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EAN : 9782266337458
448 pages
Pocket (07/03/2024)
4.02/5   234 notes
Résumé :
" 442 accusés de commerce de sorcellerie.
36 condamnés à mort, dont ma mère, brûlée vive.
Sur ordre du roi. Et moi, sa fille, dois-je tout dire pour sauver ma tête ? "
Depuis cinq heures du matin, la foule rassemblée devant le bûcher piaffe d’impatience de voir brûler celle que l’on surnomme « la Voisin ». Son supplice sera le divertissement à ne pas manquer. Ordre du roi.
On ne badine pas avec la colère de Louis XIV.
Accusée de so... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (96) Voir plus Ajouter une critique
4,02

sur 234 notes
Monsieur de la Reynie, je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps.
Ma mère ne portait aucune trace de supplice
Cela signifie qu'elle a reconnu ses vices immédiatement
avec ou sang intervention de vos exécutants
La Voisin a reconnu ses maléfices...
A vous, M. le Lieutenant de Police
Pourquoi, suis-je enfermée à mon tour
Moi sa fille, depuis trois ans dans cette tour ?
Je vous écris cette bafouille
Non pour vous livrer aux plaisirs arsouilles
Point pour me plaindre de mon sort
mais vous mander de quoi améliorer mon confort
Je vous livre les secrets de la devineresse
Les (nombreux) rapports entre le roi , ses favorites et Xavier Dupont de Ligonnès
Certes ma mère a sacrifié plus de deux mille enfants
N'était-ce pas pour exaucer les voeux d'une Montespan !?
On me fait, à moi innocente, payer une faute que je n'ai pas commise;
Passeriez-vous à la Question, ces dames de Compagnie ou mieux, leur Marquise !?
Mais puisque l'important n'est qu'un détail
Malgré Ordonnance il n'y a rien qui vaille
Alors Vices et Versailles.
Monsieur de la Reynie, prévenez vos gens d'armes
A chaque tourment, un remède de bonne femme
A chaque goutte de sang versé,
Une larme ne cesse de couler...
Certains exercent leur folie meurtrière au nom de Dieu
L'enfer n'est plus chez moi mais bel et bien chez vous monsieur
Mais l'époque a changé
Les hommes n'ont plus besoin de moi
Oui l'époque a changé
J'ai tout perdu depuis que les hommes font bien pire que moi
Le diable s'habille plus en Prada
La Voisin ne participe plus au Sabbat
Un grand merci pour ce Roman Historique
aux Editions Robert Laffont,
à Isabelle DUQUESNOY
et toujours bien sûr à Masse critique.

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Ce livre, dont j'ignorais le contenu pour ne pas changer, m'a secouée comme il m'arrive très rarement. Après l'avoir refermé, j'en avais les jambes qui tremblaient, au sens propre du terme.

J'annonce donc d'emblée qu'on ne ressort pas indemne d'une telle lecture.
Très bien écrit, ou du moins quasiment transposé, puisque l'autrice a consulté les textes d'origine pour nous les rendre abordables à nous, qui lisons rarement le français du XVIIe siècle.

L'empreinte durable, à mon avis, vient du fait qu'il ne s'agit pas d'une fiction.
Du reste, quelques images d'époque surgissent une poignée de fois au cours du récit.

La narratrice est Marie-Marguerite Monvoisin, fille de Catherine Monvoisin, surnommée la Voisin.
Son récit commence le 28 mars 1680, jour de l'exécution publique de sa mère (à 40 ans tout juste) et la jeune fille (à peine 21 ans) finit le chapitre par cette phrase :
*
"La seule vérité sur la mort de ma mère est celle-là. Il ne faut pas en accepter d'autre, ce serait une menterie."
*
Ayant été elle-même emprisonnée, vient ensuite son premier billet adressé à M. de la Reynie, premier lieutenant général de police de Paris, pour tenter d'obtenir sa grâce et sa libération.
Pour ce faire, Marie-Marguerite confessera tout ce dont elle a été témoin des actes de sa mère depuis l'âge de 6 ans.

