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EAN : 9782707144195
220 pages
La Découverte (01/05/2004)
3.62/5   29 notes
Résumé :

Les manipulations de la parole sont aujourd'hui devenues courantes dans les sociétés modernes. La démocratie, qui a placé la parole au centre de la vie publique, paraît menacée par la prolifération des techniques qui visent à nous contraindre, sans que nous nous en rendions compte, à adopter tel comportement ou telle opinion. La sensation diffuse de vivre dans un " univers menteur " n'est-elle pas à l'orig... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Se faire manipuler, on en vient à trouver ça rigolo. C'est vrai : moi, par exemple, quand on me dit que la pub à la télé essaie de me manipuler pour que j'essaie des trucs, je trouve ça con parce que je sais ce que je veux acheter et quoi et tout, mais c'est vrai que je vais peut-être bien acheter du produit monsieur propre parce que j'en ai marre que les plaques électriques soient toujours poisseuses à force de foutre des lardons et du fromage râpé partout à côté de la poêle. Il n'empêche, voilà, il y avait une prédisposition qui n'a rien à voir avec la télé. Sauf peut-être que ce raccourci (acheter un truc pour régler un problème qui n'en est pas un) est justement symptomatique de la manipulation dont je suis inconsciemment victime. Quand j'étais petite, je voulais être bergère, voilà qui était plus original.


Ce qui est pas mal dans ce livre, c'est que l'auteur n'est pas là à nous dire que la manipulation, ouf, la démocratie nous en protège quand même. Ben non parce que justement, il voit la naissance des techniques de manipulation par la parole avec l'émergence de la démocratie. C'est qu'il fallait bien, dans une situation d'égalité, faire renaître de la différence par la consommation des diverses merdes que les gens produisent pour se passer le temps. Alors qu'on pourrait si bien garder des moutons dans de verts pâturages pendant ce temps-là.


Avec le régime nazi et tout, après, on a voulu nous faire croire que nos sociétés postmodernes c'était de la balle parce que tout est orienté pour le bien de la totalité. Et alors ? ce n'est pas parce que les techniques de manipulation sont utilisées pour défendre de nobles causes ou des trucs rigolos (aller manger au macdo) que c'est mieux. Oui, oui, la manipulation est présentée comme une agression. C'est une aliénation, rendez-vous en compte bon dieu. Mais ce qui s'aliène si bien devait être bien vide avant.


Ce que j'ai trouvé dommage, c'est qu'on doit se taper une longue séquence de décodage d'une interview de Jean-Marie le Pen. C'est vrai qu'il était à la mode lorsque le livre a été publié dans les années 2000 mais bon, avec le recul ça semble con et contradictoire avec le message selon lequel la manipulation ne vient pas de là où on l'imagine. le Pen c'est quand même carrément la manipulation où on attend de la voir, où on espère la voir, où on crève d'attendre et d'espérer qu'elle vienne, si fort que ça nous bouche la vue sur tout le reste.


En conclusion : nada. Ce bouquin aide un peu à ouvrir les yeux, à se sentir méchant, à se croire plus futé que les autres, mais qu'y faire ? Philippou le cochonou nous propose de fonder de nouvelles normes pour la parole, une nouvelle rhétorique, et tout, et tout, mais il s'y lance pas surtout, aux autres de faire le sale boulot ou quoi ? En tout cas c'est déjà pas mal d'écrire ça si ça peut aider à quelques prises de conscience tout en se rappelant qu'on est toujours le manipulateur d'un autre (moi, par exemple, j'aime pas qu'on me manipule les tétons trop longtemps).
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Panneaux dans les rues, pub à la télé, communication politique : la publicité et le marketing sont tellement dilués dans notre réalité qu'on ne les questionne plus.
Le mérite de Philippe Breton dans son essai de 1998 est d'abord de nous rappeler que c'est une invention récente dans l'Histoire.
A l'époque du livre, les faux charniers de Timisoara, la propagande américaine lors de la Première guerre du Golf ont réveillé les consciences quelques mois...Et puis on est passé à autre chose.

L'auteur remonte l'histoire. Durant la démocratie athénienne, une révolution mentale se produit: la fin de la vengeance privée. le droit s'élabore avec les tribunaux.

