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EAN : 9782246820598
180 pages
Grasset (08/01/2020)
3.57/5   135 notes
Résumé :
Hugo Boris vient de passer sa ceinture noire de karaté lorsqu'il fait face à une altercation dans le RER. Sidéré, incapable d'intervenir, il se contente de tirer la sonnette d'alarme. L'épisode révèle une peur profonde, mélange d'impuissance et de timidité au quotidien. Trait de caractère personnel ou difficulté universelle à affronter l'autre en société ? Ce manque de courage l'obsède. Sa femme lui suggère de " se faire casser la gueule une bonne fois pour toutes "... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (60) Voir plus Ajouter une critique
3,57

sur 135 notes
Hugo Boris a inventé une très jolie formule : il « herborise » dans les transports à commun – métro et RER - , c'est-à-dire il consigne sur le vif les « cadeaux du hasard, le ravissement d'une scène, d'une rencontre, le saisissement d'un mot lu ou entendu », «  témoignage d'un coude à coude avec mes contemporains et leur imprévisibilité. »

Un jour, il fait dace à une altercation violente qui le sidère : il est incapable d'intervenir, de prendre la parole, encore moins à s'interposer physiquement, lui qui est pourtant ceinture noire de karaté. C'est l'occasion pour l'auteur de s'interroger sur sa propre veulerie et sur le courage des autres, ceux qui osent aller au contact quand une situation dégénère.

Si j'ai trouvé le numéro d'autoflagellation assez agaçant et répétitif, ce qui m'a lassé et fait parfois décroché de ma lecture, j'ai vraiment goûté le talent d'observateur. le microcosme du RER est scruté avec beaucoup acuité, révélant la brutalité du monde ( agressions, racisme, harcèlement, homophobie, abandon des SDF ) et explorant sans complaisance comment l'individu fait face à cette violence. Cette focale centrée sur la réaction individuelle est très pertinente et juste.

Mais ce que je retiens, ce sont les scènes vibrantes d'humanité comme celle-ci. Une rame bondée, une chaleur étouffante, une fenêtre impossible à ouvrir, une femme qui n'arrête pas de râler :
« C'est plus fort qu'elle, elle a besoin de s'agiter. En face, la vieille femme sourit faiblement depuis tout à l'heure. L'apercevant, ma voisine se tourne vers elle tout à trac en désignant son chemisier à manches longues.
- Et vous, comment vous faites ? Vous n'avez pas chaud ?
La vieille tressaille légèrement , comme si elle espérait et redoutait cette sollicitation. Son visage prend une expression de douceur navrée. Elle déboutonne son poignet et retrousse sa manche pour faire apparaître un numéro de matricule bleu pâle tatoué sur son avant-bras. Silence horrifié dans le carré.
- J'ai passé dix huit heures dans un wagon à bestiaux sans air, sans eau, avec un bébé de six mois, alors aujourd'hui, je n'ai plus chaud.
Elle nous attendait au tournant depuis toute à l'heure. Nous restons stupides. Ma voisine de droite ne sait plus où se mettre. Un sourire de bonté désolée éclaire le visage de la vieille dame, qui la rassure aussitôt :
- Mais c'est pas grave, c'est pas grave.
Elle passe le reste du trajet à consoler les passagers autour d'elle, comme un grand malade à l'hôpital qui s''efforcerait de remonter le moral de ses visiteurs. »

Lu dans le cadre du Grand Prix des lectrices Elle 2020, catégorie Essai.
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Petites lâchetés, violence banale, incivilité de tous les jours, héroïsme inattendu, Hugo Boris traque dans le métro parisien ses réactions et celles de ses contemporains face aux situations qui interpellent, sollicitent, exigent une prise de parole, un geste. Et dit-il : « Oh, comme le masque tombe dans ces cas-là ! Comme les forces et les failles se révèlent dans ces situations journalières ! »

Même si je prends peu le métro, je comprends parfaitement l'anxiété qu'il génère chez certains. La photographie, faite de scènettes souvent anxiogènes prises sur le vif, qu'en donne l'auteur me semble très proche de la réalité. Hugo Boris qui fait preuve de pas mal d'auto dérision quand il pointe son manque de courage dans certaines situations. Mais le courage n'est-il pas multiforme ? Et écrire sur son propre courage que l'on juge insuffisant n'en est-il pas une sorte tout aussi valable que d'autres plus éclatantes et spectaculaires ? Reste que j'ai été un peu agacée par une condescendance de classe qui sourd d'Hugo Boris à son insu, lui qui dit être sensible aux pauvres et aux opprimés mais qui le fait à la manière des dames patronnesses.

