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EAN : 9782259202466
130 pages
Plon (20/10/2006)
4.15/5   46 notes
Résumé :

Publié initialement pour saluer la date orwellienne de 1984, cet essai était devenu introuvable. Pressé de le rééditer par de nombreux lecteurs, Simon Leys s'est relu à quelque vingt ans de distance : il a constaté que le sujet n'avait rien perdu de son actualité et que ses propres vues restaient essentiellement inchangées. Il s'est donc contenté de modifier un jugement littéraire sur un point de détail, d'ajouter deux informations inédites, de mettre à ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Dans ce court essai, publié en 1984, Simon Leys revient sur le parcours à la fois littéraire et politique d'Eric Blair plus connu sous son nom de plume : George Orwell.

« Le capitalisme aboutit au chômage, à la compétition féroce pour les marchés et à la guerre. le collectivisme mène aux camps de concentration, au culte des chefs et à la guerre. Il n'y pas moyen d'échapper à ce processus, à moins qu'une économie planifiée puisse être combinée à la liberté intellectuelle, ce qui ne deviendra possible que si l'on réussit à rétablir le concept du bien et du mal en politique ».

Cette phrase extraite des « Collected Essays » résume de manière étonnamment concise le fond de la pensée Orwellienne : une défiance marquée à l'endroit du libéralisme, une aversion féroce envers le communisme et le rêve utopique d'une forme de socialisme éclairé. Les mots employés par Orwell, qui propose de combiner « économie planifiée » et « liberté intellectuelle » désignent le paradoxe inhérent à cette troisième voie qui ressemble plus à un rêve qu'à un véritable projet politique.

La plume de Simon Leys est tout à la fois concise, ciselée et limpide ; dans cet essai, elle a surtout le mérité d'éclairer le lecteur ébloui par « 1984 » ou par « La ferme des animaux » sur la personnalité et les convictions profondes de leur auteur. George Orwell n'était pas seulement un homme qui avait saisi toute l'horreur du totalitarisme communiste et tenté de nous prévenir dans la dystopie la plus célèbre de l'histoire de la littérature contre la possibilité d'une extension à l'infini du domaine du collectivisme et ses conséquences liberticides. Il était également un homme issu d'une certaine bourgeoisie, épris d'égalité, qui a volontairement partagé la rudesse des conditions de vie de la classe ouvrière, et qui aurait souhaité pouvoir partager avec elle une forme de fraternité que son accent de la « haute » lui interdisait. George Orwell était un homme extrêmement courageux qui a participé à la guerre d'Espagne pour lutter contre le fascisme et y découvrir que le communisme soviétique constituait sans doute une menace plus pernicieuse encore pour nos libertés. Il n'était pas seulement « anti-totalitaire », il était aussi un homme de convictions, un « socialiste » qui croyait à une forme de troisième voie dans laquelle l'homme n'est pas un loup pour l'homme, et où nos libertés individuelles sont préservées.

Orwell apparaît dans l'essai de Simon Leys comme un être multiple, vivant et attachant et pas seulement comme le prophète ampoulé d'un monde inlassablement surveillé par Big Brother. Simon Leys donne ainsi envie d'approfondir la pensée Orwellienne en se plongeant dans ses essais, peu connus en France, et en relisant ses ouvrages moins célèbres comme « Dans la dèche à Paris et à Londres » où « Hommage à la Catalogne ».

Le temps de cette courte plongée dans la vie et l'oeuvre de George Orwell, on saisit les raisons de son aversion viscérale contre toute forme de totalitarisme, et l'on ne peut s'empêcher de songer aux terribles prophéties de 1984. Non, le totalitarisme communiste ne s'est pas répandu à la surface du globe, c'est son exact opposé, le néo-libéralisme des années 80 qui l'a emporté. Nous ne vivons pas dans un monde collectiviste où la privation est le quotidien de chacun mais dans un monde individualiste qui vénère la consommation.

