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Clément Baude (Traducteur)
EAN : 9782714450081
512 pages
Belfond (20/08/2020)
4.16/5   888 notes
Résumé :
Apeirogon, n.m. : figure géométrique au nombre infini de côtés.
Rami Elhanan est israélien, fils d'un rescapé de la Shoah, ancien soldat de la guerre du Kippour ; Bassam Aramin est palestinien, et n'a connu que la dépossession, la prison et les humiliations.
Tous deux ont perdu une fille. Abir avait dix ans, Smadar, treize ans.
Passés le choc, la douleur, les souvenirs, le deuil, il y a l'envie de sauver des vies.
Eux qui étaient nés pour... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (216) Voir plus Ajouter une critique
4,16

sur 888 notes
*** Rentrée littéraire 2020 #21 ***

Quelques kilomètres à peine séparent les deux personnages qui sont au coeur de ce récit kaléidoscopique. Cela pourrait bien en être 1000. Rami est israélien. Bassam palestinien. Deux frères de chagrin, unis par le destin. Pères en deuil, ils ont perdu leurs filles, l'une abattue par un soldat israélien de 18 ans, l'autre tuée lors d'un attentat-suicide commis par trois jeunes kamikazes palestiniens. Rami Elhanan et Bassam Aramin existent, ce ne sont pas des personnages de fiction. Deux amis inattendus, militants au sein des Combattants pour la paix qui oeuvre pour une coexistence pacifique israélo-palestinienne, envers et contre tout, parcourant ensemble le monde entier pour porter leur message, envers et contre tous.

Ceux qui ont lu les romans précédents romans connaissent le don de narration de Colum McCann. Apeirogon n'offre pas la satisfaction habituelle d'un roman arborant une trame classique ample et linéaire. C'est un livre étrange, hybride qui surprend d'emblée. L'auteur y explore le conflit sans fin entre Israël et la Palestine en échappant à toute catégorisation.

Le récit est explosé en 1001 sections narratives qui se baladent librement dans le temps et l'espace, numérotées de 1 à 500 puis de 500 à 1 avec un pont, la double section 500. On y découvre le parcours de Rami et Bassam , mais aussi bien d'autres choses sur la vie au Proche-Orient, sur la vie tout court avec des digressions disparates ( les oiseaux migrateurs, le dernier repas de François Mitterrand, des explications balistiques, les performances musicales à Theresienstadt, des apartés sur Borgès … ).

La connecxion entre ces fragments est parfois très hermétique, très intellectualisé ou demandant un gros effort intellectuel. On est clairement dans l'exercice de style et parfois, j'ai lu vite certains de ces à-côté pour me recentrer sur l'histoire de Bassam et Rami, mais lorsque je suis arrivée à la double section centrale 500, j'ai compris. Comme un uppercut, comme une grenade émotionnelle, les récits à la première personne de Rami et Bassam. L'écrivain Colum McCann disparaît avec ses extraits d'interviews donnés par les deux hommes.

Cette section centrale est d'une force inouïe, elle légitime la démarche de l'auteur en faisant écho à tout ce qui a précédé et tout ce qui va suivre. Sa constellation de mots patiemment construite est un formidable moteur d'empathie. On referme le livre en ayant habité l'intériorité d'êtres humains qui ne sont pas nous. Au-delà de la compréhension de la douleur de Rami et Bassam, on ressent ce qu'ils ont ressenti, de la colère au pardon, de la volonté d'anéantir l'Autre au besoin de tenir sa main, jusqu'à devenir son ami. Certains passages sont inoubliables : les portraits des filles assassinées faits de mille détails du quotidien, le récit des 7 années de Bassam dans les geôles israéliennes, sa transformation lorsqu'il découvre la réalité de la Shoah puis l'étudie.

Un apeirogon est un polygone au nombre infini de côtés. Il ne pouvait y avoir meilleur titre pour ce roman ambitieux, nuancé et sensible qui dit la réalité complexe multi-facettes du conflit israélo-palestinien avec une puissance de frappe remarquable. Marquant et impressionnant.

