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EAN : 9782264071378
456 pages
10-18 (19/10/2017)
3.73/5   122 notes
Résumé :
Karin Müller, Tome 1
Berlin-Est, hiver 1975. Sa loyauté envers le régime a toujours été totale. Lorsqu’elle est dépêchée près du Mur, pour examiner le corps d’une adolescente abattue par balle, le lieutenant Karin Müller ne pense qu’à remplir son devoir. Au premier abord, tout ressemble à un fait tristement ordinaire : la jeune victime a tenté de fuir vers l’Ouest, dans l’espoir de trouver un avenir meilleur de l’autre côté du Mur. Sauf que les empreintes dan... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (43) Voir plus Ajouter une critique
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Berlin-Est en 1975, près du mur dénommé « rempart antifasciste », dans le cimetière Sainte-Elisabeth, le cadavre d'une adolescente, est retrouvé. Elle a été abattue alors qu'elle paraissait fuir vers l'Est et son identification est rendue impossible tant son visage est atrocement mutilé. Scénario inhabituel vous en conviendrez, c'est plutôt le contraire qui se produit!

Dans Berlin où le mur divise la ville en deux sociétés distinctes, toute tentative de fuir vers l'Ouest est sévèrement réprimée : les gardes-frontières n'hésitent pas à tirer.

L'enquête va être confiée à la camarade-lieutenant Karin Muller, seule femme à la tête d'une brigade de la Police du Peuple, la Volpo (Volkspolizei) chargée d'élucider cette affaire pour le compte de la branche « criminelle » la Kripo (Kriminalpolizei). Ici, ce n'est pas l'oeil de Moscou qui est aux aguets, c'est celui très discret de la Sécurité d'Etat, la Stasi, en la personne du Lieutenant-colonel Klaus Jäger. Il n'y a guère de différence me direz-vous !

David Young m'a littéralement embarquée dans cette enquête (merci Pecosa). C'est un polar historique de conception classique comme je les aime. C'est crédible, inspiré de faits réels, on tourne les pages avec avidité. le suspens nous tient en haleine jusqu'au bout. L'auteur a effectué un excellent travail de vulgarisation pour bien immerger son lecteur dans l'atmosphère pesante de ces années terribles en RDA communiste. C'est fouillé, précis, parfaitement décrit. Il analyse la sociologie des personnages, nous fait participer à leur réflexion gangrénée par la propagande. Il se dégage du récit cette méfiance toxique qui empoisonne les relations des uns envers les autres. Dans cette RDA, pour sauver sa peau, chaque citoyen peut se transformer en informateur. Cette ambiance rend encore plus tendue la lecture. L'auteur entrecroise deux histoires parallèles mais qui sont indispensables au récit. C'est passionnant et instructif. Seul petit bémol, la fin trop « théâtrale » ; ce roman méritait une fin plus sobre et fiable. Un excellent moment de lecture détente. du coup, je viens d'entamer Stasi Block !
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Berlin Est 1975 :
Démarrage en trombe pour Stasi child. le lieutenant Karin Muller, de la Kripo, la police criminelle d'Allemagne de l'Est, blonde aux yeux bleus, trente ans, marié à Gottfried :
«Seule policière du pays à la tête d'une unité de la brigade criminelle, elle ne pouvait se permettre de passer pour une salope» est réveillée par une sonnerie de téléphone.
Elle se trouve dans le lit du sous-lieutenant Werner Tilsner, son adjoint, marié, lui, à Koletta.
Ils partent aussitôt sur une scène de crime. le corps d'une jeune fille a été découvert au cimetière Sainte-Elisabeth. Près du Mur, le Rempart antifasciste comme on l'appelle alors à Berlin, côté est. La Stasi est déjà sur place....Le lieutenant-colonel Klaus Jäger supervise l'enquête, et informe les deux policiers de la raison de sa présence :
«— En revanche, je peux vous donner la raison de cette implication. La victime semble avoir été touchée par des coups de feu provenant de l'Ouest – a priori tirés par des gardes-frontières – alors qu'elle tentait de fuir vers l'Est.»
Les deux policiers ne sont pas dupes de ce que leur raconte l'officier de la Stasi mais ils gardent leur impression pour eux-mêmes :
«— Je ne sais pas si on peut appeler ça une enquête, observa Tilsner. J'ai l'impression que c'est déjà tout vu et qu'on nous fait intervenir après coup.
 Mais escalader deux murs en étant blessée et sans que nos gardes la remarquent ? Ils dormaient tous ? Ça m'étonnerait beaucoup.»
Pourquoi la Stasi tient-elle tant que cela à ce que la Kripo se charge de l'enquête ? Jäger est formel :
«J'ai besoin qu'une équipe criminelle compétente récolte et enregistre les preuves, sans dépendre du ministère de la Sécurité d'État. N'allez pas croire que vos efforts seront vains, je vous en prie.»
Muller, son adjoint Tilsner et Schmidt l'expert de la police scientifique, sont face à un dilemme. La Stasi acceptera-t-elle toutes leurs conclusions ? Ne sont-ils pas en danger depuis que Jäger leur a confié l'enquête ? Parviendront-ils à identifier la victime et coincer son assassin, sans remettre en cause la version officielle de la Stasi ?

