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EAN : 9782258109667
416 pages
Presses de la Cité (02/04/2015)
4/5   87 notes
Résumé :
Au cours d'une expédition, des astronautes s'échouent sur une planète, qui ne doit sa chaleur et sa lumière qu'à la bioluminescence de sa flore et à son activité géothermique. Malgré les avaries subies par leur navire spatial, ils décident de tenter de retourner sur Terre ; deux d'entre eux, Tommy et Angela, préfèrent cependant rester plutôt que de courir le risque d'un nouveau voyage. Cent soixante-trois ans plus tard, leurs descendants espèrent toujours une expédi... >Voir plus
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sur 87 notes
Pas si noir, il y a de l'espoir

Troisième roman de l'auteur, mais le premier semble-t-il, à avoir été traduit en français. Il a obtenu le prix A.C. Clarke en 2013.

Sur une planète où la lumière provient des seuls êtres vivants (animaux ou végétaux), un groupe de 500 humains tente de survivre. Tous descendants d'un couple de spationautes échoués sur cette mystérieuse planète, on les retrouve 160 ans plus tard. La consanguinité a fait son oeuvre et le groupe stagne, régresse même, attendant vainement des secours de la Terre, entassés parmi les vieux gros rochers de Boule-de-Lave, formant Famille. Mais John Lampionrouge veut voire plus grand, explorer le monde, s'émanciper... au risque de se faire des ennemis parmi les attentistes.

Un peu de science. On estime à 50 le nombre de personnes nécessaires pour une viabilité à cours terme et limiter la consanguinité. 500 étant la valeur refuge. 150 étant suffisant pour une reproduction normale à 2000 ans. OK, là on a deux Adam et Eve modernes (la référence « Eden » ne vous aura pas échappée) et on est dans la consanguinité plein pot, à grand renfort de becs de lièvre et pieds griffus. En même temps, d'après un certain livre très connu, on est tous issus d'un seul homme et d'une seule femme. Chacun se fera son opinion.

On aurait pu situer l'action au temps préhistorique, à l'époque des chasseurs cueilleurs, stade auquel a régressé Famille. Néanmoins toute oeuvre de science-fiction pourrait être transposée à une époque déjà vécue par l'humanité, ce n'est pas la question. D'ailleurs le background est particulièrement original et contribue grandement à la réussite du livre. Tout n'y est pas expliqué loin de là, puisqu'on se contente des connaissances lapidaires et fragmentaires des descendants, mais il nous offre une atmosphère assez pesante tout à fait raccord avec la vision assez pessimiste du livre.
Le choix du langage, avec des mots dont le sens a été oublié ou terriblement déformé et tour à tour drôle et pathétique, un choix de vocabulaire limité pour bien souligner la dégénérescence du groupe. Par contre, je n'ai pas aimé cette répétition systématique (il est gentil-gentil, malin-malin, c'est dur-dur ect...) de certains mots, le texte se suffisait à lui-même et avait, selon moi, atteint son objectif, sans avoir besoin de cet artifice supplémentaire.
Les amateurs de hard science ou du côté technologique de la science-fiction, par contre, oubliez ! (Non pas le livre, il est très sympa, mais ce pan du récit). L'histoire des spationautes échoués ne nous est contée qu'à travers les souvenirs déformés des descendants.

L'auteur aborde dans son histoire, la dynamique des groupes, l'exercice et la prise du pouvoir, la montée progressive de la violence, les rapports humains (et sexuels) sans tabous, dans cette société aux valeurs morales dictées par les impératifs de la survie, le besoin d'émancipation de la jeunesse, dans toute sa hardiesse mais sans jamais être lourd ou didactique. Simplement à travers l'histoire de John Lampionrouge et quelques comparses.

