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Eugène Badoux (Traducteur)
EAN : 9782714493866
171 pages
Belfond (02/09/2021)
3.89/5   40 notes
Résumé :
Réédition Belfond - 02/09/2021

La vie d’un quartier de Brême, celui du port, entre le crépuscule et la nuit.
Un faisceau d’existences parallèles ou enlacées, entre lesquelles, douceâtre, étouffante comme la mort, la nuit monte par bouffées : des gamins observent rats et cygnes sur une berge ; deux compères, Antoine et Oscar, rejoignent l’Adélaïde pour une croisière direction Rotterdam ; Madame Jacobi prend quotidiennement des nouvelles de Monsi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Au bord de la nuit, dans la ville de Brême, l'auteur campe ses personnages là où son regard semble se poser, comme par hasard. Il attrape au détour d'une rue, sous une pergola, derrière les fenêtres allumées, des scènes, des conversations, des bribes de vie à la tombée du jour. Comme un cameraman, avec pour fond d'écran le port, les bateaux, la pourriture de l'eau, les façades d'immeubles où la vie a ses habitudes, ses solitudes, la fraîcheur d'une fin d'été et le bruissement du vent, un banc dans un parc, les rats qui furètent et rongent dans les fossés gorgés d'eau.

Il entrelace les histoires brièvement aperçues en leur faisant suivre le cours d'une mélodie. Les notes d'une flûte s'échappent par une fenêtre entrouverte, la lune dore les nuages, les réverbères s'allument, un spectacle de catch attire les passants. Un bateau est prêt pour de départ, un voilier entre au port. le train comme une chenille de lumière traverse ce temps d'un soir. Une petite fille fait un cauchemar, où les rats attaquent les cygnes, les dévorent cruellement…

Le temps s'écoule à travers cette tristesse révélée par les ombres esquissées. Une écriture pointilleuse, un travail d'artiste. On a l'impression de survoler de là-haut les nombreux personnages, de zoomer par instants, de tendre l'oreille, de donner un coup de projecteur, puis de prendre du recul pour voir ce qui se passe ailleurs. Changer de lieu puis revenir et comprendre que chaque instant est lié, que chaque personnage, sans vraiment se connaître, tisse une toile commune.

En 1933 ce roman fut saisi, retiré des librairies et des bibliothèques. Friedo Lampe eut sa fiche SUSPECT. Il montrait sans doute trop les faiblesses et les tares des hommes, leur simplicité, leur fragilité, leurs peurs. Et cela en fait d'autant plus un roman à lire.
Un roman extraordinaire, tellement innovant dans son découpage, dans sa présentation des personnages qui surgissent comme de nulle part et se laissent découvrir à l'improviste. Il offre des moments de beauté ténébreuse qui s'enroulent au crépuscule puis s'enfoncent dans la nuit.
Il dessine bien les tourments de ses années, comme une ombre qui rampe, à l'image de ces rats rongeant les cygnes majestueux. C'est une ambiance plus qu'une histoire, qui flotte encore une fois le livre fermé, comme si cette nuit ne s'achevait pas tout à fait.

Un auteur découvert dans les pages du roman Dora Bruder.
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Publié dans la collection vintage chez Belfond Au bord de la nuit est un roman de Friedo Lampe paru en novembre 1933 et saisi en décembre 1933 pour "outrage à l'honneur du peuple allemand". Ecrit par un auteur même pas inscrit au parti !! Friedo Lampe fut fiché SUSPECT et plongé dans la nuit de l'oubli..
Mon enfant, à sa naissance rouge et fort,
Après quatre semaines était mort
.Il aimait l'air tiède, libre et weich
Et ne pouvait respirer au Troisième Reich.
Mais nous voulons avoir patience et espérer ;
Peut-être le verrons-nous un jour ressusciter.
Le saisi..
écrit il dans la marge d'un exemplaire.

Brême, le canal, le parc, la voix de chemin de fer, quelques immeubles, la rue du Port, un bateau, une douce soirée de septembre. Des enfants, un vieillard, un jeune homme, deux étudiants en partance pour Amsterdam, une salle de spectacle , un match de catch, un jardin, un air de flûte. et des rats sur la berge ...
Atmosphère étrange, récit puzzle où les pièces finissent par s'emboiter et hypnotiser le lecteur.
A découvrir
UN grand merci aux éditions Belfond pour ce partage via Netgalley
#FriedoLampe #NetGalleyFrance !
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Brême, années 30, en fin de journée, comme une suite de tableaux où les personnages peuvent aller de l'un à l'autre, Friedo Lampe raconte ce qu'il voit en éclairant tour à tour les scènes décrites, sans qu'il y ait une histoire commune.

