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Anne-Carole Grillot (Traducteur)
EAN : 9782357205925
414 pages
Editions Hervé Chopin (06/05/2021)
3.55/5   66 notes
Résumé :
James Joyce était son père. Samuel Beckett, son grand amour. Voici son histoire.
Lucia Joyce, la fille unique de James Joyce, est une énigme. En 1929, elle était l'étoile montante de la danse contemporaine à Paris. En 1934, à l'âge de vingt-six ans, elle est totalement brisée et disparaît de la vie publique, passant le reste de sa vie enfermée dans des asiles psychiatriques. La plupart de sa correspondance et de ses dossiers médicaux ont été détruits. Qui est... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (40) Voir plus Ajouter une critique
3,55

sur 66 notes
Ce qu'il y a de bien (entre autres) dans la lecture est que cela emmène souvent sur des pistes impensées avant la lecture. Ainsi le programme de lecture de ce site m'a proposé de lire « Frieda » de Annabel Abbs traduit par Anne-Carole Grillot (2020, Editions Hervé Chopin, 464 p.). C'est la vie romancée de la vraie Lady Chatterley. Oui pourquoi pas. (Petit oui, car le sujet….). Il est plus dans la tendance actuelle (i.e. marketing) que dans l'intérêt littéraire.

Ce post, sur une biographie, ne peut éviter le spoiling. Il est cependant écrit pour comprendre la vie de la famille Joyce, c'est-à-dire James, Nora, les enfants Giorgio et Lucia. On renvoie systématiquement à ces personnes, et il convient de lire toutes les critiques sur chacun pour se faire une idée.

Dont le livre de Carol Loeb Shloss « Lucia Joyce, To Dance in the Wake » (2003, Bloomsbury, 561 p.) et « Nora - La Vérité sur les Rapports de Nora et James Joyce » de Brenda Maddox, traduit par Marianne Véron (1990, Albin-Michel, 564 p.). Et bien entendu « La Fille de Joyce »de Annabel Abbs, traduit par Anne-Carole Grillot (2021, Editions Hervé Chopin, 416 p.).
Donc, comme je le fais souvent, j'essaye de lire d'autres ouvrages de l'auteur, afin de me faire une opinion sur son style, genre et autres ambitions littéromanes. Annabel Abbs est la fille d'un docte écrivain anglais, décédé en décembre 2020. Il est l'auteur d'un remarquable « Against the Flow : Education, the Art and Postmodern Culture » (2003, Routledge, 224 p.) dans lequel il soutient que l'éducation contemporaine ne tient pas assez compte de l'esthétique et de l'éthique. Elle serait partiellement asservie à l'économie de marché et aux impératifs managériaux et fonctionnels. En tant que tel, le système éducatif est hostile à la créativité et à l'apprentissage, se concentrant plutôt sur la mesure quantitative des résultats.

Ces idées paternelles étant posées, je les trouve intéressantes, surtout dans le contexte d'écriture de sa fille Annabel Abbs et de ses deux livres bibliographiques. La vie romancée de Lady Chatterley, et la seconde plus récente « La Fille de Joyce » traduit par Anne-Carole Grillot (2021, Editions Hervé Chopin, 416 p.) qui vient d'être traduit et qui romance aussi le destin de Lucia, la fille de l'écrivain irlandais James Joyce. Fortement intéressé par Joyce, on ne peut que difficilement en faire l'impasse dans les auteurs du XXeme siècle, j'ai donc commencé par ce livre, avant d'attaquer celui proposé pour la masse critique.
Donc, j'ai lu (avec intérêt) et commenté « La Fille de Joyce » de Annabel Abbs dès sa sortie en France, mais non sans avoir également lu certaines critiques littéraires, notamment irlandaises, là où James Joyce possède une aura nationale, et donc là où les idées portées par Annabel Abbs, idées légèrement iconoclastes, risquaient d'être les plus virulentes. D'autant que Samuel Beckett et Alexander Calder ont aussi beaucoup compté dans la carrière de la danseuse-chanteuse de Lucia Joyce.
Actuellement, je ne sais pas trop penser de ce qui est histoire littéraire, familiale, ou managériale sur cet ouvrage. Je me donne quelques jours (juste après la sortie de la traduction en France) pour me faire une idée. Mais je comprends pourquoi les photos de James Joyce le représentent avec un chapeau : Ces idées décoiffent.

