Mongo Beti, à cause de ses idées dans « Main basse sur le Cameroun, » fut obligé de s'exiler en France, où il a subi la censure. Il continuera à écrire, sur la mort de Ruben Um Nyobé, en particulier, sera professeur agrégé de lettres latin/ grec à Rouen, et finalement rentrera dans son pays en 1991.
« Dans une société taillée à coups de serpe par la violence et au bénéfice de la mafia en place et surtout de ses parrains lointains, survie et probité étaient inconciliables. », dit-il dans «
Trop de soleil tue l'amour ».
L'histoire, pour aller vite, est un enchainement de malheurs qui adviennent à Zam : vol de ses CD de jazz, découverte d'un mort dans son appartement, explosion d'un autre appartement, morts diverses, dont personne, au final, ne se soucie, la police ayant pour mot d'ordre absolu de ne pas faire d'enquête, le tout arrosé de whisky de contrebande, puis disparition de son amie,..
Qu'a fait le journaliste Zam pour mériter ça ? Il a dénoncé « les spoliations foncières subies par des communautés villageoises au bénéfice de grands du régime ou de firmes étrangères d'exploitation forestière que le gouvernement protégeait moyennant rétribution ».
Cependant, même avec la pensée de
Mongo Beti en arrière plan, et de constantes références aux meurtres de Felix Moumié, de Lumumba, de Sankara , à la corruption généralisée, à cette Françafrique que nous connaissons, «
Trop de soleil tue l'amour » n'est pas qu'une dénonciation. Ce serait plus un roman- feuilleton où rebondissements, péripéties de Zam, personnages hauts en couleur,( il faut imaginer les vieux édentés qui ont quatre femmes, plein d'enfants, et dont les filles n'ont qu'un recours : se prostituer, pour survivre), hypothèses farfelues, autodérision , la faim comme arme politique, votez pour moi, je vous donne un gigot, s'enchainent sur fond de brûlot politique « en passant »,
(Rebondissements, et aussi quelques longueurs, selon moi ).
Il a aussi pour objet une cocasse utilisation des expressions françaises utilisées à bon escient : « pédaler dans le couscous, coup de pied dans la fourmilière, mettre le feu aux poudres, prendre les choses en main, si l'on peut dire, entamer le parcours du combattant de la procédure légale, crever la gueule ouverte, ainsi que du parler local lié bien sûr au monde des villageois ;
Parmi les protagonistes, Eddie, mi avocat, mi voyou, a connu un « très beaucoup »traumatisme terrible, nous dit avec ironie
Mongo Beti : rapatrié par charter , de par les lois
Pasqua. Il envisage d'écrire un livre : « y a-t-il une vie après le charter ? » et essaie de soudoyer un policier en l'invitant dans un circuit ( gargote tenue par des veuves ).
Et puis, le toubab, qui vient « de traverser les mers » pour arriver en ce pays (que
Mongo Beti par prudence, ne nomme pas Cameroun)le blanc qui essaie de s'intégrer : c'est sûrement un barbouze, il est chauve, un gros ventre qui ressort de sa chemise à fleurs, et il veut tout savoir sur ce qui se passe.
Pour apprécier tout le sel de ce « parler français et africain » ( sic!!)), quelques exemples savoureux :
Et vous, les Français, vous voulez faire la recolonisation maintenant ?
Tu es même comment ? … Qui t'a même appelé ? Qui t'a même demandé quoi ? Qui t'as demandé ta bouche même ?
Ekyié, on fait quoi comment, même ?
Mouf !( fous le camp)
Conclusion réaliste du livre : plutôt que des élections douteuses, qui risquent de poser des problèmes car » il ne faut pas oublier
Amnesty International, le Fonds monétaire international, la Banque mondiale son acolyte, et puis le Parti socialiste français, le parti travailliste britannique, les Verts du monde entier, les journaux étrangers »…. mieux vaut ajourner les élections et déclarer le président élu à vie.
C'est plus sain, plus démocratique.