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Catherine Gibert (Traducteur)
EAN : 9782714495051
256 pages
Belfond (03/02/2022)
3.22/5   73 notes
Résumé :
Éditeur de son état, Septième Seltzer coule des jours heureux à New York avec sa femme et leur fille. Jusqu’au jour où son frère aîné l’appelle pour lui annoncer la mort de leur mère, qu’il n’a pas revue depuis des années.
Ce n’est pas tant que Septième soit effondré, – sa mère était un monstre d’égoïsme et de méchanceté –, mais les Seltzer appartiennent à la communauté cannibale des États-Unis et, selon la tradition, les enfants doivent manger le corps de le... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (35) Voir plus Ajouter une critique
3,22

sur 73 notes
C'est loufoque, déjanté, cruel, mais les messages sont bien présents en filigrane de ce roman irrespectueux.

La famille Seltzer, composée de douze ou treize enfants selon qui en parle, ne ressemble plus depuis longtemps à une famille (ou peut-être justement si, si les désaccords et les brouilles ne parviennent pas à faire disparaitre le ciment d'une filiation commune). Cette fois, tout de même le désaccord est de taille : la mère indigne vient de décéder. Alors faut-il respecter la tradition de leur peuple, les cannibales-américains, et donc dévorer littéralement leur génitrice au cours d'une cérémonie écrite dans le marbre ?

Le prétexte hallucinant de la dévoration maternelle, outre les références psychanalytiques qu'il invoque, est aussi l'occasion de se pencher sur le destin de ces douze garçons, prénommés selon leur rang de naissance, Premier , Deuxième, Troisième … (le décès de Cinquième mettra fin à cette harmonie numérique) et d'une fille (ça ne compte pas, dixit la mère ! ) qui pour la plupart ont fui le foyer parental et la maltraitance quotidienne.

Au-delà de l'histoire familiale, incluant celle des ancêtres depuis leur arrivée sur la terre promise américaine, est évoquée l'histoire des Etats-unis, ce patchwork de migrants venus d'ailleurs, partagés entre assimilation et revendication des origines.