Toutes choses égales par ailleurs, Karin Müller en 1975 se retrouve dans la même situation que Bernie Gunther (le héros de la -trilogie Berlinoise de Philip Kerr) face aux Nazis. Comment faire jaillir la vérité dans un système politique qui défend sa propre vérité ? Encore qu'à la différence de Bernie qui n'est pas nazi, Karin Müller, elle, pense que :
«L'égalité avait ses limites dans leur État prolétarien, songea Müller, mais c'était un monde tout de même plus juste que de l'autre côté du Rempart antifasciste. Ça crevait les yeux chaque fois que les insupportables programmes d'information ouest-allemands dont Gottfried était friand déversaient leurs sempiternels comptes rendus de grève et de mécontentement ouvrier.»

L'essentiel de l'intrigue repose sur la divergence de vue entre le service de sécurité de l'état (La Stasi), et la responsable de l'enquête Karin Müller de la Kripo. La Stasi veut découvrir les coupables, mais à condition que cela ne remette pas en cause l'idéologie du système. Müller entend faire valoir ses compétences d'enquêteur quelque soit les conclusions auxquelles elle parviendra.

L'auteur développe cette thématique de façon précise et détaillée, parfois un peu trop. Il prend du plaisir à décrire la vie en RDA en 1975, alors que le sytème communiste commence à connaître ses premières remise en cause et que la fuite vers l'ouest tente, malgré les dangers, de plus en plus les jeunes Berlinois.


Young émaille son récit de références à la vie quotidienne de l'époque en RDA : les voitures Trabant, Wartburg, Lada et Barka - le jeu de construction Pebe (l'équivalent du Lego) - les appareils photos Praktika et Foton (Le Polaroïd soviétique) - «l'atmosphère enfumée du tramway» - les comités de quartier («— Vous êtes membres du comité de quartier ? demanda-t-elle à Müller. Voilà de quoi je parlais, ajouta-t-elle en désignant la gadoue sous ses pieds. À quoi bon nous construire des appartements neufs si on n'arrange pas les routes et les allées ? Je risque de me noyer en tombant dans cette boue. Enfin, au moins, vous êtes là.») - «Le VEB Autobahnkombinat – l'entreprise de travaux publics gérée par l'État qui supervisait la construction d'une autoroute entre Berlin et Rostock.» - «Le camion-benne IFA W50» - les vacances sur la Baltique - Des femmes qui travaillent dans le bâtiment - La Vopo -

Karin Müller est partie prenante du système, même si parfois elle peut douter :

«Face à celui des Eisenberg, un autre grand ensemble de béton sortait du sol et semblait s'élever sous les yeux de Müller. Cela lui rappelait le jeu de construction Pebe qu'elle avait offert à son neveu deux ans plus tôt, lorsqu'elle avait fêté Noël en famille dans la pension que tenait sa mère en Thuringe. En l'espace de quelques heures à peine, alors que les adultes digéraient leur repas de fête, le petit garçon avait construit une tour moderniste en empilant les briques en plastique. Ici, aujourd'hui, des ouvriers adultes membres de l'État prolétarien bâtissaient le rêve socialiste dans sa version grandeur nature. Pourtant, même si ce spectacle remplissait Müller d'espoir pour l'avenir de son pays, le souvenir du cadeau de Noël était source de culpabilité. Cette année, elle n'était pas retournée à la maison familiale d'Oberhof – le Saint-Moritz est-allemand.»

