Le village de Shellawick, au milieu d'un désert de cailloux noirs, dans le Midwest, s'était peu à peu vidé de ses habitants. Peut-être à cause du soleil torride qui les écrasait ou des tornades qui balayaient tout sur leur passage. Toujours est-il que, dès que les petits commerces du coin ont fermé, que ce soient les snacks-bars, le bowling ou la pizzéria, les gens sont partis, abandonnant tout derrière eux. La plupart sont partis vivre à Cornado, à 30 miles au nord, là où était implantée l'usine de pop-corn du Buffalo Rocks qui employait la moitié de Shellawick et des patelins voisins. Tom, lui, propriétaire d'une supérette, a tenu bon. Malgré les rayons désespérément vides. Les habitants venaient non seulement remplir leurs caddies mais aussi pour s'asseoir sur le fauteuil de barbier en cuir élimé, hérité de son père, et livrer leurs petits secrets. Tom observe, écoute et croque sous forme de haïkus notés dans les pages des annuaires, cette galerie de personnages...
Avec ce roman, Émilie de Turkheim nous plonge en plein coeur de ce désert américain, sous ce soleil de plomb, tant les descriptions sont précises, aussi bien l'environnement que les personnages qui l'habite. Des personnages hauts en couleurs et terriblement attachants. Tom, évidemment, le "pop-corn kid", qui ne compte pas se laisser marcher sur les pieds par ce supermarché géant. Viennent ensuite Matt, son professeur, à qui il doit beaucoup; Fleur, une cliente fidèle, perchée sur ses talons aiguilles et qui ne boit que du whisky de qualité; Émilie, fille adoptive de Matt, à l'enfance cabossée... et bien d'autres encore. Ce roman, ample et dense, aborde différents sujets tels que la société de consommation, le gigantisme, le pouvoir de l'argent mais aussi les Indiens d'Amérique ou encore la notion de bonheur (nom, d'ailleurs, que Tom donnera à sa supérette). L'auteur multiplie les scènes cocasses. L'écriture est quant à elle, à la fois inventive, poétique et riche, les expressions ne manquent pas. Un récit fantasque, tendre et original...
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Voici un drôle de livre, petit bijou pétri de poésie, de folie douce et de haïkus ,à la fois déjanté, fantasque mais terriblement attachant !
L'histoire de Tom et son super - marché « Le Bonheur » le seul à être allé à l'université ,né dans cette ambiance couleur de suie, en plein désert des cailloux noirs , à Shellawick , , au coeur du Midwest .
Pourtant , petit à petit cette ville se vide , comme un sablier renversé —— grain à grain sans faire de bruit ——les trois snacks - bars ont fermé, la pizzeria et le bowling ——
Seul le super- marché de Tom où il vendait tout ce qu'il fallait pour ne pas mourir de faim —-, se laver et tuer les mouches ——subsistait , les clients défilaient pour raconter leur histoire sur le fauteuil de barbier de son père ...
Les gens prenaient tous un jour ou l'autre le chemin de l'usine de pop- corn , de la distillerie ou du salon de coiffure .
Ceux qui tenaient à rester à Shellawick auraient répondu au pourquoi « Pass' que chu' né là, pauvre crêle. »
Jusqu'au jour où jaillit un fabuleux hypermarché climatisé ... nommé « Corne d'Abondance ».
Mais Comment combattre un tel concurrent ?
Où l'on croise Jeff Woolson , le maire curieux des jérémiades et des bêtises en tout genre débitées dans le fauteuil de Tom, Matt, l'instituteur pendant 50 ans, qui racontait sa vie par petites touches, Fleur, une vieille géologue juchée sur des talons aiguilles buvant du whisky hors de prix , des indiens , des rêves et des souvenirs enfouis sous une chaleur de plomb et bien d'autres personnages , des gestes du quotidien déjantés contés avec simplicité , naturel ——une incroyable dose d'humour et de fantaisie .——un vrai talent , Émilie de Turckheim , auteure que je ne connais pas...