Ce "récit" nous fait plonger dans l'existence de la maisonnée : Antoine, le père, Catherine, la mère, Marie-Marguerite la fille, la grand-mère, et une fidèle servante.
Et tous les personnages secondaires dont s'entourait la Voisin sont parfaitement croqués.

Le livre a une redoutable efficacité, au point qu'on visualise parfaitement tout ce qui se passe au fil des pages, et je dois dire que c'est passionnant.
En plus d'apprendre tout ce que faisait la Voisin, son entourage n'est pas mis de côté, et on a un très bon aperçu de la société de l'époque.
Les Grands de ce monde, les plus modestes, les miséreux, et bien sûr, l'église, par l'intermédiaire de ses in-dignes représentants.

Quand on nous apprend l'H.istoire, les côtés sombres sont largement survolés et la vie sous le règle du Roi Soleil ne brille pas tant que ça lorsqu'on y regarde de plus près.

Je vous laisse découvrir le reste. Je suis vraiment emballée par cette lecture, très instructive malgré les passages éprouvants, du moins pour moi qui n'en connaissais qu'à peine les grandes lignes.
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Diablesse : meschante femme qui crie & tourmente toûjours son mary, ses domestiques, ses voisins, et ne peut vivre en repos avec personne. (Incipit)
Quel plaisir de retrouver Isabelle Duquesnoy dont j'avais dévoré la truculente Pâqueline !
Avec son nouvel ouvrage, l'excellente autrice de romans historiques nous fait découvrir l'un des plus grands scandales de la cour de Louis XIV, l'affaire des Poisons, une véritable affaire d'État, au coeur de laquelle se trouve Catherine Monvoisin dite La Voisin, empoisonneuse en titre !
Les chapitres alternent entre la vie de la Voisin, et les lettres de confession rédigées par sa fille Marie-Marguerite à l'officier de police La Reynie, dans le but de sauver sa peau, après que sa mère a été brulée vive sur un bucher en place de Grève.
Tout d'abord accoucheuse, avorteuse, Catherine Monvoisin, diseuse de bonne aventure, va petit à petit fabriquer des poisons de toutes sortes pour tuer les riches maris qui tardent à mourir ou trop occupés à culbuter leurs multiples maîtresses (selon dires de leurs épouses bien-aimées).
Alors Catherine rend service, en particulier, aux gens riches, et petit à petit elle va se faire un nom à la cour du Roi. Duchesses et marquises lui envoient prestement leurs petites bonnes acheter philtres d'amour, incantations, messes noires puis poisons, distillations d'enfants (bah oui quand même) …
Je suis ressortie de cette lecture étourdie par la découverte de ce pan de l'Histoire.
La description de la relation mère fille entre Catherine et Marie-Marguerite est très réussie, l'humour acide délicieux. Mais attention, nous sommes dans l'antre d'une véritable diablesse, et les horreurs commises par La Voisin se dévoilent peu à peu, le lecteur frissonne en pensant que tout cela n'a pas été que fiction...
Catherine Monvoisin se révèle terrifiante, d'une incroyable cruauté, mais Isabelle Duquesnoy nous en présente habilement plusieurs facettes ; cette femme hors du commun possède une personnalité complexe, d'une indépendance incroyable pour l'époque, avant-gardiste dans sa façon de vivre, libre de tout carcan et préjugés. C'est elle qui entretient son fainéant de mari, le trompe allégrement, se livre à une sexualité débridée tout particulièrement avec les curés qu'elle apprécie pour leur discrétion. Mais également, elle n'hésite pas à aider les femmes les plus pauvres auxquelles elle ne demande presque pas d'argent, et semble se sentir investie d'une mission salvatrice donnée par le pouvoir d'être l'ultime recours des femmes en détresse.
Les bons mots fusent, les expressions imagées issues de l'imagination débordante de l'autrice font mouche, certaines phrases sont d'anthologie, et j'en ris encore en y repensant plusieurs jours après ma lecture !
J'ai cependant regretté d'avoir trouvé cet ouvrage un ton en dessous dans la truculence que j'avais tant appréciée chez La Pâqueline, j'y ai trouvé un peu moins de verve et de vivacité, mais peut-être l'effet de surprise lié à la découverte de l'auteure s'est-il dissipé.
Je termine en tout cas cette lecture le sourire aux lèvres, et je ne résiste pas à l'envie de partager une petite recette de sa mère livrée par Marie-Marguerite, les ingrédients d'un philtre d'amour à saupoudrer dans le repas de l'élu de son coeur : à vos fourneaux !
« Ces poudres étaient pour l'amour, composées tantôt d'une manière, tantôt d'une autre, d'après ses diverses formules de sorcellerie. Il y entrait des mouches cantharides, de la poussière de taupes desséchées, du sang de chauves-souris et les plus ignobles ingrédients. On en faisait une pâte qui était placée sous le calice durant le sacrifice de la messe et béni par le prêtre au moment de l'offertoire.
Le roi avalait cette composition, mêlée aux confiseries que Madame de Montespan lui faisait becqueter le soir. À de nombreuses reprises, j'ai été chargée de collecter les mouches et de les écraser, puis de les faire sécher pour le compte de ma mère. Il ne s'agit pas véritablement d'une mouche, mais d'une sorte de scarabée vert, d'un très beau vert, lustré et vif, qui vit en colonie sur les troncs de lilas, de frêne et de sureau. » (p.288)