Challenge MULTI-DÉFIS 2020
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Si « la peur n'évite pas le danger », elle évite au moins de nous jeter dans la gueule du loup. Mais lorsque le danger vient à nous, comment maîtriser cette peur de manière à pouvoir agir ? Dans cette compilation d'instants du quotidien, tirés de ses expériences de métro, l'auteur analyse les mouvements de violence (physique, passive, verbale, etc…) pour comprendre nos réactions de peur, dans l'espoir de les maîtriser. Car le courage des autres, par définitions, c'est celui qu'on n'a pas. C'est celui qu'on admire discrètement, un peu honteux, en espérant qu'il déteigne. Ce n'est pas forcément un exploit insurmontable, ni une épreuve de force impressionnante. Ça peut consister à désamorcer une situation avec calme et naturel avant qu'elle ne dégénère. C'est parfois un mot, ou rien qu'un regard. Ce n'est pas toujours résoudre un problème, c'est simplement accepter de l'affronter. Ne pas nier l'existence du clochard qui monte dans la même rame de métro que vous ; admettre son existence, sa pauvreté et sa souffrance. Les regarder en face. Vous êtes désormais celui sur qui un regard égaré peut s'appuyer, exister.
Et dans le même temps, si vous n'êtes plus celui qui fuit, vous n'êtes plus la proie.


Capturés sur le vifs, ces instantanés font échos en nous tous. Enfant, on apprend en observant tout et tout le monde intensément. En grandissant, on se rend compte que ceux qui croisent nos regards peuvent vouloir y prendre aussi quelque chose ; et comme on ne veut pas toujours le leur donner, on fuit. On se fait discret, on essaye tellement fort d'ignorer autrui alentour qu'un jour, on y arrive ; il n'y a pas pire aveugle que celui qui ne veut plus voir. C'est tellement pratique qu'à force, on ne parvient plus à rouvrir les yeux. Quand il faudrait voir, on est aveugle ; quand il faudrait entendre, nous sommes devenus sourd. Au moment d'agir, nos réflexes nous fuient, à leur tour. Juste retour des choses. Tout cela par confort, ou par sécurité. Et la ceinture se resserre autour de nous, nous isole dans nos bulles. Jusqu'à s'y trouver tellement seul. Y compris quand nous, nous aurions à notre tour besoin d'aide… Parce que les autres sont devenus sourds, eux aussi. Et aveugles. Et craintifs, comme nous. L'individualisme, finalement, n'est-ce pas lui, le coupable ? Comme ces fois où vous vous faites méchamment accoster dans les rues aux heures de pointe, et où le courage des autres est de s'enfuir, staccato des pas accélérant sur le bitume, plongeons des nez dans les poussettes et sacs à mains, sur les portables des pères de familles raisonnables. En même temps, qu'aurions-nous fait à leur place ?


Hugo Boris s'est toujours senti désarmé contre les agressions qui nous entourent. Pour avoir moins peur au quotidien, il passe avec application chaque dan jusqu'à obtenir sa ceinture noire de karaté. Il est fier, il sait se battre ; il ne peut plus rien lui arriver, pense-t-il. Jusqu'au jour où l'agression de sa voisine de métro le laisse paralysé. Pas un mot en sa faveur. Pas même un cri d'alerte, un mouvement, un souffle ; pas un regard, pour ne pas se faire remarquer à son tour par les agresseurs. Rien. Juste cette sensation que, s'il faut sauver une peau, c'est la sienne, et que même pour la sienne on n'est pas sûr d'en avoir le cran. Après cette expérience, il ne s'épargne pas. Et il cherche à comprendre : d'où vient cette réaction oui, mais surtout comment la modifier. Où se placent les frontières entre lâcheté, courage, et inconscience ? Pourquoi certaines personnes sont des cibles et d'autres pas, pourquoi certaines se sacrifient et d'autres pas ? Il fait son herbier dans le métro, recueillie tous les comportements, les analyse, les rapproche et, surtout, tente de s'inspirer des meilleurs ; du courage des autres. Même si ça doit commencer par celui d'un enfant, qui n'a pas peur de s'intéresser au clochard assis dans le wagon tandis que tout le monde le nie, le renie, l'ignore, l'évite ; le fuit.
Je regarde les clochards assis, tendant la main. Je leur réponds ; je donne, parfois. Mais je fuis le regard des punks à chiens, saouls et agités, semblant sans limites et insistants ; mécaniquement, ballet orchestré pour ma tranquillité, je change de trottoir. Je deviens la proie parfaite.