Pour autant, qu'en est-il de nos libertés ? Ne sommes-nous pas placés sous la surveillance constante de ces caméras qui ont envahi nos villes et de tous ces écrans dont nous sommes devenus esclaves ? Ne sommes-nous pas envahis par le vertige du Big Data, toutes ces informations collectées à chaque instant par les nouveaux maîtres invisibles de notre monde ? Rien ne leur échappe, la situation de notre compte en banque, nos déplacements, nos achats, nos e-mails, et même cette chronique qui contrairement au carnet secret que tient Winston, le héros valétudinaire de 1984, est à présent visible par tous sur la toile qui risque un jour de se refermer sur nos libertés oubliées. Big Brother, oh Big Brother, are you watching me ?
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Orwell, en toute liberté.

Que peut-on écrire sur Orwell après la magistrale biographie de Bernard Crick en 1980 ? L'essayiste et sinologue Simon Leys nous invite à réfléchir sur un point essentiel de la pensée de Georges Orwell : Il adorait le politique mais détestait la politique. Il était passionné par la façon dont les hommes arrivent à vivre en société, mais il haïssait les partis avec leurs magouilles, leurs combines, leurs ententes pratiquées toujours au détriment des individus qu'ils sont sensés défendre. C'est là le sens du sous-titre du livre de Leys : l'horreur de la politique.
Dans ce court essai, on retrouve toute la personnalité d'Orwell : sa générosité, sa liberté, son humanisme, son honnêteté, son courage. Pour lui, toute vérité est bonne à proclamer et ce vieux fond anarchiste lui a attiré beaucoup d'ennemis. Sa « révélation » se produit en 1936 pendant la guerre d'Espagne. Il est engagé avec les anarchistes. Mais il se rend très vite compte que le fanatisme de ses alliés communistes est plus fort que l'intérêt des Républicains eux-mêmes. Cette expérience lui ouvre les yeux, le marque à tout jamais et fait de lui un homme sans illusion mais jamais désabusé.
Quand Eric Blair choisit comme pseudonyme Georges Orwell, il ne s'agit pas seulement d'un déguisement ou d'une protection quelconque, il transfère sur ce personnage qui signe ses productions littéraires toutes les exigences et les qualités que doit posséder un écrivain idéal selon lui : la littérature, doit devenir le véhicule irréprochable de ses pensées. En fait, l'homme et l'écrivain ne se dissocient pas, il ne peut et il ne doit y avoir qu'un minimum d'écart entre la pensée et l'action. L'homme ne peut être que le prolongement de sa pensée.
On peut considérer qu'Orwell a produit 2 types de littérature. Au début de sa vie, une littérature « journalistique » avec Les Quais de Wigan, et Hommage à la Catalogne et vers la fin de son existence, des romans : 1984 et la Ferme des Animaux. Venu à l'écriture par le journalisme, il est considéré comme le fondateur du roman-sans-fiction (bien avant Truman Capote ou Norman Mailer), mais qu'on ne s'y trompe pas, ses récits ne sont pas de simples reportages réalistes, ils sont le fruit d'une mise en scène savamment orchestrée de façon à mettre en valeur la vérité que révèle les faits dont il a été témoin. le déroulement des événements ne doit jamais constituer une contrainte pour qu'un récit soit réussi.
Leys nous livre une évocation vivante et engagée d'un authentique auteur en mettant en relief les différents aspects de l'homme attachant (Eric Blair) et de l'écrivain exigeant (Georges Orwell), indissociables l'un de l'autre. Il nous laisse l'image d'un écrivain pour qui l'écriture est une forme de combat et d'exigence. Il faut être à la fois réaliste et juste, ce qui n'empêche pas certains aménagements de mise en scène qui, loin de dénaturer la réalité, en dégagent les aspects essentiels. Orwell, par ses techniques littéraires autant que par ses convictions, demeure le maître incontestable d'une lutte pour la liberté des hommes face aux régimes politiques qui cherchent à les opprimer. Sans être individualiste, il apparaît aussi comme le détecteur infatigable de toutes les circonstances qui pourraient empiéter sur le libre arbitre.
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Connu pour son roman « 1984 » dans lequel il dénonce le totalitarisme, George Orwell, défenseur des libertés et de la vérité, était aussi un fervent apôtre du parler clair. Il voulait faire prendre conscience qu'un langage imprécis, hermétique ou à double sens est dangereux : il est la porte ouverte à la manipulation et ne favorise pas la réflexion. Orwell désignait par « Novlangue » une simplification de la langue destinée à rendre impossible l'expression des idées subversives et à éviter toute critique de l'État.

