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EAN : 9782266317634
368 pages
Pocket (21/09/2023)
  Existe en édition audio
3.65/5   654 notes
Résumé :
Mère célibataire de vingt-huit ans, ébranlée par le décès récent de son père, Candice Louradour mène une vie sans saveur. Un soir d’hiver pluvieux, à Paris, elle est témoin d’un accident de la circulation. Une femme est renversée et grièvement blessée.
Bouleversée, Candice lui porte assistance, puis se rend à son chevet à l’hôpital. Petit à petit, la jeune ingénieure du son et la convalescente se lient d’amitié.
Jusqu’au jour où Dominique demande à Can... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (145) Voir plus Ajouter une critique
3,65

sur 654 notes
Voilà une bien jolie histoire qui n'est pas sans nous rappeler que certains rendez-vous sont décisifs dans le labyrinthe de notre vie.

Candice est une jeune mère séparée du père de son petit Timothé, fraîchement remise en couple. Elle se remet difficilement du décès de son père et puis il y a ces complexes avec son corps qui la rongent de l'intérieur. Pourtant Candice est d'une gentillesse et bienveillance absolues. Son travail en temps qu'ingénieur du son pour les livres audio la passionne. Voilà qu'un matin sous la pluie de Paris, elle assiste à un accident de la route où une dame se fait violemment renversée. Candice qui a l'âme de mère Thereza part au secours de cette dame à moitié inconsciente. Prenant à coeur le sort de cette dame, la voilà à son chevet à la clinique.

Qui est donc cette Dominique qui semble si seule ? Candice va prendre à coeur de l'aider mais à quel prix ? Lorsque la jeune femme se rend au domicile de la blessée pour lui rapporter quelques affaires, Dominique va lui livrer un secret des plus fascinants.

Ce livre s'intéresse à l'âme des maisons, à leurs histoires, c'est aussi un livre qui fait la part belle à la littérature en mettant à l'honneur un célèbre écrivain.

Il nous laisse à penser qu'on ne rencontre personne par hasard. Que certaines rencontres arrivent au bon moment pour nous guider. Même si c'est souvent comme ici, périlleux et dangereux.

Roman fluide, agréable à lire, il apporte ce petit plus en terme d'informations pertinentes sur ce célèbre écrivain (ne me demandez pas qui pour ne pas déflorer l'intrigue). Les ficelles sont ma foi un peu grandes et répétées, on est face à une succession de secrets, d'obscurs mystères autour de cette Dominique, les maux de Candice tournent un peu en rond. N'empêche que la magie opère et qu'on s'attache un peu à ces deux femmes qui jouent au chat et à la souris.
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Candice, jeune femme de 28 ans assiste à un accident où une dame, Dominique est renversée par un automobiliste.
Elle lui vient en aide même sur le long terme car cette dame semble bien seule.
Pourtant Candice a un petit garçon, Timothée, un compagnon, Arthur. Elle est aussi ingénieure du son dans une boîte d'enregistrements de livres audios. Ses journées sont bien remplies.
Assez vite, on apprend qu'elle souffre d'un mal inavouable caché à tout son entourage et ne supporte pas son embonpoint.
Elle va tisser des liens amicaux avec la dame accidentée et aura accès à son appartement qui a une histoire, pour apporter le nécessaire dont la victime a besoin à l'hôpital.
le logement a été anciennement occupé par Émile Zola et sa jeune maîtresse, Jeanne. L'écrivain occupe une grande place chez Dominique, la victime de l'accident, un personnage très complexe qui peut faire autant de bien que de mal quand on s'en fait une amie, une personne énigmatique, sensuelle, très franche dans ses propos, distinguée dans ses manières, élégante. Je la définirais comme bourrée de bonnes intentions mais pouvant se révéler toxique sans le vouloir.
Candice, la jeune femme représente la générosité même mais doit se battre contre un mal psychologique qui la ronge, contre la douleur d'avoir perdu son père et la révélation du personnage mystérieux qu'il était.
Un très beau roman aux multiples facettes avec une Tatiana de Rosnay que j'avais retrouvée en pleine forme créative dans Célestine du Bac ainsi que dans ce dernier récit.
On retrouve le réel attachement de l'auteure aux logements, aux murs qui reflètent l'âme des anciens occupants comme dans "Rose", "Le voisin", "Elle s'appelait Sarah"...
