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EAN : 9782221094334
288 pages
Robert Laffont (01/02/2001)
3.96/5   53 notes
Résumé :
Rocafrène, 1957. Un village semblable aux autres : un curé, un charcutier, des artisans, etc. Mais il abrite aussi un artiste peintre, José Cohen, venu s'y réfugier sous l'Occupation. Et une très jolie personne : Thérèse, la fille du charcutier. Le peintre a décidé la belle Thérèse à poser nue au bord de la rivière. Le tableau est demeuré secret jusqu'à ce qu'un article du journal local en dévoile l'existence. Le village s'enflamme. José Cohen est retrouvé mort ; le... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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Grand merci à Cécile de m'avoir fait acheter cet ouvrage :

C'est l'histoire truculente d'un tableau qui met le feu aux poudres au sein d'un petit village , niché au coeur des Ardennes liégeoises, en Belgique: une contrée à l'apparence tranquille , avec son charcutier, ses artisans, ses riches, ses veuves, ses amours , son curé , que l'auteur égratigne à sa façon, fine et ironique,il s'en moque allégrement ainsi que des rites catholiques ...le curé Duchevet : " Quelques rides à peine, comme les rayons d'un ostensoir autour de ses yeux rieurs ...." .

Une trés jolie personne, Thérése, la fìlle du charcutier est approchée par le peintre José Cohen, éléve de Modigliani, il l'a convaincue de poser nue sur un rocher , au bord de la rivière ....

Le tableau est demeuré secret jusqu'à ce qu'un journal local en dévoile l'existence.....

Scandale, effervescence : l'auteur excelle à peindre l'ambiance glauque , méfiante , trouble et pesante de l'après guerre , nous sommes en 1957....

Les secrets liés à la résistance remontent à la surface, où l'on cultivait le secret bien sûr , mais pas que.
Certains en profitent pour régler des comptes avec leurs concitoyens , ceux qui étaient déportés cherchent à savoir ce que faisaient leurs épouses et leurs amis durant cette longue période .

Ces histoires du passé qu'il serait peut -être bon de ne pas révéler mais que le présent ne taira pas ....
José Cohen , artiste portraitiste juif a fui Liège durant la guerre ...
Que deviendra ce tableau intitulé Baigneuse nue sur un rocher"? Et les protagonistes de cette histoire ? Les paysans conventionnels , un peu arriérés, frustres, ne comprennent pas le portrait de José ....
Je n'en dirai pas plus ....
L'auteur observe ses personnages au plus près , d'une maniére exquise , à l'aide d'une écriture élégante , semblable à une toile pointilliste et colorée, impeccablement travaillée ....

Il portraitise au petit point par petites touches, fines et poétiques telles, que le lecteur découvre et visualise chaque personnage comme s'il l'avait en face de lui .
Il nous précipite dans le récit qui révèle le passé pour en assumer le présent ...dialogues savoureux , secrets révélés , amour et violence , jalousie, trahison, omission et manipulation, duplicité et compromission, vengeance, lâcheté et tromperies, malheurs de la guerre, infamie, incivisme , trafics , révélations insidieuses, terrasser le passé ? Boîtes à secrets , remous.....

Réveil des vieilles querelles , au lieu de plonger son lecteur seulement au coeur de la société de l'après guerre , l'auteur , à sa maniére truculente et savoureuse , étoffe et dénoue les activites troubles , voire les crimes liés à cette période .
La fin est surprenante , accrocheuse , dramatique et .... Amusante ....
Du grand art!
Extraits :
" Tu n'as jamais eu les genoux , les bras, le ventre qui rient ?
Monsieur José m'a expliqué qu'on a son âme sur toute la surface du corps. Et tu vois, dans ce moment - là, personne ne m'a dit quelque chose de si juste , de si vrai, sur ce qui m'arrivait.
C'est pour cela que j'ai recommencé à poser....."
"Quant à Emma, son Emma , son amour, il la bourra de cochonnailles sur un ton paisible, mais sans réplique .Sa beauté s'éteignit , confite dans la graisse, engloutie dans les camisoles et les culottes monstrueuses que Léopold pendait au fil à linge en pleurant ."...



