Matthieu Ricard est un moine bouddhiste mais aussi un éminent biologiste et un intellectuel avisé. Avec son
Plaidoyer pour les animaux il ne nous fait pas la morale, il expose les connaissances riches et variées qui concernent le monde animal. Il va piocher dans ce que la littérature a fait de mieux pour nous montrer ce que nous ne voulons pas voir ou nous avouer. Pourtant, la lecture de ce livre est une libération parce que vivre en sachant, c'est pouvoir décider, c'est pouvoir être libre. A partir de sources scientifique, philosophique, biologique, éthologique... sans oublier des écrivains tels
Milan Kundera, Mickael Cotzee,
Marguerite Yourcenar pour ne citer qu'eux, il déroule son argumentaire implacable, indiscutable.
Son propos est simple et preuves à l'appui (18 pages de sources les plus reconnues), il dit qu'aujourd'hui nous savons !. Nous savons que l'élevage industriel est la deuxième cause du réchauffement climatique, qu'il épuise les ressources en eau douce, que l'alimentation carnée est un facteur négatif pour la santé humaine, que la surconsommation de viande aggrave la faim dans le monde, que les animaux ressentent douleurs et émotions, qu'au cours de son histoire l'homme s'est nourri, pendant 99% du temps , de cueillette et très peu de chasse et que nous massacrons au terme de souffrances terribles 60 milliards d'animaux terrestres et 1000 milliards d'animaux marins or - et c'est là où le bât blesse – nous n'en avons pas besoin !
Loin de faire du sentimentalisme ou du sensationnalisme, il égrène les données qui sont parfois aberrantes comme le fait qu'1/4 de la production mondiale de poissons est transformée en farine pour l'alimentation des bovins ; que les animaux destinés à l'alimentation humaine sont massivement traités aux antibiotiques avant l'apparition de maladies ( (ces mêmes antibiotiques seront ingérés par nous via la viande) ; que lors de la famine en Éthiopie le pays continuait d'exporter des céréales vers la Grande Bretagne pour la nourriture des bovins,…
Le chapitre sur l'élevage intensif est terrifiant par les douleurs et supplices qui sont infligés aux bêtes dans les abattoirs (15% sont découpés vivants car les machines à étourdir ont une marge de dysfonctionnement !) et par l'indifférence des bourreaux et la nôtre. A la suite de cet exposé difficile,
Matthieu Ricard nous rappelle le « continuum du vivant » et expose combien l'animal est doué, joueur, solidaire, en un mot intelligent. Les porcs figurent parmi les animaux d'abattoir les plus proches de l'homme et pourtant … ! Parmi les dizaines d'exemple, on redécouvre Washoe cette femelle chimpanzé à laquelle les primatologues avaient appris à communiquer par signes et qui après une séparation de fils adoptif lui dit « Venir embrasser. Vite ! ». Chasse, trafic de la faune sauvage, dressage et violence contre les animaux pour notre propre divertissement (corrida, cirque, delphinarium…) l'homme soumet le monde animal au risque de perdre son humanité.
En nous imposant de nous réinterroger sur notre place dans le vivant, sur notre rôle sur cette planète
Matthieu Ricard fait une oeuvre de salubrité morale et physique.