La foi de Müller dans le système contrebalance les doutes exprimés par son mari Gottfried, professeur de mathématiques dont la fidélité au parti est prise en défaut :
«Pendant le séjour de Gottfried à Rügen – banni pour n'avoir pas su instiller assez de fanatisme partisan à ses élèves berlinois, il avait dû enseigner quelque temps dans une maison de correction –»

C'est là, la deuxième thématique forte du roman. L'amour entre Karin et Gottfried peut-il survivre dans un système politique et social basé sur le mensonge et la dissimulation ?

Dans la maison de correction de Prora Ost, Gottfried va croiser deux jeunes filles, Beate Ewert et Irma Behrendt qui vont interférer dans l'enquête de son épouse.

Dès lors comment Karin Müller parviendra-t-elle à gérer cette double contrainte :
fidélité envers le parti via l'enquête qui lui est confiée par la Stasi et loyauté envers son mari, même si elle trompe avec Tilsner ? Sachant que Gottfried n'a jamais caché son attirance pour l'Ouest. Attirance que Karin ne partage pas. Même si :
« Au bureau, elle s'autorisa un souvenir de l'Ouest. Entassant les sacs de courses sur la longue table, sous le panneau d'affichage, elle prit la grosse boîte de chaussures. Elle l'ouvrit, souleva avec précaution le papier de soie qui protégeait les bottes. Elle en prit une dont elle caressa le revers en fourrure comme on caresse un chat. Une petite touche de luxe. »

Elle s'interroge sur les objectifs de Jäger et de la Stasi :
« Elle ne s'expliquait toujours pas ses motivations exactes. D'un côté, il ne cessait de définir avec précision les bornes à ne pas dépasser, de les mettre en garde ; de l'autre, il semblait leur ouvrir des portes pour leur permettre de mener une enquête de plus en plus approfondie, quelles qu'en soient les conséquences. »
Dans un système où la vie privée des individus n'a aucune importance, Karin et Gottfried n'ignorent pas quelles peuvent être les conséquences de conduites hors normes. Les agents de la Stasi n'ont pas assez d'imagination pour penser qu'une enquêtrice de la Kripo peut être la femme d'un professeur de mathématiques attiré par l'Ouest, sans être un tant soit peu contaminée.
« L'article 96 de la constitution de la RDA, (…) : « Toute personne reconnue coupable de tentative de déstabilisation de l'ordre politique ou social de la RDA peut, dans certains cas graves, se voir condamnée à mort. »

Par contre, les mêmes agents font preuve d'une imagination débordante pour créer la réalité qui leur convient, en produisant des preuves plus vraies que de nature.

« — Qu'est-ce que c'est que ça ? hurla-t-il en laissant tomber la photo sur la table.
Gottfried eut un mouvement de recul : on le voyait embrasser une jeune fille sur la bouche tout en lui tripotant la poitrine. Il ne s'agissait pas d'Irma mais de Beate Ewert.
— Je vous le demande, citoyen Müller. »

Malgré les obstacles qui surgissent de toute part, Karin continue son enquête :

« À en croire Jäger, c'est Tilsner qui avait une dette envers lui. Il y avait trop de secrets autour de cette enquête. Trop de mensonges. Müller ne savait plus que croire, ni qui. »

Stasi Child, sous couvert d'une enquête criminelle, décrit de façon minutieuse ce qu'était la vie dans les pays communistes, particulièrement en RDA. On ne peut s'empêcher de penser au film de Florian Henckel La vie des autres (2007).

Système pervers qui place les individus dans des situations insupportables pour les pousser à la faute et les convaincre de trahison. La collaboration avec ses propres bourreaux pour les aider à démasquer d'autres traitres apparait alors comme la seule porte de sortie pour échapper au pire.
Dans ces conditions, la confiance, la base de tout lien social est rompue, et la société toute entière bascule dans l'absurde et la déraison, autorisant les comportements les plus vils.

Le roman est long, comme un jour sans fin, précis, détaillé, mais jamais ennuyeux. le récit restitue ce que vivent ses personnages, s'interrogeant sans arrêt sur les objectifs poursuivis par ceux qui les gouvernent, doutant de leur entourage, s'épuisant à trouver en eux la force de continuer.