Un peu de faits pour commencer, et tout d'abord James Joyce (1882-1941), de Dublin à Zurich donc, avec des escales à Trieste, Zurich pendant la guerre (1915-1920), puis Paris et à nouveau Zurich. Il commence à écrire à Dublin et publie « Dedalus » (Portrait de l'artiste en jeune homme) en 1916. « Ulysse » date de 1922 et « Finnegans Wake » de 1939. Voilà pour les grandes dates. du point de vue famillial, il y a le 16 juin 1904, jour James Joyce rencontre Nora Barnacle, qui sera sa femme, date gravée sur sa tombe, à l'origine du « Bloomsday » qui le célèbre chaque année à Dublin. A Trieste, nait Giorgio, le fils en 1905 et Lucia, la fille au printemps 1907. de cette époque aussi, des doutes sur la fidélité de Nora et des rumeurs sur la paternité de Giorgio. Il quitte Trieste pour Zurich en 1915, et commence à gagner un peu d'argent, souvent par l'intermédiaire de l'éditrice et féministe anglaise Harriet Shaw Weaver qui devient vite sa mécène, par Ezra Pound interposé.

Travail acharné, alors avant de partir pour Paris en 1921, où ils cohabitent tous dans des hôtels du 7eme arrondissement, notamment square de Robiac (j'y reviendrai) puis, avec un peu plus d'aisance, la famille part dans le 8eme, puis le 16eme. C'est la grande période jusqu'à la fin des années 30 où il devient célèbre. C'est la grande période, également, après la guerre, où les américains fortunés font la fête à Paris. C'est le lieu de rencontre entre les Joyce, Beckett, Alexander Calder et autres, dans la bande de Raymond Duncan, mais aussi Kay Boyle et Robert McAlmon qui ont publié ensemble « Being Genius Together » (1938), véritable biographie de la « Lost Generation and Literary Modernism » réimprimé depuis (1984, The Hogarth Press Ltd, 368 p.). C'est dans cette bande de Raymond Duncan, le frère de Isadora et Elisabeth Duncan, que Lucia Joyce va découvrir la danse. Tombée amoureuse de Samuel Beckett qui va la guider en écriture, la voilà qui va s'enticher de Alexander Calder qui l'oriente sur le dessin.

