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Michèle Valencia (Traducteur)
EAN : 9782264048561
240 pages
10-18 (05/11/2009)
3.98/5   727 notes
Résumé :
Entre l'Inde et l'Écosse, des années 1930 à nos jours, l'histoire déchirante d'une femme enfermée, rejetée de la société et oubliée des siens.

Un roman d'une beauté troublante, où s'entremêlent des voix aussi profondes qu'élégantes pour évoquer le poids des conventions sociales et la complexité des liens familiaux, de l'amour à la trahison.

A Édimbourg, l'asile de Cauldstone ferme ses portes. Après soixante ans d'enfermement, Esme Lenn... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (177) Voir plus Ajouter une critique
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sur 727 notes
" Faites moi oublier
Tout ce que j'ai été
Inventez mon passé
Donnez sens à la nuit"


Iris a reçu un appel de l'asile de Cauldstone et vient voir Esme, la petite soeur de sa grand-mère Kitty. Par curiosité... Pourquoi n'a-t-elle jamais entendu parler d'Esme?
-Ne regardez pas les infirmières, je vous en supplie. Elles vont croire que je vous fais peur et m'enfermer de nouveau.
Je suis ici depuis 61 ans, 5 mois et 4 jours, psalmodie Esme d'une voix claire et saccadée "...


"Inventez le soleil
Et L'Aurore apaisée
Non, je n'ai pas sommeil
Êtes-vous mon amie?"


Kitty a pris une décision grave. Parce que l'asile va fermer ses portes et que le nouveau foyer est pire, la jeune femme va garder Esme, le temps de trouver une autre solution...
- Non, elle n'est pas folle. Un peu déboussolée, à cause de son enfermement, raconte Iris.


-J'avais 16 ans, quand on m'a enfermée ici. Iris ressemble à ma mère... Mais, je lui fais peur!
Elle ne comprend pas que Kitty, (sa grand-mère) ne voulait plus d'une soeur comme moi. Moins conformiste et qui refusait le mariage. Elle était jalouse que son beau Jamie me préfère...
Ma mère et mon père ont préféré se débarrasser de moi...


A l'époque, un homme pouvait faire interner une épouse ou une enfant...indocile!
- Papa, hurle Esme, s'il te plaît ! Ne me laisse pas ici, s'il te plait! Je serais sage, je te le promets.


J'étais une jeune fille de 16 ans, libre et je voulais faire des études, aller à l'Université. Pas me marier et ma propre mère avait honte de moi...
J'étais une adolescente, je suis...


