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EAN : 9782357205024
461 pages
Editions Hervé Chopin (02/04/2020)
3.82/5   112 notes
Résumé :
En 1912, une jeune baronne allemande vivant à Nottingham commet l'irréparable : elle quitte son mari et ses trois enfants pour vivre sa passion avec son amant. Mais qu'est-ce qui peut pousser une femme à abandonner ses enfants ?La décision de Frieda von Richthofen va donner naissance à l'un des plus grands scandales de son temps. Sa relation avec D.H. Lawrence inspirera le très sulfureux roman L'Amant de Lady Chatterley.
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Lady Chatterley a réellement existé. Ou plutôt la femme qui a inspiré ce personnage à D.H.Lawrence. Elle s'appelait Frieda von Richthofen, Allemande née baronne. C'était sa muse, celle qui lui a inspiré quasi tous les personnages féminins de ses romans. Celle qu'il a épousé en 1914 et qui vécu à ses côtés jusqu'à sa mort en 1930.

Cette biographie romancée commence en 1907 par la visite très cruelle de la soeur de Frieda qui déplore le « mauvais » mariage de sa soeur avec un philologue anglais sans gros revenu, qui exhibe ses bijoux et lui balance à la figure sa vie joyeuse et sans entrave à Munich, l'exhortant à se retrouver avant de se perdre. On découvre une Frieda engluée dans un mariage qui ne lui convient avec un mari austère et pudibond, enfermée dans la maternité, alors qu'on sent que cela bouillonne en elle, qu'elle a un feu sacré au fond d'elle qui ne peut s'exprimer.

Annabel Abbs est très forte pour susciter une empathie immédiate pour cette Frieda poussée à la marge de sa vie dans une tristesse muette. Comme dans L'Amant de Lady Chatterley, l'amour et le liberté ne font qu'un avec l'expérience de la transformation. C'est à Munich, auprès de ses soeurs que la métamorphose de Frieda s'opère vers un complet épanouissement sexuel, intellectuel et créatif. le contexte historique est très bien rendu. Munich était une ville d'avant-garde, attirant écrivains, artistes, libres-penseurs, bohèmes. C'est là qu'elle est « initiée » par le psychanalyste Otto Gross à la sexualité désinhibée, c'est là qu'elle découvre qui elle est. Lorsqu'elle rencontre le poète D.H Lawrence quelques années plus tard, elle est prête à choisir sa vie.

En fait, tout le récit s'articule autour de la question du sort de la muse dans l'ombre de la gloire littéraire. Frieda fait le choix de soutenir entièrement Lawrence, présenté comme despotique et capricieux, voulant Frieda rien que pour lui car il sent que sans elle, il ne pourra mener à bien sa volonté de marquer la littérature de son empreinte. Frieda paie un prix déchirant pour sa liberté, celui de renoncer à toute prétention légale sur ses trois enfants.

Annabel Abbs a un vrai talent pour dresser, à côté du portrait tout en sensibilité de Frieda, le tableau sombre de la condition féminine au début du XXème siècle, tout en évoquant le point de vue des enfants grâce à la narration très touchante de Monty, fils aîné de Frieda que l'on voit grandir en s'interrogeant sur sa mère et en souffrant de son absence. L'auteure sait également très bien peindre les hommes qui gravitent autour de Frieda. le personnage du mari m'a particulièrement touché, étonnamment, figure d'abord terne et agaçante tant il ne comprend rien à la puissance de sa femme, puis vacille au bord de la folie lorsqu'elle le quitte. Un mari, en fait, complètement inhibé, victime de la pudibonderie de l'époque, ne supportant pas que ses enfants marchent pieds nus dans l'herbe, choqué lors de sa nuit de noce par la sensualité débordante de son épouse si fougueuse.

Une excellente lecture dévorée en quelques jours, qui m'a permis de découvrir un personnage passionnant, scandaleusement en décalage avec son temps, sans pour autant être dans le moule du féminisme actuel #MeToo, entièrement elle en tout cas. Comme un envie de relire L'Amant de Lady Chatterley ...
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***Vie de femme sacrifiée sur l'autel du génie littéraire !!...

