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EAN : 9782070449934
240 pages
Gallimard (10/01/2013)
3.88/5   2466 notes
Résumé :
Comment Alceste, qui n'aime que la vérité, la sincérité, la droiture, lui qui est la rigidité faite homme, comment a-t-il pu s'éprendre de Célimène, qui représente tout ce qu'il déteste: l'hypocrisie, la légèreté, le persiflage, les apparences? Il a pourtant bien succombé aux charmes de la jeune veuve, et voudrait qu'elle ne se consacre qu'à lui, qu'elle renonce à cette mondanité qu'il hait tant. Évidemment, elle n'en a aucunement l'intention: c'est tout l'enjeu de ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (121) Voir plus Ajouter une critique
3,88

sur 2466 notes
Je sais que je vais en faire rugir certain(e)s, mais je vais donner un avis sincère, honnête et qui n'engage que moi.
J'ai relu récemment cette pièce de Molière (chose qui ne nous arrive pas forcément si souvent car il nous reste le plus communément quelques vagues souvenirs du collège), auteur que j'adore à mille égards, et ai par conséquent une image très fraîche en tête.
Et donc, au risque de défendre une hérésie, je crois que cette pièce, contrairement à nombre d'autres de l'auteur, à fort mal vieilli, que les clefs d'écriture en sont assez grossières et que son comique reste à chercher.
Je sais, vous allez me parler du "message", qui n'a pas pris une ride, et patati et patata...
Franchement, entre quatre yeux, vous n'avez rien lu de plus fort, pêchu ou mieux senti, voire mieux exprimé pour évoquer ce même "message" ? Sans chercher bien loin je pourrais vous en citer une bonne brochette et d'autre calibre si vous me le demandiez.
D'ailleurs, même chez Molière, dans d'autres pièces on trouve mieux sur cette question. Je me suis donc mortellement ennuyée à la relecture. (Je n'avais plus aucun souvenir valable pour me faire une opinion, ceci n'est peut-être pas si anodin que cela, d'autres pièces, même en mes jeunes années. m'ont durablement marquée.)
Cela reste du Molière, ce n'est pas insupportable, Alceste a quelque chose auquel on aime s'accrocher, mais ça sent très fort la naphtaline, et je ne la conseillerais pas à quelqu'un désireux de découvrir notre "Magic Molière", lui qui a su faire tellement, tellement mieux dans d'autres pièces.
Qui suis-je donc pour dédaigner ainsi l'un de nos fleurons nationaux en matière de théâtre ? Je sais bien que nombreuses sont les personnes qui considèrent cette pièce comme un pur joyau, mais vous le noterez, les arguments de bas étage que j'évoque ne sont que mon misérable petit avis, mon ressenti brut, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Je n'ai pas ouvert un livre de Molière depuis le collège, ce qui fait presque vingt ans. Oui, je sais c'est long, mais bon, je n'ai jamais trouvé que mes chers professeurs savaient nous donner le gout de la lecture, mais ceci est un autre sujet.

J'en reviens donc au Misanthrope, que j'ai lu pour pouvoir lire un autre livre. Je voulais lire Un homme trop facile, de Eric-Emmanuel Schmitt dans lequel un acteur de théâtre va rencontrer le véritable Alceste, le personnage.

Impossible de lire ce livre sans avoir lu le misanthrope au préalable. Et me voilà donc plongé dans une pièce de Molière. Bon, je dois avouer que j'y allais un peu à reculons, mes souvenirs du collège ne m'avaient pas plus captivé.

Et là, surprise ! J'ai adoré ! Cette pièce n'a pas pris une ride et dénonce la société telle qu'elle l'était à l'époque, et surtout telle qu'elle l'est encore de nos jours. Ne pas dire ce que l'on pense des gens, paraitre aimable en toute circonstance, les sourires, les faux-semblants, l'hypocrisie. Toute l'absurdité de la société est décrite avec justesse dans cette pièce.

Célimène est le personnage que tout le monde se dispute mais qui est la personne la plus détestable de la pièce. J'ai bien aimé sa façon d'être, un vraie peste qui se moque de tout le monde et profite de la vie tout en sachant détourner les codes de la société.