Lu dans le cadre des Explorateurs de la rentrée Lecteurs.com
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L'Apeirogon est une figure géométrique abstraite au nombre infini de côtés, que l'auteur irlandais utilise comme métaphore afin de mettre le doigt sur les multiples facettes du conflit israélo-palestinien. S'inspirant d'une amitié réelle entre un père palestinien et un père israélien qui ont tous deux perdu leur fille à dix ans d'intervalle, Colum McCann partage leurs espoirs de paix tout en restituant toute la complexité de cette cohabitation impossible, constamment nourrie par la haine et la violence.

Rami Elhanan est juif israélien. Bassam Aramin musulman palestinien. Smadar avait treize ans lorsqu'elle a été tuée par un kamikaze palestinien qui s'est fait exploser dans son dos. Abir avait seulement dix ans lorsqu'elle est morte touchée à la tête par une balle en caoutchouc tirée par un soldat israélien de 18 ans. Au-delà de la colère et de la vengeance, les deux pères vont s'unir dans le deuil et militer au sein des Combattants pour la Paix dans l'espoir d'une coexistence pacifique entre ces deux peuples qui entretiennent un quotidien fait de peur et de souffrance.

En partageant l'histoire d'amitié et la lutte pacifiste de ces deux pères endeuillés et partisans de la paix, Colum McCann montre l'unique voie qui permettra de sortir de cet engrenage sanglant, tout en restituant ces petits détails du quotidien qui entretiennent continuellement ce climat de peur et de haine. Des Israéliens qui vivent dans le peur de l'attentat, espérant que le destin épargnera leurs proches à chaque nouvelle explosion, aux Palestiniens qui doivent accepter les restrictions de leur liberté tout en gardant leur calme lors des fouilles corporelles arbitraires et des interminables files aux nombreux check-points, l'auteur pointe du doigt un quotidien oppressant et particulièrement explosif.

Au-delà du récit de ces deux pères, Colum McCann livre un roman hybride, kaléidoscopique et fragmenté, parsemé de digressions et de sauts temporels, collant parfaitement au titre de l'ouvrage et à la complexité du conflit qu'il tente d'éclairer. du dernier repas de François Mitterrand à la migration des nombreux volatiles qui survolent Jérusalem chaque année, en passant par des digressions historiques, philosophiques, musicales, poétiques, géographiques, politiques ou religieuses, l'auteur multiplie les angles d'approche et parsème son ouvrage d'anecdotes et de micro-récits qui font toute la richesse de ce roman.

Divisé en 1001 chapitres, clin d'oeil aux célèbres contes des mille et une nuits, numérotés de 1 à 500 puis de 500 à 1, avec une double section à 500 qui constitue le coeur du récit, « Apeirogon » est un roman exigeant, singulier, instructif et nécessaire, d'une richesse et d'une justesse incroyable.
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Colum McCann est parti d'un drame réel, celui de deux pères, un palestinien et un israélien, unis dans la douleur. Tous deux ont perdu leur fille à dix ans d'intervalle. Tous deux font partie de l'organisation des Combattants pour la Paix et tous deux n'auront de cesse, ensemble, amis improbables, et dans le monde entier, de raconter leur histoire.

L'écrivain aurait pu en faire une romance touchante, voire larmoyante, sur la force de la paix, sur la résilience, le pardon et la rédemption, sur l'amitié israélo-palestinienne, il aurait pu écrire une histoire linéaire, chronologique. Et cela aurait été bien écrit, on n'en doute pas venant de cet écrivain dont je me remémore Les saisons de la nuit avec émotion. le drame de la mort de ces deux filles aurait été au centre du livre. Avant, l'auteur aurait relaté le parcours des pères, ensuite leur façon de se reconstruire et de s'approcher, de se comprendre. Oui, j'imagine bien ce livre de facture classique. Mais Colum McCann a eu l'intelligence et la force de narrer ce drame tout autrement. A la façon d'un apeirogon. C'est brillant et bluffant. Ce livre me fait l'effet d'une pierre précieuse noire aux facettes infinies. Chaque facette étant une variation sur un même thème. Un bijou.