"Il faut que je m'étende
Et que je dorme un peu
Il faudrait que je tente
De nettoyer mes yeux"
J.Louis Aubert, Isolement.
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On fait la connaissance d'Esme à l'intérieur d'un hôpital psychiatrique. Elle est assise dans la salle commune et essaie d'échapper à ce qui se passe autour d'elle en se concentrant sur un souvenir d'autrefois : deux jeunes filles à un bal, l'une est habillée d'une robe rouge qui ne lui va pas et a perdu ses gants : « c'est là que tout commence ».
D'autres images reviennent par bribes. Il suffit qu'elle se concentre sur sa respiration.
Puis une jeune femme, Iris, entre en scène. Elle tient une boutique de vêtements et vient de recevoir une lettre d'un établissement psychiatrique qui doit fermer ses portes. La lettre concerne une certaine Euphémia Lennox dont Iris n'a jamais entendu parler.
Iris décide de se rendre à l'établissement en question et apprend qu'Euphémia, qui préfère qu'on l'appelle Esme a été internée pour « troubles dépressifs » et qu'elle est ici depuis soixante ans et qu'elle est la soeur de sa grand-mère paternelle. Or personne : sa grand-mère, sa mère, son père ne lui a jamais parlé d'elle.
Le temps presse l'infirmier veut qu'Iris place sa grand-tante dans une maison de retraite avant la fermeture de l'établissement. Elle va passer un moment avec Esme et la trouve plutôt lucide, ce qui la laisse perplexe. le jour où Iris va chercher Esme pour la conduire à la maison de retraite, elle ne peut se résoudre à l'y laisser car elle est encore plus sordide. Iris ramène Esme dans son appartement qui était jadis la maison de sa grand-mère Kitty et que celle-ci a fait aménager en appartement.
Elle a le week-end pour tenter de trouver une solution, de discuter avec son demi-frère Alex. En entrant dans la maison, Edme reconnaît certaines choses, certaines pièces puisqu'elle y a vécu.
Les souvenirs vont remonter peu à peu, des liens se créer entre Iris et Esme, tandis qu'un troisième personnage entre en scène : la soeur d'Esme, Kitty qui est dans une maison de retraite pour patients souffrant d'Alzheimer.
Lorsqu'Esme est enfant, la famille vit en Inde, dans la bonne société colonialiste. Esme et Kitty, sa grande soeur jouent ensemble et semblent bien s'entendre. Puis un premier drame arrive, alors qu'elle est âgée de quatre ans environ, son petit frère tombe malade et un soir alors que tout le monde est sorti, Esme se lève, inquiète car il a de la fièvre.
Ses parents la trouveront à leur retour, prostrée, elle tient le bébé mort dans ses bras et le serre si fort qu'on a du mal à le lui arracher. La mère s'effondre, son fils est mort. Il sera désormais interdit de parler de cet enfant, or Esme est petite, elle a besoin de parler de son petit frère et on commence à la punir car elle enfreint la loi édictée par sa mère, et ne peut que se réfugier dans la rêverie.


Ce que j'en pense :

Ce roman est une véritable splendeur. L'histoire est magnifique car c'est celle d'Esme qui est le personnage central, enfermée pendant soixante ans dans un asile psychiatrique pour que sa famille ne la voie plus à tel point qu'elle finit par oublier son existence.
Esme est différente depuis l'enfance et cela dérange tout le monde. Elle est plus sensible que les autres, donc elle a besoin de s'exprimer et elle dérange la famille bourgeoise type de l'époque.
A la mort de son petit frère, en interdisant d'en parler, on nie sa souffrance pour protéger sa mère, tuant son innocence, sa spontanéité. Puis la famille décide de rentrer en Ecosse car c'est devenu trop difficile de vivre en Inde après ce drame. Bien sûr, le climat n'est plus le même, l'Ecosse c'est la pluie, les vêtements chauds, les manteaux et c'est aussi l'entrée en scène de la grand-mère maternelle d'Esme, le parfait tableau de la mégère. Elle n'a qu'un seul but : que ses petites-filles trouvent un mari de préférence riche. On les habille en petites filles modèles qu'on exhibe, ce qui plaît beaucoup à Kitty bien sûr, mais qu'Esme juge ennuyeux et stupide.
Elle préfère les livres et voudrait continuer ses études mais cela déclenche un tollé : il est inadmissible qu'une fille travaille, elle doit tenir une maison, broder, recevoir…
L'histoire nous et amenée tout doucement, l'auteure liant les souvenirs qui reviennent à Esme avec les lieux qu'elle découvre : quand elle entre dans l'appartement d'Iris et reconnaît son ancienne maison, puis au bord de la plage où elle demande à Iris de l'emmener, il y a si longtemps qu'elle n'a pas vu la mer. Là aussi vont remonter des instants de la vie d'avant, des moments avec sa soeur qui cherche un mari à tout prix.
Au retour de la plage, aussi, alors qu'elle partage un moment en écoutant de la musique, Esme se souvient qu'elle jouait très bien du piano et comme elle a l'impression de déranger Iris, elle se concentre à nouveau pour faire remonter des moments d'autrefois.
Maggie O'Farrell entretient suspens et rebondissements en dévoilant peu à peu les souffrances endurées par Esme : le viol et ses conséquences (il faut lire le livre !!). En fait, à l'époque, on enfermait à l'asile les personnes qui ne respectaient pas les règles de la bienséance, il fallait peu de choses, alors quand une jeune femme sensible subit des traumatismes violents au lieu de l'écouter on l'enferme. L'auteure nous décrit de façon très percutante le monde de la psychiatrie de l'époque.
Maggie O'Farrell a bien étudié la personnalité de chacun de ses personnages , leur lâcheté, leurs bassesses, leurs méchancetés, comment une famille arrive à détruire une enfant au nom des valeurs de la bonne société, lui interdisant d'extérioriser sa peine, lui prenant tout ce qu'elle a, jusqu'à la dépouiller de sa propre identité, et pour finir l'oubliant durant plus de soixante ans dans un asile.
Et en racontant les deux époques en parallèle, elle permet de les comparer, et met en lumière le côté libéré des contraintes et des tabous de la génération actuelle par les personnages d'Iris et Alex, qui sont décomplexés et bien plus ouverts. On voit toute l'évolution de la société sur près d'un siècle.
Maggie O'FARRELL ne sombre jamais dans le pathos, elle reste toujours dans la sobriété et c'est ce qui fait de livre, inspiré de faits réels, un vrai bijou.
Une auteure qui a vraiment émergé il y a une dizaine d'années et qu'il faut continuer à suivre de près.
Note : 9,25/10