Farce inconvenante et décomplexée, leçon philosophique déguisée, à lire entre les lignes.
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Cette fois-ci, bien après « La Lamentation du prépuce », Auslander semble en avoir terminé avec Dieu. Car Dieu s'est laïcisé. Mais c'est pire. Auslander n'a plus besoin de vomir son désespoir d'être né dans une famille de Juifs orthodoxes: le monde, dont l'Amérique toute entière, succombe à la grande religion moderne: l'identité. Non, pardon: Identité. Majuscule.
Certes, ce n'est pas d'aujourd'hui que chacun tape sur l'autre au nom de son origine. Après tout, le racisme n'est qu'un des noms de l'instinct de survie: le zèbre n'a pas intérêt à croire que zèbres et lions sont égaux, « quelle que soit [sa] prétendue ouverture d'esprit ». Or, aujourd'hui, non seulement chacun ne songe toujours qu'à trucider son voisin, « les Noirs, les Asiatiques, les Latinos, les Blancs, les Indiens, les Allemands, les Sumériens, les Macédoniens, les Cananéens, les Hittites, les Babyloniens, les homosexuels, les travestis, les mecs cuir, les premiers, les derniers, les véganes, les hippies, les chrétiens, les catholiques, les juifs, les musulmans, les baptistes, les jaïns, les manichéens, les ashuristes, les païens et les athées » mais l'universalisme a du plomb dans l'aile. L'intégration n'est qu'une idéologie rance, prônée d'ailleurs par Henry Ford qui, en plus d'inventer la Ford T et l'américan way of life, était un grand copain d'Hitler. Désormais, donc, ce n'est plus le raciste qui exalte les différences pour mieux retrancher l' « autre » de la race humaine, mais le libéral bon teint soucieux de valoriser les minorités: respect pour le « Latino-Sri-Lankano-Américano-non-genré-alcoolico-aveugle » à ne surtout pas confondre avec le « Libano-Érythréo-Américano-non-genré-albinos ».
Face à tous ces gens arc-boutés sur leurs spécificités identitaires, Auslander décide de de ne pas faire dans la demi-mesure: son héros est un Can-Am, soit un Cannibale-Américain, dont le peuple a toujours été ostracisé et qu'on empêche de se livrer aux rites de sa communauté, fondements de sa culture. Et pourquoi qu'on n'aurait pas le droit de bouffer maman?
Auslander a lu Levi-Strauss et sa définition de la barbarie; il sait que ce grand intellectuel s'inquiétait d'un écrasement des cultures et, même s'il feint de le confondre avec une marque de jeans, il reprend ses arguments -mais à sa sauce: en atteignant des sommets dans le mauvais goût, à faire passer la liste des torche-culs chez Rabelais pour le dernier degré du raffinement.
« Les mères ont un goût infect.
Elles sont débectantes de la tête aux pieds. [..] Grillées, sous vide, déshydratées, séchées, aucun traitement n'y changera quoi que ce soit. Même l'odeur est pestilentielle, jetez une mère sur la grille d'un barbecue et vous aurez l'impression que quelqu'un brûle des pneus, ce qui, pour peu qu'on l'accompagne d'un soupçon d'aïoli, serait sans doute meilleur. »
Mais, malgré son outrance, le roman paraphrase la célèbre démonstration de l'anthropologue: la famille cannibale est d'abord décrite comme un ramassis de tarés, décalque parfait de la famille juive orthodoxe bien connue de l'auteur (thèse adverse). Puis (contre-argumentation), au fur et à mesure que les préparatifs du repas (soit les ⅔ du roman) se déroulent, le héros comprend la valeur religieuse d'une telle cérémonie et s'en fait l'ardent défenseur.
Oui, bon, la démonstration est quand même sacrément torpillée par l'énormité du sujet: maman est obèse, la suspendre la tête en bas, l'éviscérer, la débiter, la cuire (barbecue au gaz ou au charbon?) est une épopée gore, et je vous fais grâce (moi, mais pas l'auteur) de la consommation. On n'est plus dans le symbolique, là, mais bien dans l'organique.
Je peux donc spoiler la fin: la religion, avec ou sans Dieu, est bien un ramassis « de conneries hors-d'âge ». Et toute recherche identitaire est moins une émancipation qu'un boulet à se traîner.
Mais les religions ont leurs livres sacrés et Auslander est désormais romancier. Il renvoie les premiers à leur origine mythique, à leurs variations dues à leur caractère oral, aux multiples interprétations qui peuvent en être faites. Et il proteste contre la littérature actuelle, assise sur des recettes, et qui est lue par des lecteurs borgnes qui ne savent la comprendre qu'en fonction de leurs préjugés en ignorant tout de la polysémie.
Or c'est beaucoup pour un seul livre. Même si l'hommage d'Auslander à « Monty » (Michel de Montaigne dans le texte) me touche, j'aurais préféré que le héros ne soit pas éditeur, que la farce énorme ne soit pas parasitée par l'évocation de problèmes éditoriaux. J'aurais également voulu que la pâte romanesque ne soit pas sans cesse traversée de discours qui font parfois de ce livre une autobiographie bis.
Mais si vous aimez la littérature à l'estomac, et les tripes bien accrochées, que vous n'avez rien contre un blasphème bien saignant et que les repas dominicaux en famille vous pèsent, il n'est pas impossible que ce roman vous fasse glousser.
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J'avais beaucoup aimé le fameux roman de Shalom Auslander, La lamentation du prépuce, aussi, lorsque Babelio (que je remercie) m'a proposé ce livre, je n'ai pas hésité une seule seconde. L'histoire est particulière car nous nous trouvons face à une famille de cannibales. le personnage, Septième Seltzer, voit son monde s'écrouler lorsque son frère lui téléphone pour lui annoncer que leur mère est décédée. Ce bouleversement ne vient pas, bizarrement, de la funeste nouvelle en elle-même, mais plutôt de l'expectative de la suite des événements. Si la mère en question avalait des burgers à longueur de journée, il va falloir désormais manger cette dernière, ainsi que le veut la tradition…

Ami lecteur, s'il y a des références à Montaigne, ce qui ne peut que me réjouir, n'attends pas qu'il y ait le même style ! Ne prends surtout pas ton petit-déjeuner en le lisant, ou quelque nourriture que ce soit sous peine de la gâcher. Parce que pardon du peu mais « l'assimilation » de la mère (vous apprécierez la métaphore) se fait dans les détails, et pas des moindres !