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Thérèse a 16 ans, elle est très belle.
Chaque jour, elle vend les produits de la charcuterie de son père Léopold dans sa boutique.
Léopold est aussi tueur de cochons dans les fermes des environs.
Le roman commence en 1957 dans un petit village ardennais, en Belgique.
José Cohen, artiste peintre, s'était réfugié dans le petit village voisin en 1940. Il avait fui Liège et abandonné sa peinture.
Il vivait là sous une fausse identité : Goebels, petit clin d'oeil de l'auteur.
Avec plusieurs personnalités du village, ils faisaient partie de la résistance;
José remarque la beauté de Thérèse, la belle charcutière et lui demande de poser pour un portrait. Ensuite, il va plus loin et la peint nue sur un rocher au bord de la rivière du coin.
José a l'intention d'exposer cette peinture sans révéler le nom de son modèle dans une galerie à Liège mais un article paraît dans la presse locale et c'est le scandale.
Thérèse est une jeune fille épanouie qui au contact de la pose pour un peintre s'est éveillée à la conscience de son corps. Elle amoureuse de Libert Lemaire et c'est réciproque.
On retrouve José étendu raide mort chez lui.
Armel Job nous dresse le portrait de tous les personnages qui ont gravité autour de José avec leurs secrets de naguère ou d'aujourd'hui qui pèsent bien lourd.
Comme d'habitude, l'auteur dresse très plausiblement tous les portraits des uns et des autres.
Au début du récit, j'ai été un peu rebutée par la description qu'il fait du charcutier, Léopold. Il nous le décrit comme une brute sanguinaire.
Le portrait de sa femme Emma est vraiment écoeurant. Je ne reconnaissais pas le style d' Armel Job.
Après, j'ai retrouvé l'auteur et son goût pour les intrigues villageoises situées dans la campagne belge.
Un très bon roman où chaque détail a son importance pour le dénouement de l'histoire.
J'ai connu l'existence du roman grâce à Latina qui m'avait aussi renseigné "La femme manquée". J'avais plutôt lu ses derniers romans que j'ai beaucoup appréciés également.
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Armel Job est un MAITRE ! Armel Job n'écrit pas, il nous susurre à l'oreille une série de petites choses quotidiennes, qui une fois semées, lentement, sournoisement, suivent le chemin de nos neurones, nous font réfléchir...et puis s'emparent de notre coeur.
Oui, Armel Job est un maître car il réussit tout à la fois dans ce livre à captiver, à attendrir, à amuser.

Comment?
D'abord, il n'a pas son pareil pour décrire le physique des personnages. Ses peintures tout en finesse, en poésie, en justesse et en même temps avec une touche d'humour nous donnent à voir le personnage comme s'il était devant nous. C'est le seul auteur qui ne me donne pas envie de passer les lignes descriptives, alors que Balzac m'ennuyait férocement !

Quant à la psychologie...Jamais il ne fait preuve de lourdeur ! Il nous "donne à voir" au lieu de nous servir les caractères sur un plateau. Il entre dans les coeurs et dans les têtes de ses personnages .

Et puis l'histoire en elle-même commence par des petits moments de la vie. On entre dans les maisons; on se pose déjà des questions sur certaines personnes. Et au fur et à mesure des pages, le passé surgit, à coup de petites allusions. le suspens s'installe. Et le passé (l'époque de la Résistance) devient de plus en plus lourd...pour arriver à une fin magistrale, haute en couleurs, à la fois surprenante, dramatique, puis très amusante.

Un petit mot de l'histoire, peut-être? Nous sommes dans un petit village des Ardennes liégeoises, en Belgique (je précise car beaucoup de non-Belges ne connaissent rien de la Belgique, à part Bruxelles et quelques villes flamandes, alors que la Wallonie est une perle)...
La jeune fille du charcutier, Thérèse, est approchée par le peintre José Cohen, élève de Modigliani. Il veut la peindre nue, car pour lui, "quand on fait un portrait, on observe le modèle pendant des heures. Il finit par vous oublier. A ce moment-là, ce qu'il a dans l'âme transparaît sur son corps".
Malheureusement, ce portrait "Baigneuse nue sur un rocher" n'est pas "compréhensible" par ces paysans frustres, ou plutôt par cette mentalité encore arriérée...Nous sommes en 1957 !
Le village va commencer à jaser; les secrets datant de la guerre vont refaire surface...pour notre plus grand plaisir !

Il va falloir que je m'arrête. Ce roman va encore me trotter dans la tête pendant longtemps. Armel Job, je l'adore. Il me fait penser à d'autres auteurs belges, comme Marie Gevers, Paul Willems, au 20e siècle. D'autres auteurs, contemporains d'Armel Job, comme Eva Kavian, Nicolas Ancion...sont aussi dignes d'être découverts. Ils n'ont pas leur pareil pour recréer une atmosphère. Il n'y a pas qu'Amélie Nothomb, que diable !
Quand donc finira-t-on par apprécier la littérature belge à sa juste valeur ?
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Un tableau sème la panique dans un petit village des Ardennes belges où coule une rivière torrentueuse..

