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EAN : 9782266131049
512 pages
Pocket (10/02/2003)
3.93/5   72 notes
Résumé :
Comment se tenait-on à table au Moyen Âge ? Comment se mouchait-on à la Renaissance ? De quelle époque datent les pudeurs associées au comportement sexuel ? Norbert Elias analyse les mœurs de la civilisation occidentale et étudie leur transformation de la fin du Moyen Âge à l'époque contemporaine. Des exemples amusants et inattendus, des textes peu connus et pleins de surprises émaillent ce livre savoureux. D'une chanson coquine à un manuel de savoir-vivre, d'une ti... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Culture et civilisation s'opposent mais les deux termes synthétisent la réaction de la bourgeoisie respectivement en Allemagne et en France.

La bourgeoisie en Allemagne a évolué isolée de l'esprit de cour, du pouvoir politique. Les bourgeois vivaient même isolés les uns des autres dans des villes distantes où le livre seul jouait le rôle de support à la communication. Humble et méfiante envers les civilités trompeuses de la cour, la bourgeoisie allemande a favorisé la vertu et l'hônneteté à l'art de la conversation. le mot de « culture » incarne cet esprit tourné vers soi dans l'amélioration de ses connaissances éloigné des palabres froides et subversives des centres politiques. La culture est profonde et engage l'individu tout entier dans son affirmation de vérité tandis que la civilisation est superficielle et ne vise qu'à briller en société, à tromper son prochain.

À l'inverse, la centralisation à Paris du pouvoir et de l'aristocratie a favorisé l'émergence d'une bourgeoisie puissante et contestataire par les salons et les rencontres où s'échangeaient et s'élaboraient les idées. La bourgeoisie s'est opposée à l'iniquité du pouvoir et des lois au travers de l'idée d'un processus continu favorisant la justice et la liberté qui, plus que la politesse et la civilité de l'aristocratie a trouvé son sens dans le mot de « civilisation ». Puis le processus, une fois la bourgeoisie installée et l'aristocratie démolie par la Révolution, a été oublié en faveur d'un mode d'existence perçu comme un achèvement de ce processus, un esprit national que l'on entend diffuser aux autres en vue de les y élever, de les « civiliser ».

Les deux mots ont été adoptés au même moment, au cours et à la fon du XVIIIe siècle : en Allemagne, la cour francophone de Frédéric II de Prusse méprise la langue allemande jugée grossière et épaisse tandis que la langue de Goethe, de Kant et de Lessing produit ses premières oeuvres germanophones majeures où se lit le dégoût de l'esprit de cour et la promotion de la vertu individuelle du bourgeois ; en France, le mot civilisation, intégré au vocabulaire de la politique napoléonienne, est peu employé avant la Révolution mais annoncé par la promotion de la civilité et des bonnes moeurs chez Mirabeau qui l'emploie sous sa forme adjectivée de « civilisé » timidement encore comme synonyme de « policé », « poli » et « civil » et par le sens d'un processus social vers l'amélioration du bien-être dans les principes économiques des physiocrates et de Quesnay.

Culture ou civilisation poursuivent donc le terme de « civilité » qui s'est imposé en Europe entre 1525 et 1550 en conséquence des 30 rééditions du traité d'Erasme « De civilitate morum perilium » paru en 1530 et réimprimé cent fois après sa mort. Avant lui, Hugo de Saint Victor en 1141 dans « De institutione novitarium » ou Jean de Garland en 1242 dans « Morale scolariul » avaient traité du sujet. En langue allemande, Thomasin de Zirklaria est peut-être le plus précoce qui parle d'un ancêtre du mot Höflichkeit ; puis «  Curtesien » de Bonvicino da Riva ou « Hofzucht » de Tannhäuser. le roman de la rose y consacre des passages. John Russel en anglais également, au XVe siècke, dans « The book of nurture » ou « The babees book ». Tous ces traités proposent aux lecteurs de nouvelles règles de comportement en société selon le principe de cacher, éviter ou pallier le sentiment de pénibilité lié au côtoiement des autres : on est ainsi informé sur ce que signifie le passage de la courtoisie à la civilité, du Moyen-âge à la Renaissance, du chevalier au bourgeois, de la châtelaine à la dame de cour, de la cuisinière à Nadine de Rotschild. Les élites posent en effet ces contraintes qui exercent une pression sur toute la société et la transforment selon des principes nouveaux.