Si ça vous a plu, alors je vous propose un petit florilège de citations horribles et/ou fort réjouissantes, car j'ai en emmagasiné bien trop pour les poster au fil du temps, je ne vais pas y passer le mois ! Voilà de quoi vous donner le sourire et/ou vous horrifier -voire les deux en même temps (enfin j'espère) … et bien sûr vous mettre en appétit pour cette réjouissante lecture.
Attention, je vous préviens cependant certaines sont un peu hard / gratinées si vous lisez ce billet à l'heure du petit-déj !

***
Désormais Marie-Marguerite savait prendre sa part sans affolement. Dès que pointait une petite touffe de cheveux, la Voisin empoignait tout ce qui lui tombait sous la main : lampe à huile, crochet de balance romaine ou pelle à feu.
Alors, forcément, il n'était pas rare qu'elle déchiquette un peu le nouveau-né. Ou qu'elle blesse la petite tête, dans la difficulté à la sortir. Mais nul ne lui en faisait le reproche, car les femmes étaient résignées : les chirurgiens et les sages-femmes mettaient souvent leur nourrisson en pièces.
(p.31)

***
- Ton père est un mollasson, lui expliqua sa mère. Tous les hommes travaillent au labour, sur les foires ou dans les auberges. le mien ne fout rien, et il mange comme quatre. Tu l'entends me donner des ordres ? ” Femme, apporte-moi du vin ! Femme, fais-moi servir du boudin !". Je dois lui rappeler que je paie des servantes pour ne plus m'esquinter à son confort, et il ose me dire : "Quand le coq a parlé, la poule doit se taire !". Tu verras demain, comment que j'vais lui remettre les noisettes au fond du panier. (p.45)
***
Mais, maintenant, que veux-tu ... Je m'emmerde. On larmiche dans mon salon :« Ouin ! Mon galant ne me désire plus. » Bah, change ! Change d'amant, change de tête, change de ville, change de robe ou lave-toi les dessous-de-bras ! Je ne sais pas...« Ouin ! Mon mari ne me donne pas assez d'argent ! ». Beh, attends qu'il crève. Pourquoi diable, assassiner un vieux mari ? ! C'est tellement plus simple de prendre un amant, ou même plusieurs ! J'en ai bien trois moi, ... (p.142)
***
Édifiée par les bruits s'échappant de la sacristie dans laquelle ils s'étaient enfermés, Marie-Marguerite n'en était plus à se demander si l'abbé Guibourg et Catherine avaient trouvé un arrangement qui les contentait. Elle avait eu le temps de feuilleter à nouveau toutes les images pieuses du livre de messe, avant que sa mère ne lui fournisse la confirmation de leur concorde.
-J'aime badiner avec les prêtres. Les curés, ça bande comme un pont-levis : c'est long à monter, mais c'est du costaud. (p.177)
***
-Jardinier du dimanche, railla-t-elle, qui confonds carotte et panais ! Et ta courgette, là... Elle est tellement grosse qu'elle sera trop dure à manger.