Le roman se révèle addictif . Je n'ai raté aucun passage car Zola chemine avec nous dans la lecture et comme j'apprécie l'écrivain, je m'attardais sur les paragraphes qui le citaient.
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Quelle délicatesse des mots, quelle finesse dans le ton, quelle joliesse. J'ai tout amé: le propos, le portrait de ces femmes, l'amitié si fragile et incompréhensible parfois. Oui tout dans Nous irons mieux demain m'a plu.
Et que dire de cette passion d'un des personnages , Dominique, pour Emile Zola. Ce Zola qui fut un des premiers auteurs de romans que j'ai découvert adolescente et dont nous discutions mon père et moi. Haaa !
Tatiana de Rosnay a ce talent particulier de nous prendre par la main et de nous amener tout doucement dans l'intimité de ses personnages. Sans vulgarité, sans voyeurisme mais plutôt un crescendo d' émotions.
Candice sera témoin d'un accident un matin et restera auprès de la dame, Dominique, qui est très blessée à une jambe. Elle accompagnera cette inconnue à l'hôpital et sera là lors de ses opérations et de sa réhabilitation. C'est ainsi que naîtra une solide amitié. Plus même qu'une amitié, quasiment une relation mère fille. Et Candice se demandera ce qui peut bien la pousser à vouloir aider, connaître cette femme qui semble si seule et si secrète. C'est cette femme qui initiera Candice à l'oeuvre de Zola et qui saura également lui faire voir des perspectives meilleures face à ses démons . Candice et Dominique se lieront à un point tel que Candice invitera Dominique à partager son appartement après une éviction et donc sa quotidienneté, sa vie.
Un roman sur les secrets, sur la mansuétude, sur la bienveillance et dans lequel j'ai senti beaucoup d'amour et de gentillesse sans aucune mièvrerie racontée tout aussi génialement par l'autrice.
Un excellent livre audio Nous irons mieux demain de Tatiana de Rosnay. #Nousironsmieuxdemain #NetGalleyFrance que je remercie grandement.
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Au bonheur des deux dames

Tatiana de Rosnay nous revient avec un roman bien plus intime qu'il n'y paraît. Sous couvert d'un hommage à Émile Zola, elle raconte la rencontre de deux femmes qui cachent de lourds secrets.

Candice Louradour a 28 ans, ingénieure du son, travaille dans un studio d'enregistrement de podcasts et livres audio. Après sa séparation avec Julien, elle a trouvé un nouvel équilibre avec Arthur. C'est sur le chemin de l'école où elle se rend pour récupérer son fils Timothée que survient l'accident. À un feu rouge une femme est violemment heurtée par une voiture. En attendant les secours, Candice la réconforte un peu. Et quand elle prend la direction de l'hôpital Cochin, Candice la suit. Si elle ne connaît pas Dominique Marquisan, elle ressent le besoin de l'aider, d'autant qu'elle a dû être amputée et n'a plus de famille.
La quinquagénaire va lui confier les clés de son appartement et le secret qu'elle a découvert en emménageant: un petit mot coincé derrière le marbre de la cheminée: «Chère femme adorée, je t'écris à la hâte. Hélas, je ne pourrai pas venir demain mardi. Je suis retenu cher moi. Je viendrai dès que possible, et en attendant, je t'envoie mon coeur qui est tout à toi. Il ne se passe pas une heure sans que je pense à toi. Je te serre de toutes mes forces dans mes bras. Mille et mille baisers sur tes beaux yeux, tes beaux cheveux, sur ta longue tresse parfumée. »
Cette déclaration signée Émile Zola était adressée à la locataire de cet appartement, sa maîtresse Jeanne Rozerot. Dominique va alors avouer à Candice combien l'auteur des Rougon Macquart faisait désormais partie de sa vie et combien son appartement lui manquait.
Fascinée par ce récit, Candice viendra dès lors régulièrement revoir la convalescente et livrer à son tour quelques confidences, mais n'ira toutefois pas jusqu'à avouer le mal qui la ronge, la boulimie. Elle se jette sur tous les aliments qu'elle peut trouver. Puis «chaque nuit, en silence, elle se plie à l'effroyable tête-à-tête avec la cuvette des toilettes; elle se soumet à genoux à cet indispensable acte de purge qui vidange son estomac d'un jet acide. Elle se couche avec ce goût détestable dans la bouche en dépit du brossage et du rinçage, et la sensation d'un ventre douloureux aux parois irritées; son corps lui semble encore trop gros, trop gras, débordant de son pyjama et ne lui inspire que répugnance.»