Vous vous rappelez ? Dans la soirée du 21 août 2015, le monde, sidéré, apprend qu'un attentat a été déjoué à bord du Thalys 9364 à destination de Paris. Une attaque évitée de justesse grâce à trois Américains qui voyageaient en Europe. Un jeune soldat américain se jette sur le tireur, s'interposant entre l'arme et le reste du wagon, faisant un écran à l'épreuve des balles pour protéger les autres. Si l'arme ne s'était pas enrayée à ce moment-là, il serait mort - ou mal en point, et les autres avec. Mais il l'a fait, sans savoir que l'arme allait s'enrayer, et sans pouvoir ignorer qu'il n'avait pas - ou peu - de chances de bien s'en tirer.
Clint Eastwood, dans « Le 15h17 pour Paris », a tenté à son tour de nous montrer le courage de ces autres : Il met en scène, dans leur propre rôle, chacun des trois passagers américains qui ont déjoué l'attentat.
Il témoigne en outre au vrai procès contre les auteurs de l'attentat raté.


Il m'est arrivé d'être victime de harcèlement de rue, comme vous l'êtes peut-être régulièrement.
J'ai même lu ce bouquin - et aussi regardé ce film.


Et quelle est la première chose que j'ai dit à Chou quand le film s'est achevé ?
« Surtout je t'en supplie, si ça se produit ne te jette pas au devant de l'arme ou de l'adversaire ».


Alors ce livre, sur le courage des autres, je vais le garder dans ma bibli, le faire infuser encore un peu. Il me reste du chemin à faire.


Et vous, votre dernier courage, votre dernière faiblesse ?
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"il m'arrange de penser que le métro a été mon service militaire. le service du pauvre, mais mon service quand même.
Les transports en commun et leur anonymat n'obligent-ils pas les milieux les plus divers à passer un peu de temps ensemble ? Les Parisiens et les provinciaux, les Français et les étrangers, les bien-portants et les malades, les riches et les pauvres, les travailleurs et les chômeurs, les nouveau-nés et les vieillards, les honnêtes gens et les voyous fréquentent les mêmes quais. Sans le vouloir, l'humanité tout entière se donne rendez-vous dans une rame de métro, pour un trajet qui la dépasse largement." (p. 12)

Une lecture très attachante, qui nous interpelle tous plus ou moins, sur nos comportements au quotidien: nos petites lâchetés, nos défilades, nos tendances à ne pas voir ce qui nous dérange, mais aussi nos actes
de courage, nos élans de compassion, de solidarité, etc.

L'auteur a choisi comme terrain d'observation de prédilection: le métro, où le brassage des populations est tel, qu'il est comme un résumé de notre société....Premiere lecture de cet écrivain, qui me touche à la fois par son sens de l'observation et dans un même temps j'ai été très réceptive à la sensation d'un examen de conscience personnel, se voulant sans concession...sincère !... où je me suis retrouvée dans plusieurs anecdotes...

En dépit d'une ceinture noire de karaté, Hugo Boris, à 15 ans est témoin d'une altercation dans les transports en commun. Tétanisé, il ne parvient
pas à agir, se contente de tirer la sonnette d'alarme. Des années après, il se remémore cet incident humiliant, et s'en veut de son manque de courage.
Il se demande si il est "un couard patenté " à vie...ou si c'est seulement sa peur universelle "d'affronter l'autre, l'inconnu, au quotidien ?", sa hantise de la violence et de la loi du plus fort ?

Heureusement , dans ces courtes histoires survenues dans le métro, proposées par Hugo Boris, il y a aussi des instants magiques, lumineux...qui redonnent le sourire...

"Quinze ans que je consigne dans le métro en quelques lignes, sur le vif, les cadeaux du hasard, le ravissement d'une scène, d'une rencontre, le saisissement d'un mot lu ou entendu. Quinze ans que j'herborise dans les transports en commun." (p.9)

Une lecture très bénéfique...de "santé publique" !!... pour réfléchir et améliorer nos propres attitudes dans le modeste quotidien, en collectivité !!... Cet ouvrage m'a donné envie et curiosité pour les autres écrits d'Hugo Boris...
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"Quinze ans que j'herborise dans les transports en commun." nous dit l'auteur en préambule, et il raconte dans ce livre toutes sortes de scènes auxquelles il a assisté .