Alceste est à l'opposé de Célimène. Lui, est honnête, il dit ce qu'il pense en toute circonstance et ne se rends pas compte des problèmes qu'il peut s'attirer.

La relation entre Alceste et Célimène est forcément très complexe car même si on aimerait voir les deux personnages terminer ensemble, les choses sont bien plus compliqués et que chacun des deux protagonistes campe sur ses positions.

Criante de vérité, pas vraiment très drôle et un brin moralisatrice, et surtout toujours d'actualité de nos jours. J'ai adoré de bout en bout, si bien que je pense me lancer prochainement dans d'autres pièces de Molière.
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Dans - le goût des autres - ce superbe film d'Agnès Jaoui, Castella-Bacri, homme frust(r)e aux entournures, tombe amoureux de - Bérénice - la pièce de Jean Racine, et de son interprète.
Pourquoi initier cette critique ainsi ?
Parce que je suis persuadé que les chefs-d'oeuvre en littérature, et le théâtre est littérature, les chefs-d'oeuvre ne s'empoussièrent pas avec le temps, ne se naphtalinent pas au prétexte que les temps et leurs codes ( terme générique ) changent.
Ainsi lis-je avec autant d'intérêt et d'émotion des pièces de Sophocle, d'Aristophane, de Corneille, de Racine, de Baumarchais, de Dumas, d'Hugo, de Rostand, de Guitry, de Giraudoux, de Camus, de Sartre, de Tchekhov, de Gogol, de Gorki, de Shakespeare ( j'ai une véritable passion pour Macbeth ), de Tennessee Williams, de Miller, de Brecht, de Beckett, de Ionesco, de Pinter, de Yasmina Reza, de Nathalie Sarraute, d'Ariel Dorfman, de Christopher Hampton...o.k. o.k o.k o.k comme dirait Jonasz...
J'ai vu 100 fois, j'exagère... plutôt 99..., la trilogie de Pagnol - Marius - - Fanny - - César - ( pas au théâtre, hélas ! )... et je ne m'en lasse pas.
Donc, retrouver Alceste le plus droit, le plus loyal, le plus honnête et le plus rigoureux des hommes qui, dans sa vertu paroxystique, hait un monde qui est tout son contraire, un monde d'apparences, de mensonges, de fourberies, de trahisons, de compromissions et de lâchetés, c'est se confronter à une comédie de moeurs qui, si elle a troqué des rubans contre des dreadlocks, des perruques contre des implants capillaires, la céruse contre le botox, reste notre quotidien.
Ce petit salon dans lequel évoluent Célimène la coquette médisante, Arsinoé son amie et rivale faussement prude et authentiquement jalouse, Éliante sa cousine bonne et vertueuse, Philinte, l'ami dévoué d'Alceste, homme qui oppose à la misanthropie de ce dernier une antonymie qui pourrait s'apparenter à la philanthropie si elle n'était pas nimbée d'un peu trop d'indulgence et de complaisance, les petits marquis que sont Oronte "le poète" vers de terre peu reluisant, oisif dont la seule gloire est d'être de ceux qui assistent matin et soir au lever et au coucher du Roi Soleil assis sur son trône d'aisance, Acaste et Clitandre tous deux aussi superficiels qu'inutiles, ce salon n'est-il pas l'allégorie d'un monde qui, si quelques-unes de ses formes ont changé, a pour autant maladivement gardé le même fond tout autant gangrené par le côté sombre, malsain et équivoque de l'humaine nature ?
Alceste notre misanthrope a donc un talon d'Achille qui se nomme Célimène, dont il est jalousement et atrabilairement épris. Arsinoé et Éliante sont amoureuses de cet homme inflexiblement grincheux. Philinte aime Éliante et nos trois marquis se disputent les faveurs de la belle Célimène.
C'était un petit rappel pour ceux qui auraient oublié ( je n'y crois pas mais dans le doute...) ou un court résumé pour ceux qui ne connaissent pas encore la pièce... il y en a chez les jeunes lecteurs... et chez les moins jeunes.
Naturellement, pour savoir comment se dénouera l'intrigue, je vous invite à lire ce chef-d'oeuvre de Molière dont je reste persuadé qu'il continue de nous parler, de nous interroger, de nous instruire... et moi de m'émouvoir...
À titre d'exemple, prenons la scène du sonnet. Combien vois-je autour de moi sur les réseaux sociaux, agitant leurs grelots de postulants à la Pléiade ou à l'Académie, d'Oronte 2.0 ?
Savez-vous qu'il y a en France aujourd'hui plus " d'auteurs " que de lecteurs ?
Qu'en aurait pensé Molière ?
Et ces nouveaux génies de la littérature, pareils au petit marquis, ne doutent pas un seul instant de leur talent... et gare s'il se trouve un Alceste pour nuancer leurs certitudes ! Comme lui, il sera mis au ban et contraint à l'exil...
Non, le monde est bien resté ce qu'il était au temps où Jean-Baptiste Poquelin le tartuffait.
L'homme est un animal culturel complexe, écartelé entre son aspiration à la vérité incarnée par Alceste, ses vanités dont Oronte nous est une figure familière, son désir de plaire que Célimène nous renvoie à travers un miroir où nous nous mirons souvent, sa quête de l'absolu, de l'inaccessible dont la douce Éliante à la manière d'un Don Quichotte nous murmure qu'elle devrait être notre essentiel.
Mais au mieux, pouvons-nous nous estimer satisfaits lorsque nous parvenons â être des Philinte, des hommes honnêtes.
Pour conclure et pour étayer mon long propos, un quatrain dodécasyllabique que j'ai écrit avec la plume d'Oronte et la lucidité d'Alceste.
ÉCRIVAILLEURS