Un secret très bien gardé mais qui, au fur et à mesure de l'intensification de leur relation, va être plus difficile à cacher. Car Dominique a été licenciée et littéralement jetée à la rue et viendra habiter chez Candice le temps de se retourner. Une présence qui, au fil du temps, va toutefois devenir par trop envahissante. Car, comme le souligne Gaëlle Nohant, qui a pu lire le roman au fur et à mesure de son écriture, «Tatiana de Rosnay sait comme personne cultiver l'ambiguïté, l'ambivalence, explorer les secrets et les non-dits d'une relation troublante, qui va prendre de plus en plus d'importance dans la vie de Candice.»
Sous l'égide de Zola, à qui la romancière rend un hommage appuyé, l'histoire du grand écrivain vient entrer en résonnance avec celui de Candice. C'est l'image de la maîtresse de Zola qui va surgir quand la soeur de Candice découvre que leur père disparu ne menait pas une vie aussi rangée que ce qu'il laissait paraître. Et la faire douter de la justesse de ses sentiments.
Il est alors temps de regarder lucidement sa vie et ses relations. Une remise en cause aussi violente que salutaire. Un roman-vérité aussi, car la romancière mêle fort habilement son expérience personnelle à la fiction. Elle a par exemple elle-même prêté sa voix pour dire son amour pour Daphné du Maurier, Virginia Woolf et Émile Zola le temps de trois podcasts enregistrés dans les maisons des auteurs et a ainsi pu à la fois découvrir l'univers des enregistrements et les lieux où vivaient et travaillaient les auteurs. Autre souvenir, plus douloureux, qu'elle a confié à Amélie Cordonnier pour le passionnant podcast de Femme Actuelle intitulé Secrets d'écriture : «J'ai souffert de boulimie de mes quinze à quarante ans. Elle a dévasté 25 ans de ma vie. Trouver les mots pour décrire ces scènes de crise n'a pas été facile même si cela fait deux décennies que je suis guérie. J'ai dû retrouver la noirceur d'une époque pour ensuite aller vers la lumière.»


Lien : https://collectiondelivres.w..
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Je suis déçue. Je trouve ce roman en dessous de ceux que j'ai pu lire d'elle jusqu'à présent. L'histoire est répétitive , Candice tourne en boucle dans ses problèmes et Dominique est si ambigüe que je n'ai pu déterminer si elle était nocive ou non. le seul intérêt, pour moi, c'est la référence constante au célèbre auteur, Emile Zola. Non, je ne dévoile rien, c'est sur la quatrième de couverture. C'est lui, le personnage principal, les autres servant de faire-valoir.
C'est en tout cas mon ressenti.
Maintenant, à vous de vous faire votre opinion.
Bonne lecture.
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critiques presse (3)
LeJournaldeQuebec
13 février 2023
La destinée de deux femmes qui ont 30 ans de différence s’unit par le fruit du hasard lorsque Candice, 28 ans, porte secours à Dominique, fin cinquantaine, après un accident. Peu à peu, leur amitié se construit et les liens se tissent. Mais qui est la plus cabossée des deux ? Qui sauvera qui ?
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
LaLibreBelgique
22 décembre 2022
Écrit dans l'isolement du confinement, le dernier roman de Tatiana de Rosnay s'achemine, au fil des péripéties, vers une perspective lumineuse. C'était sans doute une nécessité dans les grisailles et incertitudes d'une période qui ne suscitait pas vraiment l'optimisme.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LeParisienPresse
16 septembre 2022
L’écrivaine signe son roman le plus personnel et sûrement le plus réussi. Dans son nouvel ouvrage, l’autrice d’«Elle s’appelait Sarah» se met à nu et aborde sans tabou des thèmes comme l’anorexie, la reconstruction et son idole Émile Zola. Sombre et solaire.
