AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Commissaire Maigret - Romans et ... tome 41 sur 103
EAN : 9782070399581
192 pages
Gallimard (18/06/2009)
3.69/5   39 notes
Résumé :
Tombé en disgrâce sans trop savoir pourquoi, Maigret a été nommé en Vendée où il s'ennuie. Un jour pourtant, un douanier qu'il connaît lui envoie sa femme pour signaler la présence d'un cadavre dans la maison de leur voisin, un ancien juge en retraite. Maigret arrive dans un village de pêcheurs méfiants, obéissant à ses propres règles et faisant front devant l'étranger. Ce que Maigret va découvrir à force de patience dépasse le simple fait divers. Le juge ne nie pas... >Voir plus
Que lire après La maison du jugeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
3,69

sur 39 notes
5
4 avis
4
5 avis
3
1 avis
2
1 avis
1
0 avis
Maussade, Maigret regarde la pluie incessante qui arrose Luçon, cette petite ville de Vendée où il a été exilé, tombé en disgrâce.
Depuis trois mois, la routine bien monotone de ce petit commissariat l'assomme. Même son inspecteur lui tape sur les nerfs et l'écoeure avec l'odeur de brillantine qu'il laisse derrière lui.
Ce jour, une petite vieille, toute ratatinée mais bien décidée, le demande personnellement. Elle se présente et enchaîne tout naturellement sur la découverte d'un corps que son mari a entrevu chez leur voisin, un juge en retraite à l'Aiguillon, petit village côtier.
Un pommier à tailler, une échelle, le regard de son mari qui passe au-dessus du muret et un homme, plutôt un cadavre, couché sur le sol d'une chambre.
Maigret est sidéré par l'aplomb, la perspicacité, les déductions et les opinions bien arrêtées de cette petite vieille prénommée Didine qui n'a pas fini de l'étonner ! Fameuse Didine qui épie tout et tout le monde.
Une fois sur place, Maigret peut se familiariser avec les lieux, les habitants, et mener enfin une véritable enquête. Ce petit bourg vendéen est rythmé par les marées où les hommes, bien souvent boucholeurs, reviennent sur des barques plates chargées de moules.
La marée haute, lorsqu'elle est tardive, peut également être propice à se débarrasser d'un corps encombrant…

Un opus de Maigret absolument délectable. La situation complètement saugrenue lorsque Maigret arrive, alors que le juge ahane en traînant le corps vers la mer, apparaît tout à fait surréaliste et pourtant la scène est décrite avec un naturel sidérant qui fait tout de suite sourire et nous happe dès le premier chapitre. Et quand le commissaire se retrouve à siroter un armagnac dans l'atmosphère raffinée et chaleureuse de la maison du juge qui l'invite à entrer se réchauffer, on s'installe avec eux pour partager la douce béatitude du moment.
L'enquête ouvre sur le passé et le présent de la famille du juge qui cache quelques frasques amoureuses chez la mère et la fille. L'attrait de cette petite lecture est double. L'intrigue se marie parfaitement à l'ambiance. Maigret, bien qu'exilé du Quai des Orfèvres, y retrouve la chaleur d'un bon poêle, laisse derrière lui les effluves de sa pipe et s'enfile sandwichs et bières comme à son habitude.
Dans les rumeurs du petit port, entre mer et marais, j'ai même eu l'impression d'être retournée à l'Aiguillon où ont résidé toute leur vie mes chers grands-parents vendéens.
Un excellent Simenon !
Commenter  J’apprécie          257
L'eau. Toujours l'eau. Silencieuse ou clapotante, insidieuse ou de franche marée, s'amusant au soleil ou menaçant sous la tempête, mais éternelle. Quand on sait les rapports entre l'Eau et la figure de la Mère et que l'on connaît également les liens tumultueux qu'entretenait Simenon avec sa propre mère, doit-on chercher, dans un début d'analyse sauvage, à trouver là l'une des raisons - LA raison peut-être - qui fait que, parmi les aventures de Maigret, nous l'avons déjà dit, celles qui se passent en milieu marin ou fluvial comptent parmi les meilleures ?