C'est facile à lire, c'est original, ce n'est pas larmoyant ou déprimant (contrairement à ce qu'on aurait pu penser de prime abord) mais plutôt plein d'espoir (pessimiste, mais plein d'espoir, ne serait-ce pas antinomique ?). Un chouette petit livre de sf intelligente (c'est pour toi Shenandoah).
Lu et critiqué dans le cadre de l'opération Masse Critique, merci à Babelio et aux éditions Presse de la cité pour m'avoir fait découvrir ce livre.
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Je tiens à remercier Babelio et les Presses de la Cité pour m'avoir fait découvrir cette oeuvre à la fois classique et atypique.
Mon 1er sentiment ? Un mélange entre le film "Avatar" de James Cameron et le roman "Sa Majesté des mouches" de William Golding.
Mon 2e sentiment ? Un mélange entre les romans préhistoriques de J.-H. Rosny et les vivisections sociales et psychologiques de Stephen King


Des fugitifs et leurs poursuivants se sont crashés sur l'exo-planète dénommée Eden, monde de ténèbres privé de la lumière d'une étoile mais éclairée çà et là par la bioluminescence de la flore et de la faune qui survie en puisant dans l'énergie géothermique de l'astre isolé. Deux naufragés restent sur place (Tommy Schneider et Angela Young) et trois naufragés tentent de repartir chercher du secours (Mehmet Haribey, Dixon Thorleye et Michael Tennison)…
160 ans plus tard les 532 habitants de Famille travaillent dans Vallée-Cercle à la survie de leur communauté dans laquelle la consanguinité fait des ravages en opposant normaux, faces-de-rats et pieds-griffus, tous répartis en huit groupes qui vivent comme les sociétés premières de chasse et de cueillette : les Lampionrouges, les Ailes-de-Rat, les Crique-aux-Poissons, les Picarbre, les Brooklyn, les Londres, les Bleus et les Fleurs-Etoiles…
Après être devenu le héros d'un jour en abattant un prédateur indigène, John Lampionrouge se sent en droit d'exprimer à voix haute ses inquiétudes quand à l'avenir de la communauté de plus en plus nombreuse face à des ressources de plus en plus limitées… Oui mais non, la tradition avant tout dit le Conseil des Anciens ! Ils poussent ainsi John à commettre l'irréparable, lui qui va être banni avant de fonder sa propre tribu avec ceux qui partagent son point de vue…

"Dark Eden" est un "Robinson Crusoé" collectif et générationnel, d'où son côté universel, à la fois un récit d'exploration et un récit de rébellion. Avec cette communauté ayant régressé au stade des peuples premiers comme le souligne l'emploi d'un vocabulaire et d'une grammaire spécifiques (ce qui est ponctuellement facile voire relou, toutefois rien de bien méchant finalement genre se tommyfier = se suicider, Secret-Air = secrétaire ou l'âme-erre = la mer), on est carrément plus dans un récit préhistorique que dans un récit de science-fiction… Mais qu'importe, la vraie force du roman c'est qu'en dépit de péripéties n'offrant rien de très palpitant on peut le considérer comme un page-turner : on alterne rapidement les points de vue de John Lampionrouge et de Tina Picarbre, agrémentés de quelques points de vue extérieurs pour mettre en lumière tel ou tel point de l'intrigue ou de l'univers… du coup on ne s'ennuie jamais et on se prend vite de sympathie pour ce groupe d'adolescents qui plus que l'éternelle querelle des Anciens et des Moderne rejoue le drame récurrent de l'humanité partagée entre ceux qui ne veulent rien changer du tout par peur de tout, ceux qui veulent améliorer les choses pour tout le monde et ceux qui veulent améliorer les choses pour eux seuls (évidement ces derniers vouent aux gémonies leurs prédécesseurs alors qu'ils leur empruntent tout au presque : c'est la stratégie habituelle des gros crevards… VDM dans un MDM).
Les lecteurs de "Rahan" reconnaîtront assez vite l'opposition entre conservateurs (les partisans de Caroline), progressistes qui essayent d'instaurer la démocratie (les partisans de John, à mi chemin entre Moïse et le Fils des Âges Farouches) et homines crevarices qui essayent d'imposer le fascisme (les partisans de David, qui parlent de Jésus pour mieux agir comme Hitler).

