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Alain Bouldouyre (Autre)
EAN : 9782259316798
Plon (28/09/2023)
4.12/5   46 notes
Résumé :
Sans doute le livre le plus éclairant sur Montaigne depuis... Montaigne, et un chef-d'œuvre d'André Comte-Sponville. Il nous fait redécouvrir Montaigne, écrivain de génie, talentueux philosophe et humain d'exception.

Le tour de force d'André Comte-Sponville est d'avoir réussi, dans le dialogue amoureux qu'il mène ici avec l'auteur des Essais, à rendre limpide et bouleversante l'incroyable richesse de la pensée de celui-ci, tout en nous rendant intimem... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Qui doute encore de la qualité de la collection des "Dictionnaires amoureux" ?


Mais pour qui se passionne pour Montaigne et Les Essais, celui rédigé par André Comte Sponville (Plon, 3 septembre 2020), est un petit bijou. le "monde littéraire" est, en ce moment, aux petits soins des passionnés de Montaigne, après la parution, dernièrement, de l'excellentissime nouvelle édition établie par Bernard Combeaud (ISBN : 9782221218815) Robert Laffont/Mollat préfacée merveilleusement par Michel Onfray.


Ce dictionnaire amoureux, comme l'écrit André Conte-Sponville, n'est pas une exégèse ni une tentative d'explication de texte, mais une déclaration d'amour à l'auteur des Essais :

"Je l'ai beaucoup cité, comme il fallait le faire, et parfois longuement. Un Dictionnaire amoureux de Montaigne est aussi, inévitablement, une espèce d'anthologie... On ne s'étonnera pas que, parlant de Montaigne, et suivant sa méthode, je parle aussi de moi. C'est une autre façon... de lui rester fidèle. C'est aussi l'esprit de cette collection ; un dictionnaire amoureux, presque inévitablement, tend à devenir un dictionnaire égoïste. Comment dire son amour, si l'on veut être sincère, sans se dévoiler soi ?... " (P.12, préface).


On peut, bien entendu et comme dans tout dictionnaire, le lire linéairement ou bien seulement se balader au gré de ses différentes entrées. Mais invariablement, Montaigne, après sa mort toujours si vivant, procure encore réconfort et jouissance.

Bonne lecture.

Michel.

Lien : https://fureur-de-lire.blogs..
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J'ai découvert Montaigne sur le tard et depuis il ne me lache plus. Enfin je devrais utiliser le pluriel, car si je privilégie la version de 1595, finalisée par Marie de Gourmay, apparue comme par magie dans une brocante alors que je la cherchais, quasi offerte pour une poignée d'euros, je consulte régulièrement ma version en « français moderne » d'André Lanly de la collection Quarto-Gallimard. Sans débat, ma préférée est celle de 1595, qu'il m'arrive d'emporter dans les transports en commun ou dans mon sac à dos, à l'occasion de sorties en pleine nature.

Par conséquent, des liens très forts. Alors, « l'ami de l'ami » pourrait être un ami ?

Pas vraiment, car ce « Dictionnaire amoureux de Montaigne » est aussi un peu un « Dictionnaire amoureux d'André Comte Sponville » par « lui-m'aime ».

Qu'ACS soit un aficionado et un grand connaisseur de Montaigne ne fait pas de doute mais ce dictionnaire constitue un effet d'aubaine pour lui, pour se mettre régulièrement lui et ses livres en tête de gondole.

Le lecteur a ainsi le privilège de savoir qu'ACS a des soucis de coliques, oui, comme Montaigne. Mais au XVIéme siècle, pour ces problèmes de santé, pour traiter les calculs, aucun traitement pour soulager les tourments. Quand Montaigne évoque, furtivement, ces ennuis, cela permet d'apprécier combien en dépit de ces souffrances, les préoccupations spirituelles, humaines n'ont cessé d'inspirer le sage.

De même, ce copinage corporatiste, courtisan, en particulier avec Luc Ferry, ne présente aucun intérêt. Est-ce que dans « Les Essais » Montaigne relate des promenades à cheval avec Henri de Navarre, futur Henri IV, ses rencontres avec Henri III ou Catherine de Médecis ? Il aurait pourtant pu légitimement confier quelques anecdoctes d'un intérêt historique.