Il dénonçait la pratique des états totalitaires d'inverser le sens des mots dans le but de neutraliser l'esprit critique.

L'usage de la « Novlangue » reprend de la vigueur de nos jours, Elle est employée notamment par Vladimir Poutine, mais peut se retrouver aussi dans la bouche d'autres chefs d'Etat. Orwell se défiait aussi bien du capitalisme que du communisme. Voici quelques exemples démontrant l'utilisation actuelle de la "Novlangue" :

Opération militaire spéciale = Guerre menée par les Russes

Provocation = tout acte défensif ou critique contre l'agression russe

Défaut de paiement = Selon les économistes russes, c'est le fait pour un pays de régler ses factures en euros ou en dollar (conformément au terme d'un contrat) et non en Roubles selon la volonté unilatérale, illégale et changeante de Poutine

Libération d'un territoire ou d'une population = Opération consistant à bombarder les habitants d'un territoire pour y installer le pouvoir russe.
Exemple : le ministère russe de la Défense vient d'annoncer la « libération totale » de Marioupol.

Les hommes politiques de l'occident utilisent plus volontiers l'oxymore, par exemple "Plan social" pour qualifier l'action de licencier massivement, ce qui n'a rien de "social". (se reporter au livre "La politique de l'oxymore" de Bertrand Méheust).

Cette manière de parler est à mon sens une parfaite illustration de la Novlangue identifiée par Orwell il y a plus de 70 ans ! le livre de Simon Leys nous rappelle l'incroyable prophète de notre temps qu'était Orwell mort en 1950. Ce livre comporte un certain nombre de réflexions et de commentaires sur la vie et la pensée de l'écrivain et rassemble en annexe quelques propos et citations de George Orwell particulièrement éclairantes sur sa vision de la politique et du monde.

« Ce qui est terrifiant dans les dictatures modernes, c'est qu'elles constituent un phénomène entièrement sans précédent. On ne peut prévoir leur fin. Autrefois, toutes les tyrannies se faisaient tôt ou tard renverser, ou à tout le moins elles provoquaient une résistance, du seul fait que la “nature humaine", dans l'ordre normal des choses, aspire toujours à la liberté. Mais rien de garantit que cette "nature humaine" soit un facteur constant. Il pourrait fort bien qu'on arrive à produire une nouvelle race d'hommes, dénuée de toute aspiration à la liberté, tout comme on pourrait créer une race de vaches sans cornes." Orwell (écrit avant 1950)

Orwell est le prophète de notre siècle il fut peut-être le seul auteur occidental à avoir compris dans les années 30/40 la nature profonde du monde soviétique et il avait prophétisé les dérives totalitaires.

Ce livre nous incite à lire et relire Orwell.

Les romans d'Orwell dénonçant le totalitarisme sont aujourd'hui interdits en Biélorussie. En Russie ils étaient interdits jusqu'à la chute de l'URSS, toutefois, depuis la guerre en Ukraine je doute qu'ils figurent en bonne place dans les librairies russes. Orwell a notamment ridiculisé « le pas de l'oie » manière de marcher adoptée par le 3e Reich, par les fascistes de Mussolini et par l'armée russe d'aujourd'hui, voici ce qu'en disait Orwell : « Le pas de l'oie est un des spectacles les plus hideux qui soient… C'est simplement une affirmation de puissance nue ; ce qu'il suggère de façon consciente et délibérée, c'est la vision d'une botte écrasant un visage ».