Mais ses conditions, à la fois santé et mentale, empirent et James Joyce la confie à Carl Jung, alors au faîte de ses recherches psychologiques. Chez lui, Lucia entre en consultations fréquentes à Zurich. Toute cette période, commencée avec l'abandon de la dance en 1929, les années de sanatoriums ou cliniques diverses jusqu'en 1932 n'arrangent rien. En 1935, elle entre en asile psychiatrique, puis d'asile en asile, sous la tutelle de Harriet Shaw Weaver, elle termine sa vie à St Andrews Hospital, Northampton en 1982.
De façon assez incompréhensible, tous les documents concernant ces années de cliniques, ses traitements et sa correspondance ont été détruits sur ordre de Stephen James Joyce, le petit-fils de l'écrivain, hélas décédé en janvier 2020. L'oeuvre de Joyce tombe dans le domaine public 50 ans après sa mort, soit en 1991, mais la règlementation européenne reporte cette protection à 70 ans. En 2012, les droits de l'oeuvre sont entrés dans le domaine public. Mais Stephen Joyce ne coopère pas vraiment et réclame des sommes faramineuses et s'indigne des critiques. « Je suis un Joyce, vous n'êtes que des joyciens ! C'est toute la différence ! ». Cela montre le niveau des débats. En 1998, Brenda Maddox publie « Nora, The real Life of Molly Bloom » (1988, Houghton Mifflin, 512 p.) dans lequel elle décrit l'intimité familiale de l'écrivain, de sa muse peu instruite, et qui n'a jamais lu « Ulysse ». En particulier elle dévoile Lucia Joyce, danseuse reconnue, mais en proie à de graves perturbations psychiatriques. Cela déplait aux adulateurs, et surtout au légataire de James Joyce. A Venise, lors d'un congrès « Bloomsday », Stephen révèle qu'il a détruit une partie de la correspondance de sa tante Lucia, dont le courrier avec Samuel Beckett de la fin des années 1920. Malgré tout cela, Carol Loeb Shloss, professeur de littérature à Stanford projette de publier une biographie de Lucia « Lucia Joyce : To dance in the Wake » (2003, Farrar Straus Giroux, 576 p.). En particulier, elle insinue que l'écrivain aurait entretenu avec sa fille des relations incestueuses. Puis procès intenté par Stephen. Procès que la bibliographe gagne d'ailleurs.
Le livre de Annabel Abbs est évidement romancé, surtout dans sa partie terminale en temps, dont l'hypothèse présentée est, et reste, une hypothèse. Je me garderai bien de prendre une position ou l'autre, n'ayant, de loin pas, les données (si elles existent encore) en mains. Néanmoins, on peut se faire une opinion (ou même plusieurs) à la lecture de spécialistes de James Joyce, ou de psychiatres, voire même de mages nécromanciens ou oniromanciens, comme cela devient très tendance de nos jours. Etant données les natures mêmes des protagonistes, leurs implications nationalistes, ou leurs penchants divers, on a le choix. Il est vrai que pour ces derniers, les irlandais catholiques ont très vite dénoncé James Joyce comme auteur pornographique, mettant en scènes des demoiselles de petite vertu, où des personnages centraux. « Que celui qui n'a jamais commis la faute freudienne, me jette la première excuse ! ». Dans « Ulysse » par exemple, ces personnages se livrent à diverses scènes de masturbation ou de jouissance bruyante (Maman, pourquoi la dame elle crie, ou pourquoi le monsieur, il garde ses mains dans ses poches). C'est lors des échanges visuels entre Leopold Bloom et Gerty MacDowell, la boiteuse sur la plage de Sandymount Strand, dans le chapitre « Nausicaa ». Plus tard, dans « Finnegans Wake », il existe des jeux de mots douteux sur « insect » et « incest » ou des notes de bas de page. Jeu de mots qui sera repris par Brenda Maddox comme titre pour un article sur Lucia Bloom dans le « Time Literary Supplement ». On aura donc vite fait de dénoncer celui qui justement dénonce les moeurs d'une société irlandaise sous la coupe d'une Eglise catholique toute puissante. (Ma Soeur, que faisiez vous dans vos couvents d'enfants ; filles ou garçons ?). Il y a des tas de références à ces pratiques, sans remonter aux nonnes sanglantes et moines lubriques des Romans Noirs et Gothiques Anglais (voire et lire par exemple la série du « Domaine Romantique » des Editions José-Corti).

Il est alors important d'aller voir ce qu'en ont dit des spécialistes de Joyce, et ils sont nombreux, et surtout d'examiner leurs réactions selon qu'ils sont américains, anglais, irlandais, ou autres. On fera la différence selon leur chapelle. Dans le même effort, il est intéressant d'aller lire ce que les psychiatres ou neurologues pensent de ces interprétations. Pour cela, il est évident qu'il faut lire la biographie de la famille, en particulier sur ce que l'on dit des rapports entre le père, la mère et les enfants. le livre de Brenda Maddox « Nora. La Vérité sur les rapports de Nora et de James Joyce », traduit par Marianne Véron (1990, Albin Michel, 566 p.), ainsi que celui de Carol Loeb Shloss, « Lucia Joyce : To dance in the Wake » (2003, Farrar Straus Giroux, 576 p.) illustrent très bien les relations à l'intérieur de la famille. On y ajoute les livres plus centrés sur la vie de James Joyce, soit l'immense pavé bibliographique de Richard Ellmann, « James Joyce » (1982, Oxford University Press, 906 p.) et celui de Jen Shelton « Joyce and the Narrative Structure of Incest » (2006, University Press of Florida, 157 p.). le tout est argumenté par de nombreux articles spécialisés dont le « James Joyce Literary Supplement » et le « James Joyce Quarterly » revues qui sont là pour cela.