Lien : http://eveyeshe.canalblog.co..
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Si vous pensiez avoir fait le tour des romans traitant de secrets de famille, je vous encourage à revoir votre jugement.

Le mystère qui entoure Esme Lennox, vieille femme qui a passé plus de soixante ans dans un asile d'aliénés, n'est pas un petit mystère à deux balles ; dense, compact, glaçant, il semble déterminé à garder tous ses secrets.

Indes anglaises, dans l'entre-deux-guerres.
Deux jeunes soeurs, Kathleen et Euphemia grandissent heureuses.

Édimbourg, à la même période.
A l'adolescence, les caractères des fillettes rapatriées dans cette bonne vieille Europe se développent, mettant en lumière des tempéraments différents. Si la première se fond volontiers dans le moule mondain de la petite fille modèle et se prépare placidement à la "chasse au mari", la seconde, fantasque et volontaire, s'ennuie à périr aux bals et aux thés et contraste par son attitude avec les attentes d'une société guindée.

Édimbourg, de nos jours.
Iris, jeune femme sans attaches sentimentales et indépendante, gère une friperie. Masquant ses failles sous une apparence décomplexée et décontractée, elle se trouve du jour au lendemain confrontée à des responsabilités qui la dépassent en la personne de sa grand-tante, Esme Lennox, dont elle n'a jamais soupçonné l'existence.

Je n'en dis pas plus, j'ai volontairement lancé un hameçon, à chacun de voir s'il veut mordre. En ce qui me concerne, je n'ai aucun regret de m'être jetée à l'eau. Une fois la construction un peu éparpillée du roman apprivoisée, j'ai pleinement apprécié ce voyage au coeur des secrets d'une famille pas si bien-comme-il-faut que cela. Une fois commencée, difficile de lâcher cette fiction, récit d'une vie volée, et peuplée de personnages très attachants.