Il y de quoi enflammer Landernau : nous sommes en 1957, et la toile représente la charmante fille du charcutier, sur un rocher au bord dudit torrent.. en costume d'Eve !!

Si le tableau, comme on s'y attend, offense les pruderies du temps, il réveille surtout les vieilles inimitiés, et même les crimes de la sombre période de la guerre, pas si lointaine que cela, et de la résistance, pas toujours ralliée pour le bon motif !

Ce n'est plus un scandale c'est une bombe à fragmentation !

Mais on n'est pas chez Simenon, qui avec un rien tisse une atmosphère oppressante, glauque, irrespirable : rien de sombre ni de cruel dans ce récit joyeux, savoureux, truculent où chacun a des choses à cacher, à venger, à régler pourtant !

Armel Job, découvert grâce à l'ambassade efficace et inspirée de Latina, prend un malin plaisir à camper ses personnages dont il croque le portrait avec une gourmandise parfois féroce- celui de la « patronne » que son mari charcutier tue à petit feu en la bourrant de saucisses vaut son pesant de .. saindoux !

Il campe ainsi tout un petit peuple d'artisans et de commerçants haut en couleurs : un chauffeur de maître qui cache mal son humiliation, ses préférences sexuelles et sa grande intelligence, une femme d'artiste peintre que son double rôle a nerveusement perturbée, une veuve de guerre pas si éplorée qu'elle ne veut bien le dire, un petit jeune homme moderne malgré son prénom démodé et surtout plein de charme qui, sans le vouloir, émeut plus d'un coeur , un charcutier secret, ombrageux et au coup de couteau professionnel, et enfin un curé assez gaillard, rompu aux disputes théologiques – le culte marial lui paraît une offense à la rationalité et à la féminité à la fois, il va falloir qu'il s'en explique avec son évêque, à la fin !

Tout ce petit monde s'agite, le passé remonte à la surface dangereusement, un homme meurt : crime, accident, règlement de compte ? Je vous laisse découvrir ce petit livre drôle et délicieux, campé dans une Ardenne bien vivante et charnelle et, paraît-il, inspiré de faits réels…

Juste deux choses encore.

La première : le déjeuner de réconciliation familiale et de quasi fiançailles a de quoi vous caler l'estomac pour un moment : soupe au boudin noir, gratin de chicons au jambon, carré de porc au chou rouge, et coup de grâce, deux tartes aux prunes !! On sait vivre en pays wallon ! Il n'y a pas que les truculentes flamandes de Brel à savoir ripailler !

Quant à la deuxième, je resterai volontairement évasive: finalement le curé rationaliste n'enverra pas sa lettre au diocèse ! Il a trouvé un autre moyen de se réconcilier avec ce révoltant culte marial.. Je vous laisse le plaisir de découvrir lequel !

Bonne lecture – mais prenez un peu d'Alka Seltzer quand même !…


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Jeudi, 25 octobre 1956.

Imaginez un petit village, ou plutôt deux, perdus dans les Ardennes belges, l'un au sommet d'une colline, l'autre dans la vallée. Et quelle vallée ! Une vallée où coule une rivière, la Velaine, une rivière somptueuse au milieu d'un paysage féérique même si le ciel en Ardenne ne connaît que rarement un bleu étincelant.

Dans l'un des deux villages, il y a une charcuterie. Et dans cette charcuterie, il y a Thérèse, la très jolie fille du « tueur ». N'ayez pas peur ! le tueur ne tue que les cochons, et si vous n'en êtes pas un, vous n'avez rien à redouter. Ah, pendant la guerre, c'était autre chose… Mais la guerre, Léopold (le tueur de cochons), il ne veut plus en parler. Léopold était dans la Résistance. Il y est arrivé sur le tard, mais il faut le comprendre ! Il a fait comme soldat la Campagne des Dix-Huit Jours, et à la fin de la campagne belge de mai 1940, il s'est retrouvé prisonnier des Allemands. Ceux-ci ont décidé de le libérer en 1941, confondus par le fait qu'il avait un nom de famille flamand et qu'il parlait quelques mots du dialecte flamand du Limbourg. C'est après son retour que Thérèse est née, Thérèse sa fille adorée.