"La Maison du Juge" en apporte une fois de plus une preuve sans appel. Tout commence à Luçon, où le commissaire s'est vu provisoirement exiler, pour des raisons que l'auteur ne fait que survoler, par une hiérarchie que ses méthodes et sa personnalité semblent avoir poussée à bout. (Il est vrai que, plus on avance dans "Maigret", plus on reste étonné de certaines de ses méthodes, et ceci en dépit de l'époque à laquelle sont censés se dérouler les récits. Imaginez un instant les Experts, de Manhattan ou de Miami, face auxdites méthodes : de quoi en faire perdre à jamais ses ineffables lunettes noires à David Caruso et tomber dans les pommes les membres des deux équipes sans grand espoir de les voir reprendre jamais connaissance. ) Luçon, où Maigret se trouve un jour - ou plutôt un beau soir - nez à nez avec une certaine Adine Hulot, dite Didine. Didine est la femme du douanier Hulot, entrevu, si j'ai bien compris, dans "Le Chien Jaune" et qui a pris sa retraite dans le petit port de L'Aiguillon, d'où sa femme est originaire. Didine est surtout une maîtresse-femme qui, froidement, comme ça, là, tout de go, déclare au commissaire qu'il doit la suivre parce que, si les calculs attentifs de la marée qu'elle a faits avec son époux sont exacts (et ils le sont ! ), ce sera ce soir, et pas un autre, que le juge Forlacroix se décidera à se débarrasser du cadavre que, depuis deux ou trois jours, il dissimule dans sa maison. Alors, il faut que Maigret se dépêche, hein ? parce que la marée, dame, ça n'attend pas.

Maigret en reste sans voix. le lecteur aussi. ;o)

Le plus beau, c'est que tout ce qu'a annoncé Didine va se réaliser, sous les yeux mêmes du commissaire. Mieux : une fois le juge pris sur le fait, Maigret sera contraint de l'aider à retransporter le cadavre, dont il voulait effectivement se débarrasser avec la marée dans la fruiterie, où il l'avait dissimulé jusque là.

Didine est l'une des créations les plus réussies de Simenon. Petite, maigrelette, toujours emmitouflée dans ses châles et arborant avec fierté sa coiffe vendéenne, le verbe ferme et tranchant, elle est "héneaurme" et elle n'arrête pas d'enfler au fil des pages. Il y a, en cette silhouette de sauterelle flétrie, quelque chose de l'implacable, du terrible sens de la déduction qui anime Sherlock Holmes. Avec cette différence que Didine n'a nul besoin de cocaïne, fût-ce à 5% de solution, pour déduire. Chez Didine, c'est naturel. Elle parvient si bien, tel quelque futur profiler du FBI, à se mettre dans la tête de l'assassin que, à un certain moment, Maigret en vient à la soupçonner. Pis : elle lui fait peur ! La scène est d'un comique savoureux et contribue à souligner l'ambiance singulière, inquiétante et parfois à la limite du rêve, qui fait de "La Maison du Juge" - en tous cas selon notre humble avis - un roman vraiment à part et l'un des meilleurs de la série.

Soyons honnête : dans son genre, le juge Forlacroix n'est pas mal non plus. Un homme digne, cultivé, raffiné, sensible et pourtant capable d'une grande et froide cruauté. Un homme dont on ne peut nier qu'il n'a pas eu de chance. Un homme qui n'aime qu'une seule personne au monde, sa fille, Lise. Malheureusement, elle est née différente. Plus précisément, elle a des troubles psychiques qui l'accablent de crises et, pendant ces crises, elle est à la merci de n'importe qui, homme ou femme ... Forlacroix a aussi un fils, Albert, grand, costaud, rebelle, qui a embrassé la profession de boucholeur pour ennuyer son père. Enfin, quand on dit son père ... En fait - et les examens auxquels Forlacroix a dû soumettre sa fille l'ont prouvé - Albert n'est pas le fils du juge. Ce que Mme Forlacroix, qui vit désormais sur la Côte d'Azur avec un riche octogénaire, avait craché à la tête de son époux, quand celui-ci l'avait surprise à Versailles, dans la chambre conjugale, en compagnie d'un chanteur de café-concert, était bien vrai.

Mais si Albert n'est pas le fils de Forlacroix, il n'en reste pas moins le frère de Lise, qu'il cherche lui aussi à protéger. Cependant, tant le père que le fils n'y peuvent rien. Nombreux sont les hommes qui, certaines nuits, grimpent au balcon de la jeune fille ... Que faire ?