Abstraction faite de cet excès de vanité, il existe de bonnes raisons de lire très attentivement ce dictionnaire. Je pourrais en citer au moins trois.

La première est que cette lecture offre l'occasion de relire de nombreuses citations des Essais. Même si la majorité est très connue, le charme et le plaisir agissent toujours avec la même fraîcheur de la découverte.

La seconde, et là nous sommes au coeur de la matrice d'ACS, est que cette présentation permet de croiser la lecture « brut » dans toute sa floraison sauvage et ses résurgences avec une carte et ses courbes de niveaux. Car il faut bien en convenir, la lecture des Essais n'est pas facile, même en « français moderne ». le propos serpente, s'allonge, dévie et on peut vite perdre le fil. La plupart du temps le titre du chapitre n'a rapidement plus aucun rapport avec le(s) développement(s), on en oublie même son initulé.

Enfin, ce livre permet de compléter l'information factuelle du commun des mortels, par exemple sur La Boétie, Marie de Gourmay...

Sur le contenu, si la grille de lecture proposée est, me semble t-il, dans l'ensemble assez consensuelle et ne doit pas faire polémique, il est malgré tout plusieurs points susceptibles de ne pas apporter l'adhésion.

Je n'en aborderai qu'un, concernant les livres. Pour ACS, « Au fond il ne les aime pas tant que çà ! » (p. 342) et un peu plus loin « l'exceptionnelle grandeur de son oeuvre tient au moins en partie à ce peu d'importance qu'il accorde aux livres en général (...) » (p. 344).

On croit rêver…

Bien sur, ACS peut extraire quelques citations qui semblent abonder dans ce sens. Mais tout au long des Essais, si le propos est souvent grave, il n'en demeure pas moins que Montaigne est facétieux. Régulièrement, il joue avec le lecteur, il faut, je pense, voir les clin d'oeil malicieux.

Il faut aussi lire entre les lignes, oui je sais, pas évident….il y une telle densité dans l'oeuvre, dans l'expression luxuriante de la pensée de Montaigne, qu'il paraît a priori étonnant que l'auteur eût pu laisser cette liberté au lecteur.

Pourtant, j'ai la faiblesse de penser que Montaigne a tracé volontairement comme un jeu de piste, pas pour trouver une chimérique pierre philosophale, mais juste par plaisir de battre les cartes et aussi parfois par sécurité.

Si on peut lire effectivement « Je feuillette les livres, je ne les estudie pas » (p. 690-éd 1595) cette affirmation est à l'évidence balayée par ce qui est développé quelques pages plus en avant. Car si « ceste capacité de trier le vray (…) je la dois principalement à moy », « les plus fermes imaginations que j'aye », au-delà des intuitions et méditations « je les aye establie et fortifiées par l'authorité d'autruy et par les sains exemples des anciens. » (p. 697 éd. 1595). Autrement dit, Montaigne se forge son opinion après maints balancements intérieurs et lectures des livres de sagesse antique.

Ainsi comme pour la question religieuse, pour laquelle l'appartenance à la foi catholique écrite çà et là dans l'ouvrage est à l'évidence une pure concession formelle du bout des lèvres, pour éviter le bûcher, il n'est pas exclu que Montaigne souhaitât ne pas être trop estampillé comme un lettré. A cette époque cela pouvait sentir l'hérétique.

Comment peut-on penser le quart de la moitié d'une seconde, qu'un homme puisse se retirer dans une tour, avec comme pièce centrale une bibliothèque, sans que celui-ci ne soit pas dévoré par la passion du livre, de la lecture, des mots ?

On n'inscrit pas des citations sur les murs, la charpente, sans être fiévreusement habité par celles-ci.

Les Essais sont parsemés d'un nombre infini de citations. Aujourd'hui, c'est naturellement un jeu d'enfant de retrouver une citation avec internet, mais il en était évidemment tout autre au XVIeme siécle. Montaigne ne pouvait compter que sur sa mémoire et la consultation, encore et encore, de ses livres, en particulier de sagesse antique.

Et s'il n'y avait que les citations...Au fil des pages Montaigne ne cesse de relater des faits historiques ou légendaires, anecdotes pittoresques, qui à l'évidence ont dans leur grande majorité une source livresque.

