Qu'elle l'ait voulu ou non,
Françoise Kermina nous offre à travers sa biographie de Marie de Médicis un portrait de la médiocrité humaine. Personne ne sort par sa plume habillé d'un manteau de gloire.
Et pourtant l'auteur ne cherche pas à jouer les pamphlétaires. Elle est une vraie historienne qui respecte les règles de son métier. La médiocrité se dévoile comme, sous la lumière, un texte écrit au jus de citron. le cynisme est discret, délicat. Il se fait tout petit mais fréquent et son accumulation laisse une trace sensible.
Henri IV était donc autant accroc aux femmes que
Dominique Strauss Kahn. Sully, écarté du pouvoir à la mort de son roi, chercha constamment à retrouver sa place, du genre à lever le doigt en disant « Heu… je suis là si vous avez besoin ». Concini, un matamore qui ne pensait qu'à accumuler titre et charge ; un vrai paon tout en apparence. La Galigaï : une Harpagon complètement accroc aux richesses qu'elle aurait caché sous son matelas si cela n'avait pas élevé celui-ci jusqu'au plafond. Louis XIII : complètement dominé par sa mère, obstiné, cruel. Richelieu… ah là on admet le génie, mais aussi hypochondriaque, courtisan mielleux avant la Journée des Dupes, tyrannique après.
Et Marie.
Indolente, dépensière, jalouse (pas sans raison) ;
Françoise Kermina ose même le mot « sotte ». Soutenant ses favoris – la Galigaï et Concini surtout – jusqu'à l'aveuglement. Mais malgré ces petites médiocrités, l'auteur la décharge de la responsabilité dans l'assassinat de son roi de mari. Elle lui accorde une politique de maintien de la paix pendant sa régence, et surtout met en avant son soutien des arts et de la culture. Son portrait échappe à la légende noire qui a servi de fond historique par exemple à la série BD « Les 7 vies de l'Épervier ».
La médiocrité de la vie de cour serait presque risible si l'auteur n'avait pas établi un contraste aveuglant avec le sort réservé au peuple. le « jeu de la cour » comme
Françoise Kermina le nomme, se fait aux dépends de ceux d'en bas, essorés par l'impôt, maltraités par les armées qui font semblant de vouloir s'affronter, écrasés en cas de révolte. une vision en creux qui justifie pleinement la Révolution, le régime démocratique et l'égalité de droit.
D'un style agréable et enlevé, cette biographie se lit presque comme un roman. de nombreux extraits de lettres émaillent un texte qui fait peu appel aux notes de bas de page.
Une vraie biographie pour grand public.