Il est évident que la liaison entre Nora et James n'est pas une pure liaison platonique. La jeunesse même de Nora Barnacle est marquée par la mort de sa mère lorsqu'elle a cinq ans. Elle est alors placée chez sa grand-mère, puis à 19 ans, mort de cette dernière, elle va chez son oncle maternel qui la bat. Elle veut tout de même vivre sa vie, et sort le soir habillée en homme, ce qui était interdit. Elle part finalement pour Dublin, travailler comme femme de chambre au Finn's Hotel. Lorsqu'elle rencontre James Joyce, ils vont se promener et sur les bords de la Liffey, Nora masturbe Jim. Scène rapportée dans « Ulysse » entre Molly et William Mulwey, avatars de Nora et Willie Mulvagh, lors du long monologue de Molly « comment avons-nous fini ça oui O oui je l'ai fait jouir dans mon mouchoir ».
Le couple s'embarque séparément pour l'Italie et débarquent finalement à Venise. Très vite Nora est enceinte de Giorgio. Il s'agissait pour le couple de fonder une famille. Lucia Anna, la fille naitra 2 ans plus tard à Trieste. Lucia est en l'honneur de sainte Lucie, alors qu'elle a un défaut à l'oeil (elle louche) comme Peg, la soeur de Nora. Elle suit la famille à Zurich pendant la première guerre, avant d'aller à Paris, avec un peu plus d'argent au début des années 20. La famille parle alors l'italien, ou plutôt le triestin, dialecte local. Lucia va donc être ballottée entre sa famille, les pays et les langues jusqu'à sa majorité. Sa vie intime souffre aussi d'instabilité. Tout d'abord folle amoureuse de Samuel Beckett, alors assistant en anglais à l'ENS. Elle le presse de se déclarer en 1930, ils ont 23 ans chacun. Mais Beckett répond plus que mollement à ses avances, plus intéressé par les lectures du père et son attente de Godot. Quelques aventures plus tard, c'est Alexander Calder sur qui elle jette son dévolu. Mêmes effets ou plutôt de non-effets.
Un autre élément déstabilisant intervient alors qui est la notoriété soudaine de son père après 1922 et la parution d'« Ulysse ». le rôle du père est difficile à cerner, car celui-ci peut être pris au sens physique ou moral. Dans le premier cas, la contrainte existe et elle est normalement réprouvée. Par contre, au sens moral, le père peut exercer une contrainte, synonyme de la dynamique de pouvoir. C'est la thèse de Shelton. Cela expliquerait l'émergence du thème en tant que narration dans le roman, soit un thème latent sans passage à l'action. Ce sont les fantasmes attribués à Gerty MacDowell ou Cissy Caffrey dans « Ulysse », mais aussi à Milly Bloom et bien sûr Issy dans « Finnegans Wake ». Celles que Shelton appelle « filles figuratives de Joyce ». il est vrai que cette période est aussi celle où il rédige « Les Boeufs du Soleil », avec Circé la magicienne, après « Nausicaa », le chapitre XIII

Plus tard, Lucia devient une belle femme, malgré son strabisme. Elle s'appelle ainsi en référence à la lumière qui commence à affecter la vue de James, mais lumière qui fait de l'ombre, si l'on peut dire à son oeuvre. le rôle de Nora, la mère, est plus simple. Les débuts de la famille sont difficiles. Quand Nora arrive à Trieste en 1907 avec ses deux enfants, elle a pour toute fortune une lire, ce qui est peu pour une famille de quatre bouches.
Celles-ci sont essentiellement orales, et surtout la discipline est encore à ses balbutiements. Dans un premier temps James Joyce et Carl Jung ne s'apprécient pas. Ce dernier, écrit, en 1932 dans « Europaische Revue » à propos d'« Ulysse » : « J'ai lu jusqu'à la page 135 avec le désespoir dans mon coeur, m'endormant deux fois en chemin ». Cela commence mal. « le style de Joyce a un effet monotone et hypnotique ». Et pour finir « Il ne faut jamais fourre le nez du lecteur dans sa propre bêtise, mais c'est exactement ce que fait « Ulysse» »…Joyce se moquera de la psychanalyse de Jung (et de Freud), dans « Finnegans Wake ». II les appelle « le Tweedledum suisse à ne pas confondre avec le Tweedledee viennois »
Cependant Carl Jung va découvrir Joyce un peu plus tard, lorsque le père vient pour sa fille Lucia, déjà en proie à de graves troubles de la personnalité. En 1932, C.G. Jung lui fait parvenir un essai sous forme d'une longue lettre de 40 pages. « Votre livre dans son ensemble n'a aucun terme à mon trouble et j'y ai réfléchi pendant environ trois ans jusqu'à ce que je réussisse à m'y mettre » qui se termine par « Je suppose que la grand-mère du diable en sait tellement plus
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1929, Paris. Lucia, jeune et talentueuse danseuse de vingt ans, fille du grand poète et romancier irlandais James Joyce, connaît un beau succès. Elle se produit dans les plus beaux opéras et avec les plus grands artistes. Son nom commence à être connu dans le milieu de la scène. Elle a beaucoup de talent. Un bel avenir se dessine.