Tu écris, il ou elle écrit, nous écrivons
Imbus et convaincus de posséder le don
Mais de tous ces mots sans honneur qui sont légion
Sache que le dernier reviendra au pilon...

Lisez ou relisez Molière, ça fait le plus grand bien !

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Rousseau détestait Molière, et singulièrement "Le Misanthrope". Cet ayatollah de jean-Jacques, si révolutionnaire par ailleurs, voulait, à cause du Misanthrope , interdire le théâtre dans sa république idéale...trouvant immoral qu'on rie d'un personnage aussi sincère et vertueux qu'Alceste, ( qui lui ressemblait tant, à lui, Rousseau..)

Alceste est malheureux, mal dans sa peau et mal dans son siècle:
trop sincère, trop d'une pièce, peu rompu aux usages d'une civilité qui frise bien souvent l'hypocrisie, et bien éloigné du type idéal de l'honnête homme tel que le concevait le siècle classique- ayant de la culture sans en faire un étendard du bon goût, courtois et mesuré dans ses propos, recherchant la compagnie des hommes sans prétendre les réformer et celle des femmes sans leur faire la morale - un pessimiste " cool" en somme...

Alceste aurait été tout à fait dans le coup deux siècles plus tard: les romantiques l'auraient adoubé sans façon, il se serait fait pote avec les deux Alfred, aurait ruminé avec l'un, soupiré avec l'autre, aurait mis son gilet rouge à la Gautier devant les rimailleurs de salon, et préféré converser gentiment confitures avec Aurore Dupin Dudevant ( plus connue sous le nom de George Sand) plutôt que d'écouter cette langue-de-pute de Célimène tailler des croupières à tous ses amis..

Ce léger décalage horaire est le drame d'une belle pièce comme "le Misanthrope". Alceste y est ridicule pour son temps et bien dans son genre , la comédie, ou pathétique, plus dans son genre et pas encore dans son temps - selon le point de vue qu'on adopte...

Le rire y est donc toujours un peu douloureux, la tristesse un peu déplacée...

Pour en comprendre toutes les subtilités il faut revoir le film "Alceste à bicyclette".

Délices du jeu de Lucchini / Wilson et échangisme virtuose des rôles d' Alceste et Philinte...
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Molière est l'auteur de théâtre que les écoliers français apprennent le plus à connaître. Sans doute est-ce aussi pour ça que c'est celui vers qui ils se tournent le moins, en grandissant. Ce fut mon cas, et j'ai plutôt cherché à découvrir Shakespeare qui m'avait été plutôt caché dans l'enseignement.