Un ouvrage souriant , ironique à propos de la dérision et de la quête du bonheur dans nos sociétés avides d'abondance, de consommation ....du toujours plus ——au coeur de ces terres chaudes des Indiens des Plaines .——
Repèré grâce au titre et au nom de l'auteur , lu d'une traite avec bonheur , plus profond qu'il ne paraît ....On ne peut pas transcrire l'esprit exact de cet ouvrage , il faut le lire ...
Tom :
« En écoutant mes clients , j'ai appris que les autobiographies étaient des tissus de mensonges sincères , qui variaient au gré des années et des ressentiments . Matt inventait des souvenirs quand il ne trouvait plus rien à me dire . La plupart des gens dont il me parlait s'asseyaient eux aussi sur mon fauteuil. J'entendais alors d'autres versions sincères et mensongères des mêmes événements .. »
Ce n'est que mon avis, tout relatif ...
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Attirée par le titre curieux et le nom de l'auteure ( j'avais envie de la découvrir ) , je me suis lancée...et la lecture s'est révélée jubilatoire!
Un univers déjanté comme je les aime, au fin fond du Middlewest, des personnages hauts en couleurs et un peu fêlés, " ça aurait été crêle de pas en profiter ", touré ! Excusez-moi, je me suis trop imprégnée des expressions locales...
Pour vous mettre en appétit, voici un assortiment à grignoter ( pas du pop-corn, en tout cas!) : un vieux fauteuil de barbier qui sert de confessionnal, un" supermarché " qui n'en est pas vraiment un et dont la devise minimaliste de vente est " manger, se laver et trucider les mouches", le propriétaire, Tom, à la fois poète ( il écrit des haïkus à propos de ses clients) et psychanalyste (d'où le fauteuil, vous suivez toujours?)
J'ajouterais un hypermarché construit en face pour narguer Tom et l'entraîner dans la faillite, Emily Dickinson, non, pas la femme de lettres, une autre, vous décrochez, pas vrai? C'est normal! Et il y a , trônant au-dessus de tout cela, le Pierrier, la montagne noire, poussière, chaleur, cailloux, ouh! " Touré de zate de coye!"
Mais ne vous arrêtez pas qu'au côté loufoque, humoristique du livre, qui peut parfois devenir lassant. Car l'auteure épingle ici de nombreux travers de la société américaine contemporaine : les conditions de travail déplorables des usines de pop-corn, la désertification des petites villes, le gigantisme des magasins, associé au consumérisme. Mais elle le fait avec malice et fraîcheur dans le ton. Et le personnage de Tom est tellement attachant!
Un roman qui ne laisse pas indifférent, assurément!
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La nouvelle folie romanesque d'Émilie de Turckheim prend vie au Kansas, dans un désert où souffle un vent aussi affolant que l'haleine du diable...
Lire la critique sur le site : LePoint
Avec Popcorn melody, l'écrivain retrace le territoire ancestral des Indiens des plaines avec un brin de poésie et de folie.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
34 ans, beauté diaphane, cultive des histoires insolites comme autant de fleurs jamais recensées dans les manuels d'horticulture.
Lire la critique sur le site : Lexpress
On aimerait remercier la personne dont on est amoureux, n'est-ce pas? Mais qu'est ce qu'elle y peut? Elle n'est même pas du voyage! Tout ce qu'on désire, on le désire seul. Quand l'autre s'en mêle, c'est trop tard, on a tout organisé... On a sa manière à soi de se laisser envahir et de souffrir... La joie, l'espoir, le désespoir, on tient à s'occuper de tout! À peu de chose près, l'autre n'a rien à voir avec l'amour immense qu'on lui porte.
« Je ne me suis pas battu contre les livres. Ils ne m’ont jamais rabaissé . Je n’ai pas consigné les mots , innombrables, que je rencontrais au cours de mes lectures et dont j’ignorais le sens, avec le projet de les mémoriser pour combler les lacunes de mon lexique personnel. Je me suis laissé porter, avec une passivité ardente, et j’ai appris à habiter les livres .