Les personnages se côtoient, se mêlent, parfois, les faits se superposent, parfois, dans ce quartier populaire près du port. La solitude et la mort frôlent l'amour et le désir, caressent l'envie et la haine, chaque personnage est un héros mis en avant par la poursuite dont Lampe a endossé le rôle !

Nulle mention de politique mais le livre a été confisqué en 1933 parce qu'il abordait des thèmes honnis par l'idéologie nazie !

J'ai aimé cette manière d'écrire, façon BD sans dessin ou théâtre à plusieurs tableaux sur une scène pivotante. On picore ou prend tout, en tout cas on ne peut rester indifférent à toutes ces vies croisées.

#FriedoLampe #NetGalleyFrance #rentreelitteraire2021

Challenge RIQUIQUI 2021
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Un coup de coeur, une pépite ! Ma première impression au bout de quelques pages étaient d'être dans un film tourné en un long travelling qui passe d'un ou deux enfants dans un parc au vieux monsieur assis sur un banc puis qui suit un passant… selon ce qu'a happé la caméra à l'improviste. Au bout de quelques pages à cette impression visuelle s'est ajoutée la musique de la flûte de M Berg à sa fenêtre, dont on suit aussi les auditeurs occasionnels. Et nous flottons dans l'air avec la musique, passant ainsi des uns aux autres, le temps d'une soirée de fin d'été. Après avoir lu la postface j'ai compris que mon impression était bonne, Friedo Lampe, pendant qu'il écrivait, décrivait son livre comme « de petites scènes, défilant comme dans un film, entrelaçant des vies ». Il y a semble-t-il (d'après la postface) 38 personnages (et deux chiens) mais à aucun moment cela ne pose problème, même si on n'a pas mémorisé les prénoms, chaque personnage est suffisamment caractérisé et reconnaissable. S'il y a une multiplicité de petites actions, des bribes de vie saisies au vol, il y a une unité de temps très réduite, quelques heures d'une soirée, et une certaine unité de lieu, quelques rues d'un quartier de Brême, près du port. L'atmosphère de cette soirée et des lieux est remarquablement rendue, d'une poésie incroyable, qui contraste avec les scènes saisies parfois assez crues ou en tout cas terre à terre. Et toutes ces vies sont liées, par ce moment, par ce lieu, par les sons entendus, même si ces gens ne se connaissent guère. Je crois bien n'avoir jamais lu un texte aussi fluide. Quelques thèmes sont plus présents : la mort (un homme meurt dans son lit, beaucoup de personnages sont veufs), et le temps aussi.
« Le jour était passé, la nuit était venue, une nuit quelconque, une des innombrables, et qui jamais ne reviendrait semblable. Car le dessin qu'elle composait présentement avec la vie ne se reproduirait jamais ; et qui ne la vivait pas, rêvant ou éveillé, qui la laissait échapper, l'avait perdue pour toujours, et sa vie se trouvait d'un peu, d'un rien, appauvrie. »
Difficile de trouver plus beau texte pour inciter à vivre pleinement le moment présent !
En décembre 1933, après l'interdiction du roman, Friedo Lampe a écrit sur un exemplaire :
"Mon enfant, à sa naissance rouge et fort,
Après quatre semaines était mort.
Il aimait l'air tiède, libre et weich [tendre]
Et ne pouvait respirer au Troisième Reich.
Mais nous voulons avoir patience et espérer.
Peut-être le verrons-nous un jour ressusciter.
Le saisi"
Je souhaite de tout coeur que cette réédition récente permette enfin à Au bord de la nuit de rencontrer des lecteurs.
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En ouvrant ce livre, on fait un grand pas en arrière. Cela se passe dans les années 30, juste avant la montée du Nazisme. C'est l'automne, dans un quartier du port de Brême.

Friedo LAMPE, par petites saynètes courtes, raconte la vie de quelques personnages qui se côtoient, se perdent et se retrouvent, qui ont plus ou moins, un lien entre eux. On peut passer de l'un à l'autre sans que le lecteur soit perdu.

