vous n'êtes plus la proie.
Capturés sur le vifs, ces instantanés font échos en nous tous. Enfant, on apprend en observant tout et tout le monde intensément. En grandissant, on se rend compte que ceux qui croisent nos regards peuvent vouloir y prendre aussi quelque chose ; et comme on ne veut pas toujours le leur donner, on fuit. On se fait discret, on essaye tellement fort d'ignorer autrui alentour qu'un jour, on y arrive ; il n'y a pas pire aveugle que celui qui ne veut plus voir. C'est tellement pratique qu'à force, on ne parvient plus à rouvrir les yeux. Quand il faudrait voir, on est aveugle ; quand il faudrait entendre, nous sommes devenus sourd. Au moment d'agir, nos réflexes nous fuient, à leur tour. Juste retour des choses. Tout cela par confort, ou par sécurité. Et la ceinture se resserre autour de nous, nous isole dans nos bulles. Jusqu'à s'y trouver tellement seul. Y compris quand nous, nous aurions à notre tour besoin d'aide… Parce que les autres sont devenus sourds, eux aussi. Et aveugles. Et craintifs, comme nous. L'individualisme, finalement, n'est-ce pas lui, le coupable ? Comme ces fois où vous vous faites méchamment accoster dans les rues aux heures de pointe, et où
le courage des autres est de s'enfuir, staccato des pas accélérant sur le bitume, plongeons des nez dans les poussettes et sacs à mains, sur les portables des pères de familles raisonnables. En même temps, qu'aurions-nous fait à leur place ?
Hugo Boris s'est toujours senti désarmé contre les agressions qui nous entourent. Pour avoir moins peur au quotidien, il passe avec application chaque dan jusqu'à obtenir sa ceinture noire de karaté. Il est fier, il sait se battre ; il ne peut plus rien lui arriver, pense-t-il. Jusqu'au jour où l'agression de sa voisine de métro le laisse paralysé. Pas un mot en sa faveur. Pas même un cri d'alerte, un mouvement, un souffle ; pas un regard, pour ne pas se faire remarquer à son tour par les agresseurs. Rien. Juste cette sensation que, s'il faut sauver une peau, c'est la sienne, et que même pour la sienne on n'est pas sûr d'en avoir le cran. Après cette expérience, il ne s'épargne pas. Et il cherche à comprendre : d'où vient cette réaction oui, mais surtout comment la modifier. Où se placent les frontières entre lâcheté, courage, et inconscience ? Pourquoi certaines personnes sont des cibles et d'autres pas, pourquoi certaines se sacrifient et d'autres pas ? Il fait son herbier dans le métro, recueillie tous les comportements, les analyse, les rapproche et, surtout, tente de s'inspirer des meilleurs ; du courage des autres. Même si ça doit commencer par celui d'un enfant, qui n'a pas peur de s'intéresser au clochard assis dans le wagon tandis que tout le monde le nie, le renie, l'ignore, l'évite ; le fuit.
Je regarde les clochards assis, tendant la main. Je leur réponds ; je donne, parfois. Mais je fuis le regard des punks à chiens, saouls et agités, semblant sans limites et insistants ; mécaniquement, ballet orchestré pour ma tranquillité, je change de trottoir. Je deviens la proie parfaite.
Vous vous rappelez ? Dans la soirée du 21 août 2015, le monde, sidéré, apprend qu'un attentat a été déjoué à bord du Thalys 9364 à destination de Paris. Une attaque évitée de justesse grâce à trois Américains qui voyageaient en Europe. Un jeune soldat américain se jette sur le tireur, s'interposant entre l'arme et le reste du wagon, faisant un écran à l'épreuve des balles pour protéger les autres. Si l'arme ne s'était pas enrayée à ce moment-là, il serait mort - ou mal en point, et les autres avec. Mais il l'a fait, sans savoir que l'arme allait s'enrayer, et sans pouvoir ignorer qu'il n'avait pas - ou peu - de chances de bien s'en tirer.
Clint Eastwood, dans « Le 15h17 pour Paris », a tenté à son tour de nous montrer le courage de ces autres : Il met en scène, dans leur propre rôle, chacun des trois passagers américains qui ont déjoué l'attentat.
Il témoigne en outre au vrai procès contre les auteurs de l'attentat raté.
Il m'est arrivé d'être victime de harcèlement de rue, comme vous l'êtes peut-être régulièrement.
J'ai même lu ce bouquin - et aussi regardé ce film.
Et quelle est la première chose que j'ai dit à Chou quand le film s'est achevé ?
« Surtout je t'en supplie, si ça se produit ne te jette pas au devant de l'arme ou de l'adversaire ».
Alors ce livre, sur
le courage des autres, je vais le garder dans ma bibli, le faire infuser encore un peu. Il me reste du chemin à faire.
Et vous, votre dernier courage, votre dernière faiblesse ?