Un peu surpris, mais agréablement surpris, qu'en 2012 Chris Beckett écrive un roman qui pourrait être la suite du "Ravage" de René Barjavel (1943), de "La Planète des singes" de Pierre Boule (1963) ou du "Malevil" de Robert Merle (1972)… La fin est donc prévisible et laisse sur sa faim, mais cela fait partie du truc car on sent bien l'influence des Grands Anciens…
Adam et Eve, Jardin d'Eden, arbre de la connaissance, mais aussi Caïn et Abel, Exode et recherche de la Terre Promise… On sent vite qu'on puise dans la Bible pour mieux critiquer le principe même de l'autorité transcendante qui en est le fondement. John Lampionrouge veut s'émanciper des croyances et des superstitions qui empêchent l'humanité d'avancer, car comme le disait Jean Jaurès difficile d'oeuvrer au progrès de l'humanité quand on se réfère systématiquement à une divinité inaccessible qui détiendrait toutes les vérités (à laquelle d'ailleurs on peut faire dire tout et n'importe quoi, puisque celle-ci ne se manifeste jamais). de plus le concept d'autorité transcendante peut facilement être remplacé par celui d'idéologie : "Torah", "Bible", "Coran", "Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations", "Manifeste du parti communiste"… ont les mêmes effets sur leurs adorateurs !
Ce n'est pas un hasard si la nouvelle Eve est une afro-anglaise de Londres et le nouvel Adam un juif new-yorkais… L'auteur insiste ainsi beaucoup sur la manipulation de l'histoire et de la mémoire et effectivement son récit est une démonstration de l'évhémérisme : les naufragés du ciel sont devenus des dieux, l'unique femme survivante une déesse mère, la Terre un paradis à retrouver dont on attend désespérément monts et merveilles…
D'un côté l'auteur met en avant le thème de l'émancipation, accompagné du progrès en général et de la soif de connaissances en particulier à travers les personnages de John et Jeff, et d'un autre côté il met également en avant la confiscation du pouvoir accompagnée de violences et jalousies donc de trahisons… Genre cette connasse de Lucy Lu qui fait dire au Peuple des Ombres tout ce dont à envie David Lampionrouge, l'homme fort du moment… (Et contrairement à Mrs. Carmody de "The Mist", cette illuminée 100% hypocrite ne crève pas… Il n'y a pas de justice !). L'auteur montre ainsi entre autres choses les tensions qui accompagnent le passage d'une société matriarcale à une société patriarcale…


D'habitude en SFFF, je ne suis pas vraiment fan des illustrations de couverture minimalistes… Mais là, avec un mise en page aérée donc agréable et la bonne traduction de Laurent Philibert–Caillat, le livre objet est réussi car sobre et classe. Bref, un livre bien-bien… ^^
Amis babeliotes, sachons attendre patiemment le tome 2 intitulé "Mother Eden"…
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C'est via une nouvelle Masse Critique Babelio (merci à eux et aux éditions des Presses de la Cité) que j'ai pu recevoir ce Dark Eden, de Chris Beckett. Annoncé comme lauréat du prix Arthur C. Clarke, ce roman de science-fiction avait le mérite de planter dès son quatrième de couverture une situation étrange qui attirait une certaine attention.

