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EAN : 9782262080655
400 pages
Perrin (12/11/2020)
3.97/5   16 notes
Résumé :
Sa victoire contre les arabo-musulmans à Poitiers, en 732, est à peu près tout ce qui reste de Charles Martel dans la mémoire collective, qui le considère avant tout comme le " marteau des Sarrasins ". L'enjeu de cette fameuse bataille connaît d'ailleurs un regain d'intérêt dans le contexte actuel, et fait l'objet de vifs débats : simple escarmouche, ou choc des civilisations qui a sauvé l'Europe de l'islamisation ? Cependant, Charles Martel ne se réduit pas à cette... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Votre mission, si vous l'acceptez : écrire la biographie d'un gars dont on ne connait pas grand chose.

Georges Minois annonce d'emblée la couleur : les sources sur lesquelles s'appuyer pour écrire la vie de Charles Martel sont très pauvres et très orientées. La chronique du continuateur de Frédégaire (c'est son frérot Childebrand, en fait), des vies de saints, quelques rares sources arabes. du coup l'auteur emploie des techniques qui ont fait leurs preuves dans ces cas-là : il élargit le sujet.
Il va par exemple nous relater tous les Mérovingiens sur 250 ans à la vitesse d'un cheval au galop ; on dirait un film qui passe en accéléré. Il remplit plusieurs pages avec les listes de dons de terre aux monastères ou celles des spoliations. Vu sous un autre angle, cela montre le soin que l'auteur a pris à décrypter en détail ses sources.
Si j'ai trouvé certaines parties lassantes à la lecture, le temps pris pour établir le cadre socio-religio-économique du temps de Charles Martel laisse son empreinte et permet de bien appréhender les événements historiques proprement dits, d'en rendre le cadre confortable. Je n'avais pas réalisé à quel point les monastères et leurs abbés étaient à l'époque impliqués dans le siècle, en tant que conseillers ou comme fournisseurs d'éradicateurs du paganisme. Créer des monastères, supporter l'expansion du christianisme sont des atout politique de très grand poids qu'exploitent à fond la famille des Pippinides (mais aussi leurs rivaux).
Pippinides car le nom le plus « fort » dans la famille est Pépin : Pépin de Landen, Pépin de Herstal (le papa de Charles) et Pépin le Bref (le fiston, à noter que les terres ancestrales des Pippinides sont en Belgique). La famille deviendra « carolingienne » à partir de Charlemagne. Au temps de Martel, le prénom Charles est pour les seconds couteaux comme lui, fils d'une seconde épouse. Des hasards de l'Histoire – son grand-frère Carloman qui préfère le monastère au pouvoir sans qu'on l'y pousse à la pointe de l'épée – et quelques victoires sur le terrain, le chemin s'éclaircit devant lui et il unifie Neustrie et Austrasie). Il passera sa vie à guerroyer pour soumettre les grandes provinces frontalières – Bourgogne et surtout Aquitaine – et les pays encore païens et agités, Frisons et surtout Saxons (un travail de Sisyphe pour ces derniers, dit l'auteur), en s'appuyant sur des moines comme Willibrord et Boniface qui n'y vont pas de main morte pour les convertir au christianisme.

Évidemment, de nos jours Charles Martel est surtout connu pour la bataille de Poitiers. Georges Minois passe en revue les conquêtes fulgurantes Arabes du siècle passé et précise que, si côté musulman il s'agit d'une guerre sainte, d'un djihad destiné à étendre l'Islam au monde entier, le monde Francs n'y voit qu'une guerre de plus contre des Barbares, des envahisseurs. Il connaît peu la religion musulmane qui, chez certains auteurs, est même confondu avec l'arianisme. La notion de guerre sainte contre l'islam attendra les croisades.
L'auteur rappelle aussi que les Arabes restèrent installés longtemps encore en Septimanie et firent des incursions en Provence et même en Bourgogne que Charles Martel repoussera sans pitié. Élément choc, il s'appuie aussi sur le livre de Dario Fernandez-Morena « Chrétiens, juifs et musulmans dans al-Andalus » pour casser le beau mythe de la coexistence quasi paradisiaque des trois religions dans ce pays, sur lequel se sont appuyés de nombreux romanciers. Non, l'Islam n'a jamais été très tendre avec ceux qui refusaient de se convertir.