Challenge Petit Bac 2016 - 2017
Challenge MULTI-DÉFIS 2017
Challenge ABC 2016 - 2017
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Avertissement : ne vous attendez pas à un avis consensuel et laudateur...
Le préambule étant posé, j'ai d'abord envie de dire : ah la famille et ses secrets ou ah les secrets de famille, quelle aubaine pour les auteurs !
La famille n'est-elle pas en effet "le totem sacré et tabou " de nos bonnes vieilles sociétés "religiosantes" ( un néologisme qui sent la naphtaline).
Et tout en écrivant ces mots, je pense à " La Familia Grande " de Camille Kouchner ainsi qu'au bouquin de David Cooper - Mort de la famille -, que j'avais lu dans les années 70... Une mine intarissable, disais-je...
Lorsque j'ai entrepris la lecture de l'ouvrage de Maggie O'Farrell, m'est revenue ou s'est imposée la fable - Les porcs épics - de Schopenhauer.
Vous savez, cette bande de hérissons qui, cernés par l'hiver, le froid, la neige et la bise essaient de se tenir côte à côte la nuit pour se réchauffer et pouvoir dormir. Mais leurs piquants les blessent et c'est la débandade. Ce n'est qu'au prix de plusieurs tentatives qu'ils parviendront après mille précautions et en abaissant leurs piquants à se rapprocher et à trouver enfin le sommeil.
Belle allégorie, non ?
Donc l'auteure nous conte l'histoire d'une famille, des années trente jusqu'à nos jours, une famille bourgeoise où le paraître tient lieu d'être ( un bon vieux cliché ), et où il ne fait pas bon être "un vilain petit canard". Esme, soeur cadette de Kitty, est le vilain petit canard en question. Elle est libre comme Max, vous me suivez ? Et cette liberté, elle va la payer cher, ou plutôt sa famille va la lui faire payer au prix fort de 61 années d'internement dans un asile psychiatrique... pour "trois fois rien".
Six décennies plus tard, alors qu'elle a disparu de tous les écrans radars qui sont censés témoigner que les vivants vivent, l'asile ferme ( enfin ! ) et Esme se retrouve en transit entre cette prison pour aliénés et une maison de retraite "normale" où elle pourra finir ses jours comme n'importe quel citoyen lambda... transition soudaine, brutale et peu cohérente (?).
Pour ce faire, l'administration fait appel à sa seule parente connue, sa petite-nièce Iris, laquelle n'a jamais entendu parler de l'existence ( et pour cause ) de la vieille dame emmurée depuis plus de soixante ans dans cette oubliette "intemporelle".
Où et à quoi va mener cette rencontre improbable ?
Alors là on pense qu'effectivement, il fut un temps où la bonne comme la moins bonne société pouvait se débarrasser de ses filles, pour toutes sortes de raisons.
Il y eut d'abord les couvents... on songe à Diderot et à - La religieuse -, puis leur succédèrent les asiles, et là on peut se référer à - le bal des folles - de Victoria Mas ou à - La salle de bal - de Anna Hope ( ce ne sont que quelques exemples ).
Et donc, des années 30 jusqu'à la fin des années 50, on peut concevoir, en tirant beaucoup sur l'écheveau de l'Histoire, qu'un tel internement (abusif)ait pu perdurer... mais il faut vraiment tirer beaucoup sur l'écheveau !
Mais lorsqu'on se réfère aux progrès de la psychiatrie à partir des années 60... aux différentes révolutions ( presque partout dans le monde dit libre ) qui ont changé le regard de la société sur cette discipline et ses institutions, il est inenvisageable d'imaginer une seconde qu'une jeune femme ( elle a un dossier psychiatrique très "maigre" ) ait pu passer au travers de trois ou quatre générations de praticiens, sans qu'aucun d'entre eux ne comprenne qu'il avait affaire à une machination familiale machiavélique...
Et que dire des différentes administrations auxquelles ces établissements sont soumis, des services sociaux... et des lois ?
Bref, vous l'avez compris... ce Château d'If hors du temps transposé à Édimbourg où Nessie serait le baromètre de la normalité psychologique des Écossais... je n'y ai pas cru !
Si j'ajoute à cela l'Alzheimer alternatif de Kitty... il y aurait vraiment des raisons de perdre la sienne...
J'ai pourtant apprécié la structure narrative, utilisant intelligemment la 3ème personne du singulier, la simultanéité d'un récit au présent et au passé et les insertions "rupture(s)" de la voix "conscience de Kitty.
Mais hélas, trop de répétitions viennent gâcher un style qui est pourtant plein des qualités d'une plume de talent... 7 fois "balayer du regard ou des yeux" en 232 pages... autant de fois l'emploi du verbe "ciller", plusieurs fois " se carrer dans son fauteuil" ou le verbe "dépiauter". Etc etc...
Conclusion : une intrigue bien ficelée si on aime les rouleaux de ficelle. Une histoire attachante si l'on ne s'attache pas trop à la réalité.
Je ne déconseille pas ce livre qui ne m'a pas convaincu.
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« Nous ne sommes que des vaisseaux par lesquels circulent nos identités… on nous transmet des traits, des gestes, des habitudes, et nous les transmettons à notre tour. Rien ne nous appartient en propre. Nous venons au monde en tant qu'anagrammes de nos ancêtres. »