Dès les tout premiers mots, attendez-vous à une certaine appréhension ; ce fut la mienne quand je découvris des « La forêt faisait hmmmmmmmmmmm » (sic) et des « L'air était frais-frais » ! Au départ, il fut très difficile de me plonger sereinement dans le vocabulaire particulier de cette communauté recluse. Mais plusieurs trouvailles sont vraiment bonnes dans leur construction (et au passage, on dit merci au traducteur Laurent Philibert-Caillat), c'est juste que cela prend progressivement son sens au fil des pages. En effet, nous avons affaire à environ 500 personnes de tous âges restées depuis 160 ans sur la planète Eden aux caractéristiques particulières et toutes issues d'un seul couple d'astronautes. Bienvenue donc dans une communauté menée par la consanguinité et l'entre-soi dans tous les compartiments de la vie quotidienne ! Et cette communauté, nous la parcourons de chapitre en chapitre avec la voix de plusieurs de ses membres, le héros en tête, John Lampionrouge, mais aussi de temps en temps ses proches comme Tina Picarbre, Gerry Lampionrouge ou Gela Brooklyn.
D'un point de vue structurel, Chris Beckett a besoin d'exposer, dans une longue première moitié de ce roman, les enjeux de cette communauté si particulière : 500 personnes qui doivent respecter un certain nombre de règles, le plus souvent justifiées par leur sempiternelle attente de secours venus de la Terre, et surtout au milieu d'un environnement très particulier puisque le bestiaire est peu varié mais justifié et que l'agencement relief-flore mène à des situations propres à réfléchir à notre propre rapport (et usage d'ailleurs) de la nature. La deuxième moitié de Dark Eden est davantage centrée l'action, l'exploration et la découverte : un groupe se met en branle et l'ensemble s'active naturellement. Dans cette optique, le lecteur peut même tranquillement devine des découvertes qui vont presque le concerner davantage (en tant qu'être vivant inquiet de la destinée de l'humanité) que les personnages eux-mêmes, et ce grâce à des mots antiques pour ceux-ci mais qui nous font malgré tout esquisser et reconstituer ce qui a pu se dérouler avant que survienne cette faible civilisation sur Eden.
Au bout du compte, l'intention de l'auteur est probablement de nous faire réfléchir sur les (in)conséquences d'une société miniature et déjà décadente du simple fait d'être déjà trop figée sur une obnubilation improductive. Oui, c'est un objectif ambitieux, mais finalement pas si inatteignable quand on choisit une bonne situation à l'écart des sentiers battus, un personnage principal (John Lampionrouge) qui porte tous les espoirs en nous ressemblant malgré tout beaucoup quand on s'interroge sur notre monde et, enfin, un environnement digne d'une quête d'envergure.

En somme, non, ce n'est pas un énorme coup de coeur comme j'ai pu l'entendre auprès de plusieurs autres chroniqueurs, mais cela ne l'empêche pas du tout (au contraire) d'être une très bonne lecture, suffisamment troublante même pour marquer, qui sait, le lecteur sur la durée. Dark Eden est donc à découvrir, car son originalité mérite déjà le détour.

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Lorsque j'ai refermé ce livre, j'entendais encore résonner dans ma tête le bruit des arbres qui faisaient hmmph, hmmph, hmmph… et celui de la forêt qui faisait hmmmmmmmmmm… et les pages de mon livre qui faisaient schlipp, schlipp, schlipp, schlipp… de plus en plus vite-vite, au fur et à mesure que j'avançais dans ma lecture.

Avec d'autres membres du clan des Expèressèfe de Famille Babelio, j'avais reçu ce gros-gros livre fin mars accompagné d'un gentil-gentil mot de l'éditrice : « Votre avis sur ce livre nous intéresse beaucoup. C'est donc avec grand plaisir que nous vous adressons cet exemplaire ». Par les tétons d'Okta ! Que voilà donc un superbe-superbe cadeau-masse-critique, il ne m'a fallu que la durée de deux-trois veilles pour le terminer. Schlipp, schlipp et poum ! a fait le livre une fois refermé.

John Lampionrouge est un gars sacrément malin-malin. D'ailleurs, sa copine Tina Picarbre ne s'y trompe pas, elle le trouve mignon-mignon et intéressant, il a beaucoup d'idées, John, il ne fait rien que de trouver des trucs inédits, pas du tout à la portée des autres pubieux, ni même des membres de Famille, il réfléchit à l'avance, il agit. Son cousin Gerry en revanche, se contente de le suivre et d'approuver tout ce qu'il fait ! C'est pas vraiment une flèche, celui-là, mais il est gentil-gentil, et pas contrariant. le petit frère de Gerry, Jeff, semble plus rusé-rusé mais c'est un pieds-griffus. Peut-être qu'ils sont tous comme ça, les pubieux d'Eden ! Depuis Terre, où nous sommes, on comprend assez vite-vite qu'il y a comme de la consanguinité dans Famille, ce qui entraîne des malformations : les faces-de-rats, les débiles, et les pieds-griffus qui ne peuvent se déplacer sur de longues-longues distances… Tout ça est bien triste-triste, mais ils sont tous copains, car, descendant de Tommy et Angela, ils sont tous frères ou au moins cousins, et ils s'entendent bien-bien entre eux, la preuve, ils cochent avec tout le monde, à droite et à gauche, sans tabou-tabou et à peu près comme ils veulent. Heureusement, il y a John Lampionrouge et Tina Picarbre qui sont plus futés que la moyenne. Grâce à eux, sous Tourbillon-Etoilé, l'Histoire de cet Eden si noir-noir peut se mettre en marche.