-C'est pas ce que prétend ton Lesage, répondit Antoine.
-Si t'es venu pour me reprocher mes amants, tu peux t'en aller...
Il posa son panier et brandit l'énorme courgette.
Non, je suis sérieux. Adam Lesage m'a dit que les très gros légumes dégénérés sont excellents pour la mémoire...
-Ah ?
-Oui, parce que si je te l'enfonce dans la raie, t'es pas près de l'oublier.
Il guetta avec inquiétude la réaction de son épouse. Elle lâcha sa cornue remplie de liquide rosâtre et pouffa.
(p.180)
***
Puisque ni les messes, ni sainte Ursule, ni la chemise poudrée n'ont eu raison de votre époux, il est temps de passer par l'intérieur...
-L'intérieur ?
- Oui, un lavement. Mais bon... nous ne causons pas dans pissou d'eau tiède, hein !?. Un lavement à l'eau forte qui le dégraissera mieux qu'un ramoneur. Et pour cela, l'acide est miraculeux, vous verrez.
(p. 204.)
***
-Je vais te conter maintenant, poursuivit Catherine à l'adresse de Marie Marguerite, qui comprenait que sa mère tentait de se justifier, le sort des filles nées pauvres, auxquelles je n'ai jamais refusé mes services : naître fille est une malchance, mais chez les gueux, c'est une malédiction. […]
-Reprenons donc, et fais un effort d'imagination. Une fois que les sages femmes, dont j'ai fait partie, ont remodelé le petit crâne qu'elles ont déformé ou écorché, selon ses gênes pécuniaires, on décide d'offrir au ciel cet enfant chétif ou difforme. On le baigne dans l'eau-de-vie, puis on le maillotte et l'entoure d'une ficelle bien serrée, afin de lui raffermir le corps- ça, tu le sais, tu l'as appris avec moi. Vivant ou mort, le nouveau-né coûte toujours trop d'argent. Les maris qui ont eu le temps de tailler un berceau dans une pièce de bois achèvent leur travail, perçant plusieurs trous dans le fond, afin que s'écoulent les urines. On suspend le lit au plafond, façon de protéger le nourrisson des morsures de rats et des coups de becs de poules, que ses yeux larmoyants attirent.
(p.235)
***
Et je vous ai gardée la petite dernière, la plus mignonne pour la fin :
- Est-ce qu'ils dévorent des enfants ?
- Ils sont inoffensifs, assurait-elle d'un ton bienveillant. Et ils adorent les caresses. Veux-tu caresser mes saint-bernard ?
- Oh, oui ! Mais je ne m'appelle pas Bernard.
(p.173)

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J'ai adoré les précédents romans d'Isabelle Duquesnoy, « L'embaumeur » et « La Pâqueline ou les mémoires d'une mère monstrueuse ». Alors, lorsque l'opportunité m'a été offerte de découvrir le tout nouveau roman de l'autrice, la tentation était trop grande et c'est avec un plaisir non dissimulé que j'y ai succombé. J'en remercie l'équipe de Babelio, les éditions Laffont et Isabelle Duquesnoy pour ce très beau cadeau.