Le roman repose sur la décision prise par le juge et contre laquelle Albert ne s'élève pas. Au contraire. Sans cette décision, jamais il n'y aurait eu d'assassinat - enfin, dans le présent. Mais une chose est vraie : si, jadis, le juge a bien tué l'amant de sa femme, il n'est pour rien dans la mort du Dr Janin, puisque telle était l'identité du mort de la fruiterie. le roman est aussi exceptionnel par la profondeur de l'analyse psychologique et par la puissance, parfois insoutenable d'authenticité, conférée à tous ses personnages par un Simenon au mieux de sa forme, qu'on sent lui aussi passionné par cette bien triste histoire. Alors, n'hésitez pas à visiter cette "Maison du Juge" : elle devrait vous subjuguer et vous ne l'oublierez pas de sitôt.

Didine non plus, d'ailleurs. Ou alors, Alzheimer vous guette, c'est sûr. ;o)
Commenter  J’apprécie          72
1939. Luçon. Vendée.

Maigret en disgrâce y est muté.

Simenon n'est guère explicite sur les raisons de l'exil forcé. Une nouvelle fois l'auteur joue avec les événements entre les tomes, les modèle à sa guise, les mentionne succinctement comme allant de soi et nous sert "le" Maigret qui l'arrange au gré des lieux qu'il va aborder et des faits qu'il envisage. Prévoyant, Simenon conserve l'appartement parisien Boulevard Richard-Lenoir: il peut encore servir.

L'exil est le moyen de poser le commissaire à L'Aiguillon sur Mer, petit port de pêche à 30 kms de Luçon, pays des boucholeurs*. Il aurait pu être vacancier estivant libéré un temps de ses obligations professionnelles (cas romanesque classique). Mais il faut à Simenon l'hiver, le gel et le froid qui engourdissent le village, le ramassent sur lui-même, regroupent les habitants. L'auteur obtient ainsi un huis-clos oppressant, une atmosphère sombre et tendue, des hommes et des femmes entiers, refermés sur leurs secrets, peu enclin aux confidences, cachottiers et au bord de la rupture sous la pression des évènements. Des acteurs extérieurs viendront au port le temps d'un interrogatoire souhaité par Maigret ou d'une péripétie ponctuelle nécessaire à l'intrigue. L'effet est centripètee, le suspens comme un noeud mouillé se resserre autour du petit port. Seule exception, un bref détour de Maigret à Versailles exporte un temps l'action sous d'autres cieux.

Adine Hulot, dite Didine, 63 ans, habitant depuis toujours L'Aiguillon, est venue voir Maigret au commissariat de Luçon. Il faut qu'il vienne à L'Aiguillon au plus vite, avant que le juge Forlacroix, cette nuit, ne livre à la marée haute le cadavre d'un homme. C'est le seul moyen qu'il a de se débarrasser d'un corps encombrant. Elle l'affirme: çà c'est passé et se passera comme elle le dit. Son mari a vu l'homme mort de chez eux, étendu sur le carrelage d'une pièce du rez-de-chaussée de la maison du juge. La marée haute est pour ce soir, c'est maintenant ou jamais.

Maigret estomaqué se précipite et prend le juge sur le fait, trainant son fardeau entre les bouchots.

Il se dit innocent, cet homme lui est inconnu, il l'a trouvé assassiné (un objet contondant) chez lui deux ou trois jours avant, au lendemain d'une petite fête entre amis.

La situation policière est posée, celle sociale et humaine des personnages va l'être, au plus serré des psychologies et des actes passés et présents qui en découlent.

Maigret prend une chambre à l'Hôtel du Port.

Scénario classique et presque immuable. Simenon immerge le commissaire une nouvelle fois au coeur des lieux, des choses et du quotidien, il va nous décrire habilement un microcosme social resserré autour de ses particularités géographiques et sociales.

Forlacroix. Juge de paix retraité. La soixantaine. le suspect idéal. Veuf ou séparé ? le mystère plane. Deux enfants.

Lise Forlacroix, fille du précédent, 23 ans. Jolie fille aux forts désordres psychiatriques, le plus souvent enfermée dans sa chambre. Certains profitent de sa fragilité pour en obtenir des faveurs.