1934, Küsnacht (Suisse). Après plusieurs séjours en hôpital psychiatrique et sanatorium, Lucia suit une thérapie auprès du Docteur Jung. Elle a vingt-cinq ans. Sa carrière est terminée. Sa famille est loin. Que lui est-il arrivé en l'espace de cinq années ?

Il est temps pour Lucia de raconter son histoire.

"La fille de Joyce" fait partie de la sélection du Grand Prix des lecteurs Pocket 2022 que je remercie pour cette lecture.

Il s'agit d'un roman biographique écrit à partir de faits réels par Annabel Abbs dont le résultat est le fruit de longues recherches et de lectures pointues. L'autrice nous conduit sur les traces de James Joyce, Samuel Becket et le monde littéraire de l'entre deux-guerres à travers le destin d'une femme, d'une fille désireuse de s'émanciper.

James Joyce, illustre écrivain, est connu dans le monde littéraire depuis les années 1920. "Ulysse", son oeuvre majeure, fait aujourd'hui partie des romans les plus importants de la littérature anglophone. L'homme de lettre a construit sa vie autour de son art. Toute la famille doit le suivre et s'adapter à son rythme. Entre l'Irlande, l'Italie, la Suisse et la France, les Joyce déménagent souvent. Femme et enfants doivent suivre. Sauf qu'en 1929, Lucia et Giorgio, son frère, commencent leur vie d'adulte. Giorgio s'oriente dans le chant, Lucia dans la danse et la chorégraphie.

La jeune femme rêve d'ouvrir une école de danse. Mais, que ce soit en amour ou professionnellement, dès qu'un projet se concrétise, ses parents y mettent un terme. Ils lui coupent systématiquement les ailes. Et, il en est ainsi à chaque étape de sa vie. Lucia étouffe dans cette famille où tout tourne autour de James. La situation empire après la fin d'une histoire d'amour dans laquelle elle voyait un échappatoire.


"Ma vie était une lutte permanente contre mes parents, leurs convictions, leurs attentes. le simple fait d'en parler me fatigue."
"La fille de Joyce" est une belle surprise de cette sélection. C'est un livre que je n'aurais peut-être pas découvert sans le Grand prix. L'histoire dévoile une femme peu connue, qui a pourtant eu des moments de gloire. Alors que Lucia est pleine de vie et de désirs, ses ambitions ont complétement été annihilées par celles de son père et par la rigidité d'une mère ultra conformiste. Eprise de liberté dans sa vie de jeune femme et dans son art, Lucia sombre progressivement dans la folie tant cet emprisonnement familial la pèse.

Un portrait de femme, un destin tragique, un rêve brisé, des déceptions
dans les années folles parisiennes.
Une très bonne lecture.