Sur Eden, les Anciens sont bien malins-malins car ils ont créé de toute pièce une religion à partir de quelques vieilles reliques (les Maquettes de Bateaux-volants et de Vécules…) et des légendes familiales que l'on se raconte à chaque Universaire, réunis dans Clairière-Cercle, sur Tommy, Angela et les Trois-Compagnons. Par les épaules de Bibalice ! C'est comme dans Famille Babelio, avec Pierre, Octavia et les Trois Ours (ceux qu'on ne voit jamais). du coup, on se demande si chez nous sur Terre, tous ces trucs de pacotille exhibés par toutes les religions ont bel et bien existé ! Ce livre fait réfléchir sur les manipulations, les croyances et la nécessité de tout ça… C'est ce que je pense-pense derrière mon ordi-natteur. Car on est ici, on est vraiment ici, comme dit Jeff Lampionrouge.

Les Expèressèfe de Famille Babelio ne seront pas déçus-déçus et vont identifier immédiatement ce livre comme faisant partie du sous-genre planet opera, sous-genre déjà bien rebattu-rebattu et, malgré un scénario classique-classique, ils conviendront de l'originalité de la vision, de la créativité du vocabulaire, et de la puissance de la narration, qui parviennent à captiver et à émouvoir. Je suis sûr-sûr que vous avez bien pleuré-pleuré et fondu en grosses-grosses larmes, tous les Shenandoah, Ewylyn, Alfaric, Witchblade, Zebra et fnitter… en lisant ces pages ! Je vous connais, vous êtes de Famille Babelio ! Car une impression d'infinie tristesse-tristesse se dégage de ces chapitres, saturés d'un énorme-énorme sentiment de nostalgie et de mélancolie, où l'on pleure beaucoup, où l'on évoque sans cesse un passé idéalisé et un monde technologique qu'il convient désormais d'oublier. C'est ce que comprennent John et Tina, les plus lucides-lucides des protagonistes, les nouveaux-nouveaux Adam et Eve du Dark Eden, entraînant avec eux un petit groupe formant une nouvelle Famille.

Houm ! Houm ! Houm ! a fait un oiseau-étoile… Aaaah ! Aaaah ! lui a répondu un autre ; et hmmph, hmmph, hmmph ont pompé les arbres, et hmmmmmmmmmmmmm a fait la forêt… Grâce à la chaleur et à la lumière dispensées par les Grands-Arbres, grâce à une nouvelle façon d'envisager le monde, grâce à l'espoir et au courage chevillés au corps, il ne fera plus si froid-froid ni si noir-noir sous la voûte céleste de Tourbillon-Etoilé où aucun Gros-Bateau-Volant venu de Terre ne réapparaîtra jamais-jamais plus. Paaaaarp ! Paaaaarp ! Paaaaarp ! Ainsi sonnent les trompes en branchecreuse qui indiquent le ralliement dans Clairière-Cercle et il est donc temps de conclure ma critique. Afin de réconforter cette nouvelle Humanité à la fois si misérable et si courageuse, et de rassurer la si gentille-gentille éditrice, j'ai ajouté sans vraiment beaucoup me forcer une cinquième étoile à ma notation.
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Sur une planète de ténèbres dont les seules lumières proviennent des plantes et des animaux, les descendants des rescapés d'une expédition spatiale attendent que Terre reviennent les chercher. Génération après génération, ils attendent au même endroit, dans Vallée-Cercle, là où le véhicule d'atterrissage s'était posé. Ensemble, ne faisant rien d'autre que d'assurer leur subsistance et se raconter l'Histoire d'Angela et Tommy, leurs ancêtres, ils espèrent le retour de Terre. Jusqu'au jour où John Lampionrouge brise l'immobilisme et l'unité de Famille en voulant voir ce qu'il y a au-delà de Vallée-Cercle.

