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Gérard Cogez (Autre)
EAN : 9782355221569
96 pages
Zones (27/08/2020)
3.74/5   17 notes
Résumé :
James Baldwin a écrit cette pièce en 1964 en réaction à l’assassinat de son ami Medgar Evers, militant des droits civiques, abattu devant son domicile du Mississippi le 12 juin 1963 par un suprémaciste blanc.
L’accumulation des meurtres racistes aux États-Unis (dont celui de quatre jeunes filles noires dans un attentat à la bombe contre une église baptiste de Birmingham, Alabama, le 15 septembre 1963) constitue l’arrière-plan de ce cri de révolte scénique. La... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Blues pour l'homme blanc est une pièce de théâtre où James Baldwin excelle à nous mener à une réflexion subtile sur la question raciale aux États-Unis.

Son histoire s'appuie pour cela sur le tragique fait divers intervenu en 1955 : le meurtre de Emmett Till. Il est devenu pour toujours, pour tous les Afro-Américains, un symbole à l'instar de George Floyd bien des années plus tard. Il était un jeune-homme de 14 ans venu du Nord, en visite dans sa famille dans le Sud. le Sud où le racisme ne se cache pas sous de faux-semblants, mais un racisme assumé où les lynchages sont pratique courante. Ainsi donc, ce jeune adolescent, un brin crâneur, un brin arrogant, s'est vanté auprès de ses amis de fréquenter des Blanches par chez lui. Et ainsi a-t-il été pris au défi d'en draguer une là, au Mississippi. N'ayant pas conscience de son audace ou plutôt du péril qu'il encourait, le jeune Emmett s'est montré familier avec une commerçante blanche avec un "salut chérie" ou quelque chose du genre. Et ainsi, mari et beau-frère s'en sont-ils pris à lui, massacrant le gamin au point que c'est par un détail que sa propre mère a pu l'identifier. Son visage était lui devenu trop méconnaissable. Malgré sa douleur, sa mère a tenu à ce que le monde entier voit ce que le racisme avait fait à son fils et son cercueil est resté ouvert lors de ses funérailles. Pour que le martyre de son fils serve à la cause de tous les Noirs. Et le procès qui a jugé les deux meurtriers blancs les a acquittés...

Avec l'intelligence qui caractérise l'écriture de James Baldwin, il donne à voir dans cette pièce les multiples visages du racisme et de la responsabilité collective de pareil drame.

Il sort de tout manichéisme. le racisme est blanc et noir.
Le Blanc est parfois un "nègre blanc" (le Blanc qui soutient la cause des Noirs ou entretient des rapports amicaux avec eux).
Le Noir est parfois un "Oncle Tom" (un Noir vu comme étant à la botte des Blancs).
Le Blanc s'empare des femmes noires comme de friandises mais accuse l'homme noir d'être une sorte de bête sexuelle dangereuse pour les femmes blanches.
La justice est une parodie où le procureur (blanc va sans dire), censé défendre les parties civiles, enfonce la victime. Car la victime est noire, donc coupable.
Un racisme du Nord qui ne dit pas son nom, se cache sous une pseudo tolérance et qui vous fait croire à une liberté qui n'existe pas pour vous si vous êtes Noir.
La résignation ou la colère qui se mue en haine féroce des Noirs vis-à-vis des Blancs, attisant un feu qui couve déjà.

Cette pièce est prégnante aujourd'hui encore, à la lumière de l'actualité.
Il y a eu beaucoup de Emmett Till.
Il y a eu beaucoup de George Floyd.
Beaucoup trop.