Ce récit historique nous plonge sous le règne de Louis XIV, entre 1679 et 1682, au coeur d'une sombre affaire qui va secouer la monarchie et la noblesse courtisane. Sous fond d'empoisonnements, de sorcellerie, de rites occultes, de messes noires, cette affaire va provoquer un véritable scandale politique et donner lieu à une chasse aux sorcières.

*
Lorsque le roman démarre le 22 février 1680, une foule est rassemblée en place de Grève pour assister à l'exécution de la célèbre Catherine Monvoisin, surnommée la Voisin.
Condamnée à être brûlée vive, elle fera partie des 36 condamnés à mort pour actes de diablerie.

*
Marie-Marguerite Voisin, sa fille, est emprisonnée à Vincennes, comme beaucoup d'autres. Accusée de complicité, « La chambre des diablesses » est le récit de sa confession.

« Mais qui se risquerait à fricoter avec cette jeune fille, que l'on dit née d'une orgie entre le diable et une sorcière ? On raconte qu'elle n'a pas de nombril, et qu'elle porte un troisième téton caché sur son corps. Preuve de son appartenance à la famille des démons. »

Dès son plus jeune âge, elle a été initiée à la distillation des plantes, à la fabrication de pommades miraculeuses, de poisons. Elle connaît tous les secrets de sa mère et a été témoin des allers et venues de riches clients issus de la noblesse et de la cour, dont la favorite du roi, Athénaïs de Montespan.

« L'ambition de ces couillons est le lit de ma richesse. »

Dans l'espoir de ne pas être torturée, ni exécutée, elle va raconter comment sa mère, au départ sage-femme, va se tourner vers des activités illégales, l'avortement, la divination, la chiromancie, la cartomancie, la sorcellerie, jusqu'à bâtir un commerce excessivement lucratif et se retrouver impliquée dans des messes noires et une tentative d'empoisonnement contre le souverain.

"N'oublie jamais ça : je vends des remèdes à des femmes désespérées qui n'ont aucun droit ni aucun moyen honorable de gagner leur propre argent.
Telle est la misère des nobles clientes qui fréquentent ma maison.
De quoi nous les faire prendre en pitié quelquefois."

S'il n'y a aucun suspense quant au sort de la Voisin, le lecteur se demande jusqu'au bout quel sera celui réservé à la jeune femme à laquelle on ne peut que s'attacher.

*
Ainsi, Marie-Marguerite nous fait entrer dans l'intimité de la plus célèbre des empoisonneuses, une femme mystérieuse, fascinante. On l'imagine aisément intelligente, réfléchie, flatteuse, insensible, redoutable, mais à la lumière des révélations faites, le lecteur la découvre aussi libertine, infidèle, terriblement grossière et vulgaire.
J'aime lorsqu'Isabelle Duquesnoy est provocante, insolente, inconvenante. Ici, la personnalité dede la Voisin se marie parfaitement avec la plume expressive et enlevée de l'autrice qui n'hésite pas à l'affûter, offrant, pour le plus grand plaisir des lecteurs, un texte irrévérencieux, d'une vivacité acérée et mordante.
Ses personnages, saisissants de vie, sont croqués avec profondeur.

*
Alternant narration et correspondances adressées à La Reynie, lieutenant général de la police de Paris en charge de l'affaire des poisons, j'ai été totalement transportée dans le Paris de XVIIème siècle.

« Sa Majesté sait-elle qu'un demi-million d'âmes parisiennes luttent pour survivre ? Nos rues ne sont peuplées que de fripons, occupés à ruiner le provincial. L'on dit que les devineresses sont les pires diablesses ? Mais les rues chantent partout : « Les procureurs sont des voleurs, les demoiselles du Marais ont la vérole, le cabaretier vend du poison à boire, le meilleur médecin n'est qu'un assassin, les joueurs sont des tricheurs et vite, quittons cette ville infâme… » »

A travers le portrait des deux femmes, se dessine celui d'une époque de faste, où splendeur rime avec faveur, séduction avec ambition, préséance avec médisance, cupidité avec rivalité, influence avec concupiscence, ennui avec jalousie.
L'autrice nous dépeint avec beaucoup de réalisme, la cour du Roi Soleil, à la pointe de l'élégance et de la grâce, mais cachant assez mal la crasse et les traces de maladie de peau sous les fards, les onguents et les parfums.