Tout est parti d'un événement malheureusement banal : une altercation comme il y en a tellement.
Ce qui est moins ordinaire, c'est que le témoin des faits est ceinture noire de karaté. Il devrait logiquement intervenir et être capable d'agir efficacement, mais il n'en fait rien, se contentant de tirer le signal d'alarme.
Hugo Boris porte un regard sévère sur lui-même : "Tous ces instantanés, toutes ces vignettes dessinent un portrait de moi difficile à accepter, celui d'un jeune homme attentif mais veule. le regard, dans le choix de ces arrêts, révèle en creux une personnalité : la mienne, celle d'un lâche, d'un spectateur qui n'intervient presque jamais chaque fois qu'il le devrait."

J'aime bien l'idée de départ, et je trouve le verbe "herboriser" particulièrement attirant : il amène des images de promenade, d'observation attentive et de consignation méthodique des résultats.
L'ouvrage correspond tout à fait à cela, et c'est ce qui le rend intéressant, même s'il n'est pas exempt de défauts. Entre autres, Hugo Boris tombe un peu trop souvent dans l'auto-apitoiement et la flagellation systématique devant son incapacité à agir.

Observer l'humanité dans les transports en commun est une très bonne idée : c'est le lieu par excellence qui fait cohabiter (temporairement) les personnes les plus diverses. Ces rencontres qui n'auraient jamais eu lieu ailleurs donnent lieu à toutes sortes de scènes, violentes, humaines, attendrissantes, drôles ou révoltantes, que l'auteur décrit plutôt bien.

L'ensemble, sans être exceptionnel, se parcourt avec plaisir. Au risque de tomber dans le cliché, je conseillerais de lire ces petites chroniques dans les transports en commun, cadre idéal pour ces textes courts et faciles à lire.

Je termine par deux petites remarques.

Une pour l'auteur, qui affirme de but en blanc : "Je vote à gauche, cette question."
Primo, je ne vous ai jamais posé cette question ; secundo, la réponse ne m'intéresse pas.
Cette phrase est-elle une caution morale ? L'affirmation naturelle d'être dans le bon camp ? D'être quelqu'un de bien ? Pfff !
Notez que j'aurais fait exactement la même remarque s'il était écrit "droite" au lieu de "gauche".
C'est sans intérêt et hors sujet.

Une pour l'éditeur : lorsque l'on parle d'un voyou, on écrit une "frape" avec un seul "p".
L'expression "petite frape" est utilisée plusieurs fois dans le texte, et systématiquement mal orthographiée.
Je sais, se suis assez pointilleuse sur l'orthographe. Surtout dans un livre, et à plus forte raison lorsqu'il vient d'une grande maison d'édition.
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Citations et extraits (44) Voir plus Ajouter une citation
Lu dans le no 22 de Dragon Magazine, revue spécialisée dans les arts martiaux, une interview du chercheur Christophe Jacquemart, dont les travaux sont consacrés à une approche cognitive et neurobiologique du combat rapproché :
 
Les prédateurs mammifères s’attaquent en priorité aux individus présentant une apparence malade ou affaiblie, afin d’obtenir de la nourriture avec un minimum de risque et d’énergie dépensés. De manière analogue, les prédateurs humains recherchent une victime facile. Ils évaluent toujours les signes annonciateurs de force et les marques de faiblesse chez le candidat à l’agression. La force apparente agit comme un “feu rouge”, tandis que la faiblesse apparente agit comme un “feu vert”. À ce titre, le prédateur humain fonctionne à rebours des comportements sociaux bienveillants habituels, dans lesquels les marques de peur, de vulnérabilité et de détresse suscitent la réassurance et le soutien ‒ alors que le prédateur n’y voit que des failles à exploiter. Qu’entend-on par signes annonciateurs de force ? Que regardent les criminels chez un inconnu pour déterminer sa réactivité potentielle ? Le tueur en série Ted Bundy déclara dans une interview qu’il pouvait détecter une bonne victime à la manière dont elle marchait, inclinait la tête et, d’une manière générale, à sa« façon de se tenir. Diverses études convergentes ont validé cette assertion et les chercheurs ont observé des corrélations entre certains éléments non verbaux et la vulnérabilité perçue. Sont identifiés comme plus vulnérables que les autres : les personnes qui marchent à trop grands ou trop petits pas ; qui oscillent leur buste d’avant en arrière, de droite à gauche, ou de haut en bas en avançant ; qui balancent leurs bras sans rapport avec le rythme du pas, ou qui ne balancent qu’un seul bras tandis que l’autre reste collé au buste ; les personnes qui bougent avec des mouvements étriqués ou ne remuent que les mains pour s’exprimer (au lieu de faire des gestes amples avec les bras) ; les personnes avec un visage triste, honteux ou inquiet ; les personnes ayant l’air distraites ; les hommes trop maigres. 
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Christophe Jacquemart dans le no 16 de Dragon Magazine toujours :
 