Lire la critique sur le site : LeParisienPresse
Citations et extraits (59) Voir plus Ajouter une citation
(Les premières pages du livre)
Candice était en retard pour aller chercher son fils à l’école maternelle, rue de l’Espérance. La grève battait son plein depuis plusieurs semaines et l’exaspération régnait, toute-puissante. Sur les trottoirs, rendus glissants par la bruine, les piétons évitaient au mieux vélos et trottinettes ; il fallait jouer des coudes pour passer d’un bord à l’autre. Embouteillages et klaxons, aucun transport en commun : à bout de nerfs, les gens s’invectivaient, les insultes fusaient, tout le monde s’exaspérait ; Candice aussi. Cela faisait plus d’une heure qu’elle marchait depuis République. Heureusement, le chemin du retour avec Timothée serait court ; elle n’habitait qu’à quelques minutes de l’école, rue des Cinq-Diamants.
Depuis la Seine, elle cheminait le long du boulevard de l’Hôpital qui débouchait sur la place d’Italie. Encore une dizaine de minutes et elle serait arrivée. Devant le feu du carrefour, une foule compacte s’était formée, en attendant qu’il passe au rouge. Soudain une voiture fit une embardée, et heurta la personne qui se trouvait juste devant Candice. Elle entendit un hurlement ; une voix de femme, puis une frêle silhouette s’envola comme un vêtement emporté par le vent. Le crissement des freins, le fracas de la chute, les cris d’horreur. Il faisait sombre, on voyait mal, mais des badauds s’étaient aussitôt mis à filmer avec leurs portables, plantés là, au lieu de venir en aide.
Candice s’approcha du corps à terre, distingua des cheveux blonds épars, du sang, un visage pointu et blanc. Quelqu’un cria : « Elle est morte ! » Le conducteur de la voiture sanglotait en marmonnant qu’il n’avait rien vu ; la foule se pressait autour de cette inconnue étendue de tout son long, mais personne ne la réconfortait. Candice s’agenouilla sur la chaussée mouillée.
— Vous m’entendez, madame ?
La victime devait avoir la cinquantaine ou plus, des yeux immenses et noirs.
— Oui, lui dit-elle, d’une voix claire. Je vous entends.
Elle portait un manteau noir à la coupe élégante, un foulard en soie de couleur jaune.
— Il faut appeler le SAMU ! lança une femme au-dessus d’elles. Regardez l’état de sa jambe.
— Alors, appelez, bordel ! s’époumona un homme.
La foule autour s’était remise à bouger en un étrange ballet désordonné, et toujours ces gens qui filmaient. Candice les suppliait d’arrêter ; et s’il s’agissait de leur mère, de leur sœur ?
— Les secours vont arriver, ne vous inquiétez pas. Ça va aller.
Elle essayait de l’apaiser avec des mots qu’elle aurait aimé entendre si elle avait été à sa place.
— Merci… Merci beaucoup.
La victime s’exprimait lentement, comme si chaque parole était douloureuse ; sa peau semblait transparente, ses yeux ne quittaient pas ceux de Candice. Elle tentait de bouger ses mains, mais n’y parvenait pas.
— S’il vous plaît… Pouvez-vous vérifier…
Candice se pencha.
— Je vous écoute.
— Mes boucles d’oreilles… C’est mon père qui me les a offertes. J’y tiens beaucoup. J’ai l’impression que…
Candice discernait un clip à son oreille droite, une perle. Rien à l’autre. Le bijou avait dû se détacher.
— S’il vous plaît… Cherchez… Cherchez…
D’une main hésitante, Candice déplaça les cheveux blonds ; aucune boucle dessous, ni à côté.
— Faut pas toucher ! brailla une femme.
— Attention ! s’agaça un individu à sa droite. Faut attendre l’arrivée du SAMU !
Candice fit un effort pour rester calme.
— Je cherche sa boucle d’oreille ! Une perle. Regardez donc sous vos pieds.
Les curieux s’y mettaient, utilisaient les torches de leurs mobiles pour scruter le macadam. Quelqu’un cria : « Je l’ai ! » Révérencieusement, on lui tendit le minuscule bijou ; Candice le déposa dans la paume glacée.
— Pouvez-vous…, chuchota la dame, en esquissant un geste.
Candice fixa la perle à son lobe gauche. La victime ajouta, quelques instants plus tard, avec un filet de voix :
— Mon père n’est plus là. Il me les a offertes pour le dernier Noël passé avec lui.