La dernière partie du livre est consacrée à la façon dont l'image de Charles Martel a été présentée à travers les siècles ; une véritable balle de squash. Parfois très dénigrée – au Moyen-Âge par exemple où on ne lui pardonne pas d'avoir spolié l'Église ; saint Eucher d'Orléans l'imagine même en Enfer à cause de cela – et parfois mise en avant comme sauveur de l'Occident ou de l'Europe. Martel apparaît et disparaît de l'Histoire en fonction de ce qu'on veut faire dire à cette dernière.

L'auteur tente d'être le plus objectif possible mais laisse percer parfois son opinion qui ont l'air très fermes. Celle qui m'a le plus choqué est sa certitude que « Tout ce qui arrive, arrive nécessairement, et l'Histoire est une suite de faits inévitables ». Donc pas vraiment de libre arbitre, aucune possibilité pour un individu de détourner le flot de l'Histoire. L'auteur tient l'uchronie en horreur. Une vision presque mystique.
Georges Minois fustige aussi le roman historique : « Mais comme toujours quand les romanciers s'emparent d'épisodes historiques, ils prennent des libertés avec les faits, et par là sèment la confusion dans l'esprit des lecteurs ». Sur l'éducation historique, il parle de « régression catastrophique de la culture générale » et regrette la vision moderne du politiquement correct qui incite les historiens à s'autocensurer.

