Vices privés de
Philip Hensher confirme s'il en est besoin que la satire sociale, puisant sa force romanesque dans l'observation de la vie ordinaire, est un domaine où les auteurs Britanniques contemporains excellent.
Loin des péripéties en embuscade, des personnages grandiloquents, de la littérature emphatique,
Philip Hensher imagine avec une lucidité intuitive la vie à Hanmouth, petite bourgade du Devon comme il y en a tant d'autres.
On pourrait présenter cette station balnéaire comme paisible, animée par un quotidien sans aspérités jusqu'au jour où une fillette des quartiers périphériques disparaît. La trame littéraire la plus évidente se concentrerait sur la progression de l'enquête, les agissements du kidnappeur ou encore sur la relation entre ce dernier et la fillette. Mais
Philip Hensher a décidé de porter un regard oblique sur ce drame, préférant s'infiltrer dans les foyers d'une poignée d'habitants bien plus inquiets pour la tranquillité de leur ville que pour le sort de la petite fille issue d'un quartier défavorisé. Surtout depuis que la ville est sous l'oeil scrutateur et le clignotant rouge des caméras de vidéosurveillance.
S'attachant à composer un roman sur la matière humaine, l'auteur exhume dés lors les fêlures intimes et les secrets jalousement gardés, expose les replis obscurs des consciences sans qu'il lui soit nécessaire de sonder la profondeur psychologique des personnages car pour l'auteur il s'agit d'inscrire la fiction dans un ancrage résolument réaliste. L'entreprise de Hensher est vraisemblablement d'entretenir une proximité évidente avec la vie afin d'évoquer de manière efficace les travers de nos sociétés modernes. Pour autant, l'auteur n'a pas renoncé à une certaine maîtrise des ressorts psychiques de ses personnages comme pourrait l'y inviter le réalisme pur.
Avec cette galerie de personnages ordinaires, Hensher s'intéresse à ceux qui portent en eux le reflet d'une époque, et chemin faisant, laisse résonner une réflexion sur nos conservatismes et nos peurs qui s'enrichissent mutuellement, la tentation de la facilité et la tyrannie de l'émotion auxquelles on s'abandonne, quitte à égratigner nos chères libertés.
Roman divertissant dans lequel
Philip Hensher édifie des réponses claires et une critique sociale très concrète là où d'autres embarqueraient le lecteur dans une réflexion profondément méditative. Comme un marqueur génétique, il obéit aux canons de la distance et l'ironie de la littérature anglaise.