J’ai appris à les déchiffrer comme un enfant apprend sa langue maternelle : souplement , en me trompant , sans me rendre compte de la révolution qui était en jeu——et à une vitesse extraordinaire ..... »
Je lui répondais qu'elle était ma seule amie et que le temps que je passais auprès d'elle était ce que mon professeur Monsieur Takemo appelait le printemps intérieur, cette sensation de fleurir au contact de quelqu'un.
On trouvait dans Shellawick deux ou trois épiceries dégarnies, mais mon magasin était le seul qui méritait le nom de supermarché, grâce à mes deux caddies, ma colonne de paniers haute comme un plan de maïs, et mes quatre allées remplies de produits qui permettaient de vivre vieux et heureux. Je vendais tout ce qu'il fallait pour ne pas mourir de faim, se laver, et tuer les mouches.
Émily était comme ces comédiennes de cinéma qui ont un rôle aussi court qu'une étoile filante et qui concentrent dans cet instant toute la lumière qui ne s'est jamais posée sur elle.
L'émission intégrale : https://www.web-tv-culture.com/emission/emilie-de-turckheim-lunch-box-52661.html
Comme elle le dit elle-même, d'aussi loin qu'elle s'en souvienne, la vie d'Emilie de Turckheim s'est toujours construite dans les livres et les histoires, celles qu'on lui racontait comme celles qu'elle s'inventait.
Parallèlement, les souvenirs de sa petite enfance sont liés à ces quatre années pendant lesquelles sa famille s'était expatriée professionnellement aux Etats-Unis.
De retour en France, ses études de droit, de socio ou de sciences politiques n'ont jamais fait dévier la jeune femme de son objectif premier, elle serait écrivain.
A 24 ans, elle publie « Les amants terrestres » suivi rapidement de « Chute libre », « le joli mois de mai » ou « Héloïse est chauve ». Autant de titres, certains primés, qui installent durablement Emilie de Turckheim sur l'étagère des auteurs qui comptent.
Son nouveau roman, qui signe son entrée chez Gallimard, confirme tout le bien qu'on pendait déjà d'elle.
Avec « Lunch box », ses souvenirs d'enfance ne sont pas loin. La lunch box, c'est cette petite boite métallique dans laquelle, chaque matin, toute bonne mère de famille américaine prépare le pique-nique de son enfant, y glissant entre deux tranches de pain de mie et un blanc de dinde, tout son amour et sa tendresse.
Nous sommes donc au milieu des années 80, dans une petite ville cossue de la côte est des Etats-Unis, là où sont installées de nombreuses familles françaises, souvent expatriées pour le business. Dans ce petit monde clos, au nom de la légendaire amitié franco-américaine, on se reçoit avec force effusions mais bien souvent les sourires restent de façade et ne traduisent qu'une partie des sentiments. C'est dans ce décor qu'évolue Sarah, une jeune professeur de musique qui, dans l'école bilingue de la petite ville, est la coqueluche des enfants et de leurs parents car, derrière son côté fantasque, elle n'a pas son pareil pour mettre sur pied les spectacles de fin d'année. Sarah a un coup de coeur pour David, à qui elle donne des cours de piano. Mais il est marié à Solène et leur fille, Laëtitia, est aussi l'élève de Sarah. Bref, rien n'est simple. Pourtant, dans ce décor rêvé de l'american way of life, Sarah a envie d'y croire. En attendant, deux fois par semaine, dans son van, elle accompagne six enfants du quartier à l'école, dont la petite Laëtitia. Mais, comme inévitable, le drame arrive, les sourires s'effacent et le quotidien de cette communauté éclate en mille morceaux.
Habilement construit, en deux temps, après et avant le drame, avec un enchainement implacable que je me garderai bien de vous dévoiler, le roman d'Emilie de Turckheim est une réussite, tant sur l'intrigue que sur la qualité de l'écriture, une histoire cruelle et féroce abordant entre autres les thèmes du deuil, du déracinement, de la fatalité et de la culpabilité.
Les personnages se fissurent au fil des pages, se laissant envahir par la mélancolie et le mal de vivre. Et cette Amérique idéalisée devient un enfer inextinguible où le destin tire les ficelles inexorablement.
« Lunch box » d'Emilie de Thurckheim est publié chez Gallimard.
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