Alors certes on peut relever « Quand j'ecris je me passe bien de la compagnie et souvenances des livres ; de peur qu'ils n'interrompent ma forme. » (p. 917 éd 1595). A mon sens, cela signifie surtout que l'auteur distingue le temps de la lecture/réflexion de celui de l'écriture. du reste, quelques lignes plus loin de ce chapitre « Sur quelques vers de Virgile », il ajoute « Mais je me puis plus malaisement deffaire de Plutarque ; il est si universel et si plain, qu' à toutes occasions et quelque subject extravagant que vous ayez pris, il s'ingere à votre besongne, et vous tend une main liberale et inespuisable de richesses, et d'embellissements » (p. 918 éd 1595)


Ces mots n'ont pas échappé à Virginia Woolf « Voilà quelqu'un qui connut le succès dans cette hasardeuse entreprise qu'est la vie ; fut un maitre, un époux, un père ; reçut des rois, aima des femmes, et passe des heures pencher sur de vieux livres ». Dans son court essai dédié à Montaigne, Virginia Woolf (« Essais choisis » p. 51) ne pouvait mieux résumer. Des rois, des femmes, des livres, auxquels on doit ajouter Etienne de la Boétie, tels pourraient être les points cardinaux de la boussole de Montaigne.

Quelques manques aussi dans ce dictionnaire.

Une absence très regrettable, celle de feu Robert Merle, auteur de la saga « Fortune de France ». Dans cette série monumentale, Robert Merle a remis au goût du jour le français du XVIéme siècle, celui de Montaigne, enfin plus ou moins modernisé. Un travail d'orfèvre qui doit beaucoup aux Essais. le berceau familial du héros se situe dans le Périgord près de Sarlat. Beaucoup d'expressions des Essais ont été insérées, avec bonheur, dans Fortune de France ;l'esprit de Montaigne y est très présent, enfin dans les premiers volumes. Dans le troisième opus, l'auteur met directement en scène Montaigne dans sa tour. Robert Merle avait toute sa place dans ce dictionnaire.

Plus accessoirement, ma curiosité aurait été satisfaite si ACS avait abordé a minima cet étonnant rapprochement qui ne peut manquer d'être opéré. On ne compte plus dans cette langue française des Essais, notamment dans cette édition de 1595 le nombre de mots que l'on retrouve quasi à l'identique dans la langue anglaise : « rober », « adventure, « estranger », « authorité », « doubte », « estomach » etc etc...Typiquement le type de recherche que l'on peut entreprendre lorsque l'on est rémunéré pour cette activité. Dommage...

Pour terminer sur une note où j'adhère totalement avec ACS, on peut mentionner la connexion qu'il établi avec la sagesse orientale. Montaigne est labellisé « maitre zen en Occident » (p.60), « le plus chinois des penseurs occidentaux » (p.108), et ce n'est pas pour céder à un effet de mode.

« La plus basse marche est la plus ferme ; c'est le siège de la constance. Vous n'y avez besoing que de vous. Elle se fonde là et appuyée toute en soy. » (p. 683 éd 1595). « Celui qui se dresse sur la pointe de pieds n'est pas stable. » (Lao Tseu XXIV trad. Stephen Mitchell)

Il est de fait qu'avec cette myriade de petits post it colorés, qui marquent les pages de mes exemplaires des Essais, un petit air de drapeau de prière tibétain enveloppe ces Essais  !

En conclusion, contrairement par exemple au sympathique « Eté avec Montaigne » de Compagnon, ce livre ne sera lu sans doute que par des lecteurs déjà très familiers avec Montaigne. C'est dommage, car il se lit très facilement et il est parfaitement documenté et inspirant.

Et il ne reste plus qu'à écrire ma critique amoureuse des Essais.
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J'aime bien la collection des Dictionnaires amoureux et j'attendais patiemment que quelqu'un nous propose un dictionnaire de Montaigne.
Voilà c'est fait et avec André Comte-Sponville ce qui est pour moi gage de qualité car ce talentueux philosophe est plein d'admiration et de ferveur pour le gascon.

Vous allez me dire que j'ai déjà lu des biographies, des essais sur Montaigne, oui mais voilà je ne m'en lasse pas donc hop le dictionnaire prend place sur mes étagères.
Dans son livre : Education philosophique et dans une interview, l'auteur dit : « Bizarrement je n'ai jamais eu aucun cours sur Montaigne durant toutes mes études ».