Ainsi, on ne pète pas en public, on ne crache ni sur la table ni sur les gens, on n'avale pas sa salive, on ne met pas les deux mains dans le plat et on se sert préférablement avec trois doigts que la main entière, on ne se mouche pas dans la nappe, on ne bave pas dans les plats et on n'y remet pas le morceau de viande ou de pain dans lequel on vient de croquer, on peut vomir à table, certes, mais on ne se se force pas, c'est très malpoli. de même, il serait judicieux que l'on cessât d'uriner dans les couloirs, les cages d'escalier, sur les tapisseries et dans n'importe quel recoin des n'importe quel château et, si on devait être témoin d'un tel fait, pour ne pas la mettre mal à l'aise on s'abstient de saluer la personne y compris si elle défèque. On ne relève pas les jambes quand on s'asseoit au pont de faire apparaître en public ses parties, on évite davantage de les exposer au toucher d'autrui, on ne fait pas flairer à autrui ses fèces au motif, amusant certes, qu'elles puent. On dort en chemise de nuit, c'est plus viril que le pyjama, trop féminin et, si l'on dort dans le même lit qu'un.e inconnu.e, on évite de passer sa jambe entre les siennes, surtout si elles appartiennent à une personne du sexe opposé.

Dans la même orientation qui revient à brider les pulsions des individus, on apprendra à ne plus niquer devant les enfants, à ne pas trancher les bras et les jambes des serfs pour le plaisir, à brûler vifs des chats à la Saint-Jean et, plutôt que d'inoculer une maladie vénérienne à telle princesse qui refuse de manger avec les doigts pour lui ôter l'envie de se la péter en public, on apprendra à se servir, non, je vous en prie, comme elle, d'une fourchette.