Candice posa une main sur sa manche.
— Gardez vos forces, madame.
— Oui… Mais ça me fait du bien de vous parler.
La jeune femme ressentit de la pitié, un éclair vif qui la transperça. Elle lui sourit. Il lui semblait que les secours mettaient des siècles à venir. Le froid mordait de plus belle, la pluie ne cessait de tomber ; l’air paraissait lourd, humide, chargé de pollution. Quel endroit laid pour mourir, pensa- t-elle, crever là, sur ce carré de bitume suintant, face aux néons criards des immeubles modernes avec, dans les narines, cette odeur pestilentielle de métropole saturée par les bouchons. Mais ses pensées pourraient porter malheur à cette pauvre femme ; alors, Candice se concentra sur Timothée à la garderie, aux courses pour le dîner, à Arthur qui lui rendrait visite ce soir, aux prises de son éreintantes de la journée, rendues plus compliquées encore par les grèves et l’absence de certains de ses collaborateurs.
Candice jeta un coup d’œil vers les jambes de la victime, devina une blessure qui lui sembla si effroyable qu’elle détourna le regard.
— Ne vous inquiétez pas, ils seront là bientôt. Ils vont vous emmener à l’hôpital. On va s’occuper de vous, vous verrez. On va vous soigner.
La jeune femme lui parlait avec sa voix de maman, celle dont elle se servait pour rassurer Timothée, trois ans. Cette inconnue devait avoir l’âge de sa propre mère, ou être plus âgée encore. Elle ne savait pas si elle l’entendait, si ses paroles lui faisaient du bien ; elle n’osait plus la toucher.
— Vous êtes si gentille… Merci…
Ses mots n’étaient plus que chuchotis à présent.
Autour d’elles montait le vacarme des voix, de la circulation ; au loin, une sirène.
— Vous entendez ? Ils arrivent !
Toujours ce visage blafard, immobile, humide sous l’averse. Il était peut-être trop tard. Candice avait envie de pleurer ; elle tenta de reprendre le dessus. Une étrangère ! Une femme dont elle ne connaissait même pas le nom ; et dont elle n’arrêtait pas de revoir le corps qui valdinguait, le bruit de la chute, les traits de morte, les fines mains recroquevillées.
La victime murmura :
— S’il vous plaît, votre nom ?
Un pompier pria Candice de se lever, de s’écarter ; tout le monde devait reculer.
La main de la femme attrapa sa manche avec une force étonnante ; ses yeux noirs, comme deux puits sans fond.
Candice répondit :
— Candice Louradour.
— C’est joli. Je vous remercie. Pour tout.
Ses lèvres étaient blanches. On poussa Candice, tandis que les médecins formaient une haie autour de la blessée ; brancard, soins, oxygène. Candice vit l’un d’eux froncer les sourcils en découvrant la blessure à la jambe. Une jeune urgentiste lâcha : « Ah putain, quand même ! »
Ils travaillaient en silence, méthodiquement ; leurs visages étaient graves, leurs gestes, précis. Des tubes, un masque, une couverture de survie ; on ne voyait plus rien d’elle. La police arriva, ils embarquèrent le conducteur en larmes. Un des pompiers réclama le sac à main de l’accidentée ; Candice inspecta la chaussée, en vain. Les badauds haussaient les épaules, personne ne savait où était son sac.
— Quelqu’un a dû le piquer, marmonna un jeune homme.
— Quelle honte ! s’exclama la femme à sa gauche.
Candice demanda à un des médecins où on l’emmenait. Cochin. Puis elle posa la question qui la tourmentait : allait-elle s’en sortir ? Pas de réponse. Cette femme sans nom partait aux urgences sans ses proches, sans quelqu’un pour veiller sur elle. Peut-être qu’elle ne s’en sortirait pas, justement.
Le crachin tombait toujours ; la foule s’était dispersée. Candice était seule sur le trottoir, avec le bruit strident des klaxons autour d’elle. Tout le monde avait repris sa course. On l’avait déjà oubliée, la dame, l’inconnue renversée ; elle deviendrait un sujet de conversation au dîner, un fait divers. Timothée attendait sa mère, Candice allait être très en retard. Pourtant, elle n’hésita pas : elle se mit en route, mais pas vers l’école ; elle saisit son mobile, appela Arthur et lui annonça qu’elle se rendait à l’hôpital Cochin. Il semblait interloqué.
