Tout Simenon, tome 19

QUARTIER NEGRE

- Je ne vois que des nègres, avait murmuré Germaine, alors que le navire manœuvrait encore et que, du haut du pont-promenade, elle voyait se rapprocher lentement un quai où attendaient deux rangs de dockers noirs.
Et son mari avait murmuré sans conviction :
- Evidemment !
Pourquoi évidemment, puisqu'ils étaient à l'entrée du canal de Panama, c'est à dire en Amérique centrale ? N'auraient-ils pas dû apercevoir des indiens ?
Il y avait deux heures de cela et ils avaient eu d'autres occasions d'étonnement. Ils étaient vêtus de toile blanche, tous les deux coiffés de casque colonial. Dupuche qui parlait l'anglais mieux que sa femme avait discuté avec un nègre qui, en échange de ses bagages, lui avait remis un bout de carton avec un numéro en grommelant :
- Washington Hotel ?
- Yes ! avait-il répliqué, stupéfait, car c'était là qu'il comptait descendre.
Ceux des passagers du Ville de Verdun qui continuaient le voyage jusqu'à Tahiti descendaient à terre en se bousculant, car le bateau n'escalait que trois heures avant de pénétrer dans le canal. On apostrophait les Dupuche.
- Vous restez longtemps à Cristobal ?
- Notre bateau arrive dans deux jours...
-Bonne chance !...

Elle portait une robe en tricot noir qui soulignait tout ce que sa silhouette avait d'inachevé. (p. 34)

Il vivait en lui-même. Il se suffisait et, quand il tendait une main si molle, c'est parce qu'il dédaignait d'entrer dans la vie de tout le monde. (p. 468)

La chambre était rayée de clair et de sombre, car les lattes des persiennes découpaient en tranches le soleil couchant. (P. 458)

Il regardait sa femme, il entendait sa voix et il ne voyait aucune raison de vivre avec elle plutôt qu'avec une autre. (p 521)