J'ai lu ce roman de
Georges Simenon pour la première fois en juin 1974, il y a presque un demi-siècle. C'est un article de Raphaël Duboisdenghien dans la revue "Traces" des Presses universitaires de Liège en date du 21 mai dernier qui m'a incité à le relire.
Il y est question de "l'épreuve de la honte" dans l'oeuvre de
Simenon, un mot récurrent dans "
Tante Jeanne" paru initialement en 1951.
C'est par un temps de canicule que Jeanne Lauer, née Martineau, 57 ans, rentre à son lieu de naissance et d'adolescence près de Poitiers, au bout de 36 ans d'absence passés en Amérique latine, le Caire et Istanbul.
Elle est veuve depuis 15 ans et "fatiguée à mourir". Jeanne a, par ailleurs honte de son retour et s'installe à l'Hôtel de l'Anneau d'Or.
Le lendemain matin, elle se rend à sa maison natale et y découvre que son frère Robert, négociant en vins en gros, vient de se pendre au grenier, laissant un message d'un seul mot : "Pardon".
Dans le branle-bas qui suit, sa belle-soeur Louise l'accuse d'être responsable de la mort de son mari et de spéculer sur son héritage.
Ne vous attendez pas à l'apparition de Jules
Maigret ou d'un autre commissaire, "
Tante Jeanne" n'est nullement une histoire policière, mais une étude impitoyable de moeurs.
La "grosse femme à visage lunaire", qu'est devenue Jeanne, y fera figure de catalyseur d'une famille en pleine déchéance.
En dépit de sa grande fatigue et d'une crise aiguë d'hydropisie qui l'immobilise physiquement, Jeanne réussit en effet à mettre de l'ordre dans la maison, dans les esprits et les âmes des membres de cette famille en débandade, dont elle vient à peine de faire la connaissance.
Comme soulevé dans l'article précité : "Tous les personnages de premier plan sont honteux. Pour des raisons différentes. Et la plupart font honte à d'autres. Sauf
tante Jeanne qui rompt la chaîne de la honte. Et ce faisant, échappe elle-même au sentiment qui la poignait."
Je suis content d'avoir relu ce relativement court roman de
Georges Simenon, qui par son approche psychologique et son énorme talent de conteur, confirme l'immense succès qu'a connu et connaît toujours son oeuvre riche et variée.