Bien. Je vois que cela rentre et que je n'entends plus un pet voler. Chers cosociétaires, maintenant que, faisant preuve de plus en plus de civilité vous avez appris à serrer les fesses, vous allez enfin pouvoir devenir, selon votre nationalité, poli, civilisé et cultivé - et allez maintenant pouvoir vous interroger le restant de votre vie sur les effets sur le long termes du remplacement de l'instinct du plaisir par le sentiment de peur, de la contrainte des émotions sous des comportements passifs et voyeuristes dans le seul but de s'affranchir de la honte de produire un geste de travers, un vent contraire, une giclée mal placée. Bienvenue dans l'ère polie, civilisée, cultivée - et névrosée.
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Un grand classique particulièrement stimulant.
Comment fonctionnent les modes ? Ce livre nous l'explique de manière limpide et particulièrement stimulante: elles fonctionnent notamment par diffusion du haut vers le bas de certains comportements (règles de politesse, utilisation de la fourchette, et l'on pourrait étendre la liste au développement du tourisme balnéaire aux 18-19ème siècles...). le livre est particulièrement brillant et clair. Il a eu une immense importance dans le domaine de l'histoire culturelle en France (Corbin etc...) et ailleurs.
Il serait d'ailleurs passionnant de se demander si aujourd'hui les modes ne fonctionnent pas d'une manière inverse, que ce soit sur le plan vestimentaire ou musical. Hélas, Norbert Elias ne pourra plus nous éclairer.
Un ouvrage que j'ai vraiment trouvé essentiel, un vrai classique à la croisée de l'histoire et de la sociologie.
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Le titre de cet ouvrage permet déjà de ce faire une idée du vaste sujet traité. La civilisation des moeurs .Cela questionne sur ce qu'est le processus de civilisation. Qu'est ce qui fait qu'un ensemble d'individu peut se dire plus civilisé qu'un autre ? Somme nous plus ou bien moins civilisé que nos ancêtres du moyen âge ?
C'est le genre de réflexion vers lesquelles ce livre va nous conduire. Il s'agit d'un classique de la littérature sociologique. de formation philosophique, Norbert Elias laisse transpirer cette influence tout au long des chapitres. J'ai trouvé le début du livre assez difficile à lire, dans la mesure où l'auteur s'attaque a distingué la notion de civilisation par rapport à celle de culture mais d'un point de vue historique entre la France et son pays, l'Allemagne.Après l'effort pour suivre le début du livre, la seconde partie est très amusante à lire. Elias nous propose d'analyser l'évolution de différentes fonctions naturelles comme se moucher, cracher, dormir, etc. D'après des textes datant du moyen Age, il explique l'évolution de ces comportements au fil du temps. J'ai particulièrement apprécié le chapitre traitant de la vie d'un chevalier.je suis très curieux de cette période de l'histoire et ce livre permet de se rendre compte de la vie quotidienne à cette époque. Il s'agissait d'une époque beaucoup plus violente qu'aujourd'hui malgré ce que la plupart des médias essaient de nous faire croire.
Ce livre est aussi une réflexion sur ce que Elias appel le sentiment d'autocontrainte qui nous anime tous. Par exemple, pour qu'elles raisons la majorité des personnes se lavent quotidiennement ? Est-ce vraiment pour leur bien être personnelle ou bien est-ce une réponse conditionné par la société et par notre éducation ? La réflexion est intéressante.
Je conseille ce livre à toutes les personnes curieuses de la période du moyen âge ainsi qu'aux personnes sensible à une réflexion socio-philosophique.
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j'en ai un extrait dans mes cours et c super ! norbert elias dans son projet veut nous montrer comment la civilisation des moeurs, qui tend vers une autocontrainte de soi, sorte de contrôle réflexif de soi-même, est naît avec la société de cour jusqu'à gagner le reste des couches et puis à s'étendre de façon planétaire. c un peu une autre manière de parler de la mondialisation en employant le terme de processus de civilisation ! passionnant ! :D
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Citations et extraits (60) Voir plus Ajouter une citation
De nos jours on traiterait d’« anormale » une personne qui chercherait à satisfaire ses tendance de plaisir en brûlant vifs des chats, parce que le conditionnement normal de l’homme de notre phase de la civilisation substitue au plaisir de la vue de tels actes de peur–inculquer sous forme d’auto contraintes–qui retient l’homme de telles manifestations pulsionnelles. C’est un mécanisme psychique très simple qui provoque la transformation historique de la vie affective : des manifestations pulsionnelles ou des plaisirs considérés comme indésirables par la société sont assorties de menaces ou de châtiment qu’ils investissent de sensations de déplaisir ou à prédominance de déplaisir. Par suite du rappel incessant du déplaisir sous forme de menaces de punition et de l’accoutumance à ce rythme, la dominante déplaisante est obligatoirement associée à certains comportements qui, à l’origine, peuvent être plaisant. Ainsi, il y a tiraillements entre le déplaisir et la peur suscitée par la société–représentée aujourd’hui, mais pas toujours exclusivement, par les parents–et le plaisir caché. Ce que nous avons défini sous divers aspects comme progression du seuil de la pudeur, de la sensibilité aux expériences pénibles, des normes affectives a pu être déclenché par de tels mécanismes. Reste à examiner l’origine des structures sociales ayant déclenché ces mécanismes psychiques ainsi que la nature des contraintes extérieures qui ont provoqué la « civilisation » des manifestations affectives et du comportement.