Nous avons là en effet un récit fragmenté en une multitude de notes, de références historiques, de références théologiques, de leçons d'ornithologie, de confidences, de drames, d'explications techniques, de virées en moto, ce livre est construit à l'image de l'apeirogon, forme géométrique au nombre infini de côtés. Comme un cercle qui perdrait son identité. Ou une superposition d'ondes concentriques, c'est en tout cas comme ça que je le ressens. Des ondes qui tout d'abord se resserrent, comme un poumon qui se rétracte, image souvent évoquée dans le livre (tel Jésus qui est mort asphyxié sur la croix, ses poumons se rétractant). Et parfois nous suffoquons en effet. Comme autant de cercles en écho, libres dans le temps, tournoyant à Jérusalem pour l'essentiel. Numérotés de 1 à 500 puis de 500 à 1, avec une double section à 500, ces fragments sont percutants, vifs, tranchants, lumineux, à l'image des déflagrations ayant fauché la vie de deux filles, Abir et Smarda, les filles respectives de Bassam le palestinien et Rami l'israélien. Les deux chapitres 500 sont le coeur du livre, la source, l'explication. Oui c'est brillant. Comme si nous avions en face de nous une boule explosée, dont les fragments, divers, partent dans tous les sens, mais dont le coeur, pur, s'offrait à nous sous ces fragments. Cette image de l'apeirogon est également à l'image de la ville de Jérusalem, dont la beauté et la blancheur varie au gré des réfractions de la lumière, une ville si disparate aux constructions hétéroclites alliant les camps de réfugiés, les barbelés aux checkpoints jusqu'aux anciennes villas palestiniennes magnifiques laissées à l'abandon, ville dont le centre est sacré et pur. Les virées en moto sur des routes extrêmement sinueuses que nous faisons avec Rami nous offre ce spectacle de la ville. J'imagine que l'apeirogon, c'est aussi l'image de notre fonctionnement mental, composé de pensées souvent éparses et diverses, avec un centre, l'essence de notre identité, de nos raisons, de nos motivations. Oui, quelle incroyable façon de narrer cette histoire, sur la base de l'apeirogon ! Quel talent !

La jeune Smarda a été tuée dans attentat suicide en 1997, trois kamikazes s'étant fait sauter au centre de Jérusalem, alors que la jeune fille de 13 ans allait acheter avec ses copines des livres scolaires. La petite Abir, dix ans, en 2007, a reçu une balle en caoutchouc au centre en acier, à l'arrière du crâne alors qu'elle achetait des bonbons avant d'aller à l'école faire un devoir de mathématiques. Un devoir sur les tables de multiplication. La balle a été tirée par un garde-frontière israélien de 18 ans. Les deux filles furent au mauvais endroit au mauvais moment. Cet attentat et cette balle font des ricochets et sont le point de départ à de multiples réflexions sur les cercles et les tirs, allant de la bombe sur Nagasaki, en passant par le vol circulaire des oiseaux, la trajectoire des cailloux tirés par les frondeurs, les manifestations en Irlande…réflexion sur la trajectoire hasardeuse des ronds…armes rondes, vols ronds…sur leur dilatation et leur rétractation…comme un poumon…nous avons par moment vraiment du mal à respirer à l'image des parents dans ses interminables bouchons liés aux chekpoints qui ne savent pas si les attentats ont touché ou pas leurs enfants. du mal à respirer lorsque nous sommes témoins des sévices de Bassam en prison. L'air devient aussi épais que de l'eau. Presque sur le point d'exploser. Alors ces deux pères parlent, racontent, pour retrouver leur souffle, pour faire changer les mentalités et retrouver une cohérence, une ligne directrice. Comme écrit en hébreu sur la moto de Rami « Ça ne s'arrêtera pas tant que nous ne discuterons pas ».

Oui, une pierre précieuse noire mais en même temps très lumineuse. La lumière de la rédemption et du pardon de la part de ces victimes pousse au respect et à l'espoir.
L'ensemble donne un livre extrêmement ambitieux, brillant, pédagogique (j'ai appris beaucoup de choses), un livre exigeant sur un sujet complexe et subtil.
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Apeirogon, une forme géométrique au nombre dénombrablement infini de côtés, une sorte de partition d'un cercle qui perd son identité. Et comme l'apeirogon, le récit est fait d'une multitude de notes, de confidences, de références historiques ou issues de textes sacrés, ou de de notions d'ornithologie.