Avec ce dictionnaire André Comte-Sponville se fait un devoir et un plaisir de vous convaincre que lire Montaigne « c'est rencontrer un ami » car l'auteur des Essais est « Un type extrêmement attachant »

Les Essais sont portés par une écriture éblouissante dit André Comte-Sponville même s'il reconnait que Pascal sur des sujets identiques est plus percutant, mais voilà Pascal ne possède pas le côté ondoyant, sinueux, souple de Montaigne qui l'enchante. Il révère la liberté de pensée de Montaigne, une pensée bien audacieuse pour l'époque et aujourd'hui encore bonne pour nous lecteur. « Montaigne n'appuie jamais: il dit ce qui lui vient dans l'instant, comme cela vient, dans la vivacité, la légèreté, la fragilité de l'improvisation, quitte à y revenir plus tard, à changer d'avis peut-être. »
Ce qui rend ce dictionnaire si plaisant c'est le talent avec lequel l'auteur sait rendre simplement tout la richesse de pensée de Montaigne, sait nous le faire approcher très intimement et nous propose d'en faire notre compagnon de route, un voisin et ami pour notre propre pensée.

Il ne se lasse pas de nous dire à quel point Les Essais peuvent nous apprendre à penser, à douter mais surtout que « Montaigne nous apprend à aimer la vie telle qu'elle est, imparfaite, mortelle »

Pour André Comte-sponville, Montaigne nous enseigne le bonheur avec ses limites et c'est avec obstination que Montaigne nous dit « C'est chose tendre que la vie » à condition de vivre au présent, lui qui vivait en un temps de guerres et d'épidémies, le Covid n'est pas si loin, et Montaigne enfonce le clou « Pour moi donc, j'aime la vie. ».

Ce dictionnaire montre bien que pour les lecteurs assidus du philosophe le plaisir de lecture n'est jamais émoussé et que l'on peut après bien des années y trouver encore des sujets d'étonnement.

J'ai bien entendu mes entrées préférées dans ce dictionnaire
L'âge, oui ce n'est pas la folle gaieté mais j'aime le commentaire que l'auteur fait pour lui même et que je partage totalement, sur la vieillesse, la douleur, la proximité de la mort.
« Ses protestations face au grand âge, me font plus de bien que tant de dénégations optimistes ou hypocrites, qui font aujourd'hui florès et me donnent envie de vomir. Trop de sucre, trop de mensonges. Ils font semblant de ne pas vieillir ou d'aimer ça :c'est une marque encore de la vieillesse qui se méconnaît elle-même »

L'entrée Chine un peu surprenante mais comme elle fait intervenir François Jullien le sinologue que j'ai beaucoup lu et aimé, elle m'a passionné, Montaigne le plus chinois des philosophes ? Je vous laisse découvrir pourquoi.

J'ai aimé l'entrée Admirateurs avec les écrits des amoureux de Montaigne.
Vauvenargues voit en Montaigne « un prodige dans des temps barbares »
Goethe admire son « tour d'esprit inestimable et serein »
Stendhal juge que son style est peut-être celui , dans toute la littérature française, « qui a le plus de coloris ».
Flaubert qui s'y connaissait en matière de prose, apprécie lui « le plus délectable de tous les écrivains » Il dit « lisez le d'un bout à l'autre, et quand vous aurez fini, recommencez »
Zola aime « sa fermeté, sa gaieté, son allure libre » En un mot conclut-il « je suis son disciple, son fervent admirateur »
Parlant de MontaigneTzvetan Todorov disait « qu'il était celui qui a lu tous les Anciens et que tous les Modernes ont lu. »
Orson Wells le déclare son « auteur préféré, le plus parfait écrivain que le monde ait produit »
L'hommage qui touche le plus André Comte Sponville, « est celui en acte de Tolstoï. Lorsqu'il partit pour son dernier voyage, dont il ne devait pas revenir, l'auteur de Guerre et Paix, n'emporta que deux livres :la Bible et les Essais »

La forme du dictionnaire est très proche de la forme de lecture que Montaigne appréciait, le dictionnaire vous permettra de pilloter dans l'oeuvre et la pensée de Montaigne et vous irez « A sauts et à gambades » en compagnie d'un ami.

