«
Les Premières funérailles » est un vrai tour de force.
Le roman mélange dystopie, critique sociale, quête intimiste et existentielle, le tout écrit sous la forme d'un faux roman d'apprentissage : comme si l'Holden Caulfield de l'Attrape-coeurs de Salinger se débattait dans un univers à la
Philip K. Dick.
Toutes mythologies du capitalisme contemporain : « beauté, travail, famille, patrie, religion » sont déconstruites dans ce qu'elles ont de plus aliénant, voir fascisant – cette dictature d'extrême droite appelée "Ministère du Vivre-Ensemble" est assez glaçante par son réalisme - jusqu'à un dénouement final apocalyptique qui recolle avec l'histoire en cours.
Ce roman «
Les Premières Funérailles » est rempli de bonheurs… manqués – le sort s'acharne sur le héros.
Même la promesse de la beauté se transforme en cauchemar.
C'est luciférien.
Ou Chrétien.
Impossible de trancher, car l'auteur,
Alexandre Delas, ne le fait pas.
Reste le style, qui a du corps et du souffle.
Des dialogues très « nouvelle vague », des personnages féminins qu'on aurait aimés plus développés, même si leur évanescence serve le propos – en particulier la superstar adolescente, Babystarr, suivie en permanence par une horde d'adeptes, ou L., l'incarnation de l'amour impossible.
La critique de l'époque est parfois un peu trop dialectique, mais souvent originale sur la forme.
Les considérations sur l'addiction – sous toutes ses formes – est particulièrement bien rendue.
De la déconstruction, de la société du spectacle, de l'évènement, de la reproduction, de l'hérédité morbide jusqu'à l'anomie et le suicide.
L'ensemble est déroutant.
En tout cas, original, et solide pour un premier roman.
Si vous aimez le romantisme noir d'un film comme Leaving Las Vegas, l'adolescence des sentiments de « l'Attrape-coeurs », le style tranchant d'un Murakami, le tragique étrange de «
la Peau de Chagrin »
De Balzac et le moralisme par le contre-exemple du « portrait de Dorian Gray », vous l'aimerez.