Albert Forlacroix, son frère, boucholeur, 27 ans, en quasi rupture avec son père. Sombre, taciturne. Maigret le pressent vite, un sanguin toujours au bord de l'invective et de la violence.

Marcel Airaud, boucholeur, environ 25 ans. Il est l'amant de Lise alors qu'il a fait un enfant qu'il n'a pas reconnu, à Thérèse, une jeune fille de L'Aiguillon. C'est le beau gosse de service, celui qu'aime Thérèse et que Marcel ne voit plus. Il prend la fuite dès le crime découvert.

La victime, environ 35 ans. Ce n'est pas quelqu'un de L'Aiguillon. On l'a vu venir en autobus le jour de la fête dans la maison du juge, mais jamais repartir.

Adine Hulot, dite Didine, vieille femme de 64 ans (sic) habitante de L'Aiguillon. Ce personnage est inattendu et vaut à lui seul le détour. C'est la commère de village type, celle qui surveille ses concitoyens, voit tout et surtout déduit tout de tout. Détective inné, Sherlock Holmes en habits traditionnels, elle sait aligner les indices et aboutir par déductions logiques au plus près de la solution. Maigret va l'utiliser, bluffé par sa science, mais ne la remerciera pas pour son aide: chacun son rang, chacun sa place.

CE QUE J'EN PENSE: un bon Maigret, une nouvelle fois en observation réussie du fond des êtres, en exploration d'un particularisme géographique et social intéressant. L'atmosphère, pesante et lourde est au service d'une intrigue policière à deux niveaux: un crime en cachant un autre. le premier appartient au présent, l'autre au passé. Ce tome vaut le détour ne serait-ce que pour le personnage inattendu d'Adine.

*Un bouchot est un pieu en chêne ou en châtaignier planté dans le sable de zones côtières libérées à marée basse. On y élève des moules et autres coquillages.
Lien : https://laconvergenceparalle..
Commenter  J’apprécie          60
Ecrit en 1940
Maigret a été exilé à Luçon, en Vendée, pour une sombre histoire administrative, et trompe son ennui en jouant au billard. Lorsqu'il rentre au bureau, il reçoit la visite d'une petite vieille, Didine Hulot, qui lui apprend que son mari, un douanier à la retraite, a découvert la présence d'un cadavre dans la maison d'un voisin, un juge à la retraite. Maigret se rend sur place, dans le petit port de L'Aiguillon. le soir même, en surveillant la maison du juge, il voit celui-ci en train de traîner un cadavre jusqu'à la mer...
Ce roman comporte deux intrigues. L'une s'attache au meurtre actuel et l'autre explique le drame personnel du héros par des faits anciens ; la peinture de la personnalité du juge établit le lien entre ces deux éléments, mais n'empêche pas un certain déséquilibre dans la composition. Selon que le lecteur accorde plus d'attention à l'un ou à l'autre aspect, le héros du roman est, d'une part, Forlacroix, d'autre part, Airaud ou Albert.
En outre Simenon décrit assez bien le village et on a vraiment l'impression d'être en bord de mer, mais ça donne un rythme inattendu à cette enquête, Maigret fouine, se lance sur toutes les pistes, bref dans ce roman donne l'impression qu'il est plus actif que dans d'autres ce qui n'empêche pas que le suspense reste entier jusqu'aux dernières pages.
Un Maigret à lire, il est suffisamment bien écrit pour faire passer un bon moment de lecture.
Commenter  J’apprécie          80
Une enquête en Vendée, à Luçon où Maigret, pour cause de disgrâce sur fond de restructuration de services, a été éloigné un temps (il a toutefois gardé son appartement parisien). Une histoire étrange – un inconnu est retrouvé mort le crâne fracassé dans la maison d'un juge en retraite – va le changer de la routine. Dans un monde de boucholeurs et de marins, le commissaire va dénouer une bien sombre et triste histoire de famille avec pour origine une épouse volage et une jeune fille souffrant de graves troubles psychiques.