Lien : http://labibliothequedemarjo..
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La fille de Joyce /Annabel Abbs
L'histoire commence dans un cabinet de psychanalyste, celui du Dr Carl Gustav Jung, à Küsnacht, petite ville située à quelques kilomètres au sud de Zürich sur la rive orientale du lac du même nom. Nous sommes en septembre 1934 et Lucia, la fille de James Joyce, le célèbre auteur de Ulysse, suit depuis trois semaines et à la demande de son père, une thérapie afin de faire obstacle à une dépression qui la ronge depuis un certain temps. Elle a alors vingt-sept ans.
Plutôt taciturne depuis le début du traitement, elle a décidé aujourd'hui de parler et répondre aux questions du Dr Jung, car elle veut pouvoir danser à nouveau, retrouver sa passion, sa raison de vivre.
La première question déconcerte totalement Lucia : « Vous avez dormi dans la même chambre que votre père jusqu'à l'âge de dix-huit ans. Comment faisiez-vous pour vous changer ? » La réponse tout aussi surprenante est immédiate : « Je dormais tout habillée. »
Au fil de la conversation, Lucia se demande si le Dr Jung voit au fond de son âme dévastée et vide, les dépossessions et les trahisons dont elle été l'objet.
Le Dr Jung lui parle alors de son père, le pornographe comme il l'appelle, mais pour Lucia, son père reste un génie et elle considère Ulysse comme le plus grand livre jamais écrit. Il lui parle ensuite de son frère Giogio qui est chanteur et qu'elle adore comme un frère jumeau, puis de Samuel Beckett, son premier amour
C'est alors qu'elle s'écrie : « Je sais par où commencer mes mémoires. »
Les premiers souvenirs évoqués remontent à novembre 1928. La famille, d'origine irlandaise est installée à Paris. Les louanges de la presse sur la danseuse Lucia Joyce, vingt et un an, la plus talentueuse de ses élèves selon son professeur, sont le sujet de discussion familiale ce matin-là. Ambitieuse et acharnée, Lucia débute une carrière de danseuse et de chorégraphe, et par sa prestation, elle s'est rapidement faite un nom au théâtre des Champs-Élysées. Pour elle, la danse moderne est l'alphabet de l'indicible et l'écriture du corps. En récompense, le père offre un grand repas dans un grand restaurant avec tous les proches, et notamment Émile, le compositeur et accompagnateur de Lucia, qui est amoureux d'elle. Sans réciprocité hélas.
Mais alors que le repas suit son cours, Lucia voit derrière une vitre un visage qui l'observe d'un regard perçant et fugace en même temps. Elle sent alors une agitation l'envahir, comme si quelque chose était sur le point d'éclore au plus profond d'elle. C'est le commencement d'une folle histoire.
C'est à la maison familiale que Lucia va revoir l'inconnu qui s'avère s'appeler Samuel Beckett et travailler pour son père presque aveugle, lui faisant la lecture et d'autres tâches de bureau. À chaque apparition de Beckett, Lucia sent son coeur battre la chamade. C'est à Kitten, sa meilleure amie, qu'elle confie ses sentiments : elle est follement amoureuse de Beckett, éprouvant une sensation époustouflante d'invincibilité, de dissolution du temps et de l'espace.
Le récit de Lucia se poursuit avec alternativement des retours au présent chez le Dr Jung, à qui elle confie les mémoires qu'elle rédige, et qui tente toujours de la faire parler alors qu'elle réside dans un sanatorium où elle se sent espionnée par une certaine Mme Baynes, son infirmière, qui tente de lui extorquer des confidences. Lucia a toujours pensé qu'elle était la muse qui inspirait son père. le Dr Jung est dubitatif…
Un nouveau coup de théâtre survient quand Émile, le compositeur et accompagnateur, la demande en mariage. Elle se sent piégée… Cette période marque le début d'une hallucinante descente aux enfers pour la jeune fille…
Naïve jeune fille qui a rêvé sa vie et va continuer de la rêver sans que ses rêves soient vécus, les prenant pour des réalités. Étouffée par son père, un monstre de père, rejetée par ses amours dont elle fut la proie facile, elle perdra la santé et après avoir connu durant cinq ans une certaine célébrité comme danseuse, elle fera connaissance des maisons dites de santé. C'est sa voix que l'on écoute tout au long des 560 pages de ce bouleversant et déchirant témoignage qui crescendo va vers un dénouement hallucinant.
