Jean-louis Trintignant s'en est allé hier matin, comme l'a annoncé
Nadine Trintignant. Cet amoureux des mots aurait pu être écrivain, il parlait comme dans un livre de sa voix à la fois pudique et sensuelle, et donc a toute sa place ici. J'ai trouvé que dans sa dernière année il ressemblait à
Michel Houellebecq au look de poête maudit, les joues creusées, la bouche fripée, défaite, le regard qui vous scrute, vous dévisageant même, le cheveu hirsute ; oui il parlait aussi bien que
Michel Houellebecq, avec une richesse de vocabulaire et de références littéraires, poétiques, peut-être plus concentré sur lui-même, plus âgé aussi, que seules une ou deux choses rattachaient à la vie, alors que
Houellebecq s'ouvre sur sa lucidité et son sens visionnaire ..On dirait de tous deux qu'il leur a fallu atteindre un âge certain pour vaincre leur timidité et parler avec des effets inattendus dans le sens qu'on ne parle plus comme ça -si tant est qu'on ait parlé comme ça un jour-, soucieux de dire l'absolue vérité, sans fard, pour l'un vis-à-vis du monde, pour l'autre vis-à-vis de soi, les choses pouvant se renverser..
Quand il est arrivé à
Jean-louis son drame, la mort épouvantable de Marie sa fille à Vilnius, on dit beaucoup, il le dit aussi que la vie s'est arrêtée là pour lui. Il n'a pas eu envie d'aller là-bas assister au procès de Cantat, pour quoi y faire puisque le mal était fait : il a suffisamment démontré ensuite de son silence glaçant et solitaire ce que représentait pour lui sa fille qu'il aimait tant, cette complicité qu'on lui a enlevée..
Je ne vois guère que l'inspiré et l'éloquent
Frédéric Mitterrand pour raconter la vie de cet homme si attachant, bien mieux que je ne saurais le faire ..