Je dirais que c'est un Maigret comme je les aime, avec cette atmosphère de province que Simenon excelle à décrire (tout comme Balzac), du foyer feutré et cossu du juge au monde dur et laborieux des gens de la mer. Toujours fidèle à sa « méthode », il s'imprègne de tous les milieux – « jusqu'à ce que l'âme des gens et des choses n'aient plus de secret pour lui » – que ce soit dans la bibliothèque du magistrat, vieil Armagnac en main, ou au bistrot du coin, devant une mouclade et un verre de blanc.

La maison du juge marquait en 1942, avec Les caves du Majestic et Cécile est morte, le retour de Maigret. C'est un roman à double intrigue, la seconde s'expliquant par des faits plus anciens et le juge Forlacroix étant le lien, particulièrement tragique : d'amours contrariées en amours impossibles, une malédiction pèse sur la famille du juge. Dans cette atmosphère (« un petit monde… des gens venus de partout… ») Maigret est à son aise, plus que son adjoint d'un temps. Mais il est vrai que le monde maritime des côtes vendéenne (Les vacances de Maigret, Maigret a peur) et charentaise (Maigret à l'école) lui réussit bien. Un des très grands Simenon.
Commenter  J’apprécie          51

Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
[...] ... - [Le juge] n'est pas veuf," laissa alors tomber [Didine].

Du coup, Maigret jaillit de son fauteuil d'osier, qui craqua.

- "Sa femme l'a quitté, mais il n'est pas veuf.

- Vous en êtes sûre ?

- Je suis sûre qu'il y a un mois encore il n'était pas veuf, étant donné que je l'ai vue de mes yeux, comme je vous vois ... Elle est descendue d'une auto et elle a sonné à sa porte ... Ils sont restés quelques instants debout dans le corridor et elle est repartie ..."

Il s'attendit presque à lui entendre citer le numéro de l'auto. Cela aurait été trop beau !

- "C'est bien de votre faute si vous n'avez pas su tout cela plus tôt. Au lieu de courir de gauche à droite sans venir me voir et sans adresser la parole à mon mari ... Je peux bien vous l'avouer, maintenant ... Il en était tout découragé ... N'est-ce pas, Justin ? ... Tu peux le dire au commissaire ... Il sait ce que c'est d'avoir son franc-parler et que ce sont ceux qui n'ont rien à se reprocher qui n'ont pas la langue dans leur poche ... Buvez votre verre, monsieur le commissaire ... Qu'est-ce que vous voudriez encore savoir ? ... Ce n'est pas que je sois au bout de mon rouleau ... Je pourrais vous en raconter comme ça jusqu'à demain ... Mais il faut que ça me revienne petit à petit ..."

C'était assez ! C'était même trop ! Il y avait chez cette petite vieille une subtilité diabolique.

- "C'est comme le docteur ... Je ne sais pas si cela vous intéresse mais c'est le meilleur ami du juge ... Vous avez vu sa femme ? ... Une grande brune, très maquillée, avec toujours des vêtements extravagants ... Elle a une fille d'un premier lit, comme on dit ... Vous la verrez ... Une personne qui ne paie pas de mine ... N'empêche que le docteur Brénéol en est fou et qu'il l'emmène sans cesse en auto sans sa femme ... Ils vont le plus loin possible ... Malgré cela, quelqu'un d'ici, dont je pourrais vous citer le nom, les a vus sortir d'un hôtel de La Rochelle ..."

Maigret était debout, harassé comme après une longue marche.

- "Je reviendrai certainement vous voir ... Merci ..."

Elle devait considérer que désormais ils étaient un peu complices, car elle lui tendit la main et elle fit signe à son mari d'agir de même.

- "N'ayez pas peur de venir ... Et surtout soyez sûr que je ne vous dis que la vérité ..." [...]
Commenter  J’apprécie          20
[...] ... - "Je vous écoute, madame ... Restez assise, je vous en prie ... Mais avant tout, une question : qui vous a dit mon nom ?

- Mon mari, monsieur le commissaire ... Justin Hulot ... Quand vous le verrez, vous vous souviendrez sûrement de lui, car il a un visage qu'on n'oublie pas ... Il était douanier à Concarneau, quand vous y étiez venu pour l'affaire ... Il a vu sur le journal que vous étiez nommé à Luçon ... Hier, quand il a constaté que le cadavre était toujours dans la chambre, il m'a dit comme ça ...

- Pardon ! De quel cadavre s'agit-il ?

- De celui qui est chez monsieur le juge ..."