Stasi Child est le premier roman de David Young. Attendons la suite.
Lien : http://desecrits.blog.lemond..
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La bonne idée de l'auteur de ce thriller est de situer l'action en Allemagne de l'Est en 1975 et de nous plonger dans une enquête menée par une Karin Muller, jeune inspectrice qui vit dans cette démocratie populaire dont les coulisses nous seront dévoilées au fil de l'intrigue qui nous conduit de Berlin-Ouest à la Baltique. Seul bémol, le dénouement, la fin du roman m'a paru un peu bâclée avec ces rebondissements multiples et le fait de camper le vice-directeur de la stasi en méchant psychopathe verse un peu trop dans la caricature à mon goût. Les autres personnages sont plus convaincants et humains.
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Je ne sais trop pourquoi un vague sentiment d'insuffisance m'habite après avoir terminé la lecture de Stasi Child. Pourtant, ce qu'a écrit David Young est très documenté, très précis, très détaillé, très recherché et surtout immensément plausible. Mais, je suis restée sur ma faim. Il m'a semblé que la caractérisation des personnages était superficielle et ingénue alors que le sujet lui-même est dense, lourd, inquiétant.
Allemagne de l'Est dans les années '70 , la méfiance, la suspicion et le doute concernent tout et tout le monde. Karin Müller, enquêtrice principale à la brigade crimelle doit travailler sur le meurtre d'une jeune fille sauvagement mutilée. Dès le début de l'enquête, tout le monde s'en mêle: police criminelle, Kapo, Stasi etc. Bien sûr, on devine que cette enquête ira plus loin que ce meurtre affreux et tout de suite on sent aussi le sable dans l'engrenage de cette investigation, on a conscience qu'il y aura des conséquences graves que certains voudront tenir cachées. Stasi Child nous en apprend encore sur les pratiques de cette police politique qu'était la Stasi en RDA et dont tout le monde faisait partie ou presque, sur ses façons de fonctionner, de raisonner et sur la main mise qu'elle avait sur les citoyens . À lire si vous n'êtes pas allergiques aux complots, aux intriques politiques, aux dirigeants politiques et à leurs bassesses, leurs manigances et leurs perversions.
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Polar sans grande originalité mais de bonne facture dont la force réside dans la peinture sans concession de ce régime d'Allemagne de l'Est qui a sans doute été un must dans l'abjection communiste qui a enfermé des centaines de millions d'Européens pendant trois générations.
Une police politique omnipotente, dont certains des plus hauts responsables se livrent pour se distraire à des sévices sexuels sur des adolescentes. L'une d'elles est retrouvée morte au pied du Mur. Tenter de démasquer un criminel évoluant dans les cercles du pouvoir est quasi impossible. La tristement célèbre Stasi qui manipule tout le monde y compris l'inspectrice de police à laquelle on a confié cette enquête plus que délicate n'entend pas qu'un scandale puisse éclabousser l'un de ses dirigeants. Meurtre maquillé, cadavre mutilé, preuves trafiquées, photos truquées, conditions d'enfermement inhumaines sans inculpation ni possibilité d'avoir un avocat, exécutions sommaires, mensonges à tous les niveaux, matraquage intensif de propagande, recours aux enfants pour espionner les parents, bref si vous avez le coeur bien accroché, partez pour Berlin Est dans les années 70 au coeur du « paradis socialiste » où ne vous attendra aucun enfant de choeur.
Ca se lit très bien, c'est très bien documenté au point qu'on ne peut s'empêcher de frissonner en pensant à ce qu'ont subi nos voisins dont le seul tort était d'habiter du mauvais côté du rideau de fer
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critiques presse (1)
LaPresse
07 février 2017
Thriller passionnant, à l'ambiance sombre, ce premier polar de Young nous entraîne dans les méandres glauques d'un système répressif où il n'est pas bon d'être trop curieux !
Lire la critique sur le site : LaPresse
Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Schmidt les ramena vers le Mur et les empreintes de pas, à une vingtaine de mètres du périmètre de sécurité où gisait le corps. S’agenouillant dans la neige, il fit signe à Müller de l’imiter. — Voilà, camarade Müller, dit-il en prenant une enveloppe dans sa poche. Regardez, voici une photo des chaussures que porte la victime. Müller sortit la photo de l’enveloppe en fronçant les sourcils. — Où avez-vous eu ça si vite ? Schmidt sourit en lui mettant sous le nez l’appareil suspendu à son cou. Il était plus petit que le Praktica dont il s’était servi tout à l’heure et avait l’air à la fois de moins bonne qualité et moins solide. — C’est un Foton. Un appareil photo instantané soviétique. Il ne paie pas de mine, mais il donne d’aussi bons résultats que les fameux Polaroid américains. Bref, regardez la photo. Remarquez-vous quelque chose de bizarre ?