Chris Beckett créé un monde totalement crédible et cohérent. L'auteur prend son temps pour donner vie à Eden. Il s'attache à dépeindre chaque élément de cet univers, sa géographie, sa faune, sa flore. L'immersion est totale. On croirait entendre le bruit de la forêt, on jurerait ressentir le froid de Noir-Neige, on a vraiment l'impression d'être plongé dans ce monde de noirceur.

La langue participe à cette immersion. Originale, l'écriture est en totale adéquation avec le récit. En quelques générations, le langage, hérité de leurs ancêtres terriens, s'est fait plus primitif, dépourvu de nuances. L'intensité d'un sentiment est exprimée par la répétition d'un mot ("triste-triste", "froid-froid"...). Certains mots, n'ayant plus de réalité tangible pour ces personnages revenus à l'âge de pierre, sont déformés ("les lectricités", la "rade-yo"...). Il faut d'ailleurs souligner la pertinence de la traduction qui est remarquable.

Sans précipitation, l'auteur installe ses personnages, nous fait partager leur quotidien avant de développer son récit en y intégrant de nouveaux enjeux profonds et passionnants.
Le roman de Chris Beckett brasse de nombreux thèmes avec intelligence. "Dark Eden" est un récit de science-fiction proche du planet-opera qui parle de nous, de l'Humanité avec une telle universalité que l'identification est totale. En lisant "Dark Eden", on a le sentiment de découvrir le roman de l'aube de notre civilisation.
En voulant faire entendre sa voix, John Lampionrouge affirme son individualité. Dès lors, la scission de Famille est inévitable. Chris Beckett évoque ce cap que l'Humanité a franchi, tournant de plus en plus le dos à son animalité pour aller vers la civilisation, délaissant l'instinct pour la réflexion et l'anticipation. L'auteur explore toutes les facettes de cette évolution, leurs implications, bonnes (le progrès, la soif de connaissance, l'émancipation individuelle...) ou mauvaises (tentation du pouvoir, violence, jalousie, trahison...).

S'il est d'une grande richesse, explorant de nombreux thèmes passionnants (la transmission, la superstition, le glissement d'une société matriarcale à une société patriarcale, les prémisses de la politique...), "Dark Eden" n'en oublie pas pour autant d'être un récit d'aventures. le roman enchaîne les péripéties et possède un souffle et une ampleur qui emportent complètement le lecteur. Quant aux personnages principaux, ils sont si bien dessinés, qu'il est impossible de ne pas s'attacher à eux, de ne pas se reconnaître en eux.

Cette grande et belle aventure fait vibrer le lecteur jusqu'à un dénouement qui s'il était pressenti n'en surprend pas moins le lecteur, un dénouement à la fois dramatique dans son inéluctabilité et porteur d'espoir, imprimant dans l'esprit et le coeur du lecteur ce moment particulier où l'Humain cesse de raconter et attendre L Histoire et se décide à l'écrire.