Et le message de James Baldwin s'adresse à tous : Blancs comme Noirs.
Il faut redessiner les lignes du pouvoir pour que les lois Jim Crow ne se cachent plus derrière les inégalités socio-économiques, voire sous l'uniforme d'un officier de police ou la robe d'un juge.
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Une ville des Etats-Unis, probablement Montgomery, Alabama dans les années 1960
Richard avait un avenir prometteur dans la musique, à New-York où il a passé 8 ans. Ayant tout gâché par des excès notamment de drogue, il était depuis quelques jours de retour dans le Sud mais vient d'être assassiné probablement par Lyle, un commerçant blanc qui a déjà tué un homme noir et a été acquitté.
La pièce est découpée en trois actes. James Baldwin est très précis dans les indications scéniques qu'il souhaite pour sa pièce. La scène doit être coupée en deux.
L'Eglise des Noirs d'un côté fait face au Tribunal de l'autre.
Les scènes mettant en action les Noirs se joueront côté Eglise, celles concernant les blancs côté Tribunal.
L'acte I est plutôt consacré à la réaction des noirs au drame qui vient de se jouer, à leur colère, à leur certitude que le coupable va à nouveau s'en tirer. Parnell, un blanc ami des noirs fait le lien avec l'autre communauté car il pense qu'il peut obtenir des aveux de Lyle.
Le 2ème acte est plutôt consacré à la réaction des blancs, à leur soutien indéfectible à Lyle.
Le dernier acte est dédié au procès dont on se doute de l'issue.
Je pense que la pièce quand elle est sortie en1964 a dû susciter pas mal de remous. Aujourd'hui, je dois admettre qu'elle ne m'a rien révélé de nouveau. Je suis une femme blasée sans doute mais les faits divers de violences à l'endroit des Afro-américains sont si fréquents… la mort atroce de George Floyd en est une tristement célèbre illustration, qu'on a le sentiment que les Américains ne se sortiront jamais de ce racisme congénital.
Pour autant, les échanges concernant les problématiques de relations sexuelles inter-raciales posent question. La virilité des hommes blanc ou noir envers les femmes de l'autre communauté est toujours l'expression d'une forme de puissance masculine à prouver…
J'ai trouvé intéressante aussi les réactions des deux générations de noirs à la mort de Richard. Si les anciens sont accablés, prennent Dieu à témoin, les jeunes expriment clairement leur colère. On retrouve un peu le schéma des deux modes de luttes de l'époque. D'un côté le pacifisme d'un Martin Luther King, de l'autre la combativité d'un Malcolm X.


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Pièce inédite de James Baldwin inspirée du meurtre d'un adolescent Noir de 14 ans dans le Mississippi et de l'impunité qui suivit.
(...)
En partant d'un fait divers, James Baldwin concentre et exprime dans cette pièce toute sa colère, ses convictions, sa connaissance précise et vécue du racisme structurelle propre à la société américaine. Ses personnages pratiquement archétipaux mais complexes à la fois, brossent une convaincante et intelligente illustration de la question raciale aux États-Unis. Il compte sur la criante évidence de l'inévitable injustice pour ouvrir les yeux et les consciences des spectateurs sur cette réalité. Une dernière fois, avant le feu ?

Article complet sur le blog.
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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Ce n'est rien d'autre qu'un meurtre…

Un lieu imaginaire « Plaguetown, USA », une des nombreuses citées des Etats du Sud des Etats-Unis. Comme l'écrit Gérard Cogez dans sa présentation, « Dans le Sud, la simple menace proférée par un Noir à l'encontre d'un Blanc vaut en somme peine de mort ».

Un assassin sans culpabilité, « le meurtre d'un « nègre » est un acte qui ne porte guère à conséquence, surtout lorsque ce « nègre » s'est montré agressif, voir irrévérencieux à l'égard d'un blanc – en bref, lorsque ce nègre n'a pas su « rester à sa place » », la distance séparant « l'Amérique blanche de l'Amérique noire », la violence et la terreur, les hantises et les mensonges, le contexte économique et social du racisme, les représentations fantasmatiques et le « refus épidermique du race-mixing », les mécanismes à l'oeuvre chez les « petits Blancs », l'absence de doute tant du coté blanc que du coté noir sur l'acquittement de l'assassin…

Le préfacier souligne des éléments de la construction dramatique, l'usage du théâtre pour « parvenir à établir chez le spectateur, aussi peu que ce soit, la suspension, le vacillement de quelques certitudes ». Il présente aussi des éléments de l'oeuvre de l'écrivain dramaturge. « le dramaturge n'a cessé de s'insurger, dans l'ensemble de son oeuvre, contre l'image d'infériorité des Noirs et il a voulu montrer dans Blues pour l'homme blanc comment, dans un procès, cette représentation pouvait encore intervenir au point d'aboutir à des verdicts insensés résultant de procès partiaux et orientés, accordant la quasi-impunité à certains criminels »…

James Baldwin propose quelques remarques sur sa pièce, « Ce qui est atroce et presque désespérant dans notre situation raciale actuelle tient au fait que les crimes que nous avons commis sont si terribles et si indicibles qu'accepter cette réalité mènerait littéralement à la folie. Alors, pour se protéger lui-même, l'être humain ferme les yeux, réitère compulsivement ses crimes et entre dans un obscurantisme spirituel que personne ne peut décrire », le déchainement de la peste et les terribles ténèbres…

