Ava, la femme qui aimait les hommes

La plus mauvaise bio que j'ai pu lire jusqu'à présent (et probablement mon plus mauvais livre de l'année). Clairement on est à 100 000 lieues d'une biographie très documentée, fouillée, précise, fidèle (Duras par Laure Adler, Prévert par Yves Courrière ou même façon romancée intelligemment Belle Greene par Alexandra Lapierre par exemple).
Probablement l'auteur a fait là oeuvre de commande et elle l'a fait sans intérêt pour Ava, sans connaissance, sans beaucoup de recherche, sans talent, sans honneteté intellectuelle, sans respect pour le lecteur.

Si ce n'était Ava Gardner le livre me serait tombé des mains dès les 1ères pages...on sent l'arnaque venir.

Parmi cette inconsistance émerge ce qui doit être une idée personnelle ...On lit ainsi que la villa de Franck et Nancy Sinatra avait été nommée The Twin Palms car bâtie autour de deux palmiers et en référence aux Twins Towers new-yorkaise (Nancy et Franck se sont séparés en 1951 et les Twin Towers inaugurées en 1973....).

Les propos rapportés ne sont pas rattachés à un utile * en bas de page et ainsi l'auteur rapporte, comme si elle avait interviewé le témoin, des propos sans s'apercevoir que l'élégant septuagénaire qu'elle cite (p 252) ne pourrait guère avoir connu Ava Gardner dans les années 50 et en parler aujourd'hui sauf ne plus être septuagénaire...

Compensant sa légereté par quelques clashs mal appropriés Elizabeth Gouslan taxe Tennessee Williams de "tarlouze lettrée" (c'est d'une rare finesse). On y apprend aussi que Marylin Monroe était une "baby doll" ou une allumeuse caricaturale bêlant ses poupoupidou ! On y lit également que Garbo a abandonné le cinéma pour ne pas voir ses rides à l'écran (que c'est simpliste...). Elle qualifie les, certes, vieilles gloires d'Hollywood engagées dans les films catastrophes des années 70 de "VIP arthritiques" (on salue la belle élégance de ces mots).
Je passe bien sûr les cafouillages de chronologie (on voit par exemple la fidèle gouvernante quitter le service d'Ava et lui faire ses bagages plus tard). Et sur le vocabulaire peut-être mal maitrisé ? (Ava a 5 kilos de trop et a la silhouette élancée, les vedettes arrivant sur le rivage comme des divinités du Nil flasques et ondoyantes (divinité et flasque ?).

Comment peut-on commettre un tel ouvrage ???

Généralement peu attirée par les biographies, j'ai "dévoré" ce récit au présent, extrêmement documenté, phrases courtes et rythme syncopé, et découvert le personnage envoûtant et charismatique d'"Ava, la Femme qui aimait les Hommes". Après "Jean-Paul Gaultier, punk sentimental", Elizabeth Gouslan écrit ici sa deuxième biographie.
Elle retrace le parcours de cette "sudiste", fille de planteur de tabac en Caroline du Nord, qui à dix-sept ans part "tenter sa chance sur la côte Ouest".
Elizabet Gouslan établit un parallèle entre les deux existences de celle qui devient une star à l'écran et dans "la vraie vie", les rôles qu'elle incarne se faisant souvent, et de façon troublante, l'écho de sa vie privée. Ses rencontres évoluent en histoires d'amour passionnelles et dévastatrices, et avec habileté la biographe montre comment la filmographie d'Ava Gardner reflète les drames de son existence, jalonnant le parcours de cette "bad girl" "libre et insolente", "plus solitaire et plus belle que toutes".
Ce document, superbe hommage à la star, m'a donné envie de découvrir les films de cette "étoile" "incendiaire, allumeuse, tueuse", pour la découvrir "onstage" à la lumière de ce que je sais désormais de sa vie "backstage".

N'étant pas la plus grande fan des biographies, ni d'Ava Gardner, je n'étais pas sûre d'accrocher….
Et puis je bloquais sur le titre « La femme qui aimait les hommes » que je trouvais bateau…
Mais je me suis lancée et ai découvert que ce livre n'est pas qu'une simple bio d'Ava Gardner, qui nous en apprend beaucoup sur ses amours ainsi que sur le « vrai » Sinatra et leur passion chaotique.
Mais pas seulement !!!
C'est également une bio très documentée qui nous offre une intéressante traversée de l'histoire de l'industrie cinématographique, la naissance du mythe MGM, l'arrivée d'autres icônes telles que Marylin, ce à quoi se mêle l'Histoire des Etats Unis dans les années 40 (chasse aux communistes/seconde guerre mondiale/assassinat de Kennedy…).
Cependant il y a de vraies longueurs, et les descriptions des films/parallèles avec la vie personnelle d'Ava Gardner, m'ont été pénibles.

Une biographie comme un roman qui trace aussi un portrait caustique de l'industrie du cinéma américain des années 1940 à 1960 et la tyrannie toujours plus grandissante des studios d'Hollywood envers ses stars. Pas étonnant que toute cette mascarade soit tombée dès les années 1970 pour laisser émerger un cinéma indépendant et des acteurs et actrices plus libres de choisir leurs rôles.