J'ai apprécié ce livre qu'il ne faut surtout pas lire au 1er degré. Si l'on y retrouve, à travers Septième, les idées qui étaient déjà dans La Lamentation du prépuce, à savoir les critiques de sa propre culture, il s'agit ici, surtout, d'un cheminement de la pensée aboutissant à une meilleure compréhension de cette dernière, de ses rituels, et, finalement, s'opère un changement d'avis vis-à-vis de ce que le personnage pensait au départ. Sous des dehors à la fois sanglants et humoristiques, c'est toute une philosophie de vie qui transparaît et qui donne à réfléchir. Comme quoi, il ne faut jamais s'arrêter à une idée préconçue !
Lien : https://promenadesculturelle..
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- À table !!!!! Maman est prête à être consommée !!!

Bienvenue dans la famille Seltzer, dernière gardienne des traditions des Can-Am.

- Can-Am comme Canado-Américaine ? Comme Croato-Américaine ? Comme Christiano-Américaine ?
- Vous y êtes presque... Can-Am comme Cannibalo-Américaine, une espèce rare, hélas en voie d'extinction, qui ne cesse d'intriguer et de déranger les autres espèces du continent.

Bienvenue chez Mudd (la mère dont le surnom n'est pas sans rappeler toute la boue dans laquelle elle a traîné sa progéniture au nom de la sauvegarde de l'espèce). Bienvenue chez Premier, Deuxième, Troisième, Quatrième, Cinquième, Sixième (Paix à son âme), Septième, Huitième, Neuvième, Dixième, Onzième, Douzième et Zéro, seule fille de la Tribu.
(Il n'était pas nécessaire pour Mudd de donner des prénoms à ses enfants vu qu'ils n'ont été conçus que dans le seul espoir d'agrandir la famille et de sauvegarder l'héritage des Cannibalo-Américains.)

Quand j'ai dit ça, j'ai tout dit de la loufoquerie et de l'absurdité de ce récit décalé, plein d'humour noir et de réflexions désopilantes.
Shalom Auslander est talentueux pour narrer des situations tragicomiques, parfaitement inédites et nous plonger dans des ambiances originales à souhait.
Il est talentueux également pour relayer sous des couverts humoristiques des sujets bien plus graves et sérieux comme les réseaux familiaux, les traditions, la différence, la puissance et l'influence d'une mère, la religion, le racisme, la soif d'argent et de pouvoir, les choix de vie, les priorités, les envies de liberté...

Maman pour le dîner est construit comme une pièce de théâtre dans laquelle se succèdent les scènes et les époques : souvenirs du passé et de l'éducation familiale can-am; récits des ancêtres-héros arrivés en Amérique; urgence de la situation complexe de la mort d'une mère que l'on doit drainer-purger-répartir-consommer pour qu'elle puisse vivre "ailleurs" et que les traditions soient maintenues.

J'avais aimé le premier roman La Lamentation du prépuce de Shalom Auslander. J'ai aimé encore plus celui-ci qui a su parfaitement me sortir de ma zone de confort et de mon quotidien.