Encore un immense MERCI aux "camarades-libraires" [ Librairie Caractères/ Issy-les-Moulineaux ] qui m'ont fait l'agréable surprise de me prêter les épreuves non corrigées de "Frieda" [ La véritable histoire de
Lady Chatterley ], à paraître le 2 avril 2020... Biographie romancée et
très "sérieusement" documentée, d' Annabel Abbs, que je m'étais déjà notée...
Ainsi, je vais avoir la chance de la lire en avant-première, tout en découvrant cette maison d'édition, Hervé Chopin !!


"Un pavé"...foisonnant, dévoré en quatre jours...en apportant la précision, que j'ai éprouvé le besoin de prendre de nombreuses notes , de faire des recherches... car ayant lu, il y a fort longtemps de nombreux textes de D.H. Lawrence, pour lequel j'avais le plus vif intérêt, en ayant débuté, comme tant de lecteurs , le dit "sulfureux" "Amant de Lady Chatterley", lu dans une sorte de gêne ou de confidentialité conspiratrice...très vite , j'ai lu d'autres textes de l'un des auteurs le plus censurés" de l'histoire littéraire, grâce à d'autres sujets très finement décrites et analysés dont la psychologie féminines, dans une époque moralisatrice, hypocritement "religieuse" ou "machiste", où les Hommes et les conventions sociales mènent la danse !!
Un autre sujet est omniprésent dans les écrits de Lawrence, qui avait fortement retenu mon intérêt: la colère quant aux cloisonnements, préjugés, inégalités induites par l'origine sociale [ "Fils de mineur", Lawrence subit de plein fouet, le rejet, le handicap de ne pas être né dans la bonne partie de la société...]

Ce récit commence par le tableau conjugal et familial de Frieda Weekley,
née Baronne de Richthofen, mère très aimante de trois jeunes enfants,
épouse d'un professeur- linguiste fort brillant, mais combien ennuyeux et conservateur dans sa vie personnelle et d'époux !
Un tableau assez tristounet et provincial qui laisse la baronne, personnalité
aussi expansive que sociable, très frustrée, oubliant comme elle peut ,sa grande solitude dans une boulimie de lecture et dans l'expression de son immense amour pour ses enfants !!!

Un couple que l'on sent mal assorti; le mari, Ernest, en dépit de son attachement amoureux, ne fait rien partager de ses recherches
intellectuelles à son épouse; une femme devant se contenter de rester
dans son rôle traditionnel de mère, d'épouse, de femme au foyer... Mais
surtout qu'elle ne se mêle pas des "choses sérieuses" des hommes. Il ne
manquerait plus que cela...!!!

Ernest est coincé, rempli des règles morales et des rigidités de l'époque !!

Frieda fit d'abord un voyage en Allemagne, rencontra les milieux progressistes et révolutionnaires de Münich, dont Otto Gross, psychanalyste, et personnalité avant-gardiste, qui affirmait son rejet de la monogamie, du mariage et de toutes les règles sociales conformistes , restrictives,pudibondes...
Frieda aura une liaison passionnée avec Otto, s'intéressera à ses travaux .
Elle en sera transformée à jamais comme si cette remise en cause de son
existence de femme au foyer (interdite de vie intellectuelle personnelle...)
préparait sa rencontre future avec l'auteur de "L'Amant de Lady Chatterley"...

Plus tard, Frieda croisera par hasard D.H. Laurence par le biais de son mari, Ernest, dont il était un ancien étudiant pauvre mais des plus prometteurs...Au bout de très peu de temps, cela sera comme un coup de foudre total, une évidence absolue pour ces deux êtres aussi dissemblables que possible, en apparence...Un fils de mineur, sans le sou, avec une baronne !

Dans un premier temps, il ne sembla pas effrayé le moins du monde
par les trois jeunes enfants de Frieda, il souhaitait qu'elle divorce,
se marie avec lui, mais Frieda montre une détermination certaine, elle ne tient pas à un autre mariage... Les idées de liberté prônée par Otto Gross ont fait leur chemin....


J'avais en tête comme beaucoup , qu'elle aimait tant Lawrence, qu'elle
avait tout abandonné dont ses enfants... mais c'est faux... Les représailles
de l'époque concernant une "femme adultère", faisait que la " femme et
la mère " perdait tous ses droits... Elle en aura le coeur brisé, elle fera
moult tentatives pour amadouer son ex-mari, pour voir en cachette
ses filles et son fils... Cela restera son crève-coeur... elle restera toutefois
auprès de Lawrence, le soutiendra, le soignera, l'encouragera dans tous
ses projets d'écriture...dans son oeuvre !