L'argumentation devient donc un outil décisif pour remporter la bataille de la parole. On invente la Rhétorique. Elle comprend plusieurs parties: l'exorde est chargée de calmer le peuple, les orateurs ont des cahiers d'exordes remplis de formules, puis il y a la discussion, la péroraison.

Bientôt deux visions s'affrontent: celles de l'efficacité - certains orateurs se vantent de pouvoir défendre une chose et son contraire- et celle de l'éthique. Comment gagne-t-on ? Par des techniques de manipulation ou par la sincérité ?

L'auteur s'intéresse à la façon dont l'argumentation se technicise: comment crée-t-on de la désinformation, quelles sont les étapes de la propagande (simplification, grossissement, orchestration, transfusion et contagion - Domenach) .
« Jacques Ellul montre bien comment, lors de la Première guerre mondiale, se met en place aux Etats-Unis une technicisation de la parole destinée à convaincre. le CPI est un organisme de propagande pure chargé de maintenir le moral, d'accroître la capacité de la guerre psychologique, d'assurer la diffusion des idéaux américains à l'étranger, dans tous les pays du monde.... »p.68
En 1932, Goebbels se vante de reprendre les techniques de la publicité américaine...

Ensuite Breton passe en revue les techniques de manipulation. Celle des affects: le Pied-dans-la-porte étudié en psychologie sociale par Joule et Beauvois.

On utilise une belle femme pour rendre sexy les cachous...

Il y a aussi une façon de piéger les mots avec la sémantique. Un exemple qui nous parle en notre période de Gilets jaunes:
Page 111 : « Un certains nombre de force anti-émeutes utilisent des balles de caoutchouc. On s'étonne parfois qu'elles puissent blesser gravement ou même tuer. En fait il s'agit de billes d'acier enrobées d'une couche de caoutchouc. le mot est enrobé de façon à cacher sa réalité bien tangible. »
Il cite la Programmation neuro-linguistique où une personne se synchronisant par la respiration parvient à vendre son produit. Il note que cette discipline s'est développée en dehors de l'université, en circuit fermé, ce qui a permis sa marchandisation à plusieurs niveaux.

Il rappelle les campagnes de désinformation en temps de guerre (le cadavre de soldat anglais porteur de fausses informations sur un débarquement en Sicile pendant la Seconde Guerre Mondiale- les Kabyles libérés porteurs de faux documents pendant la guerre d'Algérie)...

Après avoir montré les différents modes de manipulation de la parole, par recadrages, mensonges, jeux sur les mots et les phrases, l'esthétisation des messages, l'auteur passe aux cas pratiques.
Il analyse une interview télévisée de Jean-Marie le Pen, l'épouvantail de la politique des années 80 et 90. Deux colleurs d'affiches du Front National ont abattu un jeune comorien d'une balle dans le dos. A partir de ce meurtre injustifiable, Breton détaille les figures de style du discours de le Pen qui arrive à se faire passer pour une victime du système. Comme c'est à la télévision, cela va vite, on ne peut pas corriger.

Ensuite, ce sont des pages saisissantes (149) sur la façon dont l'industrie du tabac a formaté les foules dans les années 60 pour lui faire croire que le tabac n'était pas mauvais pour la santé. En 1950, les ventes de tabac commencent à baisser parce que sortent les premières études sur sa nocivité. Alors les industriels réagissent: ils s'inspirent d'études de psychologie sociale pour orienter leurs messages: on fait croire que la clope est virile pour les hommes (Le cow boy Marlboro ) et un signe d'émancipation pour la femme. La parole manipulée a un effet sur la santé publique: les ventes de tabac augmentent jusqu'au milieu des années 80. le pic de mortalité du tabac sera atteint en 2025 en France avec une projection de 160 000 morts (projection de 1998).


Bien sûr, les gens instruits de ces techniques de manipulation peuvent les ignorer. Mais Philippe Breton se demande si se boucher les oreilles, fermer les yeux, ignorer la publicité ne conduit pas à se couper des autres et à l'individualisme.

Dans les derniers chapitres, Philippe Breton s'étonne de la disparition de la rhétorique. Elle aurait permis de comprendre les techniques de manipulation.

La propagande s'inspire d'abord des expériences de Ivan Pavlov qui a montré dans son laboratoire comment on peut automatiser les réflexes chez l'humain, conditionner son comportement. Puis ce sont les études psychanalytiques et sociologiques des années 50 qui seront utilisées par les publicitaires pour élaborer des messages performants (techniques de manipulation mentale). Enfin, cette technicisation de la parole manipulée culmine avec les services de communication qui se sont développés un peu partout dans les années 80.