Après l'immense coup de coeur pour « Hamnet » que je vous conseille très vivement, j'ai eu envie de lire un autre roman de Maggie O'Farrell. Mon choix s'est porté sur « L'étrange disparition d'Esme Lennox », suite au superbe billet de Cascasimir que je remercie infiniment.

L'auteure nous emmène très loin dans les recoins les plus sombres de l'âme humaine, là où la jalousie, les désirs et les mensonges ont triomphé de la bienveillance, de la charité humaine et de l'amour.

« Je n'aurais pas pu devoir mon bonheur à un tort, à une injustice causés à autrui... Quelle sorte de vie pourrions nous construire sur de telles fondations ? »
Édith Wharton

*
Iris Lockhart reçoit un coup de téléphone : sa grand-tante Esme, dont elle ignorait l'existence, sort de l'hôpital psychiatrique Cauldstone dans lequel elle a été internée pendant près de soixante ans.
Ce qui est pour le moins surprenant, c'est que la grand-mère d'Iris, Kitty, a toujours affirmé être fille unique. Mais les papiers d'Esme ne laissent aucun doute sur son identité.
Pour Iris, c'est la consternation, l'incompréhension.

Pourquoi sa grand-mère a-t-elle menti ? Quel terrible secret renferme ce mensonge ? Pourquoi Esme a-t-elle été enfermée ? Qu'est-ce qui justifiait qu'Esme n'existe plus pour sa famille ? Esme est-elle folle et dangereuse ?

*
Maggie O'Farrell révèle progressivement et subtilement les ressorts du drame qui s'est joué autrefois.
Pour cela, l'histoire nous est racontée des points de vue d'Iris, de sa grand-mère Kitty atteinte de la maladie d'Alzheimer, et de sa grand-tante Esme. Cette triple narration est un peu déroutante au départ et demande un petit temps d'adaptation, les transitions entre les trois récits si habiles qu'il est parfois difficile de se repérer dans le temps et l'espace et de savoir quelle narratrice a pris la parole.

On navigue ainsi entre deux chronologies, dans les années 30 lorsqu'Esme et Kitty sont enfants puis jeunes adultes, et aujourd'hui.

L'intrigue est brillante, magnifiquement racontée, chacune des trois femmes ayant sa propre narration.
L'histoire d'Esme émerge à travers ses souvenirs d'enfance et la mémoire défaillante de Kitty, sa soeur aînée. Ses souvenirs confus, troublants et parfois incohérents, sont, de part sa maladie, plus complexes à comprendre, mais ils deviennent intelligibles et composent au final un récit clair, abouti et terrifiant.

Je n'ai pas du tout vu venir la fin. le dénouement est bouleversant, assez déroutant et pourtant si bien amené. Il fallait tout le talent de Maggie O'Farrell pour transmettre autant de profondeur et d'émotions fortes à cette histoire.
*
L'écriture de l'auteure est magnifique de simplicité. Et en même temps, elle sait capturer les émotions et créer une atmosphère douce-amère.
Les personnages sont extrêmement bien travaillés. Leur psychologie prend forme au fur et à mesure que nous avançons dans le récit des deux soeurs. L'auteure sème des indices qui dévoilent doucement l'indicible vérité.

*
Maggie O'Farrell embrasse de nombreux thèmes, les secrets de famille, les trahisons, la jalousie, la folie, mais elle s'attache surtout à décrire les moeurs anglaises au début du XXème siècle pour mieux mettre en évidence le statut des femmes à l'époque Victorienne, leur sort et les conditions de leur internement dans des hôpitaux psychiatriques.