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Dans son célèbre roman la princesse de Clèves, Madame de La Fayette met dans la bouche du mari, qui sait que sa femme s’est éprise du duc de Nemours, la phrase suivante : « je ne me veux fier qu’à vous-même ; c’est le chemin que mon cœur me conseille de prendre, et la raison me le conseille aussi ; de l’humeur dont vous êtes, en vous laissant votre liberté je vous donne des bornes plus étroite que je ne pourrai vous en prescrire. » […] L’homme sait qu’il ne peut retenir sa femme de force. Il ne s’emporte pas, parce que sa femme en aime un autre, il ne se réfère pas non plus à ses droits d’époux ; l’opinion publique ne permettrait pas une telle attitude ; il s’impose une grande modération : je te laisse ta liberté, dit-il à sa femme, et je sais que ce faisant je t’assigne des limites plus étroite que si je formulais des règles et des préceptes. Autrement dit, il attend de sa femme de la même autodiscipline dont il fait preuve. C’est un exemple typique de la situation nouvelle telle qu’elle découle de l’égalité des sexes.
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On ne voit pas très bien si l'opposition radicale entre "civilisation" et "nature" exprime autre chose que l'oppression des âmes "civilisées", que les déformations de l'économie psychique telles qu'elles existent dans la phase moderne de la civilisation occidentale. Le fait que l'économie psychique des "primitifs" n'est pas moins historique que celle des "civilisés", même si les premiers ont une connaissance fort limitée de leur propre histoire. L'historicité de l'évolution des hommes ignore le "point zéro", de même qu'il n'y a pas de "point zéro" de la sociabilité, c'est à dire de la solidarité sociale des humains. Chez les uns et chez les autres, il y a des interdictions et des contraintes mises en place par la société tout comme il y a, chez les uns et chez les autres, leur substrat psychique, les angoisses, les sentiments de plaisir et de déplaisir, de malaise et de ravissement, façonnés également par la société. On est donc moins clair qu'on ne le pense quand on oppose les normes des prétendus "primitifs" à celle des "civilisés" en qualifiant les premières de "naturelles", d'allant de soi, les secondes d'historico-sociales. Quand des fonctions psychiques de l'homme sont en jeu, il y a interaction indissociable entre processus naturels et processus historiques.
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On faisait un art de se moucher il y a quelques années. L’un imitait le son de la trompette, l’autre le jurement du chat ; le point de perfection consistait à ne faire ni trop de bruit ni trop peu.
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… La franchise relative avec laquelle on parlait entre adultes des fonctions naturelles se traduisait par une façon plus naturel de parler et d’agir en présence d’enfants. [Mentionnons ] le cas de cette petite demoiselle de Bouillon, âgée de six ans, qui vit, au XVIIe siècle, à la cour. Les dames donneur viennent bavarder avec elle. Un jour, elles tentent, pour s’amuser, de lui faire croire qu’elle est enceinte. La petite proteste. Elle affirme que c’est impossible. On discute, on argumente. Or, un jour elle retrouve en se réveillant un nouveau-né dans son lit. Elle est tout étonnée et dit dans son innocence : « il n’y a que la Sainte Vierge et moi à qui cela soit arrivé ; je n’ai pas eu de douleurs ! » Cette remarque est colportée partout, l’affaire devient le passe-temps favori de ces dames. L’enfant reçoit des visites comme c’est l’usage quand une femme vient d’accoucher. La reine elle-même vient se rendre à son chevet pour la consoler et lui proposer d’être la marraine de l’enfant. Le jeu continue. On insiste, on harcèle l’enfant, on veut connaître le père du nouveau-né. Après une longue réflexion, la petite finit par trouver la solution de l’énigme : seul le roi ou le compte de Guiche pourraient être le père, car c’était les seuls messieurs qui avaient embrassé la petite fille. Personne ne se scandalise de cette plaisanterie. Elle ne déborde pas les normes de l’époque. On ne la juge pas dangereuse pour l’adaptation de l’enfant à cette norme, pour la pureté de son âme, personne ne la trouve incompatible avec son éducation religieuse.
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Vidéo de Norbert Elias
Non, le populisme ne saurait être réduit ni à l'icône de ses sectateurs, ni à la caricature de ses détracteurs. Par-delà les espérances et les insurrections, les craintes et les répressions qu'il a suscitées, alors que ce mouvement hier planétaire semble aujourd'hui retomber, c'est le propos de cet essai novateur que de le réinstaurer à sa juste place dans l'histoire. En décryptant sa gestation à la lumière de l'anthropologie. En scrutant sa construction à l'aune des théories politiques et des imaginaires culturels. Et si le populisme était le signe d'une crise de civilisation ? D'une fracture majeure dans l'idéologie du progrès ? Et s'il était né d'un refus de la neutralisation de la Cité ? D'une nostalgie des passions, des aventures, des utopies ? Mais aussi d'un retour du sens commun, du sacré, de la souveraineté ? Et si les peuples étaient simplement partis à l'assaut du ciel pour se recréer un horizon ?
Ce livre d'histoire immédiate, qui offre un panorama mondial des mutations en cours, s'attache aussi à en éclairer les soubassements symboliques. Il fait dialoguer Régis Debray et Marcel Gauchet avec Jeff Bezos. Ou encore Antonio Gramsci et Norbert Elias avec Daenerys Targaryen. Mais aussi les aristocrates paupérisés du Grand Siècle avec les occupants rebelles de Wall Street. Et les esthétiques des avant-gardes avec les révoltes émeutières des masses. Pour mieux appeler au sursaut.
Diplômé de Sciences Po, fondateur du média en ligne Le Vent Se Lève, membre des conseils scientifiques de l'Institut Rousseau et de la Fondation Res Publica, Antoine Cargoet a dirigé l'ouvrage collectif L'Histoire recommence. Il est aujourd'hui éditeur et signe ici, à 25 ans, son premier livre.
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