Dans les dernières pages, l'auteur va plaider pour que ces techniques de manipulation soient apprises à l'école, à la faculté. le citoyen doit savoir décoder une publicité télévisuelle en se posant des questions.
« Ce que l'on regarde à la télévision n'est pas le spectacle d'une réalité existant en dehors de nous, mais un message construit qui s'adresse à nous. Dès lors les questions à poser deviennent évidentes et productives :

Que veut-on nous dire
Comment nous le dit-on
A quelle part de nous s'adresse-t-on ? »


La manipulation est-elle éthique ? Est-elle l'arme des démocraties ou un exercice de coercition des individus ? Est-elle l'arme des faibles contre la violence ? Autant de questions qui restent ouvertes. Mais Philippe Breton, en 1998, s'étonne du peu de résistance et de réactions qu'elle suscite. Il faut se défendre, s'armer d'outils intellectuels insiste-t-il.

Livre court dont la densité et la diversité des sources incite à le lire lentement.
Il me donne envie d'étudier et de lire plein de livres et d'articles qui ont servi à l'auteur et dont je me fais une liste pour ne pas oublier.
Lien : http://killing-ego.blogspot...
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Philippe Breton nous livre sa catégorisation des différents techniques de manipulation par la parole, relevant aussi bien de la manipulation des affects que de la manipulation cognitive. Il émet des théories très convaincantes sur les raisons de la multiplication jusqu'à l'omniprésence de ces techniques dans notre quotidien, des conséquences engendrées et des pistes d'amélioration pour un public mieux averti et un débat public réellement démocratique.
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Citations et extraits (45) Voir plus Ajouter une citation
Dans un autre domaine, plus connu, celui de la religion, on voit l’intégrisme, les intégrismes, partis pratiquement de rien il y a quelques années, monter aujourd’hui à l’assaut des consciences musulmanes, juives, chrétiennes ou hindouistes. Leur succès est aussi lié au fait qu’ils rendent, bien provisoirement certes, une dignité à ceux à qui ces messages enflammés s’adressent. Ceux qui n’ont rien, ceux qui sont méprisés, ceux à qui plus personne ne s’adressait se trouvent de nouveau en posture d’être des « personnes susceptibles d’être convaincues ». La manipulation de la parole, là comme ailleurs, progresse en instaurant d’abord un renouveau de la parole.
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Cette nouvelle manière [individualiste] […] de voir les relations avec autrui consiste, d’une part, à prendre conscience que la représentation commande tout, d’autre part, qu’on peut la « travailler » pour interposer entre soi et autrui une sorte d’écran de protection. De cette conception va être déduit tout un idéal de vie qui est la matrice des rapports sociaux dans une société individualiste.
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Ne serait-ce pas du fait de la dégradation, accidentelle ou non, des formidables capacités de traitement de l’information dont dispose l’animal que l’un d’entre nous, du coup pré-anthropoïde, serait devenu humain ? […] Ainsi l’homme, échouant à traiter l’information avec la stabilité, la rigueur et l’exhaustivité qui conviennent à l’état instinctif, inventerait une parole en perpétuelle recherche de son adéquation avec le réel.
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Il est rare aujourd’hui que celui qui le prononce soit totalement, ou même partiellement, l’auteur de son discours. Le corollaire de cette situation est que celui qui conçoit le message n’est pas souvent en position de l’assumer.
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Le deuxième argument en faveur de l’idée que la manipulation de la parole a disparu avec la fin de la guerre froide consiste à associer étroitement totalitarisme et manipulation et, de façon corollaire, démocratie et liberté de l’opinion. […]
Le fond de cet argument, qui associe démocratie et absence « naturelle » de manipulation, tient à la croyance qu’aujourd’hui, dans un tel régime, l’homme moderne est libre. Cette liberté serait rendue possible par le fait qu’il est « informé » et que les médias, eux aussi « libres », rendent la société « transparente ».
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Videos de Philippe Breton (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Philippe Breton
Présentation de l'ouvrage "Le silence et la parole, contre les excès de la communication", Editions Eres 2017, auteurs : Philippe Breton et David le Breton
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