J'y reviens aujourd'hui, à la faveur des challenges Babelio, mais aussi d'une adaptation moderne, vue en Avignon récemment. Comme je parle d'Avignon, vous vous doutez bien que le récemment est tout relatif, on parle bien sûr de l'été 2019 (mon dieu que ça paraît loin !). Je me permets du coup un petit aparté car je sais que les adaptations libres des classiques (avec coupure s'il le faut) en agacent certaines (et même de mes amies babeliotes). le travail de la compagnie Viva m'a néanmoins permis de découvrir Othello, Roméo et Juliette, Andromaque sur scène, sans forcément passer cinq heures dans une salle, ce qui n'est plus possible de nos jours. Et l'éclairage donné à ces classiques fut un réel plaisir. Pour ce qui est du Misanthrope, j'ai cru repérer quelques coupes, mais elles furent plus modestes, le texte de Molière étant moins débordant que celui de ce cher Bill ou même de Monsieur Racine.

Revenons donc à la langue de Molière justement, et ce n'est pas anodin que l'expression soit construite ainsi. Je crois qu'étant enfant, je ne pouvais m'imaginer les gens du XVIIème que parlant comme les personnages de Molière, alors que la langue très affectée et construite par le vers était forcément bien loin des discussions du quotidien. La musique reste pourtant douce à nos oreilles, et le premier acte du Misanthrope notamment semble tellement familier, que l'on ne peut que considérer cette langue comme maternelle. J'ai pris un réel plaisir à déclamer la plupart du texte, tentant certains tons modernes mais toujours tellement satisfait d'une musicalité qui tombe juste. Les notes de l'édition que j'avais m'ont surtout permis de relever que beaucoup des tournures vieillies étaient surtout des fautes de français destinées à satisfaire les pieds, la rime ou le rythme de la pièce. Molière est loin d'être irréprochable en grammaire.

Pour ce qui est du thème de la pièce, j'ai également appris à quel point elle était autobiographique. Cet Alceste droit dans ses bottes face aux minauderies et aux hypocrisies de son temps, mais tout à la fois perdu quand ses sentiments le poussent à aimer ce qu'il déteste en la belle Célimène, c'est totalement Molière. Malgré le côté vieilli des affaires de cour, le propos reste bien moderne, car la franchise de notre époque reste évidemment de façade et l'homme n'a pas abandonné les mesquineries des bons usages à respecter même avec les gens qu'on déteste.

Si l'image du Misanthrope reste gravée dans les esprits comme celle d'un homme aigri et peu avenant, et donc à fuir, ma lecture m'a plus poussé à le plaindre. Il est compliqué de chercher à respecter ses idéaux face au monde et on en ressort brisé, seul et malheureux. Personne finalement ne ressort indemne de l'affrontement provoqué par ce Misanthrope dans cette petite société, les amoureux flatteurs éconduits, la coquette délaissée et cantonnée à la futilité de sa jeunesse. Seul Philinte, dont l'amitié est pourtant contestée dès les premières lignes reste peut-être le personnage le plus sincère, accompagnant Alceste jusqu'au vers ultime.
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Citations et extraits (179) Voir plus Ajouter une citation
ALCESTE
Non, elle est générale, et je hais tous les hommes :
Les uns, parce qu’ils sont méchants, et malfaisants ;
Et les autres, pour être aux méchants, complaisants,
Et n’avoir pas, pour eux, ces haines vigoureuses
Que doit donner le vice aux âmes vertueuses .
De cette complaisance, on voit l’injuste excès,
Pour le franc scélérat avec qui j’ai procès ;
Au travers de son masque, on voit à plein le traître,
Partout, il est connu pour tout ce qu’il peut être ;
Et ses roulements d’yeux, et son ton radouci,
N’imposent qu’à des gens qui ne sont point d’ici.
On sait que ce pied plat, digne qu’on le confonde,
Par de sales emplois, s’est poussé dans le monde :
Et, que, par eux, son sort, de splendeur revêtu,
Fait gronder le mérite, et rougir la vertu.
Quelques titres honteux qu’en tous lieux on lui donne,
Son misérable honneur ne voit, pour lui, personne
Nommez-le fourbe, infâme, et scélérat maudit,
Tout le monde en convient, et nul n’y contredit.
Cependant, sa grimace est, partout, bienvenue :
On l’accueille, on lui rit ; partout, il s’insinue ;
Et s’il est, par la brigue, un rang à disputer,
Sur le plus honnête homme, on le voit l’emporter.
Têtebleu, ce me sont de mortelles blessures,
De voir qu’avec le vice on garde des mesures ;
Et, parfois, il me prend des mouvements soudains,
De fuir, dans un désert, l’approche des humains.