« … les minauderies et les situations correspondent bien à l'époque. Les fastes de Louis XIV comme ses perruques ont couvert la décadence des aristocrates, leur crédulité, leur corruption. Et la condition pitoyable des femmes, riches comme pauvres. »
- Prologue -

A la lecture de ce roman, on appréhende aisément le sérieux travail de recherche qu'Isabelle Duquesnoy a effectué dans les archives relatant le procès, mais aussi dans les différents écrits décrivant les moeurs, les croyances, la vie quotidienne et le statut des femmes de l'époque.

« Par exemple, lorsque le maître de maison meurt, on doit toujours les avertir. Les maisons qui rechignent à leur annoncer le décès payent cher cette étourderie. Eh oui ! Quand on oublie de les prévenir, les abeilles retournent butiner… Et deux jours plus tard, leur miel a un goût de larmes. Il devient salé et il ne guérit plus les maux. »

Dans le prologue, l'autrice souligne le travail délicat d'écriture entre une rigueur historique, un français classique du XVIIème, et un vocabulaire abscons plus usité.

*
Le monde de l'occulte est passionnant, mais forcément dérangeant. Avec l'aide de l'abbé défroqué Guibourg et d'un escroc du nom de Lesage, la Voisin n'a pas hésité à empoisonner, pratiquer des avortements, organiser des messes noires où des nourrissons et des jeunes enfants étaient sacrifiés.
Le récit est glauque, effarant, violent, mais également très prenant, car l'horreur est atténué par le regard moqueur, railleur de l'empoisonneuse et par des descriptions qui suggèrent plus qu'elles ne disent. L'écriture de l'autrice suscite ainsi un curieux mélange de fascination et de répulsion, d'enthousiasme et d'aversion.

*
Pour conclure, Isabelle Duquesnoy excelle à brosser des portraits passionnants. Celui de la Voisin, femme de caractère, sans morale et meurtrière, est superbement restitué.

Historienne, diplômée d'histoire des arts et de restauration des oeuvres d'art, l'autrice réussit avec beaucoup de talent à rendre l'Histoire de France captivante. Son style plein de morgue, d'autosuffisance et de désinvolture fait de cette lecture, un récit original et truculent qui change des romans historiques plus austères.

Une rencontre saisissante, à découvrir bien sûr.
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Catherine Monvoisin, alias La Voisin, est au centre de « l'affaire des poisons », une série de scandales survenus entre 1676 et 1682, sous le règne de Louis XIV, où sont impliquées plusieurs éminentes personnalités de la haute noblesse.

La Voisin est à la fois, empoisonneuse, chiromancienne, avorteuse et sorcière.

Elle est arrêtée alors qu'elle complotait, pour le compte de la Marquise de Montespan, une de ses fidèles clientes, en vue de tuer le roi Louis XIV.

Elle meurt brûlée sur l'échafaud le 22 février 1680.

Elle avoue avoir tué 2 500 nourrissons.

Sa fille Marie Marguerite est emprisonnée et sommée de passer aux aveux.

Que va devenir Marie Marguerite ? Que va-t-elle avouer ?

Avec cette histoire effroyable, nauséabonde, inimaginable, Isabelle Duquesnoy, à l'aide de nombreux documents historiques, notamment les aveux de la fille, reconstitue la trajectoire de la Voisin à travers Marie Marguerite.

La Chambre des Diablesses suit une escalade dans l'horreur, qui débute avec les philtres d'amour et culmine avec les messes noires et le sacrifice de nourrissons – aucun détail sordide ne nous est épargné.