- "Orwell ou l'horreur de la politique" Simon Leys, Champs essais (2014), 104 pages.
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Beau compagnonnage d'un auteur qui a été un des premiers à dénoncer l'escroquerie des soi-disant intellectuels occidentaux qui ciraient les pompes de Mao, comme Sartre l'a fait pour le communisme européen !
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Un essai plein de vigueur et de justesse sur l'engagement humain et politique de George Orwell, esprit farouchement libre tout en étant épris de justice.
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Citations et extraits (48) Voir plus Ajouter une citation
Les eunuques qui prêche la chasteté ne sont guère convaincants. Inversement, ce qui confère aux croisades d’Orwell leur singulière force de persuasion, c’est ce sentiment qu’il avait lui-même connu, vécu et compris de l’intérieur ce qu’il attaquait : très littéralement, et à la différence de la plupart des gauchistes orthodoxes, il savait de quoi il parlait. Ainsi par exemple, dans le camp socialiste, il était l’un des très rares esprits à avoir dès le début refusé le dogme simplificateur qui voulait voir dans le fascisme « une forme de capitalisme avancé » ; il avait clairement perçu au contraire que le fascisme était en fait une perversion du socialisme, et que, malgré l’élitisme de son idéologie, c’était un authentique mouvement de masse, disposant d’une vaste audience populaire. Bien plus, dans le domaine psychologique, il peut même aller jusqu’à dire : « il n’y a que deux sortes de gens qui comprennent vraiment le fascisme, ceux qui en ont souffert et ceux qui possèdent en eux-mêmes une fibre fasciste. » On pourrait sans doute, si l'on voulait pousser plus loin l’analyse, repérer une pareille fibre chez Orwell lui-même mais, outre qu’elle serait sans grande utilité, pareille entreprise deviendrait sans doute source de malentendus. Ce que je voulais seulement souligner ici, c’est cette admirable capacité qu’il avait de découvrir en lui-même, et de connaître de l’intérieur, les mots qu’il combattait. C.G. Jung a observé que, pour guérir son patient, un bon docteur devait être capable, dans une certaine mesure, de partager sa maladie. Orwell semble avoir lui-même pressenti cette vérité, comme l’atteste par exemple ce jugement critique qu’il formule sur les limitations de H. G. Wells : « il est trop foncièrement sain d’esprit pour vraiment comprendre le monde moderne. » Inversement, si le cauchemar de 1984 réussi à évoquer une telle terreur, écrasante et sans issue, c’est que, fondamentalement, nous sentons bien que cette horreur ne nous est pas extérieure : elle habite en nous, car elle fait écho à celle que l’auteur avait d’abord identifié en lui-même.C’est cette dimension humaine qui donne à l’œuvre d’Orwell une place à part dans la littérature politique de notre temps. Plus spécifiquement, ce qui fonde pour Orwell son originalité supérieure en tant qu’écrivain politique, c’est qu'il haïssait la politique. Ce paradoxe semble avoir échappé à des témoins pourtant proches ; ainsi son collègue en journalisme (et ancien condisciples Cyril Connolly observait : « Orwell était un animal politique. Il ramenait tout à la politique (...) il ne pouvait pas se moucher sans faire un discours sur les conditions de travail dans l’industrie du mouchoir. » Mais de l’autre côté, sa seconde femme, Sonia Orwell, dont on ne saurait douter qu’elle le connaissait et comprenait bien plus intimement encore, nous assure, tout aussi catégorique, qu’il avait été poussé à l’engagement politique par un accident de l’histoire, alors que sa vraie nature était de vivre à la campagne, en paisible ermite, ne fréquentant que quelques vieux amis ; s’il avait pu suivre sa pente, il aurait seulement écrit des romans et cultivé son potager. L’un et l’autre témoin avaient en un sens raison ; seulement chacun des deux ignoraient l’autre moitié du tableau. La synthèse des deux vues pourrait être effectuée par une excellente