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Il l’observait tandis qu’elle coiffait ses mèches emmêlées avec la brosse de Koletta. — Tu ferais mieux de me laisser nettoyer la brosse quand tu auras fini, observa-t-il. Leurs regards se croisèrent : bleus comme ceux de Müller, ses yeux semblaient particulièrement lumineux pour quelqu’un qui avait avalé autant de vodka la veille. Son sourire narquois était de retour. — Ma femme est brune. — Ferme-la, Werner, cracha Müller à son reflet tout en ôtant le vieux mascara avec un des cotons démaquillants de Koletta. Il ne s’est rien passé. — Tu en es sûre, hein ? Ce n’est pas tout à fait conforme à mon souvenir. — Il ne s’est rien passé. Tu le sais aussi bien que moi. Restons-en là. Le sourire de Tilsner frôlait la concupiscence ; Müller se força à se souvenir, malgré le brouillard de la gueule de bois. Rougissante, elle essaya de se persuader qu’elle avait raison. Après tout, elle avait dormi tout habillée et sa jupe était assez moulante pour prévenir toute intrusion indésirable. Elle se retourna, lui arracha la tasse des mains et avala deux longues gorgées alors que la vapeur s’élevant du café embuait le miroir glacial de la salle de bains. Passant derrière elle, Tilsner s’empara du coton maculé de mascara qu’il fourra dans sa poche. Puis il entreprit de retirer à l’aide d’un peigne les cheveux blonds coincés dans la brosse. Müller leva les yeux au ciel. Il était clair que le salaud n’en était pas à son coup d’essai. Sans se regarder, les deux collègues descendirent l’escalier, traversèrent le hall d’entrée aux murs lépreux et sortirent de l’immeuble en cette matinée hivernale. Müller repéra leur Wartburg banalisée garée le long du trottoir d’en face. À sa vue, elle se rappela certains détails de la veille, comme l’insistance de Tilsner pour l’emmener chez lui et lui offrir un café qui la dégriserait – et qu’importe s’il conduisait en état d’ivresse. Müller se frotta le menton et se souvint en un éclair de la barbe de Tilsner lui râpant le visage, du contact de ses lèvres sur les siennes. Que s’était-il passé ensuite ? Ils montèrent dans la voiture, et Werner prit le volant. Il tourna la clé de contact, faisant briller sa montre coûteuse à la faible lueur du jour.
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Il échangea une poignée de main avec les trois collègues avant de se diriger vers la sortie du cimetière. En le regardant s’éloigner, Müller se demanda quel genre d’enquête on venait de leur confier. Une affaire dans laquelle un officier supérieur de la Stasi rechignait à partager des informations avec ses propres collègues. Elle leva les yeux vers le ciel et les nuages de plus en plus sombres avant de lancer un regard à Tilsner. Son sourire sarcastique avait disparu pour laisser place à de l’appréhension, presque à de la peur.
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Il ne sommeillait que depuis quelques minutes, et voilà que cette lumière l'aveuglait. Il compta jusqu'à dix. Quand la lumière s'éteignit, Gottfried se recoucha sur le côté, plia la couverture en deux. Il compta jusqu'à soixante. Jusqu'à cent . La lumière se ralluma. On la contrôlait depuis l'extérieur. On le torturait à coups de lumière clignotante, mais la couverture pliée en deux le protégeait bien et il finit par s'assoupir.
Il y eut un fracas métallique quand le guichet de la porte s'ouvrit, laissant apparaître le visage bouffi d'une garde.
_ Ne touchez pas la couverture, hurla-t-elle. Visage découvert, couchez-vous sur le dos !
Gottfried était trop épuisé pour demander pourquoi, où il était et ce qu'on lui reprochait.
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Ils longèrent la Spandauer Damm jusqu'à ce que le château de Charlottenburg surgisse à leur gauche. Quittant la route des yeux, Müller risqua un rapide coup d'oeil quand ils s'arrêtèrent au feu rouge. C'avait beau être un symbole de luxe, de privilège, de tout ce que la RDA combattait, Müller dut bien admettre en s'engageant dans Schlossstrasse où était situé leur hôtel que c'était un château magnifique avec sa tour centrale au dôme recouvert de cuivre, son toit de tuiles rouges et ses nombreuses ailes en pierre de taille couleur crème. Privilégiée ou pas, la personne qui en avait ordonné la construction avait bon goût.
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