Avec une matière aussi noire, Isabelle Duquesnoy réussit avec talent à construire un thriller servi par une écriture singulière et distrayante. Elle trouve un bon compromis entre le côté irrévérencieux, notamment vis-à-vis des prêtres et des bonnes soeurs qui seraient de sacrés chauds lapins, la lubricité de la Voisin, et le faste clinquant du règne du roi soleil.

La Voisin reçoit dans sa maison au 23-25 rue Beauregard à Paris. Tous les jours une foule se presse à sa porte, non seulement des riches mais aussi des pauvres, les uns étant clairement séparés des autres (files, chambres d'accueil différentes). En souvenir de ses origines modestes, elle prodigue la charité aux nécessiteux.

Elle crée l'illusion avec des jeux de lumière, une « lanterne de peur » (lanterne magique) et des tours de magie. C'est un spectacle où elle et ses complices revêtent des habits de scène tape à l'oeil.

Elle tient à faire étalage de sa richesse avec des meubles du dernier cri, et à renfort de réceptions, avec mets couteux et belle vaisselle.

Elle dispose d'un nombreux personnel à son service, aussi bien pour les tâches domestiques que pour les basses oeuvres.

Les formules chimiques de ses potions sont aussi surprenantes que terrifiantes.

« Après avoir lu les aveux de la fille Monvoisin, Louis XIV convoque en privé Mme de Montespan et lui dit : " Par amour ? Vous osez parler d'amour quand vous m'avez fait avaler toutes sortes d'immondices qui auraient pu me mener au trépas ? de la bave de crapaud, un coeur de nouveau-né réduit en cendres, de la semence de puceau et que sais-je encore ? » (p.226)

« - Oui, Mère. J'ai vidé deux testicules de sanglier et des pustules de crapaud. Vos artichauts cuits ont été passés au pilon, ainsi que l'oeil de vipère et les crottes de renard. Mais en ce moment je ne trouve pas de cantharides sur les troncs d'arbre ». (p.214)

Il y a aussi l'Eau d'« Avium Risus » du prêtre Guibourg qui provoque la mort par le rire.

C'est troublant de noter qu'à l'époque, les sorcières se servent de placenta, d'organes de nourrisson, de crapauds, de chauve-souris, de sangliers, de renards, de vipères… comme produits de consommation courante.

Sinon, La Chambre des Diablesses abonde en passages grivois (pour ceux que ça intéresse, voir les citations).

Isabelle Duquesnoy a un style fluide, simple et agréable, où elle glisse savamment quelques mots archaïques (ou peut être inventés ?) qui enjolivent le récit sans l'alourdir : « rabonnir », « baboles », « barbidau », « belître », « galopine », « poufiotes », « pêtouilles », « bourgeouilles », « Squinquerque » …

La réalité dépasse la fiction. Nous nous prenons à imaginer cette époque si lointaine où les sorcières avaient pignon sur rue.

Comment est-on passé du XVIIème siècle à notre XXIème siècle ?

Comment est-ce possible qu'il y ait eu des messes noires où on sacrifiait des nourrissons ?

Comment est-ce possible d'empoisonner son mari, voire ses enfants, pour obtenir richesse ou partir avec un amant ?

Nous vivons dans un monde rationnel où les sorcières sont devenues des légendes.

Je pense que pour qu'il y ait des sorcières, il faut une conscience collective qui croit au surnaturel. Plus nous avançons dans le progrès technologique et la robotisation, plus nous devenons incrédules.