Trois actes, les moyens propres du théâtre, les dialogues et les monologues, les retours en arrière (comme des flash-back cinématographique), les choeurs, les illusions et les certitudes, « le condamner. le condamner. Vous demandez le paradis sur terre. Après tout, ils ne l'ont même pas encore arrêté. Et de toute façon, pourquoi le condamneraient-ils ? Pourquoi lui ? Il n'est pas pire que tous les autres. C'est un honorable membre de la tribu et il a défendu dans le sang l'honneur et la pureté de celle-ci ! », la vérité blanche de l'assassin, « Faire tant d'histoires pour la mort d'un nègre, et un nègre du Nord en plus », le sexisme et les corps de femmes noires, la musique et la drogue, la religion prônée et les justifications haineuses, les enfants, « Si tu es Noir, avec un fils noir, tu dois oublier tout ce qui concerne les Blancs et te concentrer sur le fait d'essayer de sauver ton enfant », l'entrelacement des dialogues et des situations, celui qui a « honte d'être blanc », l'histoire de vies et un mort, « Ce n'est rien d'autre qu'un meurtre, même si ce garçon était noir », la parodie de justice, le refus de nommer, « Mais aucun Blanc n'a jamais appelé mon mari « Monsieur », aussi longtemps qu'il a vécu. Et aucun Blanc ne m'a appelée « Mrs Henry » avant aujourd'hui », les suprémacistes blancs et les idées « irresponsables concernant l'égalité sociale », la dignité, « Votre jugement sur moi et mes motivations ne me concerne pas le moins du monde », l'égalité, « Je ne souhaite pas voir les Noirs devenir les égaux de leurs meurtriers. Je souhaite que nous devenions égaux à nous-mêmes »
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Plus de 50 ans après sa parution et ses premières représentations aux États-Unis, « Blues pour l'homme blanc » est traduit en français. Racontant le meurtre d'un jeune homme noir par un commerçant blanc et l'injustice du procès qui en découle, James Baldwin nous plonge dans l'Amérique sudiste des années 60, certes, mais nous interpelle aussi sur la manière dont le racisme travaille l'ensemble des individus qui composent une société, et ce quelle qu'en soit l'époque. C'est sans doute pour cela que ce texte résonne aussi fortement aujourd'hui, dans un monde où l'opposition entre un prisme noir et un prisme blanc pour relater les crimes racistes commis en tout impunité n'a jamais autant interpellé.
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
L'ensemble des stéréotypes qui ont alimenté l'exclusion de l'autre sont ici présents. Ils ont pris naissance et se sont forgés pendant la longue période esclavagiste. Ils ont encore toute leur utilité politique : l'union de toutes les catégories d'opprimés économiques pourrait se révéler désastreuse pour les privilégiés, et le racisme, relancé de subtile façon par les médias, réinstaure la division destinée à affaiblir le combat pour une plus grande justice sociale.
[Présentation]
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Je crains que ce monsieur ne se flatte. Je ne souhaite pas voir les Noirs devenir les égaux de leurs meurtriers. Je souhaite que nous devenions égaux à nous mêmes. Que nous devenions des gens si libres intérieurement que nous n’ayons plus besoin de… craindre les autres et nul besoin… de les assassiner.
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Nous manifestons – sans violence – depuis plus d’un an maintenant, et tout ce que nous avons obtenu, c’est qu’ils nous laissent désormais entrer dans cette minable bibliothèque du centre, qui était déjà vétuste en 1897 et où personne ne va de toute façon.
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Quel péché ont commis nos ancêtres en des temps qui ont disparu de l'autre côté de l'océan, pour que cela ait dû être expié par les chaînes, par le fouet, par la faim et la soif, par le massacre, par le feu, la corde, le fer, par tant de générations, sur ces rivages sauvages, sur cette terre étrangère ?
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Ce n'est pas la vengeance que je désire. Je ne veux pas être remboursé - de toute façon ce n'est pas possible. Je veux seulement que l'on fasse savoir à Lyle que ce qu'il a fait, c'est le mal. Je veux que cette ville soit forcée de faire face au mal qu'elle encourage, de s'en détourner et de faire le bien.
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Videos de James Baldwin (33) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de James Baldwin
Spécial centenaire de l'écrivain humaniste James Baldwin - Interview courte mais remarquable de James Baldwin pour Champs Libre 30 novembre 1963
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