Je remercie chaleureusement Babelio et les Presses de la Cité pour la découverte de cette pépite littéraire pour laquelle je peine à trouver les mots qui témoigneraient de mon enthousiasme face à cette lecture enchanteresse. Pourtant, ce merveilleux roman mériterait un très large public.
"Dark Eden" est, n'ayons pas peur des mots, un chef d'oeuvre qui a du sens et une âme, qui sait toucher l'esprit et le coeur. Lisez-le ! N'hésitez pas, embarquez pour Eden, la planète noire, pour un voyage intense, pour un moment de lecture lumineux.
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Citations et extraits (33) Voir plus Ajouter une citation
page 71 [...] On devrait cesser d'attendre que Terre donne un but à tout ce qu'on fait. Et on ne devrait pas rester entassés au même endroit, et faire les mêmes choses, encore et toujours.
- Mais l'Histoire Vraie dit que la Terre reviendra à Cercle-de-Pierres et que si on n'est pas là elle ne nous trouvera pas.
- Je sais, a dit John. Je sais.
Il a réfléchi longtemps et, deux fois, il a commencé à parler mais s'est interrompu. Puis il a repris d'une petite voix, comme s'il n'avait pas envie d'entendre ce qu'il allait dire :
- Il me semble que, s'ils peuvent faire venir un bateau de l'autre côté de Tourbillon-Étoilé, ça ne devrait pas être un problème pour eux de nous trouver, même si on est à quelques kilomètres de Cercle, non ? Selon moi, ça vaut le coup de tenter cette chance. Je veux dire, ça ne sert à rien d'attendre ici si c'est pour manquer de nourriture et mourir de faim, hein ? Sans ça, Terre ne trouvera qu'un tas d'os. [...]
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- Donc, Gerry n'a pas le droit d'avoir des idées à lui ? Alors que les Anciens, eux, peuvent inventer n'importe quelle histoire de fées et nous obliger à l'accepter comme si c'était la vérité ?
- Fais gaffe, John, a dit David. Fais foutrement gaffe à ce que tu dis.
- Ah, les pubieux ! s'est plaint Vieux Roger. De mon temps, on respectait nos Anciens. On n'aurait jamais dit que l'Histoire Vraie était inventée.
Je ne pensais pas qu'elle était vraiment inventée. Que Tommy et Angela et les Trois Compagnons soient descendus du ciel, d'accord. Après tout, on avait les Souvenirs, on avait les Maquettes de Terre, on avait des vieilles inscriptions et des images gravées sur les arbres. On avait toutes sortes de raisons de croire que c'était vrai. C'est juste que je n'aimais pas que certains pensent avoir le droit de se réserver cette vieille histoire et de lui faire dire ce qu'ils voulaient.
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Le problème, c'est que la viande commençait à manquer dans Vallée-Cercle. Ça ne servait à rien de monter à un arbre et de glousser. On allait devoir faire quelque chose ou, une veille ou l'autre, Famille mourrait de faim. A moins, bien sûr, qu'il y ait un autre éboulement de rochers près de Chutes-Sortie ; auquel cas, on serait tous noyés avant.
Moi, la famine et la noyade ne m'inquiétaient pas, parce que je serais mort d'ennui longtemps avant tout ça si je n'arrivais pas à provoquer quelque chose dans ce monde, quelque chose de différent, quelque chose d'important.
C'était à ça que je pensais ; mais Gerry, qui m'aimait tant, ne voyait pas tout ce qui se passait dans ma tête. Il était content-content. J'ai souri et ça lui a suffi. Ça suffisait à tous les autres.
Enfin, presque tous les autres. Tina comprenait, et Jade elle aussi aurait vu que je faisais semblant, non pas parce que j'étais proche d'elle – je ne l'étais pas – mais parce que j'étais comme elle. Je bouillonnais. Je bouillonnais et j'étais vide à l'intérieur et j'avais faim de quelque chose de plus que l'ordinaire.
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- Et l'argent? les a pressés Tom Brooklyn
- Ah, a fait Gela. L'argent, c'était des nombres qu'on avait dans la tête.
- On pouvait l'échanger contre les choses qu'on voulait, a dit Mitch.
Échanger des choses contre des nombres qu'on avait dans la tête? Personne n'avait jamais compris ce que ça voulait dire, mais les Anciens en parlaient à chaque Universère comme si, une veille ou l'autre, quelqu’un allait se lever et crier : "Oui, bien sur! Bien sur! Je comprends, maintenant! Je sais comment ça marchait!"
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J'avais chassé tous les sentiments de mon esprit, comme j'avais fait avec le léopard, mais là, l'espace d'un instant, ils sont revenus d'un coup. J'ai pensé à ce que ressentait le vieux Mitch pour cet endroit spécial, construit par sa grand-mère et son grand-père, cet endroit qui avait toujours été là pendant sa longue-longue vie, et j'ai compris que j'avais tout gâché. J'avais détruit le paisible centre de Famille. Même si j'arrêtais maintenant, c'était fichu. Tout était en morceaux, pour toujours.
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