C'est ainsi que Column McCann envisage l'état des lieux de cette poudrière aux dimensions réduites mais dont la configuration est une provocation à la haine et à la violence. La Palestine sous contrôle, enclavée au sein d'un territoire vécu comme une offense, et Israël défendant sa légitimité sur ces terres convoitées.

Toute la force de ce roman est de se placer du point de vue de deux familles, lourdement atteintes par le décès, à dix ans d'intervalle, de deux enfants. L'une était palestinienne, l'autre juive, et ont toutes les deux été victimes d'attentats aveugles. Et la force de ces pères, endeuillés et inconsolables, est d'être des partisans de la paix, de militer pour que cesse la loi du Talion, et les humiliations quotidiennes subies par les contrôles incessants, véritables armes à retardement. En insistant sur le fait queles coupables sont aussi des victimes d'un système inique et qui ne peut conduire qu'à des passages à l'acte qui n'atteignent pas la bonne cible, quand "leurs prêcheurs sont à l'abri de la bataille ».

La construction est particulière avec mille et une entrées, comme autant d'histoires destinées à éloigner la mort. Ce n'est pas une lecture facile, mais on oublie vite l'artifice de la structure, pris par l'intensité de ce que livrent les deux pères profondément touchés dans ce qu'ils avaient d plus précieux, la vie de leurs filles. Et leur démarche de paix en est d'autant plus bouleversante. L‘amour pour balayer la haine.

Récit qui compte parmi ceux qui laisse des traces indélébiles dans une mémoire de lecteur.
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Rami Elhanan est juif israélien, Bassam Aramin palestinien. Tous deux ont perdu leur fille : alors âgée de quatorze ans, Smadar a été tuée en 1997 dans un attentat-suicide perpétré par des Palestiniens. Abir, dix ans, est morte en 2007, abattue par un garde-frontière israélien alors qu'elle était sortie acheter des bonbons. Ils sont aujourd'hui membres de l'organisation Parents Circle-Families Forum, qui réunit des familles palestiniennes et israéliennes endeuillées à cause du conflit israélo-arabe, et qui milite pour la réconciliation et la paix.


Les personnages et les faits sont réels. le récit nous les fait découvrir en même temps qu'un raisonnement qui, peu à peu, s'impose comme un leitmotiv : pour sortir de l'engrenage sans issue de la violence, Israël n'aurait d'autre choix que de reconsidérer sa politique d'occupation et de tenter de mettre en place une cohabitation égalitaire dans des territoires reconnus communs. L'auteur se fait le relais de ces voix israéliennes, vilipendées comme traîtres par leur opinion publique nationale, qui s'élèvent çà et là, accusant leur gouvernement d'induire la violence au travers d'actions et de comportements profondément injustes pour les Palestiniens. Courageusement, elles se regroupent dans des associations où Israéliens et Palestiniens prônent ensemble le dialogue, pour une meilleure compréhension mutuelle, préalable à toute possibilité de réconciliation.


D'une manière originale, le texte tisse autour de la trame du récit un tissu d'anecdotes et de considérations variées qui, souvent étonnantes mais toujours édifiantes, viennent renforcer le propos. La succession de chapitres, parfois très brefs et d‘apparence hétéroclite, dessine ainsi peu à peu le motif général d'une mosaïque, où se détachent notamment l'effarante ingéniosité humaine dans l'art de la guerre, mais aussi la miraculeuse et fragile variété de la vie qui devrait nous inciter à la protéger. Tout en se montrant parfaitement réaliste et lucide, l'ensemble laisse fleurir l'espoir que l'humanité puisse finir par prévaloir sur les instincts belliqueux. Même si, comme Freud l'écrivait à Einstein dans les années trente, ces derniers ne sont pas prêts de s'éteindre, il existe une chance de les combattre en cultivant les liens émotionnels et en favorisant le sentiment de communauté. "Regardez l'Afrique du Sud, l'Irlande du Nord, l'Allemagne, la France, le Japon, et même l'Égypte. Qui aurait cru que ce serait possible ?"


Un apeirogon est un polygone au nombre infini de côtés, comme le si complexe conflit israélo-palestinien, mais aussi comme cet ouvrage aux mille facettes, aussi étonnant que bouleversant, qui ouvre avec brio une réflexion pacifiste dont on espère qu'elle essaimera le plus largement possible.