J'ai suivi ma babelamie Nico (NicolaK) sur le chemin de la Chambre des diablesses. Je tiens à la remercier de m'avoir fait faire un pas de côté hors de mon vivier familier.
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Citations et extraits (60) Voir plus Ajouter une citation
À force de mettre du sucre partout pour cacher la mauvaise cuisine, on finit par pisser du sirop.
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- Madaaame ! se mit à gémir Mlle des Œillets. Je subis les affres de la passion et je me lasse de vivre dans l'attente du roi. Jadis, je me contentais de lui offrir un peu de plaisir durant les grossesses et les empêchements d'Athénaïs, mais à présent qu'il me désire moins ... J'en espère davantage ! [...] Après mes services, j'ai voulu qu'il reconnaisse ma fille². L'enfant est née sous le faux nom de Louise de Maisonblanche. Il n'y a pas de raison à légitimer les enfants d'Athénaïs, et non le mien. Le roi me doit cette justice, mais il ne veut rien entendre ! A présent, c'est elle qui me dispute ses faveurs alors que ce serait mon heure d'en récolter les bénéfices.

².Parmi les descendants directs de Louis XIV et de Mlle des Œillets se trouverait le flippant Xavier Dupont de Ligonnès !

Deuxième Partie
Chap. 24 - p. 153 -
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Monsieur, vous avez fait arrêter la Voisin, ma mère, pour « actes de diablerie », puis vous l’avez interrogée trois jours durant.
On raconte qu’elle a été passée à la question, mais je n’en crois rien. Le jour de son exécution, j’ai pu remarquer qu’elle ne portait aucune marque de torture sur le corps. Les autres condamnées avaient les genoux broyés par les coins de bois, les orteils arrachés par les cisailles, elles étaient incapables de marcher jusqu’à leur bûcher ; vos gens les y portaient.
Ma mère, non.
Elle a même refusé le bras du prêtre et donné des coups de pied dans les brindilles.
Je n’ai que vingt et un ans, mais je sais raisonner : si ma mère ne portait aucune trace de supplice, cela signifie qu’elle a immédiatement avoué ses crimes ; avant même que vos exécutants ne la touchent, elle a reconnu ses maléfices.
Alors, pourquoi suis-je enfermée à mon tour ?
Je suis Marie-Marguerite, fille d’Antoine Monvoisin et de Catherine Deshayes, que l’on a jetée comme un vieux sac à lentilles dans la cave.

Billet no 1 pour M. de La Reynie (p17)
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Ce soir-là, il promenait sa supériorité dans le jardin., un verre de champagne à la main, se plaisant à raconter le dernier accouchement difficile pour lequel on l'avait appelé. Deux jeunes qu’il avait formés venaient d'abandonner une femme, après avoir tiré comme des sonneurs de cloches sur l'enfant encore vivant, le premier lui ayant arraché la tête, le second, les bras et un pied. Tel un sauveur de l'humanité, M. Moriceau était arrivé le dernier, se contentant de retirer ce qu'il restait au fond de la matrice de la malheureuse, morte d'infection six jours plus tard.
-Les femmes m'offrent toute la reconnaissance que je désire prendre d'elles, osa-t-il déclarer, la bouche pleine de compote. Avant de se vanter d'accepter les remerciements en nature.
(p.245)
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28 mars 1680
Les cris de ma mère couvrent le tumulte de la foule rassemblée devant l’échafaud.
— Allez tous vous faire foutre !
À cinq heures du matin, le jour anormalement doux peine à se lever en ce mois de février. Trente-quatre exécutions annoncées par l’aboyeur public, mais les spectateurs se sont déplacés pour n’en contempler qu’une ; ils piaffent d’impatience de voir crever Maman. Accusée d’ivrognerie et de sorcellerie, elle va leur fournir avec son supplice le divertissement à ne pas manquer. Ce sera sa dernière représentation, et ses adorateurs s’appliquent à masquer leur trouble au milieu de la foule épouvantée.
Tout juste quarante ans, la figure rougeaude, un nez pointu à piquer des pralines, elle n’a jamais été belle. Pourtant, elle compte ses amants par deux, et même par quatre à la fois. Ceux qui la connaissent lisent sur son visage les marques d’une nuit agitée ; à ce que l’on raconte, elle a passé sa dernière soirée à boire gaiement, en compagnie des concierges de la prison. Telle que je l’ai toujours vue, la voici.

(Incipit)
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