formule de Crick : « si Orwell plaidait pour qu’on accorde la priorité au politique, c’était seulement à fin de mieux protéger les valeurs non politiques. » En un sens, quand il s’appliquait à planter des choux, à nourrir sa chèvre et à maladroitement bricoler de branlantes étagères, ce n’était pas seulement pour le plaisir, mais aussi pour le principe ; de même, quand, collaborant à un périodique de la gauche bien-pensante, il gaspillait de façon provocante un précieux espace qui aurait dû être tout entier consacré aux graves problèmes de la lutte des classes, en dissertant de pêche à la ligne ou des mœurs du crapaud ordinaire, il ne se n’est pas à une recherche gratuite d’originalité – il voulait délibérément choquer ses lecteurs et leur rappeler que, dans l’ordre normal des priorités, il faudrait quand même que le frivole et l’éternel passe avant la politique.Si la politique doit mobiliser notre attention, c’est à la façon d’un chien enragé qui vous sautera à la gorge si vous cessez un instant de le tenir à l’œil.
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Ce qui est terrifiant dans les dictatures modernes, c'est qu'elles constituent un phénomène entièrement sans précédent. On ne peut prévoir leur fin. Autrefois, toutes les tyrannies se faisaient tôt ou tard renverser, ou à tout le moins elles provoquaient une résistance, du seul fait que la "nature humaine", dans l'ordre normal des choses, aspire toujours à la liberté. Mais rien ne garantit que cette "nature humaine" soit un facteur constant. Il se pourrait fort bien qu'on arrive à produire une nouvelle race d'hommes, dénuée de toute aspiration à la liberté, tout comme on pourrait créer une race de vaches sans cornes.
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Orwell avait lui-même une salubre méfiance à l'endroit des saints, comme il l'a bien exprimé dans son mémorable essai sur Gandhi : "Etre humain signifie essentiellement que l'on ne recherche pas la perfection ; que, par fidélité même, on est quelque fois prêt à commettre des péchés ; que l'on refuse de pousser l'ascétisme jusqu'au point où il rend l'amitié impossible, et que l'on est disposé au bout du compte à se laisser vaincre et briser par la vie - inévitable prix à payer pour quiconque prend le risque d'aimer d'autres individus."
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L'histoire a déjà montré à plusieurs reprises qu'il ne faut pas grand-chose pour faire basculer des millions d'hommes dans l'enfer de 1984 : il suffit pour cela d'une poignée de voyous organisés et déterminés. Ceux-ci tirent l'essentiel de leur force du silence et de l'aveuglement des honnêtes gens. Les honnêtes gens ne disent rien, car ils ne voient rien.Et s'ils ne voient rien, en fin de compte, ce n'est pas faute d'avoir des yeux, mais, précisément, faute d'imagination.
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Elle avait un visage rond et pâle, le visage ordinaire et usé d'une fille grandie dans les taudis, qui a vingt-cinq ans mais en paraît quarante à force d'avortements et de travaux abrutissants, mais ce visage présentait, durant la seconde où je l'entrevis, l'expression la plus désolée, la plus dénuée d'espérance que j'aie jamais contemplé. Je saisis alors combien nous nous trompons quand nous disons : "Pour eux ce n'est pas la même chose, ce n'est pas comme pour nous" - comme si les gens qui ont grandi dans les taudis ne pouvaient rien imaginer d'autres que des taudis. En effet, ce que j'avais lu sur son visage, ce n'était pas la souffrance ignorante d'une bête. Elle ne savait que trop bien ce qui lui arrivait, elle comprenait aussi bien que moi quelle destinée affreuse c'était d'être ainsi agenouillée là, dans ce froid féroce, sur les pavés gluants d'une misérable arrière-cour, à enfoncer un bâton dans un puant tuyau d'égout."
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« Les idées des autres », de Simon Leys, à lire aux Editions Plon.
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