« Esme se doute de ce qui risque d'arriver et décide de fermer la bouche, la gorge, de croiser les mains, une attitude qu'elle a affectionnée. Sa spécialité. Se rendre absente au monde, se faire disparaitre. Mesdames et Messieurs, regardez bien. Surtout, il importe d'être immobile. le simple fait de respirer peut leur rappeler votre présence, donc, des respirations très courtes, très superficielles. Juste de quoi rester en vie. Pas plus. »

*
Deuxième roman de cette auteur, et à nouveau une magnifique lecture. Si vous ne connaissez pas encore Maggie O'Farrell, je vous engage à lire ses romans.
« L'étrange disparition d'Esme Lennox » est une histoire émouvante qui laisse, une fois le livre refermé, un sentiment de tristesse, de vie gâchée.
Un roman poignant, une fin bouleversante, une héroïne inoubliable.

« le seul problème, quand on ment, c'est de se rappeler ce qu'on a dit à telle ou telle personne. Et je n'ai jamais eu aucune difficulté parce que j'ai raconté la même chose à tout le monde. »
*
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Citations et extraits (63) Voir plus Ajouter une citation
Esme pivote vers la mer, vers la mélopée des mouettes, vers la tête de monstre que dresse Bass Rock, seules choses qui m’ont pas changé. Ses pieds raclent le sable, créent valées et montagnes miniatures. Plus que tout, elle aimerait nager. Il paraît que ça ne s’oublie jamais. Elle aimerait le vérifier. Elle aimerait s’immerger dans ls eaux profondes, immuables du Firth of Forth, sentir la poussée incessante des courants qui jouent sous ses pieds. Mais elle redoute d’effrayer la fille. Esme fait peur -ça au moins, elle l’a compris. Peut-être devra-t-elle se résigner à n’enlever que ses chaussures.
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... tu vas déchirer ta robe, et maman sera en colère, lui ai-je dit, mais elle s'en fichait. Esme ne se souciait jamais de ce genre de chose. Et c'est bien ce qui est arrivé, elle a déchiré sa robe et, quand nous sommes revenues, maman s'est fâchée contre nous deux. Elle m'a dit : tu es responsable, parce qu'on ne peut pas compter sur Esme, et il faudra la confier à Mme MacPherson la prochaine fois. Mme Mac, comme elle préférait qu'on l'appelle, m'avait taillé la robe que je portais ce soir-là, une robe d'une splendeur incroyable, qui avait nécessité trois essayages car, d'après maman, il fallait que tout soit parfait. De l'organdi blanc souligné de grège. J'étais terrifiée à l'idée que le houx déchire le tissu, si bien que c'était Esme qui le tenait en marchant avec précaution sur le sol gelé, parce que nos semelles étaient fines. Sa robe était étrange ; elle ne voulait pas entendre parler d'organdi, elle voulait du rouge, du cramoisi, disait-elle. Du velours. Plantée devant la cheminée, elle a déclaré à Mme Mac : je veux une robe en velours cramoisi...
... non, a répondu ma mère, assise sur le canapé. Tu es la petite-fille d'un avocat, pas une entraîneuse de bar. C'était elle qui payait, alors Esme a dû se contenter d'une sorte de taffetas bordeaux. Lie-de-vin, d'après Mme Mac, ce qui, je crois, lui donnait l'impression...
... le vin dans des carafes en cristal taillé sur la table, derrière le canapé. Un cadeau de mariage d'un oncle. Au début, je les aimais bien, mais les épousseter, c'était la croix et la bannière, si vous me pardonnez l'expression. Pour nettoyer les creux, il fallait se servir d'une petite brosse, une vieille brosse à dents assouplie par exemple. J'aurais bien aimé en être débarrassée, qu'on les offre à un membre plus jeune de la famille, disons en cadeau de mariage, elles feraient un bel effet, mais il aimait les voit là. Il buvait un verre au dîner, un seul, deux le samedi soir, et je devais emplir le verre à moitié pour que le vin puisse respirer, comme il disait, et moi, je rétorquais : je n'ai jamais entendu de telles bêtises, le vin ne peut pas respirer, imbécile, le dernier mot tout bas, bien sûr, parce que ça ne se fait pas de...