On ne peut qu'être complètement admiratif devant autant de courage,
d'indépendance d'esprit, en dépit des chagrins, de l'épreuve lancinante de
l'absence de ses enfants, ...elle assumera vaillamment et honnêtement
tous les choix très difficiles ,décidés, dont assumer de surplus, aux
yeux de la société, une mésalliance sociale absolue...réprouvée violemment par tous.

Une biographie romancée captivante qui m'a fait découvrir moult éléments du parcours créatif de Lawrence, grâce à une femme hors du commun..., dont la genèse incroyable d'"Amants et Fils" [lecture qui m'avait enthousiasmée ]... largement encouragé par Frieda, qui lui suggéra jusqu'au choix du titre !

Elle collaborait abondamment aux écrits de son "amoureux"...Elle semble d'ailleurs avoir supporté infiniment en contraintes, humiliations, bagarres
pour aider Lawrence à "accoucher" de son grand oeuvre dont elle était absolument convaincue !

"D'après Robert Lucas, premier biographe de Frieda, " sans doute jamais auparavant, ni jamais depuis un grand écrivain n'a-t-il été aussi intensément et constamment influencé par une femme que l'a été Lawrence par Frieda von Richthofen... et jamais auparavant une femme, telle qu'elle a été interprétée par un poète, n'a-telle changé aussi radicalement le climat moral de son temps". Frieda a aussi joué un rôle important dans l'écriture, l'édition et le choix des titres des romans les plus encensés de Lawrence. " [p. 445 - Repère historiques ]

Après cette lecture totalement captivante, les notes et précisions historiques de l'auteur, à la fin de l'ouvrage ont ajouté des éclaircissements fort précieux, dont un passage sur toutes les censures ayant frappé les oeuvres de D.H. Lawrence ! [ que j'ai choisi de mettre dans
la partie "citations" ] .Des éléments biographiques , présentés, sur tous les personnages de cette histoire humaine, amoureuse et intellectuelle, à peine croyable !!

J'achève par cet extrait qui montre très justement la détermination de Frieda d'être une femme à part entière: une collaboratrice, une égale , tant intellectuellement que sentimentalement...
Pour l'époque, ces exigences semblaient être juste de l'ordre de l'Utopie !!.... Et même , aujourd'hui, il reste toujours du chemin à parcourir !!!

"Je [Otto Gross ] suis en train d'écrire un article sur les types de personnalité. Veux-tu le relire ?
Elle se demanda si elle l'avait bien entendu. Ernest [son époux] ne lui avait jamais demandé de relire le moindre de ses travaux. Elle s'était proposée à plusieurs reprises au début de leur mariage en lui demandant de lui faire part de ses recherches, de ses discussions avec ses étudiants. Il avait ri en balayant cette idée d'un revers de main, comme si elle
inimaginable, voire grotesque. Un jour, il lui avait dit que son esprit n'était "pas suffisamment formé", une formule qui lui faisait encore froid dans le dos." (p. 91)

Merci à l'auteure, Annabel Abbs, d'avoir rendu et "justice" et la place réelle (qui n'était pas des moindres) à la compagne, épouse de D.H. Lawrence..., sans oublier des remerciements à l'éditeur, Hervé Chopin...

Je souhaite sincèrement un "beau succès et destin" à cet ouvrage de
qualité, qui secoue et remet à leur juste place, des images trop réductrices, superficielles de ce couple "hors-norme" d"une complexité rare ! Couple quasi-mythique, "explosif" lorsque le sexe, l'Amour, la Révolution des idées et la Création littéraire sont aux "avant-postes" !!!





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"L'Amant de Lady Chatterley" m'avait transportée. le récit de la vie de celle qui inspira le très beau personnage de Constance me laisse avec un gout amer.