C'est comme les poupées russes, on ouvre une boîte et une autre boîte plus petite apparaît et ainsi de suite…

Une écriture surannée, délicieuse, une atmosphère chaude et parfois lourde, qui laisse entre-apercevoir le futur qui se prépare et la violence de ce futur. Une certaine nostalgie, et une grande sensibilité, accompagnée de musique traverse ce livre.

Un moment hors du temps et qui hante le lecteur après avoir refermé le livre.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Oui, le temps passait, pour l'un trop lentement et pour l'autre trop vite. Et pourtant il ne passait ni vite ni lentement, mais d'un pas régulier, inexorable, incessant; il était rigoureux et inéluctable comme le chant de la flûte de monsieur Berg, qui planait sur les jardins, montait, descendait, sans trêve, rythmé par une loi d'airain. Et ce passage, cet écoulement, n'était ni joyeux ni triste, mais simplement était — impénétrable. Le temps se mouvait en toute chose, mouvait tous et tout, et tous se mouvaient en lui; sa coulée traversait les eaux, les arbres, le vent, le sang et le battement des cœurs; surgi de l'obscur, il poussait et entraînait tout, et replongeait à l'obscur — sans commencement et sans fin. Le jour était passé, la nuit était venue, une nuit quelconque, une des innombrables, et qui jamais ne reviendrait semblable.

p.52
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Oui, le temps passait, pour l’un trop lentement et pour l’autre trop vite. Et pourtant il ne passait ni vite ni lentement, mais d’un pas régulier, inexorable, incessant ; il était rigoureux et inéluctable comme le chant de la flûte de M. Berg, qui planait sur les jardins, montait, descendait, sans trêve, rythmé par une loi d’airain. Et ce passage, cet écoulement, n’était ni joyeux ni triste, mais simplement était – impénétrable. Le temps se mouvait en toute chose, mouvait tous et tout, et tous se mouvaient en lui ; sa coulée traversait les eaux, les arbres, le vent, le sang et le battement des cœurs ; surgi de l’obscur, il poussait et entraînait tout, et replongeait à l’obscur – sans commencement et sans fin. Le jour était passé, la nuit était venue, une nuit quelconque, une des innombrables, et qui jamais ne reviendrait semblable.
page 38
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Oui, le temps passait, pour l’un trop lentement et pour l’autre trop vite. Et pourtant il ne passait ni vite ni lentement, mais d’un pas régulier, inexorable, incessant; il était rigoureux et inéluctable comme le chant de la flûte de M. Berg, qui planait sur les jardins, montait, descendait, sans trêve, rythmé par une loi d’airain. Et ce passage, cet écoulement, n’était ni joyeux ni triste, mais simplement était – impénétrable. Le temps se mouvait en toute chose, mouvait tous et tout, et tous se mouvaient en lui; sa coulée traversait les eaux, les arbres, le vent, le sang et le battement des cœurs; surgi de l’obscur, il poussait et entraînait tout, et replongeait à l’obscur – sans commencement et sans fin.
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Présentation de l'auteur, p. 14

Il faut aimer la vie, plus que le sens de la vie, cette parole de Dostoïevski, où s'entend comme une supplication, eût pu monter du fond de son être. S'il abhorrait idéologies et passions politiques, c'est qu'elles niaient ce pour quoi il vivait, déshumanisaient l'homme, sacrifiaient la vie à une idée. Vingt ans avant Camus, il en sentait la tragique absurdité.
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M. Berg n’arrêta pas de flûter, il joua toute la soirée. C’était un rite quotidien, et aujourd’hui ne ferait pas exception. Pures et toujours renaissantes, les notes s’envolaient à intervalles réguliers, planaient, tels de frais éclats d’argent, au-dessus des jardins, se mêlaient à l’air du soir et se fondaient en lui. Mais qui les entendait ? qui les accueillait en son âme ? qui était capable de saisir ce message rigoureux, cette plainte lucide ? Le mourant ne les percevait pas, ne pouvait plus les percevoir; le sommeil où il avait sombré était déjà trop profond. Sinon, peut-être eût-il été celui qui eût le mieux saisi cette musique – elle échappait aux autres plus totalement encore.
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