Une qui ne se laisserait pas impressionner ! Maigret, à ce moment, l'observait avec un médiocre intérêt, sans se douter que la nommée Adine Hulot, soixante-quatre ans, qu'il avait devant lui, lui deviendrait beaucoup plus familière et que, comme les autres, il l'appellerait Didine.

- "Il faut d'abord que vous sachiez que mon mari a pris sa retraite et que nous sommes venus vivre dans mon pays, à L'Aiguillon ... J'ai là une petite maison, près du port, que j'ai héritée de mon défunt oncle ... Vous ne connaissez sans doute pas L'Aiguillon ?

"C'est bien ce que je pensais ... Dans ce cas, vous aurez de la peine à comprendre ... Mais à qui vouliez-vous que je m'adresse ? Pas au garde-champêtre, qui est soûl du matin au soir et qui ne peut pas nous sentir ... Le maire ne s'occupe que de ses moules ...

- De ses moules ?" répéta Maigret.

- "Il est boucholeur, comme mon défunt oncle, comme presque tout le monde à L'Aiguillon ... Il fait la culture des moules ..."

Cet idiot d'inspecteur Méjat crut devoir rire d'un air malin et Maigret laissa tomber sur lui un regard glacé.

- "Vous disiez donc, chère madame ..."

Elle n'avait pas besoin d'encouragement. Elle prenait son temps. Elle aussi avait souligné d'un coup d'oeil l'inconvenance du rire de Méjat.

- "Il n'y a pas de sot métier ...

- Bien sûr ! Continuez ...

- Le village de L'Aiguillon est assez loin du port, où nous ne sommes que quelques feux, une vingtaine ... La plus grande maison est celle du juge ...

- Un instant. De quel juge s'agit-il ?

- Forlacroix, qu'on l'appelle ... Dans le temps, il était juge de paix à Versailles ... A mon avis, il a eu des ennuis et je ne serais pas étonnée que le gouvernement l'ait obligé à donner sa démission ..."

Elle ne l'aimait pas, le juge ! Et ce n'était pas elle, la petite vieille toute menue et toute ridée, qui avait peur de donner son opinion sur les gens !

- "Parlez-moi donc du cadavre ... Est-ce celui du juge ?

- Eh ! non, par malheur ! ... Ce ne sont jamais ceux-là qu'on tue ! ..." [...]
Commenter  J’apprécie          00
La mer s’enflait. Les pinceaux des phares se rejoignaient dans le ciel. La lune venait de se lever et la maison du juge sortait de la nuit toute blanche, d’un blanc cru, livide, irréel.
Commenter  J’apprécie          70
Maigret n’aurait pas pu dire si elle était belle. Peut-être le visage était-il trop large, le front trop bas, le nez enfantin ? Mais le large ourlet des lèvres faisait penser à un fruit juteux et les yeux étaient immenses.
Commenter  J’apprécie          50
agréablement surpris par un véritable feu d’artifice de cris d’enfants. C’était là, sous ses fenêtres, dans le soleil, toute l’école qui prenait sa récréation. Comme des flaques d’eau avaient gelé, les enfants s’élançaient en glissades avec, chaque fois, un bruit mat de sabots. Il y avait des écharpes rouges, des bleues, des vertes, des cabans, des châles.
Commenter  J’apprécie          20

Videos de Georges Simenon (133) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Georges Simenon
Retrouvez les derniers épisodes de la cinquième saison de la P'tite Librairie sur la plateforme france.tv : https://www.france.tv/france-5/la-p-tite-librairie/
N'oubliez pas de vous abonner et d'activer les notifications pour ne rater aucune des vidéos de la P'tite Librairie.
Quel grand écrivain est l'auteur de près de 200 romans, l'inventeur de 8 000 personnages, et surtout, par quel livre pénétrer dans ce palais colossal ?
« La neige était sale », de Georges Simenon, c'est à lire au Livre de poche.
autres livres classés : romans policiers et polarsVoir plus
Les plus populaires : Polar et thriller Voir plus


Lecteurs (91) Voir plus



Quiz Voir plus

Le commissaire Maigret

Quel est le prénom du commissaire Maigret ?

Hercule
Édouard
Jules
Nestor

12 questions
278 lecteurs ont répondu
Thème : Georges SimenonCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..