La sagesse du cœur est ici, maintenant, à tout moment. Elle a toujours été là, et il n'est jamais trop tard pour la trouver. La plénitude et la liberté que nous recherchons sont notre propre nature véritable, ce que nous sommes réellement. Toutes les fois qu'on entreprend une pratique spirituelle, qu'on lit un livre traitant de spiritualité ou qu'on réfléchit à ce que cela signifie de vivre une vie juste, on amorce le processus inévitable d'ouverture à cette vérité, la vérité même de la vie.
Même les états les plus exaltés, les accomplissements spirituels les plus exceptionnels demeurent insignifiants si nous sommes incapables d'être heureux d'une manière élémentaire et ordinaire, si nous ne savons pas ouvrir notre cœur à l 'autre et à la vie qui nous a été donnée.
Lorsque nous nous engageons dans une vie spirituelle, ce qui importe est simple : nous devons nous assurer que notre chemin est bien relié à notre cœur. Sur le marché spirituel moderne, bien d'autres perspectives nous sont offertes. Les grandes traditions spirituelles nous proposent des récits d'éveil, de félicité, de connaissance, d'extases sublimes, et évoquent les plus hautes possibilités de l'esprit humain. Parmi l'éventail d'enseignements que l'Occident met à notre disposition, nous sommes souvent attirés tout d'abord par ces aspects spectaculaires et séduisants. La promesse d'atteindre de tels états n'est pas forcément vaine et ces états sont réellement représentatifs des enseignements ; toutefois, d'un certain point de vue, de telles assurances constituent également un des arguments publicitaires du commerce spirituel. Ces états ne sont pas le but de la vie spirituelle, laquelle, finalement, ne consiste pas à poursuivre et à atteindre une condition hors du commun ou des pouvoirs particuliers. En fait, une telle poursuite peut nous éloigner de nous-mêmes. Si nous n'y prenons pas garde, nous risquons fort de voir les grands échecs de notre société moderne se répéter dans notre vie spirituelle - ambition, matérialisme et isolement de l'individu.
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L'accomplissement spirituel n'est pas le résultat d'une connaissance ésotérique particulière, de l'étude des grands textes ou des soutras ni de l'apprentissage systématique des grandes oeuvres religieuses. On ne le trouvera pas non plus dans le domaine du contrôle et du pouvoir. Il n'est pas attaché à un certain ordre des choses et il ne porte pas de jugement. On ne l'obtient pas par le contrôle, que ce soit d'une autre personne ou de soi-même. Il découle bien plutôt d'une abondante sagesse du cœur.
… il importe davantage de comprendre un point essentiel : personne ne peut nous éveiller ; personne ne peut mûrir à notre place ; personne ne peut lâcher prise à notre place ; personne ne pourra jamais faire tout cela à notre place. Nos maîtres peuvent nous montrer, nous inspirer, nous toucher et même nous donner un sens de ce qu'est la voie véritable mais, surtout, ils peuvent créer cet espace sacré où peut se produire notre éveil.
Une femme suisse de quatre-vingts ans, guide spirituel auprès de qui j'eus le privilège d'étudier, disait qu'un maître authentique devait créer un environnement libre et protégé où le cœur et l'esprit pouvaient s'ouvrir, s'épanouir comme ils ont aspiré à le faire depuis la nuit des temps. La capacité qu'a un maître de créer cet espace sacré, de transmettre un sentiment de confiance et d'agir comme un instrument de compassion suffisamment puissant pour permette aux vieilles parties de nous-mêmes de mourir et aux nouvelles de naître, est un cadeau extraordinaire.
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Au bout du compte, le véritable but d'un maître est de nous amener à découvrir notre liberté de cœur intrinsèque. C'est le but de tout enseignement spirituel, et le présent que nous fait tout maître avisé est de nous encourager à trouver en nous-mêmes notre nature de Bouddha - libre, indépendante et joyeuse au sein de l'existence sous ses multiples aspects.
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Un des plus grands yogis et maîtres bouddhistes de notre temps était une femme vivant comme une simple maîtresse de maison à Calcutta avec sa fille et ses petits-enfants. Elle enseignait dans son appartement d'une pièce et donnait d'extraordinaires bénédictions à tous ceux qui lui rendaient visite. Une autre, infirmière, travaillait auprès des mourants. Un autre faisait l'école à de jeunes enfants. Certains étaient sévères, d'autres pleins d'humour ; certains vivaient dans la forêt, d'autres dans des monastères ou des ashrams et d'autres encore, vivant en plein milieu de grandes villes, avaient un travail ordinaire et une famille ordinaire.
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« Périls et promesses de la vie spirituelle », Jack Kornfield, extraits © édition Pocket oct. 2003
Jack Kornfield - Après l'extase, la lessive