— Une femme a été renversée, devant moi. Elle est blessée. Il faut que tu ailles chercher Timothée, s’il te plaît !
— Tu la connais, cette femme ?
— Non ! Elle est toute seule. Sa jambe… C’était horrible… Je vais y aller, être là pour elle, pour…
Arthur était agacé, elle le devinait. Mais Candice savait qu’elle pouvait compter sur lui. Il avait les clefs de l’appartement, même s’ils n’habitaient pas officiellement ensemble. Il dormait chez elle trois ou quatre nuits par semaine. Arthur travaillait dans une startup tout près de l’école de Timothée. Il acquiesça : ils se verraient plus tard, il ferait les courses aussi. Candice le remercia, puis se pressa.
L’hôpital était à vingt minutes à pied par l’avenue des Gobelins et le boulevard Arago. Elle marchait vite, capuche sur la tête. Le froid piquait ses joues ; ses pieds étaient humides. Elle aurait aimé se trouver dans son salon, au chaud, avec les garçons, mais elle se sentait comme chargée d’une mission. Elle ne resterait pas longtemps auprès de cette dame, juste pour prendre des nouvelles.
Aux urgences, l’ambiance était calme. Candice expliqua sa venue : non, elle ne connaissait pas le nom de la victime, une femme blonde, la cinquantaine, fauchée par une voiture, place d’Italie. On lui demanda de s’asseoir. Une femme somnolait dans un coin, une autre en face d’elle se tenait la tête entre les mains. L’heure tournait.
Attendre à l’hôpital ravivait le souvenir de la mort de son père. Cette odeur… Comme elle lui paraissait familière et insupportable ! Elle ranimait les derniers instants de son père ; il avait cinquante-sept ans, emporté par la Covid-19 en quelques semaines lors de la deuxième vague en octobre, l’année dernière. Elle n’avait pas remis les pieds dans un hôpital depuis son décès, et elle sentait tristesse et angoisse monter en elle.
Mais que fichait-elle là, au fond ? Pourquoi s’en faire pour une étrangère dont elle ne savait rien ? N’aurait-elle p
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Ce vide en appelait un autre, plus sournois, plus néfaste, celui qu'elle connaissait si bien, celui du corps et du poids, de l'obsession de la balance et de la calorie. Elle remarqua qu’elle recommençait à se nourrir vite et mal, qu'elle terminait l'assiette de son fils, qu’elle léchait les couverts, qu’elle raclait les fonds de plats avec ses doigts. Et chaque nuit, en silence, elle se pliait à l'effroyable tête-à-tête avec la cuvette des toilettes; elle se soumettait à genoux à cet indispensable acte de purge qui vidangeait son estomac d’un jet acide. Elle se couchait avec ce goût détestable dans la bouche en dépit du brossage et du rinçage, et la sensation d’un ventre douloureux aux parois irritées; son corps lui semblait encore trop gros, trop gras, débordant de son pyjama et ne lui inspirant que répugnance. p. 163
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Dominique avait un jour rêveusement avoué qu'elle avait aimé le calme des confinements et du du couvre-feu, qu'elle avait apprécié ce Paris silencieux, déserté, somme si tout le monde était parti loin, pour ne plus revenir ; Candice, elle, avait détesté ce silence inhabituel et pesant, et cette époque n'était à ses yeux pas encore assez lointaine.
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Dominique possédait ce don, constata intérieurement Candice, et pas pour la première fois, d'embarquer ses interlocuteurs dans un autre monde, rien qu'avec le pouvoir de suggestion de sa voix.Candice se trouvait transportée rue de Bruxelles, dans la dernière demeure de l'écrivain ; elle y était : elle sentait l'odeur d'encaustique de ce grand escalier, les plats préparés en cuisine, elle voyait la lumière du jour éclairer la cour intérieure et les vitraux (...) La dernière phrase d'Emile Zola fut celle-ci : Nous irons mieux demain...
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- Comprendre ? J'ai tout pigé. Tu n'aurais jamais réagi comme ça, avant.
- Avant quoi ?
.....
- Avant que cette sorcière change la couleur de tes idées, comme aurait dit ton Zola...
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