Cette histoire se déroule dans un futur proche.
Elle était en train d'installer son petit garçon, John, dans son lit lorsqu'elle aperçut en contrebas une berline de type gouvernemental.
Un homme, lunettes noires et mallette à la main, en descendit et se dirigea vers son immeuble. Elle et son fils vivaient seuls au dernier étage de cette tour désertée.
Que pouvait-on lui vouloir ? Sans doute une erreur d'adresse.
Quelques minutes plus tard l'homme frappa à sa porte.
Elle entrouvre sa porte, méfiante, mais déjà l'agent du gouvernement insère son pied pour éviter qu'elle ne la lui referme au nez.
-
Sarah Connor ? demande-t-il d'une voix inquiétante
C'est bien moi. Mais parlez moins fort, mon petit garçon est en train de s'endormir.
- Veuillez me pardonner, dit-il plus doucement. Je m'appelle Terrence ajoute-t-il en poussant la porte pour s'introduire chez elle sans lui laisser d'autre choix.
Aussitôt elle imagina le pire en le voyant ouvrir sa mallette dont il ressortit ( une bazooka mitraillette 1300 ogives par seconde ) un gros catalogue.
Je n'ai besoin de rien, merci de me laisser maintenant exigea Sarah qui haïssait tous les représentants qui étaient prêts à vous tenir la grappe pendant deux heures pour vous vendre le dernier fer à repasser automatisée 400 € alors que le même est vendu à 50 € dans le commerce.
- Je crois qu'il y a confusion madame Connor. Je ne suis pas là pour vous vendre quoi que ce soit mais pour vous annoncer en personne que vous avez gagné.
Gagné ? Elle n'a participé à aucun jeu ni concours, à part vingt ans plus tôt, en envoyant 2 par SMS à une question bien débile de Samuel Etienne. Qu'est-ce qui était rouge et jaune à petit pois dans la valise de Dorothée. Un voyage au Maroc pour deux personnes dans un hôtel de luxe était à gagner.
Et quel est ce prix que venez m'annoncer ?
- Permettez-moi d'abord de vous présenter le grand groupe d'aérospatial et de robotique pour lequel je travaille. Vous avez déjà entendu parler de Skynet ?
Ce nom ne me dit rien.
- Nono, le petit robot, l'ami d'Ulysse, c'est nous ! le premier pas de l'homme sur mars à bord de la flash-fusée, encore nous ! décrit-il avec enthousiasme. Mais nous avons décidé de mettre la barre plus haut encore et de coloniser les planètes habitables. Et tout dans votre profil semble indiquer que vous êtes la candidate idéale pour l'Installation.
"Nous ne pouvons pas nous empêcher de nous étendre, de nous répandre, de conquérir."
Mais je n'ai rien demandé. Je ne me suis jamais proposée.
- Ah non, mais cependant nous le savons grâce à tous les logiciels espions qui sont installés dans les ordinateurs et les téléphones de chaque individu, grâce à un système complexe d'algorythme, que vous pourriez être la personne la plus chanceuse au monde en étant la pionnière de futures expéditions qui, celles-ci, seront définitives. Votre nom entrera dans l'histoire.
"Vous êtes la dernière ligne droite pour aller dans l'espace."
Et pour mon petit garçon, John, tout est prévu à bord ?
- On s'est mal compris madame Connor. Vous seule avez le profil recherché. Votre fils ne viendra pas avec vous durant les trois années estimées pour ce périple intergalactique.
Mais qui s'en occupera alors ?
- Mais vous bien sûr ! Notre principale préoccupation est de ne surtout pas perturber le bien-être et le développement de votre enfant. Alors nous allons vous remplacer par une autre version de vous-même.
"Ce n'est pas une personne, pas un être humain. C'est un substitut biomécanique."
"Je n'aurai pas le choix, n'est-ce pas ?"
- Si vous êtes effectivement sélectionnée, vous aurez encore du temps pour vous préparer. Rien n'est encore sûr pour l'instant. Mais si ça le devenait alors je reviendrai souvent vous voir jusqu'à vous connaître par coeur et pouvoir implanter vos souvenirs et votre personnalité aimante de mère au sein de l'amalgame de vie et de science qui vous ressemblera trait pour trait. John ne se rendra même pas compte de votre absence.
Finalement tout le projet partit en cacahuète, la faute à
James Cameron et à Scharzenegger qui n'ont rien compris à l'histoire.
* * *
Je n'avais jamais lu de roman tel que "
Le remplaçant".
Qualifié par les éditions presses de la cité de thriller mâtiné d'anticipation, c'est aussi une pièce de théâtre ne mettant que trois personnages en scène, en trois actes. Presque une nouvelle par son unité de lieu et de protagonistes.