... et maman disait qu'elle devait lui couper les cheveux, pas plus bas que le menton. Mais, pour Esme, il n'en était pas question. Maman a sorti une jatte du placard de la cuisine, et Esme n'a rien trouvé de mieux à faire que la lui arracher et la jeter par terre. Mes cheveux sont à moi, hurlait-elle, c'est à moi de décider. Bon. Maman était tellement furieuse qu'elle en est restée muette.
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Sa spécialité. Se rendre absente au monde, se faire disparaitre. Mesdames et Messieurs, regardez bien. Surtout, il importe d’être immobile. Le simple fait de respirer peut leur rappeler votre présence, donc, des respirations très courtes, très superficielles. Juste de quoi rester en vie. Pas plus. Ensuite, il faut s’imaginer tout en longueur. C’est le plus difficile. Penses que tu es mince, étirée, transparents, à force d’avoir été malaxée. Concentre-toi. Concentre-toi vraiment. Il faut atteindre un état où ton être, le quelque chose qui fait de toi ce que tu es et te rend bien visible, en trois dimensions dans une pièce, peut s’envoler de ton crâne, jusqu’au moment où, mesdames et messieurs, ce stade sera dépassé… P 94
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"Pose ton livre, Esme, lui avait dit sa mère. Tu as assez lu pour ce soir."
Elle en était incapable, car les personnages et le lieu de l'action la captivaient. Soudain, voilà que son père se tenait devant elle, lui arrachait le livre, le fermait sans marquer la page. "Fais ce que dit ta mère, pour l'amour de Dieu", disait-il.
Elle se redressa, la rage bouillonnant en elle, et, au lieu de demander : "S'il te plaît, rends-moi mon livre", elle lâcha : "Je veux continuer l'école".
Ce n'était pas prévu. Elle savait que le moment était mal choisi pour aborder ce sujet, que la discussion ne servirait à rien, mais ce désir était aigu en elle, et elle n'avait pas pu s'en empêcher. Les mots avaient jailli de leur cachette. Sans son livre, ses mains se sentaient curieuses et inutiles, et le besoin de continuer l'école s'était exprimé par sa bouche à son insu.
Un silence s'empara de la pièce.(...)
"Non, répondit son père.
- S'il te plaît". Esme se leva, s'étreignant les mains pour les empêcher de trembler. "Mlle Murray dit que je pourrais obtenir une bourse et ensuite, peut-être, tenter l'université et...
- Ca ne servirait à rien, trancha son père en se rasseyant dans son fauteuil. Pas question que mes filles travaillent pour vivre."
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Elle remonte le temps. 1941, 1940, 1939, 1938. La Seconde Guerre mondiale va commencer, elle n'est qu'une idée, une menace dans l'esprit des gens. Les hommes n'ont pas quitté leur foyer. Hitler n'est qu'un nom dans les journaux, on n'a pas encire entendu parler de bombes, de blitz, de camps de concentration, l'hiver s'efface devant l'automne, l'été, le printemps. Avril mène à mars, puis à février, et Iris lit que des femmes refusent de parler, de repasser le linge, se disputent avec leurs voisines, sont hystériques, ne font pas la vaisselle, ne balaient pas le sol, ne veulent pas avoir de relations avec leurs maris, ou en veulent trop, ou pas assez, ou pas comme il faudrait, ou en cherchent ailleurs. Elle voit défiler des maris au bout du rouleau, des parents incapables de comprendre les femmes que sont devenues leurs filles, des pères qui ne cessent de répéter que leur petite était une enfant adorable. Des filles qui n'écoutent personne. Des épouses qui, un beau jour, font leur valise, quittent la maison en refermant la porte derrière elles, et qu'il faut rechercher pour les ramener de force.
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