Ainsi donc, Léopold faisait partie de la Résistance, tout comme José Cohen, peintre qui eut son heure de gloire avant la guerre du côté de Liège. Cohen, ça ne sonne pas très catholique ! Ce n'est pas un nom juif, ça ? Ah, ben oui ! C'est même la raison pour laquelle il est venu se perdre au creux des Ardennes, là où les Allemands ne faisaient que (rarement) passer. Et puis, il y avait Teddy aussi. Un garçon éduqué venu fuir le STO (Service du Travail Obligatoire) et qui, par la force des choses s'est retrouvé embrigadé dans la Résistance. Après guerre, il est resté dans le coin comme domestique de monsieur Lebège, la grosse fortune du coin. Et Duchevet ! Vous ne connaissez pas l'abbé Duchevet ? C'est le curé local, un homme grand et costaud. Hé, oui ! Lui aussi faisait partie du même groupe de résistants des escadrons blancs. Mais il manque quelqu'un ! le héros ! le seul des résistants du groupe assassiné par les Allemands ! le beau Clément, le séducteur patenté ! La seule victime de la commune tombée « au champ d'honneur » de la Seconde Guerre mondiale, dont vous pouvez voir le nom ajouté au monument aux morts de la commune. (Cela aurait coûté trop cher de dresser un monument pour lui seul.)

José Cohen a repris ses pinceaux après la guerre. Sa spécialité ? Les portraits ! Et quels portraits ! Mais, voilà ! Depuis la guerre, c'est fini les portraits ! Il ne peint plus que de très jolis paysages. Surprise ! Il se présente à la charcuterie et propose de peindre le portrait de Thérèse…

Critique :

Pour qui ne connaît pas l'oeuvre d'Armel Job et qui commence à lire « Baigneuse nue sur un rocher », on pourrait croire qu'il nous fournit là un gentil roman régionaliste qui décortique les moeurs des habitants de deux villages perdus des Ardennes… Mais c'est mal connaître Armel Job qui noie le poisson dans l'eau en nous faisant croire qu'il est juste là pour décrire des caractères et les relations complexes entre habitants d'un petit microcosme où quelques « étrangers » se sont invités. Inutile d'aller chercher des Sénégalais, des Péruviens ou des Chinois ! Si vous n'êtes pas né dans le coin, dans un des deux villages, vous êtes forcément un étranger !

Dans ce roman, l'auteur va faire resurgir des événements qui se sont déroulés durant la Seconde Guerre mondiale, pas toujours jolis jolis. Qui pourrait croire qu'un tableau fraîchement peint puisse à ce point bouleverser la vie routinière d'une petite communauté allant jusqu'à entraîner une mort ? Qui pourrait croire que ce tableau va remuer les fanges du passé ? Qui ?