PHILINTE
Mon Dieu, des mœurs du temps, mettons-nous moins en peine,
Et faisons un peu grâce à la nature humaine ;
Ne l’examinons point dans la grande rigueur,
Et voyons ses défauts, avec quelque douceur.
Il faut, parmi le monde, une vertu traitable,
À force de sagesse on peut être blâmable,
La parfaite raison fuit toute extrémité,
Et veut que l’on soit sage avec sobriété.
Cette grande raideur des vertus des vieux âges,
Heurte trop notre siècle, et les communs usages,
Elle veut aux mortels, trop de perfection,
Il faut fléchir au temps, sans obstination ;
Et c’est une folie, à nulle autre, seconde,
De vouloir se mêler de corriger le monde.
J’observe, comme vous, cent choses, tous les jours,
Qui pourraient mieux aller, prenant un autre cours :
Mais quoi qu’à chaque pas, je puisse voir paraître,
En courroux, comme vous, on ne me voit point être ;
Je prends, tout doucement, les hommes comme ils sont,
J’accoutume mon âme à souffrir ce qu’ils font ;
Et je crois qu’à la cour, de même qu’à la ville,
Mon flegme est philosophe, autant que votre bile.
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ALCESTE
Je veux qu'on soit sincère, et qu'en homme d'honneur
On ne lâche aucun mot qui ne parle du coeur.

PHILINTE
Lorsqu'un homme vous vient embrasser avec joie,
Il faut bien le payer de la même monnoie,
Répondre comme on peut, à ses empressements,
Et rendre offre pour offre, et serments pour serments.

ALCESTE
Non, je ne puis souffrir cette lâche méthode
Qu'affectent la plupart de vos gens à la mode ;
Et je ne hais rien tant que les contorsions
De tous ces grands faiseurs de protestations,
Ces affables donneurs d'embrassades frivoles,
Ces obligeants diseurs d'inutiles paroles,
Qui de civilités avec tous font combat,
Et traitent du même air l'honnête homme et le fat.
Quel avantage a-t-on qu'un homme vous caresse,
Vous jure amitié, foi, zèle, estime, tendresse,
Et vous fasse de vous un éloge éclatant,
Lorsque au premier faquin il court en faire autant?
Non, non, il n'est point d'âme un peu bien située
Qui veuille d'une estime ainsi prostituée,
Et la plus glorieuse a des régals peu chers
Dès qu'on voit qu'on nous mêle avec tout l'univers.
Sur quelle préférence une estime se fonde,
Et c'est n'estimer rien qu'estimer tout le monde.
Puisque vous y donnez, dans ces vices du temps,
Morbleu! vous n'êtes pas pour être de mes gens ;
Je refuse d'un coeur la vaste complaisance
Qui ne fait de mérite aucune différence ;
Je veux qu'on me distingue ; et, pour le trancher net,
L'ami du genre humain n'est point du tout mon fait.
Molière - Le Misanthrope (Acte I, scène 1)
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Le Misanthrope de Molière a toujours des lumières d’actualité. Molière choisit le caractère misanthrope de son personnage pour peindre le tableau de sa société. Quoi de mieux qu’un misanthrope pour dénoncer celle-ci ? C’est par Alceste qu’il va pouvoir refléter le miroir du monde.