Il existe un autre niveau de résistance à la fuite, davantage relié à notre mémoire sociale qu’à notre mémoire biologique. Les êtres humains sont une espèce fortement hiérarchisée, au sein de laquelle le statut est de première importance ‒ notamment chez les individus de sexe masculin. En effet, dans l’environnement prétechnologique, le niveau hiérarchique d’un homme impactait directement sur son accès à la nourriture, au meilleur emplacement et aux femmes. Notre système nerveux n’ayant pratiquement pas évolué depuis cette époque, la lutte masculine pour le rang est un problème grave, considéré avec le plus grand sérieux par les mâles humains. Lorsqu’un homme défie un autre homme, le menace, l’humilie ou le provoque en duel (un simple regard appuyé suffit chez les primates), il leur est à tous deux extrêmement difficile, sinon impossible, de faire machine arrière. Les protagonistes sont littéralement aspirés dans le conflit par un mécanisme psychologique très ancien et très stable. 
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Un homme est assis les jambes écartées, un coude massif posé sur le strapontin voisin, qui est relevé. Son bras en interdit implicitement l'accès. Ses lunettes de soleil glissées dans le col lui donnent un air décontracté et un peu effronté. Je m'approche du strapontin qui constitue la dernière place disponible. Il me voit mais ne retire pas son coude. Je m'arrête net à l'instant précis où je comprends qu'il n'a pas l'intention de le libérer. Sa main balle dans le vide. Je le regarde une pleine seconde. Il a le cou large et musclé, des bras d'une force effrayante, poilus, une montre en argent, des poings qui prolongent directement ses avant-bras, sans l'habituel rétrécissement du poignet. Pour sauver les apparences, je sors mon portable et regarde l'heure. Le jeu n'en vaut pas la chandelle, je descends bientôt, je ne vais pas risquer ma peau pour deux stations.
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Le dictionnaire donne du verbe "herboriser" cette définition : "Recueillir des plantes là où elles poussent spontanément, soit pour les étudier, en faire un herbier, soit pour utiliser leurs vertus médicinales". J'herborise donc, dans le métro, chaque fois que je prélève de fines tranches de réel pour rendre compte de la diversité du monde, témoigner de la richesse inépuisable de ce fameux voyage de la Madeleine à la Bastille. J'herborise encore lorsque je voudrais guérir de ma lâcheté en tirant une tisane des vaillances dont j'ai été témoin, même discrètes. J'aimerais croire que le courage physique, quand il est fragile, reste toujours en germe dans celui des autres.
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Un grand brûlé est assis dans le wagon où je pénètre, dos bien droit, le regard fixe. Son visage est détruit, la peau froissée luisante. Il n'a plus de lèvres, plus de nez, plus d'oreilles, ses yeux ne sont plus que deux points noirs enfoncés sous les arcades. Son squelette facial est presque à nu. Je n'ose pas m'asseoir dans sa partie du wagon de peur de le dévisager. Moi qui ai une petite gueule à peu près symétrique, je me demande si j'aurais le courage de sortir de chez moi à visage découvert, comme lui. Et ce qu'il me resterait après le drame.
[...]
Ce qu'il me resterait vraiment.
L'amour de ma mère. De mes enfants. La lecture, le cinéma.
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L'édition 2022 du Grand prix Sofia de l'Action littéraire a eu lieu le 18 et 19 mai, à Chambéry. Elle a proposée une table-ronde intitulée « Les festivals littéraires à la croisée des arts » en présence de Daniela Farail (festival du Premier Roman de Chambéry), Sébastien Planas (Festival international du livre d'art et du film) et Dominique Rouet (festival le Goût des autres), Carole Zalberg (autrice et membre de la commission attribution des aides de la Sofia) et Hugo Boris (auteur et membre de la commission attribution des aides de la Sofia) et animée par Cécile Deniard, Présidente de la Sofia.
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