Aujourd'hui, qui se souvient de Lucia Joyce (1907-1982), la fille du grand auteur irlandais James Joyce (1882-1941) qui en 1929 révolutionna la danse contemporaine ?
Un livre qui marque, qui cogne et qui ne laisse pas indemne. Et qui dans un certain sens rend justice à Lucia une jeune fille enthousiaste et passionnée.
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il y a quelques jours je commençais la lecture d'un roman gagné dans le cadre de la masse critique babelio. Une histoire que je voulais lire depuis des mois, tant la couverture m'attirait et le sujet m'intéressait. Ce livre, c'est "La fille de Joyce", d'Annabel Abbs.
James Joyce était son père. Samuel Beckett, son grand amour. Voici son histoire. Lucia était la fille unique du grand James Joyce et son histoire demeure une énigme. Alors qu'en 1929, elle est l'étoile montante de la danse contemporaine à Paris, cinq ans plus tard, à l'âge de 26 ans, elle disparaît brutalement de la scène publique, totalement brisée et passera le reste de sa vie enfermée dans des asiles psychiatriques. La plupart de sa correspondance et les dossiers médicaux ayant été détruits, la question à laquelle tente de répondre l'auteure est: "qui est réellement cette femme et quelle est son histoire ?" Annabel Abbs offre enfin une voix à cette jeune femme que l'histoire a oublié.
J'avais eu un énorme coup de coeur pour le précédent roman de l'auteure "Frieda", c'est donc avec beaucoup de plaisir que j'ai retrouvé sa plume. Annabel Abbs possède un talent exceptionnel pour donner corps et voix à des femmes dont l'histoire nous est inconnue et nous faire vivre et découvrir de magnifiques portraits de femmes. Je ne connaissais rien de la fille de Joyce avant de me lancer dans cette lecture, et je dois avouer que j'ai mis plus d'une centaine de pages à cerner un peu mieux la personnalité complexe de Lucia. Pour autant il m'a manqué un petit quelque chose pour pouvoir m'attacher à elle. Pourtant l'on comprend les tourments, les douleurs, les blessures de cette femme brisée, sacrifiée. Cette pauvre petite chose perdue au sein d'une famille pour le moins dysfonctionnelle. Elle est coincée entre un père qui la considère comme sa muse, ne peut créer sans elle et une mère qui la méprise pour l'immoralité de son art de la danse et lui préfère son frère. Cette famille est tellement toxique qu'il n'est pas étonnant que cette pauvre Lucia soit tombée si jeune dans la folie. Et puis, c'est une femme qui en plus a eu le malheur d'aimer des hommes qui ne lui ont pas rendu son affection. C'est le cas avec Beckett.
Mutique pendant des années, c'est face à son psychanalyste Carl Jung qu'elle livrera son histoire et ses secrets. le drame n'est jamais loin mais on ne s'attend pas à la révélation finale qui nous cueille et nous bouleverse. C'est terrifiant.
Encore une fois, comme dans son précédent roman, l'auteure nous invite à la rencontre d'une femme victime des moeurs de son époque. On plonge une fois encore dans le destin d'une femme cachée derrière un grand écrivain.
Un roman dont j'ai aussi apprécié l'univers des années 20, le Paris de l'époque et les débuts de l'émancipation féminine.
Un roman fort avec des thèmes puissants et foisonnants tels que la folie, le génie, la condition féminine, l'émancipation et les débuts de la psychanalyse, portés par une plume belle, fluide, incisive et émouvante. Une belle lecture qui m'a rappelé le film "A dangerous method" et qui m'a fait plusieurs fois penser à Virginia Woolf et son roman "une chambre à soi". Un livre que je vous conseille si vous aimez les beaux portraits de femmes, les romans engagés et historiques. Un roman qui ne pourra pas vous laisser indifférent.
Encore un immense merci aux éditions Hervé Chopin et à babelio pour cette superbe réception.
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Paris, les années 20, le monde de la danse de haut niveau, un écrivain irlandais célèbre qui vit de mécénat et sa fille chérie… nous voici plongés dans le récit tumultueux de la Fille de Joyce.