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critiques presse (7)
LeSoir
25 août 2021
C’est avec ce double écho qu’on aborde un livre de 1.001 chapitres souvent très brefs, micro-récits, faits bruts, considérations philosophiques, qui par mille et une touches obscures, mille et une nuits, nous raconte l’histoire (authentique à l’origine) de deux pères inconsolables si ce n’est par la paix partagée qu’ils se sont promise : l’un est juif israélien, l’autre musulman palestinien, dans ce conflit ils ont tous deux perdu une fille, l’une de 13, l’autre de 10 ans, et ils ne peuvent se reconstruire qu’ensemble. Il fallait un Irlandais pour raconter la déchirure, transformer la douleur en monument de littérature.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Actualitte
01 février 2021
Apeirogon de Colum Mc Cann fait partie des 36 titres de la dernière rentrée littéraire sélectionnés par les libraires pour le Prix Libraires en Seine 2021. Un roman brillant inspiré de personnes réelles, un livre nécessaire.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Bibliobs
20 octobre 2020
Onze ans après « Et que le vaste monde poursuive sa course folle », l'écrivain irlandais signe une impressionnante somme romanesque sur le conflit israélo-palestinien.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Culturebox
14 octobre 2020
D'une forme originale rappelant celle, musicale, des "scherzos", son livre raconte l'histoire d'amitié entre un père palestinien et un père israélien qui ont tous deux perdu leur fille.
Lire la critique sur le site : Culturebox
LeFigaro
16 septembre 2020
Le lecteur, d’où qu’il vienne (McCann est traduit dans 40 langues) aura bien du mal à oublier ce livre.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Liberation
16 septembre 2020
Le conflit israélo-palestinien à travers les récits de deux pères et une construction complexe tirée de la géométrie
Lire la critique sur le site : Liberation
LeSoir
16 septembre 2020
« Apeirogon », de Colum McCann, c’est un coup de cœur et un coup de massue. Ce roman vous fait beaucoup de bien et vous ébranle complètement. Ce paradoxe est le signe des grands livres. « Apeirogon » est un très grand livre.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Citations et extraits (278) Voir plus Ajouter une citation
Vous errez dans la maison. Vous prononcez son nom, vous le murmurez, et quand vous êtes tout seul vous le criez : Smadar. Smadari. Vous touchez les objets. Ses livres sur l’étagère, ses cassettes de musique. Vous tendez l’oreille. Elle n’est pas là.
Le temps ne vous attend pas. Vous voudriez qu’il attende, qu’il se fige, qu’il se paralyse, qu’il reparte en arrière, mais non. Vous devez vous réveiller, vous lever et faire face à vous-même. Elle n’est pas là. Sa chaise devant la table est vide. Sa chambre est vide. Son manteau est suspendu à la poignée de la porte. Vous devez prendre une décision. Qu’est-ce que vous allez faire maintenant, de ce nouveau et insupportable fardeau sur les épaules ? Qu’est-ce que vous allez faire de cette incroyable colère qui vous ronge ? Qu’est-ce que vous allez faire de ce nouveau vous, ce père sans fille, cet homme dont vous n’aviez jamais pensé qu’il pourrait exister ?
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Mais la Mort, qui apparaît sous les traits d’un vieux soldat retraité, est offusquée par la mécanisation du meurtre et la manière moderne de mourir, qui l’a mise au chômage. La Mort se met en grève et, dès lors, il devient impossible à quiconque de mourir.
En vertu du décret de la Mort, même la mort naturelle est déclarée morte.
D’abord, l’empereur y voit une délivrance de la tyrannie de la Mort – Libération de la mort ! Liberté de l’âme ! Mais bientôt l’incapacité des gens à mourir, à cause des bombes, des balles ou de tout le reste, engendre la panique, la révolte et un ennui paralysant chez les sujets de l’empereur.
Il s’efforce d’exercer son pouvoir mais – puisqu’il ne peut tuer personne – celui-ci a déjà commencé à s’étioler rapidement. Aussi supplie-t-il la Mort de reprendre sa mission traditionnelle. La Mort accepte de recommencer à tuer, mais à une seule condition : que l’empereur soit sa toute première victime.