Avec "Frieda", Annabel Abbs a entrepris de rédiger la biographie romancée de Frieda von Richthofen qui fût la maîtresse puis l'épouse et enfin l'égérie de l'immense D.H. Lawrence, auteur ô combien scandaleux s'il en fut au début du XX°siècle.
Je me méfie toujours des intitulés de type "romans biographiques", craignant d'y trouver trop de romanesque au détriment de l'exactitude et de la précision biographiques où au contraire une succession un peu sèche de faits et de dates qui me feraient préférer une biographie en bonne et due forme. Avec "Frieda", l'auteur fait de la très belle ouvrage et nous offre un livre parfaitement dosé, très complet et bien écrit, par dessus le marché.
La rigueur historique est de mise et on sent tout le travail de recherches et d'analyse réalisé en amont de l'écriture: l'oeuvre est sérieuse. Pour autant, donc, elle est aussi très bien rédigée, fluide et se dévore. Enfin, les quelques notes historiques ajoutés après l'épilogue apportent au tout un éclairage supplémentaire et expliquent certains choix narratifs. Parfait!
L'histoire de Frieda peut ainsi se dérouler sous nos yeux. On sent qu'Annabel Abbs s'est profondément attachée à son personnage dont elle fait une héroïne lumineuse, attachante, complexe. Déchirante aussi parfois. Souvent. Elle dissèque et explore ses sentiments et ses ambiguïtés avec beaucoup de clairvoyance et d'humanité. Avec le destin de Frieda, elle livre aussi aussi un plaidoyer aussi magnifique qu'actuel sur la condition féminine et la difficulté pour une femme d'assumer ses désirs et les affres de l'amour et de la maternité tout en se détachant du poids des conventions sociales.
Frieda est une jeune fille issue de l'aristocratie allemande qu'elle a choqué en épousant un homme bien en dessous de sa condition. Ernest est anglais, enseignant sans fortune qui s'escrime à rédiger un ouvrage d'étymologie. de ce mariage d'amour sont nés trois enfants que Frieda aime profondément. Les années passent cependant et la jeune femme s'ennuie: son époux ne la touche plus et la regarde à peine, pas plus qu'il n'accorde de l'importance à ses opinions. Pendant ce temps, à Munich un vent d'émancipation souffle, libérant les instincts et la sexualité. Quand Frieda retourne dans son pays natal visiter ses soeurs, elle épouse ces idées nouvelles et entame une liaison avec un disciple de Freud, Otto Gross qui, non content de l'initier à la théorie de la révolution sexuelle, lui enseigne aussi la pratique. Frieda prend conscience de son corps, de ses désirs, de son besoin de les assouvir en même temps que de celui d'être enfin elle-même, ce que ne lui autorisent ni la très prude Angleterre ni son très puritain époux qui la surnomme affectueusement son "perce-neige". Sa fougueuse liaison avec Otto sera pour Frieda un élément fondateur de sa nouvelle vie et elle ne reviendra pas en arrière. Elle veut être elle, libre et libre de son plaisir. Lorsqu'elle rencontrera quelques années plus tard D.H. Lawrence, un ancien étudiant de son époux, plus jeune qu'elle et pas encore l'auteur génial qu'il sera, elle n'écoutera dès lors que son désir et finira par quitter son mari et ses enfants.
Ce sera pour elle le point de départ d'une vie nouvelle aux côtés de celui qu'elle n'aura cesse d'inspirer et qui l'aimera avec autant de passion que de violence.
On touche avec cette relation à ce qui fait l'amertume du livre: certes, Frieda s'est libérée sexuellement, des chaînes d'un mariage raté et de la rigidité de son monde étriqué mais en suivant Lawrence, j'ai eu l'impression douloureuse qu'elle délaissait une prison pour une autre. Elle fait certes le choix de la passion et de l'exultation des corps mais à quel prix? Lawrence lui fait autant de bien que de mal. Oui, elle est sa muse, sa compagne et il lui dédiera des pages splendides, il l'invitera à collaborer à ses textes mais il est aussi violent, possessif, égoïste, capricieux et ne recule devant rien pour obtenir ce qu'il veut. Frieda se voulait libre: elle est contrainte par son amant à un mariage qu'elle rejetait. Elle était une mère et il ne comprendra jamais sa douleur d'avoir perdu ses enfants. Il y a quelque chose de la descente aux enfers dans la vie de cette femme qui voulait tout et surtout être elle-même, mais qui a fini par se perdre aussi auprès de l'écrivain qui devait la libérer.
Plus qu'un roman sur la libération sexuelle comme le laisse entendre la quatrième de couverture, Frieda est le récit de l'impossibilité pour une femme au début du XX°siècle d'être une mère et une amante, le récit des turpitudes d'une égérie sacrifiée sur l'autel de la création artistique qui n'aura pas pleinement réussi à recoller tous les morceaux d'elle-même pour être enfin en paix, malgré son audace incroyable, sa modernité étincelante et son appétit de vivre foudroyant. le récit enfin, d'une impossible émancipation dans une société faite par et pour des hommes.
J'ai profondément apprécié ce livre pour ce qu'il raconte, pour Frieda, pour la multiplicité des points de vue qu'il met en place, pour la peinture riche et complète du contexte. Pour ses personnages enfin: Frieda bien sûr déchirante et flamboyante, mais aussi ses enfants qui m'ont touchée, pour son époux que je ne suis pas parvenue à détester complètement. Pour moi, il est -comme sa femme- une victime de son époque et les pages relatant sa souffrance sont déchirantes. Quant à D.H. Lawrence -Lorenzo-, je l'ai détesté.
Il est de ces artistes qui remettent au coeur du débat l'éternelle question de la séparation de l'homme et de l'oeuvre... Je crois que je n'arrêterais pas d'aimer les livres de Lawrence, mais les lirais-je toujours avec le même plaisir maintenant que je sais...? En ferais-je totalement abstraction?
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Von Richtofen ? Weekley ? Chatterley ? Qu'importe le nom, puisque toutes sont Frieda, jeune baronne allemande du début du siècle dernier à la vie épique, qui inspira le grand D.H. Lawrence pour son best-seller sulfureux (mais si : L'amant de Lady Chatterley !). Et cette biographie romancée de Annabel Abbs – traduite par Anne-Carole Grillot - est loin d'être dénuée d'intérêt, tant la part de recherches historiques y apporte du contenu, transformant ce qui n'eut pu être qu'une simple bluette en un pageturner historique parfaitement sourcé.