J'ai de suite été captivée par l'histoire et l'ambiance qui s'en dégage. Les années Folles, la complexité de cette famille ayant quitté l'Irlande, cette mère mal aimante, ce frère adoré, ce père exigeant, ce génie adulé. Et Lucia. Lucia qui souhaite vivre, danser, aimer. Lucia qui se complait à exister au travers des yeux de son père, qui se ravit d'être sa muse. Oppressée par des parents omniprésents qui imposent leurs choix. Tiraillée entre le fait d'être une femme et son rôle de petite fille. Et que l'on retrouve 6 ans plus tard internée à la demande de sa propre famille. Mais que s'est-il passé pour que cette charmante jeune femme à l'avenir si prometteur se retrouve ici dans ce sanatorium de Suisse à devoir répondre aux questions intimes et incessantes du Dr Jung, à devoir écrire ses mémoires afin de révéler ses secrets, surtout les plus enfouis ?

J'ai vraiment été intriguée par ce récit, cette biographie largement romancée et subtilement mise en relief par la main d'Annabel Abbs. Qui est réellement Lucia ? Durant toute ma lecture, il m'a été difficile de la cerner… Sensible, instable, rêveuse idéaliste, désespérée, cruellement incomprise. Trop souvent délaissée et finalement seule. Quel était ce mal qui l'a rongée, dévorée, la poussant irrémédiablement vers ce funeste destin ? En tant que lecteur, on est porté par cette curiosité dévorante, cet irrépressible besoin de savoir pourquoi, d'enfin connaître le fin mot de cette sordide histoire…

Pauvre Lucia. J'ai frémi avec elle et j'ai senti le souffle de la révolte, cette sourde colère face à l'injustice. Comme il était alors simple et dérisoire d'écarter les femmes "à problèmes" en les condamnant à la Folie…

En refermant ce roman je suis atterrée. Quel gâchis… Il faut l'admettre, cette fin est perturbante. Et soudaine. Et ce malaise qui vous colle à la peau… J'aurais voulu en savoir davantage sur Lucia et toute sa vie "d'après" 1934, j'ai un léger goût de trop peu à ce propos.

En bref, une belle mais déconcertante découverte.

Lu pour le Grand Prix des Lecteurs 2022, organisé par les éditions Pocket.

Challenge Multi-Défis 2022
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critiques presse (1)
LeFigaro
10 juin 2021
Un roman sur les rapports d’une fille et de son père. Banal, sauf lorsqu’il s’agit de Joyce et de sa fille, amoureuse d’un certain Beckett.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (42) Voir plus Ajouter une citation
Je sus qu'il y avait quelque chose de ténébreux et monstrueux en moi, qui attendait son heure, tapi. Je ne pouvais ni l'expliquer ni le décrire, mais j'en avais peur. Parfois, cette chose s'immisçait dans ma gorge et prenait le contrôle de moi-même.
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« Lucia Joyce est la fille de son père. Elle a l’enthousiasme de James Joyce, son énergie et une part encore indéterminée de son génie. » – Il passa deux doigts jaunis par le tabac sur ses cheveux fraîchement gominés. – Tu as donné un spectacle époustouflant. Quel rythme ! Quelle évanescence ! J’ai encore cru voir des arcs-en-ciel.
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Cette nuit-là, je sus qu'il y avait quelque chose de ténébreux et monstrueux en moi, qui attendait son heure, tapi. Je ne pouvais ni l'expliquer ni le décrire, mais j'en avais peur. Parfois, cette chose s'immisçait dans ma gorge et prenait le contrôle de moi-même. Je n'en parlais pas à ma mère. Et je ne voulais pas déranger Babbo. Il avait son grand Work in progress à écrire. Rien ne devait se mettre entre Work in progress et lui. Et j'étais fatiguée, si fatiguée... Je ne pouvais plus danser. Je n'en avais pas l'énergie."
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Jamais Émile ne pourrait m’épouser, mais c’était gratifiant d’être admirée et les mots « Madame Fernandez », harmonieux et elliptiques, sonnaient bien à mon oreille.Tout à coup, je repensai à l’homme au regard perçant. Mon cœur bondit, puis se serra dans ma poitrine. Devais-je dire à Kitten que j’avais eu une prémonition ? Elle croyait en mes pouvoirs divinatoires presque autant que Babbo. Mais même elle trouverait cela ridicule, le regard fugace d’un parfait inconnu ! Je me rappelai le singulier sursaut de mon cœur. Des années auparavant, quand Babbo avait commencé à m’appeler « sa Cassandre », Mama m’avait cuisinée sur tous les aspects de mes visions. Lorsque j’avais décrit les étranges sensations physiques qui accompagnaient chacune d’entre elles, Babbo avait brandi son coupe-papier en étain et dit d’une voix enrouée par l’émotion : « Et maintenant, ne vas-tu pas enfin la croire, Nora ? »Mais je ne dis rien à Kitten. Je n’avais plus envie de penser à mes prémonitions.
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J’éprouvai soudain le besoin de sentir ses bras autour de moi, de poser la tête au creux de son épaule, d’entendre le battement régulier de son cœur. Tout irait mieux quand nous serions mariés, quand je serais enfin libre, quand je pourrais danser de nouveau.La flagorneuse revint, à la fois troublée et empressée. Je me demandai si elle était allée chercher un jeu de cartes pour qu’Alex et moi puissions jouer au rami.— Où est Alex ? m’enquis-je en trouvant la force de me tourner vers elle.— Il est parti, répondit-elle en ramassant les verres sur la table.— Quoi ?Il n’y avait qu’un moyen de quitter l’appartement, et c’était par la porte que je venais de franchir avec le flagorneur.— J’ai trouvé la fenêtre de la salle de bains ouverte. Il a dû se faufiler par là.
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