Faites confiance à Armel Job pour vous endormir avec un roman de moeurs pour le transformer en polar à la fin…
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Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
"Quand elle était petite, j'avais toujours peur qu'elle ne meure. C'est une idée que j'avais, tu vois. Parce qu'elle avait l'air si fragile et que moi, je ne l'avais pas aimée d'un coup. Ca m'avait pris le temps.
C'est quand elle a commencé à parler. Elle était toujours dans mes jambes. Elle venait à l'atelier; tiens, justement là où tu es, devant l'étal, c'était sa place. Elle me causait sans arrêt. Pourquoi ceci, pourquoi ça. Elle m'attrapait par les doigts. Tu l'aurais vue, Thérèse, en ce temps-là ! Ca ne devrait pas grandir."
(...)
"Ca ne devrait pas grandir, mais forcément, ça grandit. Tout d'un coup, elle est devenue une femme. On ne s'y attend pas. Y a tout pour faire une femme, là, à côté de toi. Mais tu ne fais pas attention.
Jusqu'à ce que ça éclate. Tu es là avec quelqu'un d'autre. Un temps, tu te rassures : le corps a changé, mais dedans, c'est toujours ta petite fille, que tu t'imagines.
Jusqu'au jour où la femme a bouffé la gamine, de l'intérieur."
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"A côté de la fenêtre , sous le téléphone accroché au mur, la masse de la patronne remplit un grand fauteuil d'osier auquel chacun de ses mouvements arrache des gémissements douloureux .
Elle est vêtue d'une simple combinaison beige qui déborde par tous les orifices de son tablier à fleurs .
Par - devant , les boutons, acculés à l'extrémité de la bride, contiennent vaillamment les amas indistincts de son ventre et de ses mamelles .
La peau de ses jambes et de ses bras est si distendue qu'elle en est transparente ,....
On voit, à travers, une chair rosâtre alvéolée de blancheurs, qui ressemble à du hachis à saucisse .
Elle n'a plus ni poignet ni chevilles ..... ]
Depuis longtemps , la graisse est venue à bout de tous les membres,....."
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La masse de la patronne remplit un grand fauteuil d'osier auquel chacun de ses mouvements arrache des gémissements douloureux.
Elle est vêtue d'une simple combinaison beige qui déborde par tous les orifices de son tablier à fleurs. Par-devant, les boutons, acculés à l'extrémité de la bride, contiennent vaillamment les amas indistincts de son ventre et de ses mamelles.
La peau de ses jambes et de ses bras est si distendue qu'elle en est transparente. On voit, à travers, une chair rosâtre alvéolée de blancheurs, qui ressemble à du hachis à saucisse.
Elle n'a plus ni poignets ni chevilles.
Ses pantoufles tuméfiées, dont la languette de molleton inversée s'étale comme l'appendice d'un étranglé, contiennent à grand-peine la plante de ses pieds.
Depuis longtemps, la graisse est venue à bout de tous ses membres.
Il ne restait que le visage. Des détachements luisants de fraîcheur se sont lancés à l'assaut de la gorge, du menton, des joues déjà en pleine déconfiture. Seuls, le nez, le front et, retranchés au fond des orbites, les petits yeux pétillants lui échappent encore, et ils émergent de ce fatras adipeux comme les vestiges d'un empire éboulé.
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Depuis toujours, le culte de la Vierge lui donne des haut-le-coeur. Il n'arrive pas à comprendre quelle lubie a saisi Pie XII de repasser les plats en proclamant le dogme de l'Assomption. Que la Vierge soit restée vierge sans césarienne, c'est déjà un morceau à avaler ! Bon. Mais qu'elle monte vers les cieux comme une montgolfière, il faut se le farcir.
(...)
"Si le Malin vous tente et qu'il prend pour cela l'aspect d'une créature lubrique, songez aussitôt à votre mère terrestre et à votre mère des cieux", lui soufflait son directeur de conscience à travers la grille du confessionnal. "Telle est l'image de la femme que Dieu veut dans votre coeur". Le saint homme méditait probablement de hâter la fin des temps, car, avec les fantasmes qu'il recommandait, la reproduction de l'espèce aurait tenu de l'héroïsme.
Sans insister sur la Vierge Marie, Duchevet ne pouvait s'empêcher de féliciter Dieu d'avoir renoncé à fabriquer toutes les femmes dans le moule de sa mère qui inspirait la terreur à tout ce que la maisonnée comptait de mâles, du père jusqu'au matou, qu'elle avait fait châtrer.
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Thérèse passe un doigt sur ses lèvres. Pourquoi la peau des lèvres est-elle si douce? Quand on mange, cela ne sert à rien, qu'à se brûler à la soupe si elle est trop chaude. La douceur des lèvres - on peut retourner la question dans tous les sens - ne se justifie que pour donner des baisers.
C'est agréable de sentir une bouche fraîche se poser sur le visage ou sur l'épaule.
Remarquons-le : il s'agit là des baisers que l'on reçoit. Pour ceux que l'on donne, tant qu'il ne s'agit que de la joue d'hun homme, même bien rasée, ils n'ont rien de vraiment affolant. Ce sont les femmes qui dont dû inventer le baiser sur la bouche.
En tout cas, quand Libert l'a embrassée pour la première fois, les lèvres de Thérèse sont parties toutes seules à la rencontre des siennes. Sûrement, elles cherchaient d'elles-mêmes la place qui est la leur, comme le poussin se glisse, à peine éclos, sous l'aile de sa mère.
Et une fois arrivées à destination, qule étrange délice ! Cela ne ressemblait à rien de connu. Les lèvres, inutiles de le dire, étaient ravies, mais surtout, elles tenaient absolument à le faire savoir au reste du corps. De lointaines extrémités, qui jusqu'alors avaient mené une existence paisible et effacée, s'ébrouaient, se dressaient, réclamaient, un peu affolées, qu'on s'intéresse à elles. Et pour les rassurer, Thérèse ne trouvait d'autre ruse que de les confier aux mains vigoureuses de Libert.
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Vidéo de Armel Job
Interview d'Armel Job, principalement à propos de son roman "Une drôle de fille". Il répond également à quelques questions sur son processus d'écriture.
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