Côté coeur, la Frieda fait du bovarisme à Nottingham, depuis le jour où elle quitta, sans dot, les bords de la Moselle pour se marier avec Ernest, lettré quasi-ermite ne rêvant que d'une chaire à Cambridge et perpétuellement reclus dans son bureau à terminer son anthologie de l'étymologie. Plusieurs devoirs conjugaux annuels plus tard, la voilà mère de trois beaux enfants qui deviennent le centre de sa vie. Jusqu'à…

Jusqu'à ce que sur l'insistance de sa soeur, un bref retour au pays loin de la prude Albion ne la mette au contact de la vraie vie et de ce nouveau monde qu'elle découvre comme une révélation : libertarisme des idées, débuts de la psychanalyse, émancipation féminine et libertinage sexuel. Pleinement incarnés par Lawrence, ancien élève de son mari, ces principes ne demandent qu'à être vécus et Frieda va quitter Ernest – et ses enfants - pour le jeune écrivain, devenant sa muse et inspirant ses futurs livres.

Côté esprit, Annabel Abbs nous immerge totalement dans cette révolution des moeurs et des sociétés du début du siècle dernier, où dans les cafés enfumés les conventions s'aplanissent, les esprits se libèrent et les idées circulent et se challengent. À travers Frieda, les femmes ne sont pas en reste et prennent toute leur part à ce nouvel ordre qui se dessine, payant au passage un lourd tribut à cette liberté soudaine par la perte de leurs droits sur leurs enfants éloignés. Si le corps de Frieda exulte et que son esprit exalte, son coeur de mère saigne…