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3
Cinq cent millions d'oiseaux survolent les collines de Beit Jala chaque année. Ils voyagent depuis la nuit des temps : huppes, grives, gobe-mouches, fauvettes, coucous, étourneaux,pies-grièches, combattants variés, traquets motteux, pluviers, souimangas, marrtinets, moineaux, engoulevents, hiboux, mouettes, faucons....
C'est la deuxième autauroute migratoire la plus empruntée au monde : au moins quatre cents espèces différentes y déferlent en circulant à des altitudes différentes.
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Israël carburait au chaos. C'était un pays édifié sur des plaques tectoniques mouvantes. Les choses entraient constamment en collision. Tous les chemins menaient aux extrêmes, à la prochaine rupture, mais la vie atteignait le comble dans les moments de doute. Voilà pourquoi les gens roulaient si vite et si près les uns des autres. Voilà pourquoi ils ne faisaient pas la queue à l'aéroport. Voilà pourquoi les cafés étaient en effervescence le matin. Voilà pourquoi les marchés étaient si bruyants et si rudes. Les gens étaient chaotiques à l'unisson. Moléculaires dans leur frénésie. Pourtant, ça fonctionnait. Même les opposés diamėtraux s'attiraient. De temps en temps, ils se rentraient dedans et cela faisait trembler le sol. Il y avait la droite et il y avait la gauche, il y avait les orthodoxes et les laïcs, il y avait les Arabes et les Juifs, il y avait les homos et les hétéros, il y avait le high-tech et le hippie, les riches et les terriblement pauvres. Israël était un condensé de tout. Un pays minuscule qui craquait aux coutures, mais dans lequel ils étaient tous embarqués. Tous les rêves, toutes les névroses au soleil. Les psychoses. Les passivités. Les prétentions. La fierté. L'électricité omniprésente. Et la peur, aussi. Chacun portait une armure bruyante. Toujours en quête d'un débat pour comprendre qui, où, et ce qu'ils étaient.
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Les jours les plus clairs, depuis les panoramas les plus élevés de Beit Jala, on peut voir jusqu’à la Méditerrané dans une direction et jusqu’à la mer Morte dans l’autre. […] restez-y suffisamment longtemps, en regardant vers le fond de la vallée, et vous remarquerez les colonies qui forment un motif autour de Jérusalem : tuiles rouges, tuiles rouges, tuiles rouges. Mises bout à bout, un cercle parfait : le tour d’un poumon qui se rétracte.
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Vidéo de Colum McCann
Avec Catherine Cusset, Lydie Salvayre, Grégory le Floch & Jakuta Alikavazovic Animé par Olivia Gesbert, rédactrice en chef de la NRF
Quatre critiques de la Nouvelle Revue Française, la prestigieuse revue littéraire de Gallimard, discutent ensemble de livres récemment parus. Libres de les avoir aimés ou pas aimés, ces écrivains, que vous connaissez à travers leurs livres, se retrouvent sur la scène de la Maison de la Poésie pour partager avec vous une expérience de lecteurs, leurs enthousiasmes ou leurs réserves, mais aussi un point de vue sur la littérature d'aujourd'hui. Comment un livre rencontre-t-il son époque ? Dans quelle histoire littéraire s'inscrit-il ? Cette lecture les a-t-elle transformés ? Ont-ils été touchés, convaincus par le style et les partis pris esthétiques de l'auteur ? Et vous ?
Au cours de cette soirée il devrait être question de Triste tigre de Neige Sinno (P.O.L.) ; American Mother de Colum McCann (Belfond), le murmure de Christian Bobin (Gallimard) ; le banquet des Empouses de Olga Tokarczuk (Noir sur Blanc).
À lire – Catherine Cusset, La définition du bonheur, Gallimard, 2021. Lydie Salvayre, Depuis toujours nous aimons les dimanches, le Seuil, 2024. Grégory le Floch, Éloge de la plage, Payot et Rivages, 2023. Jakuta Alikavazovic, Comme un ciel en nous, Coll. « Ma nuit au musée », Stock 2021.
Lumière par Valérie Allouche Son par Adrien Vicherat Direction technique par Guillaume Parra Captation par Claire Jarlan
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