André Comte-Sponville dit dans une interview que « c'est le plus libre des esprits libres. C'est peut-être bien le plus grand écrivain français » montrant par là la modernité de Montaigne quatre siècle après sa mort, il est sensible à un Montaigne qui reste « humain dans une époque inhumaine »
Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Montaigne inaugure un nouveau genre littéraire, les essais, une oeuvre littéraire en prose, d'idées, de réflexions et non didactique ou dogmatique.
Comment accéder à une vérité universelle à partir d'un cas individuel qui plus est changeant, sans cohérence ? "Autant de différence de nous à nous-mêmes que de nous à autrui".
En une période troublée, violente (les guerres de religion), Montaigne est un exemple incroyable de sagesse, de relativisme, de doute, d'humilité. Il tient à sa liberté de jugement, cherche la Vérité même s'il doute de pouvoir l'atteindre. Jamais dogmatique, il énonce des convictions, des opinions plutôt que des vérités absolues. Ses sujets de réflexion sont nombreux ;. L'important, la vraie sagesse étant de vivre, de "cultiver la vie".
Analyses de Comte-Sponville et textes de Montaigne, difficiles car la langue a changé.
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Lecture ardue que ce livre que j'ai lu de A à Z ("Action", "Zweig Stefan") pour en avoir une vue et une impression générale. A relire, une entrée à la fois, au gré des envies et des circonstances.
La lecture est difficile car le texte est entrecoupé de nombreuses citations écrites dans une langue qui n'est plus la nôtre ("semi-traduite" car je pense que le texte originel de Montaigne doit être illisible par le non initié).
J'en ressors néanmoins avec une connaissance de Montaigne que je n'avais pas.
A. Comte-Sponville, comme souvent dans ses livres parle parfois de lui-même et de sa sensibilité ; de la façon dont il se situe par rapport aux positions de Montaigne, souvent d'accord, parfois pas d'accord. Il met également l'oeuvre de Montaigne en perspective par rapport à d'autres philosophes et d'autres écrivains.
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critiques presse (1)
LeMonde
16 septembre 2020
Exercice d’admiration, d’initiation et de partage, ce « Dictionnaire amoureux » est aussi exercice d’explication, au sens d’altercation, de confrontation.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Peste

Montaigne côtoya plusieurs épidémies de peste, que ce fût durant ses voyages ou, en 1585, dans le Bordelais. J’oserai dire qu’il n’en faisait pas “toute une maladie”, au sens familier de l’expression : il ne dramatisait pas la chose, qui n’en a nul besoin (le taux de létalité, chez les personnes contaminées, avoisinait les 100 %), ni ne se laissait exagérément affecter par la peur légitime qu’elle suscitait. Il est peu doué pour l’imagination, et conséquemment pour la peur, tant que le danger ne fait que menacer. “L’appréhension ne me presse guère, laquelle on craint particulièrement en ce mal” (III, chap. XII, p. 1048). Quant au réel, il ne s’en effraie que modérément. Il voit bien le désastre collectif, ce que nous appellerions aujourd’hui une crise sanitaire majeure, mais prend volontiers exemple sur la “résolution” (la fermeté, le courage, la constance) et la “simplicité de tout ce peuple” :

“Quant au monde des environs, la centième partie des âmes ne se put sauver. […] Chacun renonçait au soin de la vie. Les raisins demeurèrent suspendus aux vignes, le bien principal du pays, tous indifféremment se préparant et attendant la mort à ce soir, ou au lendemain, d’un visage et d’une voix si peu effrayée qu’il semblait qu’ils eussent compromis [s’en fussent remis ou résignés] à cette nécessité et que ce fût une condamnation universelle et inévitable” (p. 1048-1049).
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"Il faut aimer ceci ou cela, mais n'épouser rien que soi.
C'est-à-dire : le reste soit à nous, mais non pas joint et collé en façon qu'on ne le puisse déprendre sans nous écorcher et arracher ensemble quelque pièce du nôtre. La plus grande chose du monde, c'est de savoir être à soi."