Merci à Babelio et aux Editions Belfond pour ce roman frais, épicé, cuisiné, poivré à souhait prêt à être consommé et digéré un immense sourire aux lèvres.
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Septième Selzer, un éditeur New-yorkais issu de la communauté Cannibalo-américaine n'a plus revu sa mère depuis plusieurs années. Elle n'a pas apprécié son mariage avec une non-cannibale. Alors quand on le convie à un dîner avec toute la famille, ça a de quoi le surprendre...Mais quand on l'informe qu'elle occupera une place de choix sur la table, il comprend que sa mère est morte. Et que suivant leur coutume son corps doit être mangé par tous ses enfants lors d'un repas de fête.
Un dîner pantagruélique les attend. Pour qu'il y ait un morceau de choix pour chacun, leur mère s'est empâtée en avalant une quantité astronomique de Whoppers, double bacon, supplément fromage, sans salade évidemment. C'est Onclissime, le gardien des traditions de  cette communauté anthropophage qui  va veiller  à ce que  toute la famille ingurgite leur maman...tyrannique.
Après sa fameuse Lamentation du prépuce qui racontait son enfance dans une famille juive orthodoxe, Shalom Auslander  poursuit ici  sa critique sur le fondamentalisme incarnée ici par une communauté d'un tout autre genre...C'est sur le mode de la farce de mauvais goût et de l'humour décapant  qu'il a choisi de  tabler. Pari réussi. J'ai bien ri  des préparatifs du repas, du choix des meilleurs morceaux à manger mais aussi des revendications identitaires tendance wokisme qui virent à l'absurde.
Maman pour le dîner, c'est excellent !
Je remercie Babelio, Masse Critique et Belfond pour ce livre que j'ai dévoré.
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critiques presse (1)
LeFigaro
16 mars 2022
Pour son nouveau roman, l’écrivain américain imagine l’histoire d’une famille issue d’un vieux peuple cannibale, avec une intelligence et une liberté de ton jouissives.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
Mais ils sont épouvantables, a t'il dit à Rosenbloom.
- Tous?
- Oui, tous.
-Il faut publier quelque chose, a insisté Rosenbloom.
- Pourquoi ?
- Parce qu'on est éditeurs.
- C'est fâcheux, a dit septième.
- Qu'en penses-tu du Croato-Américain ? Je le trouve prometteur.
- Quel Croato-Américain ?
- Le Croato-Americano-lesbiano-pro-avortement.
Septième a haussé les épaules.
Il n'est pas différent du christiano-Américano-toxico-autiste.
- Tu parles du christiano-Américano-toxico-autiste hémophile ?
- Non, a répondu septième. Du christiano -Américano-toxico-autiste-diabétique.
- De type un ou deux ?
- Les deux.
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Au moins, à l’époque, ils vous tuaient honnêtement, disait-elle, d'un coup de couteau à la gorge ou d'un coup d'épée dans le ventre. Ici, en Amérique, on vous découpe morceau par morceau : on change votre nom, on interdit vos traditions, on vous rabaisse à la télé jusqu'à ce qu'il ne reste plus d'un héritage vieux de plusieurs milliers d'années qu'un poste de télévision et un Levi’s.
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[Sa mère] adorait son peuple, à tel point que, par fierté, elle méprisait tous les autres : les Noirs, les Asiatiques, les Latinos, les Blancs, les Indiens (...), les homosexuels, les travestis, les mecs cuirs, les premiers, les derniers, les véganes (...).
[Il] a souvent eu peur de contracter sa haine, d'hériter de son intolérance - comme un virus, comme un défaut de naissance malgré tous ses efforts pour ne pas être contaminé, une sorte de syndrome foetal du connard -, mais aujourd'hui, à trente ans, il n'a encore détecté aucun symptôme. Toutefois, il faut rester vigilant, on ignore à quel moment le virus peut se manifester et, un dimanche après-midi, on se retrouve soudain au Klan Store du coin en train d'équiper sa femme et ses gosses d'un ensemble tunique et capuche.
(p. 52)
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[Il] se souvient du coup de fil qu'il avait passé au docteur Isaacson le soir de la naissance de leur fille, Reese, perclus d'angoisse et taraudé par le doute quant à ses capacités de père.
« Que fait un bon père, Docteur ? (...) Dites-le moi, s'il vous plaît. Je n'en ai aucune idée.
- Vous aimez votre fille de façon inconditionnelle pour ce qu'elle est et non ce que vous aimeriez qu'elle soit », avait répondu le docteur Isaacson.
« Ça me paraît trop facile.
- Alors comment se fait-il que si peu de gens en soient capables ? » avait demandé le docteur Isaacson.
(p. 30)
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On est des êtres tribaux, Septième, a-il dit. La division est le propre de l'homme et de la femme. On a ça dans le sang. as-tu déjà consulté une carte des courants migratoires? On a commencé en Afrique, tous semblables, et on s'est tirés dès que possible, bravant tempêtes, océans, bêtes, famine. Pourquoi? Par envie de voyager? Pour voir Paris au printemps? Non. parce qu'on ne se serait pas supportés une seconde de plus. L'enfer, c'est les autres, disait Sartre, mais Cro Man l'aurait dit bien plus tôt s'il avait maîtrisé le langage. Un jour, tout le monde aura sa propre nation, chaque individu. Seltzerland, Village Rosenbloom, village abdullah (...)Des carrés d'un mètre de côté, 3 mètres de haut, entourés de fil barbelé, de drapeaux colorés, chantant des hymnes entrainants à la gloire de son carré(...) L'Identité avec un grand I.
Pour Septième, L'Identité est une prison dont il a toujours rêvé de s'échapper...
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Shalom Auslander présente son roman "L'Espoir cette tragédie", paru aux éditions Belfond. Un roman iconoclaste, provocateur et hilarant, un régal de drôlerie et de profondeur sur la légitimité de l'art après l'Holocauste, le devoir de mémoire (ou plutôt celui "de ne jamais la fermer") et les ravages causés dans le monde par l'espoir, cette tragédie. Traduction : Marie-Alice Dias
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