Alceste est un misanthrope mais contradictoire. Il est épris de Célimène qui est l’antithèse de lui-même. Alceste a un sens prononcé du mérite et dénonce ceux qui « traitent du même air, l’honnête homme et le fat ». Philinte, par opposition à son ami, pense qu’on doit respecter la convenance, et refuser la franchise totale. Au-delà, une question d’ordre philosophie morale peut être posée : peut-on tout dire ?

Aussi, la question du langage et de la tromperie est esquissée dès l’acte II avec Célimène. Alceste dira : « Mais qui m’assurera que, dans le même instant / Vous n’en disiez, peut-être, aux autres tout autant ? ». C’est que le langage est une résonance dans l’air, et les paroles s’en vont, sans pour autant montrer une preuve de leur véracité. L’amour comme le langage comporte une part d’incertitude.

L’hypocrisie est le fil rouge de cette comédie. Dans l’acte III, scène 5 : la cour est critiquée ainsi que ses louanges, ses titres d’honneur. Alceste refuse de « jouer de forts sots personnages ». C’est que l’honnête homme devient peu à peu un bon acteur qui doit tenir son rôle sur la scène du monde. Alceste refuse cette culture de l’image.

Que dire du comique ? Molière voulait élever la comédie à un ordre moral. Certains s’étonneront et diront : où est le comique ? On peut rire d’une qualité, pas que d’un défaut. Alceste est un honnête homme, au sens premier du terme. Il tente de faire preuve de courtoisie, et craint de blesser ( acte I, scène 2) : « Je ne dis pas cela ». Alceste préfère la pureté du langage, sans artifice, ce qui fait écho à l’idéal classique qui cherche la nature.

Est risible chez Alceste sa raideur et son insociabilité. Son honnêteté est risible dans la mesure où elle se transforme en pratique intransigeante, rigide. A tel point qu’il va se retirer dans le désert, ce qui est une mort sociale. Ce franc parler choque, percute. Certes, il est en règle avec la morale mais pas avec la société ( voir Bergson, Le Rire, comique de caractère). Le rire est un rappel contre « le raidissement de la vie sociale ».

Rien n’a changé, en fait ( ou presque). Notre monde est aussi un théâtre : hypocrisie, jeu de rôle ( paraître), incertitude du langage et de l’amour, tels des acteurs qui jouent sur scène. Le Misanthrope de Molière est un incontournable, et son questionnement sur la nature humaine le rend plus que nécessaire. Il est aussi un glorieux souvenir du classicisme, dans la majesté des alexandrins, et la clarté du langage.
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ELIANTE : L’amour, pour l’ordinaire, est peu fait à ces lois,
Et l’on voit les amants vanter toujours leur choix ;
Jamais leur passion n’y voit rien de blâmable,
Et dans l’objet aimé tout leur devient aimable ;
Ils comptent les défauts pour des perfections,
Et savent y donner de favorables noms.
La pâle est aux jasmins en blancheur comparable,
La noire à faire peur, une brune adorable ;
La maigre a de la taille et de la liberté ;
La grasse est dans son port pleine de majesté ;
La malpropre sur soi, de peu d’attraits chargée,
Est mise sous le nom de beauté négligée ;
La géante paraît une déesse aux yeux ;
La naine, un abrégé des merveilles des cieux ;
L’orgueilleuse a le cœur digne d’une couronne ;
Le fourbe a de l’esprit, la sotte est toute bonne ;
La trop grande parleuse est d’agréable humeur,
Et la muette garde une honnête pudeur.
C’est ainsi qu’un amant dont l’ardeur est extrême
Aime jusqu’aux défauts des personnes qu’il aime.
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Allons, c'est trop souffrir les chagrins qu'on nous forge:
Tirons-nous de ce bois et de ce coupe-gorge.
Puisque entre humains ainsi vous vivez en vrais loups,
Traitres, vous ne m'aurez de ma vie avec vous.
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Vidéo de  Molière
MOLIÈRE – Variations sur les fêtes royales, par Michel Butor (Genève, 1991) Six cours, parfois coupés et de qualité sonore assez passable, donnés par Michel Butor à l’Université de Genève en 1991.
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Les gens sont fourbes et méchants.
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