Une lecture parenthèse, instructive, rafraîchissante et bienvenue entre deux nouveautés de cette rentrée littéraire.
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J'attendais beaucoup de ce roman lorsque je l'ai sélectionné dans le cadre de la Masse Critique de Babelio. J'en attendais tellement que je crains de me retrouver dans une situation complexe oscillant entre le coup de coeur et la déception. Cela peut paraître étrange, j'en conviens.
Le personnage de Frieda me fait beaucoup penser à Emma Bovary : affublée d'un mari qu'elle ne supporte plus, dévastée par l'absence de passion, négligée par les hommes qui l'entourent, désireuse de briser son quotidien morne et grisâtre, etc.
De fille, Frieda est devenue épouse puis mère. Elle répond, depuis toujours, aux attentes de ceux dont elle dépend. Enclavée par tous ceux qui pensent pouvoir décider pour elle de ce qui lui convient le mieux, elle se retrouve systématiquement enfermée. La cage dorée et la serrure changent, la captive reste la même.
C'est dans son rôle de mère que Frieda trouve la force de continuer. Ses enfants sont sa raison d'être, et tout particulièrement Monty, son fils.
Mais, pour pouvoir reprendre les rênes de sa vie, elle va sacrifier grand nombre de choses. Frieda veut exister sexuellement et intellectuellement.
Les hommes qu'elle rencontre sont visiblement épris de sa beauté, de ce qu'elle représente pour eux mais, finalement, bien peu de ce qu'elle est intrinsèquement.
Elle est toujours indispensable pour eux : réaliser une utopie, un roman, etc.
Frieda se perd, elle souffre terriblement et j'ai eu beaucoup de peine pour elle. Elle n'aspire à rien d'autre qu'à exister librement et chaque choix qu'elle fait, chaque décision qu'elle prend, l'enferme et la condamne davantage aux yeux de ses parents et ses soeurs, de son mari et sa belle famille, de ses enfants même.
Voila un très beau roman qui laisse un goût amer.
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Citations et extraits (35) Voir plus Ajouter une citation
Il tendit la main pour prendre sa pipe et ses doigts effleurèrent le manuscrit de son ouvrage précurseur sur l'étymologie, ce qui lui rappela qu'il lui fallait un titre. Quelque chose qui exprime sa passion pour les mots, pour leurs racines linguistiques, leur provenance. Le peu d'intérêt que les gens portaient à l'origine des mots l'attristait. Il espérait que son livre redonnerait de la vie au langage, éveillerait la curiosité des gens pour les mots les plus simples et les plus banals. Même les substantifs les plus courants avaient des racines lourdes de sens, d'une grande richesse historique et humoristique. (p. 146. )
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La semaine suivante, Frieda se rendit chaque jour au Café Stefanie pour parler avec Otto [Gross ], puis déjeuner avec les artistes et les philosophes qui y passaient tout leur temps. Chaque fois, Otto lui faisait part d'une nouvelle idée, une idée si audacieuse qu'elle mettait plusieurs minutes à l'assimiler. Un monde sans guerre ni armées...Des pays sans gouvernement...Des villes où les femmes portaient des vêtements d'homme et détachaient leurs cheveux, où les hommes portaient des vêtements de femme et se laissaient pousser les cheveux...Des communautés où les enfants étaient élevés sans savoir qui étaient leurs parents...Des sociétés sans lois, sans religion ni institutions, où les êtres s'aimaient sans jamais se marier. (p. 87)
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- Bien sûr. je suis fille de baron. Nous voici donc, fille de baron et fils de mineur, en train de converser comme s'il n'y avait rien de plus normal. Que pensez-vous de cela, Mr Lawrence ?
-C'est contraire aux règles, répondit-il en retrouvant son sérieux. J'ai perdu mon meilleur ami lorsque ses parents ont découvert que mon père était mineur. Il n'avait plus le droit de me parler. (p. 182)
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- Il (prochain roman) parlera de deux personnes de classes sociales très différentes qui se libèrent mutuellement, comme nous l'avons fait. (...)
- Tu pourrais peut-être écrire à propos de quelqu'un d'autre que moi.
Frieda ouvrit les yeux, surprise par ses propres mots. Ce n'était pas qu'elle ne voulait pas être un autre de ses personnages de fiction, mais plutôt qu'elle commençait à se sentir disséquée comme un lapin, à se dire qu'elle lui avait donné tout ce qu'elle avait. (p. 432)
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Je [Otto Gross ] suis en train d'écrire un article sur les types de personnalité. Veux-tu le relire ?
Elle se demanda si elle l'avait bien entendu. Ernest ne lui avait jamais demandé de relire le moindre de ses travaux. Elle s'était proposée à plusieurs reprises au début de leur mariage en lui demandant de lui faire part de ses recherches, de ses discussions avec ses étudiants. Il avait ri en balayant cette idée d'un revers de main, comme si elle inimaginable, voire grotesque. Un jour, il lui avait dit que son esprit n'était "pas suffisamment formé", une formule qui lui faisait encore froid dans le dos. (p. 91)
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