La longueur de ce billet montre que ce livre est très intéressant à lire, même si son intention d'origine est un peu détournée vu la petitesse des sources sur Charles Martel. Il est peut-être un peu long, mais vous pouvez faire comme moi et interrompre votre lecture de temps en temps pour passer à des textes plus romancés (ne serait-ce que pour faire rager Georges Minois, lol).
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J'avais découvert Georges Minois à travers son Charlemagne, et je constate d'ailleurs que je n'avais pas pris le temps d'en faire la critique, mea culpa. Alors quand il a sorti une biographie de Charles Martel, je me suis jeté dessus. Comme l'explique très bien l'auteur, il y a eu peu d'études fouillées sur ce personnage qui revient pourtant dans les débats pour un fait majeur, la fameuse bataille de Poitiers de 732. Accessoirement, il revenait aussi longtemps dans les débats pour son rapport ambigu avec l'Eglise, mais ce n'est plus actuellement un sujet en vogue. Car, et c'est ce que j'avais apprécié dans Charlemagne, Georges Minois prend bien le temps de nous faire comprendre que notre perception de ces hommes des temps lointains, si lointains, est souvent embrumée par les contes et légendes. L'auteur explique bien la difficulté de trouver des sources fiables, et pose bien le contexte pour faire comprendre, autant que possible, ce qui n'était ni plus ni moins qu'un autre monde. de Charles Martel, on sait de source sûre peu de choses, mais par la connaissance, lacunaire, que nous avons de son époque, on peut esquisser les contours de celui qui fut roi sans être roi, et sans contestation possible le plus grand chef de guerre de son temps. Et c'est en tant que chef de guerre protégeant un royaume qu'il va rester dans l'histoire, en repoussant la dernière grande attaque d'envergure des Arabes de Cordoue, en 732, donc. Après, l'auteur rappelle tout le débat autour de l'envergure ou non de la campagne d'Abd al-Rahmân, et si on pouvait supposer si Charles Martel avait conscience de l'importance, à plusieurs niveaux, de cette fameuse bataille. Pour avoir une réponse à cela, je vous laisse lire le livre, qui a pour atout majeur de nous replonger dans un passé aussi terre à terre qu'incroyable, tout en détaillant les faits, leur délicate interprétation, et la richesse des mythes.
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Charles Martel est connu des écoliers pour avoir stoppé les Arabes à Poitiers en 732. Une victoire qui occulte toutefois le reste de son existence, mal connue par le quidam. Puis, on le sait, le temps agit pour glorifier ce qui ne le mérite peut-être pas vraiment. Aujourd'hui, les historiens s'interrogent. Que s'est-il réellement passé lors de cette fameuse bataille ? S'agissait-il d'une escarmouche, d'un authentique triomphe militaire ou d'un choc des civilisations ? Georges Minois revient sur cette figure légendaire et nous raconte son parcours en s'appuyant sur des sources historiques avérées, les conclusions de ses propres recherches et un avis intime. Pour ce faire, il replace l'homme dans son contexte temporel et s'attache à tout ce qui l'entoure pour lui redonner vie. Il ressort le portrait assez saisissant d'un monarque obligé d'assurer la transition entre la dynastie mérovingienne et celle des Carolingiens. Naturellement, il a dû porter sur ses épaules l'ombre de son grand-père Charlemagne, entré dans les annales.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
La Provence a toujours été mal intégrée dans l’ensemble franc, où elle occupe pourtant une position stratégique : elle contrôle les routes alpines vers une Italie tantôt amie, tantôt ennemie, où se succèdent Byzantins, Ostrogoths, et depuis peu Lombards, des gens potentiellement utiles ou dangereux suivant les circonstances. Et puis, la Provence, c’est le seul accès à la Méditerranée pour le royaume mérovingien ; par là arrivent les marchandises de l’Orient mais aussi de mauvaises surprises, comme les incursions sarrasines, qui se multiplient à la fin du VIIe siècle à partir des îles, Sardaigne et Sicile.
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Le merveilleux occupe une place primordiale dans la production littéraire, y compris dans les ouvrages à prétention scientifique, où l’imaginaire déborde largement le réel. Ainsi au début du VIIIe siècle paraît la plus ancienne description médiévale d’êtres monstrueux, le Liber "monstruorum" de "diversis generibus", où l’on parle des femmes à barbe d’Arménie, qui utilisent tigres et léopards comme chiens de chasse, des géants noirs cannibales de la mer Rouge, des Orientaux mangeurs de miel sauvage et de viande crue, des animaux fantastiques tels que les cynocéphales, ces hommes à tête de chien, au sujet desquels même saint Augustin se posait des questions.
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Et puis, autre signe de romanisation des institutions : dans presque tous les royaumes barbares, on procède à la mise par écrit des lois : le VIe siècle est la grande époque de rédaction des codes : code wisigothique dès la fin du Ve siècle, loi burgonde (vers 510), Bréviaire d’Alaric, lois de Théodoric, des Alamans. Les Francs, saliens et ripuaires, participent à ce mouvement. Entre 508 et 511, Clovis fait rédiger le Pactus Legis Salicae, la Loi Salique, dont le texte le plus ancien, en 65 chapitres, est en latin.
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L’Église elle-même, depuis le Xe siècle, est hésitante, partagée : d’un côté elle loue Charles en tant que propagateur du christianisme chez les païens et vainqueur des musulmans, et d’un autre côté elle le condamne comme usurpateur des biens d’Église et agent de la mainmise laïque sur les nominations d’évêques et abbés, considérés comme de simples auxiliaires de sa politique.
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Ainsi, le manuel intitulé "Excerptum", de Grégoire III, datant des années 730, prévoit trois ans de pénitence pour un acte de fornication répété, avec en plus privation de la communion si l’acte a été commis avec une juive, sept ans pour acte de pédérastie, dix ans pour un acte de bestialité. On entend par pénitence essentiellement le jeûne, consistant à ne pas prendre d’aliments jusqu’au soir, en se contentant d’un seul repas, sans viande et sans nourriture riche ou cuite à l’eau. Quel pécheur tiendrait trois, sept ou dix ans à ce régime ?
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Vidéo de Georges Minois
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