Les écorchés apprécieront... Montaigne, qui perdit cinq de ses six enfants en bas âge, s'en est remis, semble-t-il, facilement. Mais que penser alors de la mort de son ami La Boétie, dont le deuil interminable est censé ne lui avoir laissé à vivre qu'une "nuit obscure et ennuyeuse" ? Le vrai est que Montaigne, il le reconnaît volontiers, est peu porté à l'affliction et à l'inquiétude, notamment pour ses proches. Nous sommes bien peu, sur ce point, à lui ressembler ! Nos angoisses ne seraient pas grand chose, s'il n'y avait que nous. Mais il y a ceux que nous aimons plus que nous-même...
"Faire des enfants, dira Victor Hugo, c'est donner des otages au destin". Voilà ce que Montaigne ne ressent pas, ou ce dont il entreprit de se libérer. C'est ce qu'il appelle sa langueur naturelle ou son privilège d'insensibilité.
(...)
Qu'il n'y ait pas de bonheur sans une part d'égoïsme, c'est pourtant ce ce qu'il faut accorder à Montaigne, y compris contre l'idéologie compassionnelle qui tend aujourd'hui à se répandre, d'ailleurs plus dans le discours, la plainte ou l'apitoiement que dans l'action (donc moins vertu que faiblesse).
Si tu ne peux être heureux tant que quelqu'un souffre atrocement, tu ne seras jamais heureux - et l'autre ne cessera pas pour cela de souffrir, ni ne souffrira moins.

"Déprenons-nous de toutes les liaisons qui nous attachent à autrui" - (n.p.) autrement dit, ne faisons pas dépendre notre bonheur de celui des autres.
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Notre mal nous tient en l'âme ; or elle ne se peut échapper à elle-même. Ainsi il faut ramener et retirer en soi : c'est la vraie solitude, et qui se peut jouir au milieu des villes et des cours des rois ; mais elle se jouir plus commodément à part. Or, puisque nous entreprenons de vivre seuls et de nous passer de compagnie, faisons que notre contentement dépende de nous ; déprenons-nous de toutes les liaisons qui nous attachent à autrui, gagnons sur nous de pouvoir à bon escient vivre seuls et y vivre à notre aise.
Stilpon, étant échappé de l'embrasement de sa ville, où il avait perdu femmes, enfants et biens, Demetrios Poliorcète, le voyant en si grande ruine de sa patrie, le visage non effrayé, lui demanda s'il n'avait pas eu du dommage. Il répondit que non, et qu'il n'y avait, Dieu merci, rien perdu de sien. Certes, l'homme d'entendement n'a rien perdu, s'il a soi-même. Il faut avoir femme, enfants, biens et surtout la santé, si l'on peut ; mais non s'y attacher en manière que notre heur (bonheur) en depende.
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À la gloire du couple, lorsqu'il est heureux : parce qu'on y jouit de l'autre tout entier, corps et âme, parce qu'on se réjouit de partager sa vie, parce qu'on le connaît - et parce qu'il nous connaît - mieux que quiconque, parce qu'il n'a pas besoin de se faire des illusions sur nous pour nous aimer, ni que nous soyons absents pour nous désirer, parce qu'on se réjouit de son existence, de sa présence, de son désir, de son amour !

Heureux les amoureux, quel que soit leur sexe, lorsqu' ils deviennent amis et restent amants.
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Le bonheur tient à une évaluation. Ce n'est pas le minimum de peine joint au maximum de satisfaction qui, comme tels, font le bonheur, mais l'idée même que si nous jugeons l'être. Les plaisirs et les joies ne font le bonheur que par notre activité de l'y trouver. L'insensé aussi éprouve des plaisirs et des joies, mais, comme il ne sait pas en faire son bonheur, il n'est pas heureux. Le bonheur ne nous vient que par notre accord. Mais de plus cet accord suffit. "Chacun est bien ou mal selon qu'il s'en trouve. Non de qui on le croit, mais qui le croit de soi est content. En cela seul la créance se donne essense et vérité".

André Comte-Sponville, citant Marcel Conche.
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Lundi 18 décembre a eu lieu la première "Fabrique des idées", la série de masterclass philosophiques que nous avons initiée dans le cadre de la nouvelle formule de Philosophie magazine.
Pour cette première édition, André Comte-Sponville s'est entretenu avec Martin Legros pendant 2 heures au Club de l'Étoile, à Paris, et a également répondu aux questions des participants. L'événement, qui était accessible en présentiel ou par visioconférence, était gratuit pour les abonnés.
Pour voir ou revoir la masterclass d'André Comte-Sponville, cliquez sur ce lien :
https://www.philomag.com/articles/replay-revivez-la-masterclass-dandre-comte-sponville-pour-philosophie-magazine
Bon visionnage !
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