C'est un roman perturbant, dont l'absurdité non dénuée de logique rappelle un peu celle d'un
Franz Kafka. En résumé, vous l'aurez compris, c'est inclassable, dans la forme comme dans le fond.
Junior, le narrateur dont on partage les pensées, parle sans mettre de tiret à l'inverse de son épouse, Henrietta, peu bavarde cela dit. Disons-le, ils sont tous les deux taiseux. Et la personne qui va inonder le roman de questions, d'affirmations, de monologues, c'est principalement Terrence, ce jeune cadre venu annoncer au couple sa bonne fortune. Monopolisant tellement la conversation avec d'imparables arguments que le couple isolé semble ne même pas avoir voix au chapitre. C'est comme ça. Ils s'aiment mais seront séparés pendant plusieurs années et Hen ( diminutif d'Henrietta ) a déjà baissé les bras, n'a aucune envie de se battre. Dans ce contexte Junior comprend qu'il ne peut pas dire non, et en dépit de l'amour qu'il éprouve pour sa femme, une part de lui aimerait être sélectionné. Individu quelconque, isolé, manuel, à la vie répétitive, il voit une possibilité de s'accomplir en tant que personne. C'est peut-être son destin, une forme d'accomplissement.
"Et nous devons être soudés, surmonter cette épreuve ensemble, pas séparément."
On ne connaît pas grand chose de ce futur monde, qui ressemble au notre si ce n'est que les voitures ne se conduisent plus manuellement, que des prothèses de nouvelle génération peuvent remplacer n'importe quel membre, que la colonisation de l'espace a commencé et qu'on peut reproduire des êtres humains à la perfection avec une imprimante 3D ultra perfectionnée.
Mais ce n'est pas un roman de science-fiction à proprement parler. Celle-ci n'est qu'un prétexte.
Même s'il est diffus, un léger malaise sera présent dès les premières pages où Junior et Hen se voient dépossédés de leur libre-arbitre, impression qui ne fera que se confirmer.
"Juste accepter tout ce qui arrive, tâcher d'être passif et conciliant ? Ou opposer plus de résistance contre tout
le processus ?"
L'amour de Junior pour Hen ne fait pourtant aucun doute, sans elle il ne serait rien, sa vie n'aurait aucun sens. Mais la réciproque est-elle vraie ?
"C'est Hen qui compte. Elle est ma priorité, mon tout."
Difficile à dire puisqu'on ne sait pas ce qu'elle pense et que ses réactions sont contradictoires.
Parfois, on a l'impression de mettre le doigt sur quelque chose, une explication rationnelle qu'on a sur le bout de la langue, mais sans la rattraper à temps.
La tension chez Junior, pourtant si choyé par Terrence lorsqu'il sera enfin officiellement désigné comme participant à l'Installation, ne va faire que croître.
"Il y a de l'hypocrisie en lui, du secret."
"Je n'aime pas qu'il soit ici; chez moi, à envahir mon espace vital."
"Je ne le crois pas honnête avec moi, avec nous."
Mais sa présence envahissante et étouffante sert une noble cause : le bonheur de Hen en son absence. Elle ne doit pas être déboussolée et retrouver son quotidien. Lui fabriquer un mari de substitution est donc primordial. Mais pour ce faire Terrence devient un véritable parasite venant abîmer leurs derniers jours ensemble, à l'instar de ces scarabées-rhinocéros parfois présents dans la maison.
Pire qu'envahissant : invasif. Avec ses multiples questions trop indiscrètes, avec ses cachets, ses capteurs, ses messes basses avec son épouse.
C'est très difficile de se prononcer sur ce genre d'ovni littéraire qui peut aussi bien plaire que déplaire. Je ne peux faire aucune comparaison.
C'est un roman malgré tout exigeant pour le lecteur et les pensées de Junior sont parfois très difficiles à suivre. En outre, j'avoue ne pas être sûr à cent pour cent d'avoir compris l'analogie et le rôle des scarabées même si j'ai ma petite hypothèse, de même que je pense avoir compris la fin mais comme elle n'est que suggérée j'ai toujours un doute. Alors si un lecteur plus éclairé que je n'ai su l'être peut me donner sa version, je suis preneur.
Mais à part ça, j'ai aimé sortir de ma zone de confort tout en lisant un roman distillant autrement son poison au fur et à mesure, cette escalade paranoïaque ( justifiée ou non ! ) auquel Junior invite le lecteur , j'ai apprécié ce trio improbable obligé de vivre sous le même toit même si ça n'a pas été du goût de tous, j'ai réfléchi pendant ma lecture à ce qui se passait réellement ou allait se passer, j'ai réfléchi après ma lecture aux limites que la science ne devrait peut-être jamais franchir, et à bien d'autres choses encore.
Mais il faut vraiment le lire pour se faire sa propre opinion. Ce second roman de Ian Reid traduit en français est unique en son genre.